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 RESPECT ET VERITE
Ch.02: Laïcité vs religion et Islam

02 : laïcité vs religion et Islam

Quidam :
Vaste programme, mais cette façon de mettre en avant un schéma menant à une réalisation de l'homme, est-ce que ça n'a pas un côté un peu trop religieux pour prendre une place politique dans notre société fondamentalement laïque ?

PG :
D'abord, c'est plutôt une philosophie universelle de l'humain qu'un dogme religieux. Mais qu'importe. Qu'est-ce que la laïcité ?

Quidam :
C'est le fait de maintenir une séparation entre l'Etat et la religion. Les institutions religieuses sont exclues de l'exercice du pouvoir d'Etat. Et elles n'ont pas non plus leur place à l'école ou dans l'administration.

PG :
Oui, c'est à peu près la définition qu'on peut en donner. C'est une louable intention que de laisser le pouvoir temporel hors des mains des institutions à vocation spirituelle. L'histoire, qu'elle soit ancienne ou en train de s'écrire chaque jour, nous démontre à n'en plus finir que les autorités religieuses tendent trop souvent à manquer de la tolérance nécessaire pour permettre la cohésion d'une société aussi diverse que les humains qui la composent. Cette séparation de l'église et de l'Etat est donc une affirmation de la neutralité religieuse des pouvoirs publics, et donc également de la tolérance et de la liberté de culte.
Mais pour autant, est-ce que ça doit se traduire par l'exclusion de la religion des affaires publiques ? Et notamment de l'enseignement ?

Quidam :
Absolument ! Il n'appartient pas à l'Education Nationale de promouvoir la religion. C'est aux parents de transmettre à leurs enfants leurs valeurs religieuses.

PG :
Oui, j'ai déjà entendu cet argument, mais je dois dire que je le trouve aussi stéréotypé et contre-productif que la politique de l'autruche. Car que se passe-t-il en fait ? D'un côté les parents religieux transmettent leur religion, avec toutes les limites de la connaissance imparfaite qu'ils en ont, et de l'autre les parents non pratiquants ou matérialistes font l'impasse sur la question, laissant leurs enfants dans l'ignorance de ce sujet. Et ces individus grandissent, certains se posent des questions, et se retrouvent alors désarmés, donc paumés, devenant des proies faciles pour les extrémismes divers ou les vendeurs d'antidépresseurs.
La neutralité de l'Etat vis-à-vis de la religion pourrait très bien aussi se concevoir par l'enseignement équilibré des différentes grandes religions, à tous les enfants du secondaire, dans une perspective comparative qui permette que chacun en comprenne les points communs et les différences, tout comme nous enseignons déjà la philosophie dont la nuance avec la religion est parfois ténue. Ne croyez-vous pas que ce serait une façon bien plus constructive de promouvoir l'ouverture et la compréhension entre les adeptes des différentes croyances ? L'opposition entre les religions ne vient-elle pas d'abord du fait qu'elles ne se connaissent pas ? Si les chrétiens arrêtaient de croire que les musulmans sont élevés dans la culture du massacre des autres religions et découvraient, ô surprise, que l'Islam prêche au bon musulman la générosité, l'honnêteté, la droiture, la tolérance, bref, ce que Jésus a en son temps prêché également, tout comme Bouddha avant lui, et que les Dix Commandements de Moïse s'efforçaient aussi déjà de promouvoir, alors les humains se comprendraient mieux et se rapprocheraient au lieu de s'opposer par peur et ignorance.
Si la responsabilité de l'Etat s'étend à promouvoir une vie en société harmonieuse, ce qui me semble indubitable, alors rester ainsi absent du terrain religieux à cause d'une compréhension étroite du principe de laïcité me parait une grave erreur dont nous voyons aujourd'hui les conséquences.

Quidam :
Est-ce que vous pensez à l'islamisation en disant cela ?

PG :
La montée de l'Islam en France est un phénomène qui a le mérite de pointer du doigt nombre de lacunes de notre société. D'abord il montre que le matérialisme officiel est en faillite car il n'a pas su répondre aux aspirations intérieures, spirituelles, des individus. Personnellement, je n'ai encore réussi à trouver un sens ni à l'existence ni au monde hors des considérations spirituelles. Et je crois que toute personne qui se pose sérieusement cette question en arrive également à la conclusion que le matérialisme n'offre pas de réponse. Alors nombre de gens sont en recherche. Certains se tournent vers des mouvances chrétiennes, d'autres vers des philosophies-religions orientales, d'autres encore vers l'ésotérisme, et certains se tournent vers l'Islam.
Mais l'Islam a ceci de particulier qu'il est né dans un pays austère. Et il prêche l'austérité et le rigorisme d'autant plus de nos jours que l'afflux de pétrodollars détourne une partie de ses fidèles traditionnels vers des aspirations bien plus matérielles. Du coup, il sert de bannière de ralliement à diverses sociétés pauvres qui s'opposent à nos modes de vies consuméristes, essentiellement d'ailleurs par simple jalousie, parce qu'elles en sont exclues. De la même manière, au niveau national, s'y rallie tout un tas de gens en délicatesse avec une société qui les a délaissés et où ils ne se voient pas de futur. L'Islam est devenu un vecteur de révolte sociale, tant dans notre société que dans le monde.

Quidam :
Révolte, révolte, il me semble que c'est bien plus que ça. L'Islam porte un fanatisme intégriste qui menace directement nos sociétés fondées sur des valeurs judéo-chrétiennes. Le droit des femmes est nié et la tolérance absente. Ils veulent imposer la charia au monde et instaurer une dictature religieuse.

