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 RESPECT ET VERITE
Ch.13: Justice et procédure judiciaire

13 : justice et procédure judiciaire

Quidam :
Alors si c'est la justice qui doit régler le problème, ces trafiquants de chair fraîche sont tranquilles pour encore un bon moment. Car s'il est une institution qui fonctionne mal dans ce pays, c'est bien celle-là.

PG :
Effectivement. Si tout français se dit officiellement confiant dans la justice de son pays, parce qu'il est vrai que ce sont des principes