PG :
Je suis navré de vous le dire ainsi mais vos propos naissent de la peur et de l'ignorance.
D'abord que dit l'Islam ? Son message est très simple et tient en une courte phrase : « Il n'y a de dieu que Dieu ». En quoi est-ce qu'une telle affirmation peut poser problème dans une société à fondement judéo-chrétien, alors que tant le Judaïsme que le Christianisme affirment également l'existence d'un dieu unique ? Ces trois religions dites « du Livre », filles du hanifisme originel d'Abraham, partagent le même fondement et les mêmes valeurs. Elles ont ce qu'on pourrait appeler un tronc commun. Et pourtant, elles se tirent dans les pattes depuis toujours pour des prétextes de forme alors qu'elles se rejoignent sur le fond. Par exemple, les musulmans condamnent l'usage d'idoles et les représentations iconographiques, les chrétiens les adorent et cultivent les bondieuseries en tout genre. Ensuite, il y a les querelles de prophètes. Les juifs s'en tiennent à Moïse que les chrétiens honorent également mais en lui préférant Jésus, tandis que les musulmans les reconnaissent tous les deux mais privilégient la parole de Mohammed parce que rimée et en arabe. Mais il faut savoir que cette prédication déclarait vraies les révélations de Moïse et de Jésus, et précisait de surcroît que Jésus avait en plus l'Esprit Saint, impliquant donc qu'il était le plus accompli des prophètes. Les chrétiens s'offusqueront peut-être que Jésus soit considéré comme un simple prophète alors qu'ils l'assimilent à Dieu lui-même mais d'autres leur objecteront qu'ils soupçonnent ce Messie d'être devenu chauve à force de s'arracher les cheveux en voyant tant de doigts pointer vers lui qui pourtant ne pointait que vers Dieu. Mais c'est là encore une querelle dogmatique stérile. Fils de Dieu devenu Dieu et nous menant à son Père ou prophète indiquant la direction du Créateur, la destination est la même. Et c'est bien là le plus important au final : ils croient tous au même Dieu unique, qu'ils l'appellent Yahvé, Dieu ou Allah. D'un point de vue dogmatique, les lignes fondamentales concordent. Mais ainsi va la nature humaine toujours à chercher ce qui nous sépare plutôt que ce qui nous réunit.
Ensuite, parlons un peu de ces valeurs judéo-chrétiennes de notre société auxquelles vous faisiez référence. Il est toujours amusant d'entendre prêcher la laïcité un jour, mais les valeurs judéo-chrétiennes le lendemain, dès que quelque chose vient nous bousculer un peu dans notre léthargie. Si Jésus à dit « que celui qui est sans pêché jette la première pierre », c'est parce qu'en Judée, à l'époque, on lapidait les femmes adultères. Ce n'est pas propre aux arabes, ni à l'Islam. C'était une pratique régionale du Proche Orient, y compris chez les juifs. Vous vous affligez du pauvre statut de la femme dans la culture arabe, mais je vous rappelle que jusqu'au Moyen-âge les femmes n'avaient même pas d'âme. Et ce n'est qu'après-guerre que les suffragettes ont obtenu le droit de vote, plusieurs décennies après les femmes turques pourtant essentiellement musulmanes. Chez les grecs antiques, dont la culture fait aussi partie des piliers de notre civilisation occidentale, la femme était seulement juste au dessus de l'esclave alors que dans les sociétés barbares de Germanie ou de Gaule, elles avaient un statut bien plus égalitaire. Alors sommes-nous bien placés pour leur lancer la pierre ? Nous n'avons pas encore fini de nous extraire des fondements machistes de notre société. Balayons devant chez nous avant d'aller donner des leçons.
Vous craignez l'intégrisme ? Ce n'est qu'une partie des musulmans. Et ils ne sont pas plus représentatifs de la prédication du prophète Mohammed que l'inquisition n'était représentative du message de Jésus. S'ils sont forts actuellement, c'est peut-être simplement que l'Occident a créé des conditions générant beaucoup de mécontentement aussi bien dans de nombreux pays que dans de nombreux quartiers de notre propre nation, et que c'est là un terreau fertile pour les excités de tout poil. Une étude laïque, neutre et ouverte, des religions contribuerait grandement à limiter la propagation du fanatisme en évitant la confusion des genres.
Quant à vouloir imposer la charia, là, ce sont les musulmans qui sont dans l'erreur en n'ayant pas bien lu le Coran. Le Coran, et c'est écrit dedans en clair, est « la prédication en arabe pour les arabes ». Et il y est encore écrit que chaque peuple a droit à sa propre prédication et dans sa propre langue. Dès lors, prétendre généraliser, voire imposer, au monde entier les principes donnés spécifiquement pour les arabes relève d'une flagrante incompréhension des écrits coraniques dont ils se réclament. Et ce d'autant plus que le Prophète a aussi dit, et c'est écrit dans le Coran, « nulle contrainte en religion ». Ne serait-ce que parce que les différentes religions ne sont que des formes, que savent fort bien exploiter les nombreux émules de Tartuffe de par le monde, mais qui ne garantissent aucunement le fond : la foi, la relation personnelle avec Dieu.
On pourrait appeler ça le « complexe du peuple choisi » qui, sous prétexte d'avoir bénéficié d'une guidance divine par rapport à ses problèmes spécifiques, se croit du coup supérieur et avec une mission de propager la parole reçue. La réalité démontrée par l'histoire est bien différente : les prophètes et messies apparaissent là où les peuples en ont le plus besoin, donc là où ils sont le plus éloignés du chemin de Dieu. Etre béni de la venue d'un prophète est plutôt signe que la culture en question est en cruel besoin de redressement. Ainsi Moïse a-t-il donné les Dix Commandements à un peuple dévoyé, ainsi Jésus a-t-il chassé les marchands du temple pour que l'on cesse de confondre Dieu et Mammon, et ainsi Mohammed a-t-il chassé les idoles de la Kaaba en plus de donner un statut et des droits à la femme dans une culture qui la valorisait moins que le chameau. On peut aujourd'hui critiquer le fait qu'il ne soit pas allé assez loin, mais je pense qu'il a fait ce qu'il a pu pour l'époque et le contexte où cela s'est fait. Déjà qu'il lui a fallu recourir à un arbitrage de l'archange Gabriel pour innocenter sa femme préférée, Aicha, accusée d'adultère du seul fait d'avoir été secourue par un homme en plein désert alors qu'elle s'était endormie lors d'un déplacement de nuit et était tombée de son chameau sans que personne de la caravane ne s'en aperçoive… Un prophète est vite mis à mort s'il n'a suffisamment de sens de la diplomatie pour modérer l'impact de son ministère. Ce n'est pas la crucifixion de Jésus qui va démontrer le contraire.
Les orientaux, toujours prompts à la poésie, vous rappelleraient que le lotus fleurit dans la vase. Si vous voyez un lotus à côté de vous, c'est probablement que vous pataugez dans la vase. Mais si vous n'en voyez pas, cela peut aussi être qu'il y a trop de vase dans vos yeux… Attention au complexe de supériorité qui s'installe aussi vite dans un sens que dans un autre.

Quidam :
Certes, il faut rester humble vis-à-vis de sa propre culture, mais, en attendant, ma belle-sœur, qui est enseignante de sciences naturelles, se retrouve avec des élèves qui disent que, non, la Terre n'est pas ronde parce que ce n'est pas dans le Coran. C'est quand même une culture obscurantiste.

PG :
Et côté obscurantisme, l'église catholique en connaît un rayon, n'est-ce pas ? A l'époque de l'inquisition, ce sont les savants musulmans qui ont illuminé le monde de leurs sciences. Ce sont eux qui ont traduit les écrits des philosophes grecs en arabe, ce qui a permis aux érudits juifs de les traduire ensuite en latin afin que nous profitions aujourd'hui de cette sagesse antique. Alors encore une fois, avant de jeter la pierre… Tantôt une culture porte le flambeau, tantôt une autre. Le monde est fluidité et changement. Et cela se traduit aussi aux niveaux des différentes cultures de la planète, qui tour à tour apporte leur pierre à l'édifice de l'humanité. Ne diabolisons pas une tradition, une religion, une culture sur la base d'errements conjoncturels.
Je note au passage que l'Islam est né sept siècles après le christianisme, et qu'il fait également sa crise d'intolérance sept siècles plus tard environ. Curieuse coïncidence, n'est-ce pas ? Mais c'est là un sujet d'étude à part entière que je laisserai aux érudits de l'évolution de la pensée.
Alors pour en revenir au cas que vous citez, sous prétexte que cela ne concerne pas un enseignant d'une école laïque, votre belle-sœur ne connaît, de près ou de loin, ni l'Islam ni le Coran. Et elle n'a donc pas su quoi répondre à cet élève.

Quidam :
Et qu'auriez-vous répondu, vous ?

PG :
Tout simplement qu'il ne peut s'appuyer sur le Coran sur ce point parce que le Coran n'en parle pas. Tout comme le Coran ne parle pas des ondes radios, mais que ça n'empêche pas les musulmans d'avoir un téléphone portable dans la poche ni de regarder la télévision.
Un élève qui vous dit une chose pareille n'a que faire de la religion et du Coran. Il cherche simplement à vous défier comme le fait d'une façon ou d'une autre tout adolescent mal dans sa peau. Et il le fera d'autant plus facilement qu'il trouvera des zones floues pour vous prendre en défaut.
Maintenant pour reprendre mon idée de tout à l'heure, croyez-vous que cet élève a dit ça parce qu'il répète ou transpose un argument stupide qu'il a entendu chez lui, ou bien parce que l'Education Nationale, sous prétexte de laïcité, s'est refusée à lui apporter le savoir nécessaire pour comprendre et relativiser certaines choses ? Croyez-vous que si votre belle-soeur et vous-mêmes aviez reçu une instruction comparative sur les différentes grandes religions du monde vous vous seriez trouvés désarmés face à cette remarque provocatrice ?

Quidam :
Soit. Un point pour vous.
Mais au-delà de l'obscurantisme actuel, l'Islam a aussi tout un tas d'exigences qui débordent de plus en plus dans notre société. Les revendications islamiques se multiplient pour adapter les horaires d'entreprise au Ramadan, pour avoir des salles de prières, pour avoir des repas hallal dans les cantines scolaires et les restaurants d'entreprise, pour avoir des horaires de piscine réservés aux femmes, pour que leurs femmes ne soient pas examinées par un docteur homme, etc. La liste est longue.
Sans pour autant être raciste, je n'ai pas honte d'avouer que je fais partie de ceux qui pensent assez contradictoire que ces musulmans quittent leur pays d'origine parce qu'ils n'y trouvent pas un niveau de vie satisfaisant mais s'empressent de vouloir reproduire chez nous les mêmes conditions de sous-développement.

PG :
Comme quoi, c'est rassurant, les français n'ont pas le monopole de l'incohérence…
Il me semble que vous touchez précisément du doigt les excès dont le principe de laïcité se doit de préserver la société. Ce qui implique, soit dit en passant, que la laïcité ne devienne pas elle-même excessive : préserver des excès de la forme religieuse n'implique pas de devenir un obstacle au fond que constitue le besoin de spiritualité de l'être humain et sans lequel il lui sera très difficile d'atteindre à l'accomplissement auquel il aspire. Il faut donc rester ouvert aux divers cultes et écoles spirituelles, mais sans accepter qu'ils ne débordent sur autrui. L'enseignement public de la religion dans une perspective comparative a pour finalité de mieux se comprendre les uns les autres. Mais la pratique religieuse doit ensuite rester du domaine strictement privé. Dans cette optique, il n'est pas acceptable que des rites confessionnels, que ce soit le Ramadan et les cinq prières quotidiennes des musulmans, que ce soit le Shabbat, ou que ce soient d'autres prescriptions venant d'autres cultes, commencent à rythmer la vie de tout un chacun.
D'ailleurs, à propos du Ramadan, bien des gens se prétendent musulmans parce qu'ils pensent en respecter la forme alors qu'ils en trahissent l'esprit. Le Ramadan, avec son interdiction de manger et de boire du lever au coucher du soleil, est une période de privation destinée à inciter à l'intériorisation, à la recherche de Dieu en soi. Il est à ce titre tout à fait comparable au Carême chrétien, même si la forme en est un peu différente. Alors clairement, les goinfreries nocturnes entre amis ou en famille pour compenser l'abstinence diurne, ce n'est pas du tout l'esprit du Ramadan. Ce sont d'ailleurs souvent ces gens-là qui sont les plus fatigués et qui demandent avec le plus de véhémence des aménagements d'horaire. Ils n'ont qu'à dormir la nuit au lieu de festoyer en trahissant l'esprit de la religion qu'ils prétendent pratiquer. Alors non, il n'est pas question que la société s'adapte à ça. C'est aux musulmans de s'adapter à leur terre d'accueil. Par exemple en ne faisant pas le Ramadan le mois officiellement prévu pour cela par les autorités de La Mecque, mais lorsqu'ils peuvent prendre quatre semaines de congés pour s'y consacrer. Si la religion leur est aussi importante, y dédier leurs congés ne devrait pas être un problème. Et si ça l'est, c'est que la religion passe après les vacances et qu'elle n'est donc pas si importante que ça.
Par contre, il faut avoir l'honnêteté de la réciproque. Si on ne veut pas de l'appel du muezzin, il faut aussi savoir remettre en question les volées de cloches appelant les chrétiens à la prière dans les églises le dimanche matin, voire plus souvent. De nos jours les gens ont des montres ou des téléphones portables qui peuvent même être programmés pour rappeler l'heure de la messe.

Quidam :
Là, vous allez loin.

PG :
Non, je suis juste logique jusqu'au bout. Ce que nous demandons aux uns doit s'imposer de la même manière aux autres. C'est une condition essentielle pour que toutes les composantes de la société puissent trouver la satisfaction équitable de leurs besoins. Et puis, il y a de nombreuses personnes non musulmanes mais résidant près d'un clocher qui en ont ras-le-bol d'être réveillées à cinq heures du matin par la volée de cloche de l'Angélus. Ca relève du tapage nocturne à une heure pareille !
Mais n'allez pas imaginer que cette logique demande d'abattre les croix que l'on trouve un peu partout de par le pays. Ni qu'on rebaptise toutes les villes et tous les villages ayant une appellation en Saint ou Sainte quelque chose. Il ne s'agit pas de remettre en question les réalités historiques de ce pays. Il s'agit juste d'être équitable dans le présent. Même si cette équité et cette réciprocité ne sont guère de mise dans les pays musulmans, mais ça, c'est leur problème. Le nôtre, c'est de ne pas construire notre société en opposition à une autre, ce qui serait introduire un vice dans les fondations, mais de la bâtir pour nous, sur la base de valeurs justes et équitables, en réponse à nos aspirations, afin que chacun y trouve sa place.
Par contre, dans cette logique, il faudra probablement partager un peu l'attribution des jours fériés à connotation religieuse entre les grandes religions du monde, au lieu d'en laisser la maîtrise à la seule église catholique.

Quidam :
Là, vous pavez la voie pour ces intégristes qui réclament l'abrogation de la célébration de Noël dans les écoles au prétexte que c'est une fête chrétienne.

PG :
Enfin, Noël, c'est plus compliqué que ça. Les historiens ont acquis la certitude que Jésus n'était pas né à Noël. En fait, Noël est une fête païenne datant de bien avant la naissance de la chrétienté. C'est simplement la célébration du solstice d'hiver, tout comme la fête de la musique, lors du solstice d'été, fait écho à la fête préchrétienne des feux de Beltane, devenus feux de la Saint-Jean. Les autorités religieuses du début de la chrétienté ont trouvé habile d'y célébrer la naissance de Jésus afin que s'oublie progressivement l'origine païenne de cette célébration. Et elles y ont bien réussi. D'ailleurs, retour de karma, elles sont en train de subir le même sort, Jésus cédant chaque année davantage de terrain face au très mercantile Père Noël, habillé de rouge par Coca-Cola pour faire oublier son origine Saint-Nicolesque.
Alors ces gens qui refusent la célébration de Noël dans les écoles ne le font pas par opposition au christianisme, mais clairement pour exprimer leur non-intégration. Cependant, ils ont au moins le mérite de poser une question sur laquelle il faudra bien que nous nous penchions un jour : quelles sont les fêtes que la société veut fêter, quand, et dans quel but ? Car là aussi notre société prétendument laïque est en contradiction avec elle-même.

Quidam :
Je doute que vous trouviez beaucoup de soutien pour supprimer Noël.

PG :
Mais pourquoi en chercherais-je alors que je serais le premier à m'y opposer ? C'est une fête familiale que j'affectionne, en dehors de tout aspect confessionnel. Et elle est devenue si peu religieuse, que je la considère même davantage comme une tradition culturelle relevant des jours fériés à fixer par la République que de ceux à allouer à la chrétienté. Le seul reproche que je pourrais lui adresser, outre son côté trop mercantile, est de ne pas vraiment correspondre au jour du solstice d'hiver, afin de mieux marquer cet événement du calendrier. Mais je vais me faire taxer de paganisme…

Quidam :
Païen ou pas, pour ma part, je ne peux que reconnaître que notre calendrier très artificiel mériterait d'être un peu mieux calé sur les réalités astronomiques.
Mais à vouloir tout remettre en cause comme ça, je commence à vous soupçonner de faire partie des supporters du travail du dimanche.

PG :
Perdu ! Je suis plutôt contre. Non pour des raisons religieuses ni pour permettre à ceux qui le souhaitent d'aller à la messe, mais parce que je considère les relations humaines comme faisant partie du troisième besoin de la pyramide de Maslow. Or s'il n'y a pas dans la semaine un jour commun sans travail, du moins pour la grande majorité des gens dont le métier ne le nécessite pas, comment entretenir les virées entre amis ? Comment gérer les sorties familiales lorsque les deux conjoints n'ont pas les mêmes jours de repos ? Et si on rajoute la dimension loisir, alors là, on peut même carrément considérer que c'est le quatrième, voire le cinquième parfois, niveau de besoin qui est concerné. Il y a suffisamment de métiers qui sont confrontés à cette problématique pour ne pas la généraliser à l'ensemble de la société. Les collègues, c'est sympa, mais les amis et la famille, c'est autre chose. Il faut leur préserver une place. Et c'est, selon moi, le rôle premier du repos dominical. Notre société est suffisamment aliénante comme ça, sans tailler ainsi dans les relations humaines.

Quidam :
J'avoue que je suis assez d'accord avec ce point de vue.
Mais nous en étions aux revendications islamistes et je constate que nous digressons. Alors revenons à des considérations plus terre-à-terre et dites-moi donc ce que vous pensez de ces revendications islamistes pour disposer de repas hallal dans les cantines ?

PG :
Je dis qu'il n'y a pas que le hallal à prendre en considération dans la restauration collective. Une société au service de ses citoyens se doit, dans la mesure du raisonnablement possible, de respecter non seulement les exigences hallal de l'Islam, mais aussi le cacher du Judaïsme, l'interdiction de manger du bœuf de l'Hindouisme, et aussi la répugnance vis-à-vis de la viande en général des végétariens. Il se trouve que le régime végétarien satisfait tant les exigences du hallal que du cacher ou des hindous. Alors il me semble quand même simple que la restauration collective des écoles, entreprises ou administrations, ainsi d'ailleurs que les repas servis à bord des avions, trains ou bateaux, prévoie systématiquement au moins un menu végétarien. Et quand je dis végétarien, c'est aussi sans poisson, car le cacher est compliqué aussi au niveau des produits de la mer. Et bien entendu, pas non plus de gélatine de porc dans les crèmes dessert ou autres mets utilisant cet ingrédient qui n'est ni hallal ni cacher bien que quantité de juifs et de musulmans l'ignorent… Dans la mesure où les restaurants collectifs prévoient généralement au moins deux menus pour offrir un minimum de choix, satisfaire ces demandes est clairement du domaine du raisonnablement possible. Alors pourquoi ne pas le faire puisqu'il est très facile de satisfaire tout le monde ? Par contre, il ne serait pas acceptable de ne satisfaire que la revendication hallal. Tout le monde ou personne.
Et puis, si en découle une diminution de la consommation de viande à l'heure où les pets de vaches sont pointés du doigt dans le réchauffement climatique et où la demande en surfaces agricoles pour satisfaire les besoins de l'alimentation animale favorise la déforestation de par le monde, cette mesure pourra même se targuer d'avoir des vertus écologiques.

Quidam :
En tout cas, c'est une façon élégante de contourner le problème. Mais que pensez-vous alors du problème du voile islamique ? Et pire, du voile intégral ? C'est encore un problème que nous apporte l'Islam. Et qu'il est difficile de ne pas traiter frontalement.

PG :
Cette question du voile stigmatise bien la peur de l'Islam.
La première chose à dire est qu'il ne faut pas confondre islamisation et arabisation. Le Coran prescrit certes le voile, mais il ne prescrit pas le niqab. Ce voile intégral est une pratique de la culture arabe, pas une préconisation de l'Islam. Il est facile de mélanger traditions culturelles avec religion, alors que c'est très différent.
Quand des bouddhistes français s'enroulent dans des toges, ils le font par tibétanisme, pas par bouddhisme. Religion vient du latin religare, qui veut dire relier. Initialement relier à Dieu, mais certainement aussi, que ce soit directement ou indirectement via Dieu, relier les humains les uns avec les autres. Il n'y a pas de raison d'avoir une interprétation restrictive du terme. Alors quand je vois des moines ou des convertis qui, sous prétexte d'être ordonnés ou accueillis dans une religion provenant d'une autre culture, adoptent un nouveau nom qui en soit issu, je pense qu'il y a une erreur de leur part. Je comprends bien le principe qui veut qu'un moine change d'identité à son ordination pour commencer une nouvelle existence, mais ce n'est pas en reniant d'emblée son identité culturelle qu'il va favoriser l'universalité des religions ni aider les divers dogmes à s'affranchir du carcan culturel qui les a vu naître. Ce n'est pas parce qu'une religion tend à véhiculer une culture que les deux sont indissociables. Il faut, au contraire, éviter de les mélanger pour y voir clair et ne pas confondre choc culturel avec antagonisme religieux. Affranchir les religions de leur culture initiale, c'est aussi et surtout favoriser le côté nécessairement universel de la spiritualité. Et là réside aussi tout l'intérêt qu'il y a à ce que l'Education Nationale s'empare du sujet religieux.
Alors le voile islamique maintenant. Voilà une question qui bouscule notre société. D'un côté, effectivement le Coran le prescrit. Cependant, ainsi que je l'ai dit, il le prescrit pour les arabes, en Arabie, et non pour le monde entier. Mais d'un autre côté, dans les années soixante, les femmes françaises se mettaient un voile sur les cheveux pour sortir. C'était la mode. Les vieilles paysannes avaient quasiment toujours un fichu autour de la tête. Les bonnes sœurs, elles, ont toujours été voilées. Et ça ne gênait personne. Et même, encore aujourd'hui, pour se présenter devant le Pape, toute femme doit faire de même. Alors pourquoi, tout d'un coup, un tel tapage autour d'un voile, sous prétexte qu'il serait demandé par l'Islam ?

Quidam :
Oui, peut-être, mais de là à le porter en classe ou au bureau… Quand on porte un chapeau, on se découvre à l'intérieur. C'est une question de bienséance.

PG :
Ce sont là vos habitudes, vos coutumes. D'autres cultures peuvent en avoir des différentes. Vous enlevez votre chapeau pour prier ? Les juifs au contraire doivent en mettre un. Et puis, que je sache, les bonnes sœurs ne se découvrent pas en entrant quelque part. Alors, deux poids, deux mesures ? C'est si fréquent dans notre société incohérente.
Pourquoi serait-il interdit de porter le voile sur les cheveux, ce qui peut être très discret, alors qu'il est autorisé de porter un jean taille basse avec string qui dépasse d'un décolleté arrière pousse-au-viol ? N'est-ce pas autrement plus « ostensible » ? Si certaines tenues sont jugées inadéquates dans un contexte particulier, comme l'école par exemple, ou au sein d'une entreprise ou d'une administration, il est quand même facile, plutôt que de cibler un vêtement spécifique par une interdiction, de définir par le règlement intérieur la tenue que doivent respecter les personnes, voire d'imposer un uniforme. Cela éviterait d'ailleurs l'hypocrisie consistant à s'habiller comme tout le monde le temps de sa période d'essai, mais à revenir dès le lendemain avec le voile ou habillé punk ou grunge, ce qui ne me semble guère mieux. La solution existe donc sans législation spécifique, elle n'est simplement pas utilisée. Alors ne reprochons pas aux gens d'utiliser les espaces de liberté dont ils disposent… et qui disparaissent pour tous quand une loi s'en empare.
Mais il est important de ne pas oublier de se poser la question suivante : ce qui nous choque, nous choque-t-il parce que c'est réellement inapproprié, ou bien simplement parce que ça bouscule les rigidités de nos habitudes ? Le string dépassant du pantalon est-il pousse-au-viol de par sa nature même ou uniquement du point de vue d'un refoulement sexuel trop généralisé ? Le penseur libanais Khalil Gibran a écrit dans son excellent ouvrage « le Prophète » : « l'impudeur est dans l'œil de celui qui regarde ». Vous mettez un maillot ou une serviette pour aller dans un sauna, n'est-ce pas ? Les suédois, eux, n'en mettent pas, et y vont hommes et femmes mélangés. Ca ne leur pose aucun problème, parce qu'ils y sont habitués et qu'il n'y a pas d'impudeur dans leurs regards. Alors que si vous étiez parmi eux, je gage que vous ne pourriez vous empêcher des coups d'œil indiscrets. C'est une simple question d'habitude. Et la mentalité change au bout de quelque temps dans un camp de nudistes.
Alors je me suis posé la question en ces termes pour le niqab arabe, ou la burqa afghane. Mon sentiment est que s'il peut être approprié pour préserver la femme dans une culture qui la considère au mieux comme un vagin à pattes au pire comme une esclave, ça ne l'est pas dans une société qui incite chacun, homme comme femme, à se respecter mutuellement et à s'assumer. Accepter que des gens se cachent ainsi intégralement n'est pas les aider à dépasser leurs problèmes d'image de soi ou de peur du regard d'autrui, s'ils le font volontairement, tout comme ce n'est pas non plus les aider à se libérer et s'affirmer, s'ils le font par contrainte du conjoint, de la famille ou de leur communauté culturelle. Je tends donc à considérer que c'est aider la femme que d'interdire le voile intégral.
Mais qui suis-je pour leur imposer mon aide ? Aussi longtemps qu'il n'y a pas violence pour forcer au port du voile, qu'il soit intégral ou pas, quelle est la légitimité de la société à intervenir dans une question aussi éminemment personnelle que la tenue vestimentaire ? A la limite, nous n'interdisons pas aux stars de se préserver des regards par le port de grosses lunettes de soleil, non ? Alors n'est-ce pas simplement un problème d'habitude à prendre ?
Et pourtant, ça nous bouscule quand même. Alors envisageons un autre angle d'approche de ce problème : est-il acceptable dans un pays où il demeure des enjeux de sécurité publique, que des gens puissent se déplacer incognito ainsi camouflés ? Et là, de ce point de vue, je reconnais une légitimité à la société pour intervenir sur ce sujet. Ce qui m'arrange bien je dois dire et me fournit du coup un motif objectif pour être opposé au voile intégral en France. Car j'ai tendance à considérer que si le créateur a confié à la femme le soin de manifester la grâce et la beauté en ce monde, ce n'est pas rendre hommage à sa création que de la cacher sous un voile intégral. Allah ne doit guère se réjouir de voir les plus belles fleurs de son jardin voilées par des hommes trop primaires pour maîtriser leurs débordements libidineux.
Toutefois, un autre problème se pose alors. Faut-il aussi interdire le masque respiratoire si en vogue à Tokyo et qui se diffuse progressivement dans le monde avec le développement des allergies et de la pollution, ou lors d'alerte pandémique ? Ou les tenues spécifiques ressemblant à des burqas grises que portent certaines personnes électro-sensibles pour se préserver de la pollution électromagnétique ? Où mettre la limite ?

Quidam :
Ah oui, je n'avais pas pensé au masque respiratoire. Du coup, il y a aussi ceux qui doivent porter un masque parce qu'ils sont grands brûlés du visage par exemple.

PG :
Oui, comme ces femmes qui ont reçu de l'acide dans le visage parce qu'elles refusaient les avances d'un prétendant très macho. Faut-il les punir une deuxième fois en les obligeant à s'exhiber ?
Et puis il y a aussi les cagoules des skieurs frileux. Ce qui nous incite à penser que le maquis corse doit être bien plus froid qu'on ne l'imagine… Et que dire du casque intégral des motards ? Très utile pour se protéger la tête dans une manif… Bref, je pense que vous avez compris. Il est facile de cibler le voile intégral dans un texte de loi. Mais si ces femmes s'adaptent et mettent des masques respiratoires avec l'appui d'un certificat médical, il deviendra beaucoup plus compliqué de juger de l'intention. D'ailleurs, dérangeraient-elles autant avec un masque respiratoire au lieu d'un voile intégral ?

Quidam :
Vous avez l'art de rendre ce problème simple un peu compliqué.

PG :
C'est parce que le problème n'était simple qu'en apparence et que la société ne peut se construire sur des apparences, ni par des lois myopes, manquant d'ouverture et d'horizon. Il faut aller jusqu'au fond des choses, sans hypocrisie intellectuelle, même si ça nous dérange un peu. C'est comme ça qu'en fouillant un peu plus la question, on s'aperçoit que cette complication nous renvoie aux limites de l'interdiction. Prévenir et éduquer, c'est toujours mieux. Et il faut se méfier du réflexe d'interdire tout ce qui nous déplait, car c'est juste bon à donner naissance à un nouveau mai 68 avec son slogan « il est interdit d'interdire ».
Nous sommes dans une société extrêmement rigide. Nous avons peur de tout et passons notre temps à chercher à tout figer pour nous rassurer. Alors que la vie est fluidité et nous demande de la souplesse. Comment évoluer si on se fige à la moindre perspective de changement ? Comment être heureux si on a à ce point peur de ce que demain nous apportera ?
Certes, le matérialisme, qui cherche à tout expliquer mécaniquement et chimiquement pour tout contrôler, donc tout figer, engendre ce type de crainte. Alors que la spiritualité, quelle que soit sa forme, qui prêche le besoin d'évoluer vers davantage de perfection divine en se laissant guider par les influences supérieures, nous incite à accepter le changement. Mais, autre incohérence de la nature humaine, les croyants sont aussi apeurés du changement que les non-croyants. Problème de manque de foi sans doute.
Au final, le résultat est que notre société est en profond malaise de cet excès de rigidité qui l'empêche d'évoluer, de progresser, d'expérimenter. Au risque d'afficher un peu mes convictions, à quoi sert de vivre si c'est pour s'échiner à toujours reproduire les mêmes choses ? Une fois que vous avez fait une expérience, il peut être intéressant de recommencer pour s'améliorer et peut-être éviter, à force, de reproduire les mêmes erreurs. Mais il y a un moment où recommencer encore et encore les mêmes choses nous sclérose en nous privant de l'ouverture qu'apportent les expériences nouvelles. Même Sisyphe finit par se lasser de remonter son caillou trop newtonien en haut de la colline. Parce qu'on a peur du changement et peur de se remettre en cause, on vieillit prématurément. Il faut remettre la société en mouvement et inciter l'individu à se libérer de son carcan d'immobilisme. On retrouve ce problème dans tant de domaines différents de la société que c'est affligeant.

Quidam :
Et en quoi le spirituel apporte-t-il une solution sociale à ce problème ?

PG :
Simplement parce qu'il dit aux individus : acceptez que les choses changent ! Les bouddhistes enseignent que nous sommes dans un monde d'impermanence. Et c'est irréfragable. Il suffit de regarder autour de soi pour constater que la nature change sans arrêt. Et bien que nous ayons tendance à freiner des quatre fers, la société change aussi, notamment sous l'impulsion du progrès scientifique. Alors pourquoi n'accepterions-nous pas de changer aussi à l'intérieur ? Pourquoi avoir peur du message d'une autre religion ? Peut-être apporte-t-il un éclairage nouveau, complémentaire, qui nous permettra de faire mûrir nos propres valeurs et nos croyances ? Il y a toujours plus d'un chemin pour atteindre le sommet d'une montagne.
Au lieu de ça, on constate toute une cabale de gens qui se prétendent bien- pensants et qui s'échinent à éviter que l'on dévie des expériences et des voies qu'ils estiment acceptables. Faites une retraite dans un monastère, bien, vous êtes en recherche spirituelle. Faites la même chose dans un groupe new age, aie aie aie, vous êtes tombés aux mains d'une secte et les croisés du bien-pensant vont s'efforcer de vous délivrer malgré vous de cette mauvaise influence, vous privant de l'expérience qu'appelait votre être.

Quidam :
M'enfin il y a quand même des sectes qui droguent les gens, les enferment, et j'en passe. On ne peut quand même pas comparer ça aux religions officielles.

PG :
Croyez-vous ?
Qu'est-ce qu'une religion sinon une secte qui a réussi ? Qu'était la chrétienté à ses débuts sinon un ensemble de sectes propageant chacune ce qu'elles avaient retenu du message de Jésus, jusqu'à ce que l'empereur Constantin ne décidât de choisir le christianisme comme vecteur d'unification de son empire, en façonnât le dogme comme ça l'arrangeait et ne l'imposât à la force du glaive sur les autres tendances ? Que serait l'Islam si le prophète Mohammed avait perdu la bataille lorsque les Quoraïchites attaquèrent Médine pour l'éliminer ou lorsque qu'à son tour il les attaquât pour les chasser de La Mecque et libérer de l'idolâtrie la Kaaba, ce temple bâti par Adam et reconstruit par Abraham ? Vous noterez au passage, histoire de poursuivre sur la voie du rapprochement des religions, que ce sont là des noms aussi célèbres dans le Judaïsme que dans le Christianisme. Mais bref, secte ou religion, ce n'est qu'une question de taille et de réussite.
Pour ce qui est de respecter la liberté des gens, ne vous imaginez surtout pas que vous étiez libres dans un monastère ou un couvent voici quelques siècles. Mais les choses ont heureusement fini par évoluer dans ce secteur et l'humain a la mémoire courte.
Alors je vous rejoins sur le fait qu'effectivement, la société, dans son effort à satisfaire le deuxième besoin de la pyramide de Maslow, celui de sécurité, se doit de préserver de son mieux les individus du risque d'être retenus contre leur gré par un groupe quelconque. Et que ce groupe se présente sous une façade spirituelle et soit qualifiable de secte au sens le plus péjoratif du terme, ou bien qu'il soit simplement clairement mafieux, ou encore autrement malveillant, voire constitué de syndicalistes séquestrant des patrons, ne change rien au problème.
Pour autant, la société ne doit pas pêcher par excès de prévenance et empêcher les individus de mener leurs expériences, même si celles-ci les amènent à se couper du monde volontairement, à s'adonner à des pratiques contemplatives qui puissent paraître extrêmes, à se débarrasser de leurs biens, etc. Qu'ils fassent leurs expériences ! Il est impératif de rétablir le droit à l'expérience personnelle. Du moment que c'est librement consenti et volontairement choisi, personne ne doit rien avoir à y redire. S'ils en ressortent en ayant perdu tous leurs biens, relations, etc., ce n'est pas grave. Ils se seront enrichis d'une expérience, auront appris sur eux-mêmes de leurs erreurs éventuelles. Et alors ils trouveront le soutien de la société au titre de la satisfaction des deux premiers besoins de la pyramide de Maslow, société qui leur assurera des conditions décentes de survie pour leur permettre de se relancer. Souvenez-vous de la parabole du fils prodigue. La fluidité de la vie, c'est aussi ça. Accepter que certaines expériences nous mettent sur la paille mais nous enrichissent intérieurement. A partir du moment où la société s'organise pour assurer les besoins physiologiques et de sécurité, l'individu peut plus facilement se libérer de sa peur intrinsèque du changement. Sa vie peut plus facilement rester en mouvement, en évolution. Et cet enrichissement humain bénéficie en retour à la société toute entière.

Quidam :
Oui, à dire comme ça, c'est facile, mais à vivre c'est autre chose. J'ai un ami qui en est passé par là, et je peux vous dire que sa famille en a beaucoup souffert. Lui- même est ressorti lessivé de son expérience. C'était quand même très dur.

PG :
Personne ne prétend que la vie est un long fleuve tranquille. Et certaines expériences peuvent effectivement être douloureuses.
Je ne peux me prévaloir de l'expérience de votre ami, mais je peux m'appuyer sur la mienne. J'ai vécu ce genre de chose dans ma jeunesse, à un moment où, un peu trop paumé face à ce monde insensé, j'ai eu besoin de répondre à une aspiration spirituelle. Je me suis impliqué dans un groupe qui s'est progressivement refermé sur lui-même et a donc tourné à la secte, selon la terminologie des bien-pensants. J'y ai vécu ce que j'avais besoin d'y vivre. Et, oui, j'en suis ressorti lessivé. Mais sur les débris de moi- même, je me suis reconstruit plus solide qu'avant. Oh, pas du jour au lendemain. Ca a pris du temps. Mais je ne regrette certainement pas cette expérience qui m'a considérablement enrichi intérieurement.
Il faut cesser d'avoir autant peur de vivre ! Oui, la vie peut être difficile, oui elle peut être douloureuse. Oui, parfois, la vie tue ! A chacun de trouver en soi la force pour mûrir et affronter ce qui doit l'être. N'est-ce pas l'un des sens que l'on peut donner à notre existence, que de nous inciter à développer notre conscience, trouver notre force intérieure et apprendre à tenir debout en adulte, en méritant ce titre par la maturité plutôt que simplement par l'âge ?

Quidam :
Bon, admettons. De toute façon, les sectes demeurent des épiphénomènes au niveau de la société.

PG :
Et oui. Et pour une bonne raison : quand elles dépassent ce stade, ainsi que je le disais, elles deviennent des religions !
Mais la prolifération des petits groupes spirituels si facilement taxés de sectes démontre surtout l'échec des grandes religions à répondre aux questionnements existentiels plus ou moins développés des uns et des autres. Et qui sont d'autant plus forts que le matérialisme ne propose pas de réponse satisfaisante. Alors quand cette vie est difficile, qu'on se sent rejeté par la collectivité, et que la force intérieure manque, certains basculent du questionnement intérieur à la rébellion extérieure et rejoignent la contestation islamiste, puisque c'est la plus en vogue par les temps qui courent. Et voilà comment une société qui fait l'autruche en arrive à entretenir ses propres foyers de discorde. Ce qui est pour le moins périlleux dans un monde où il y a toujours quelqu'un pour souffler sur les braises.


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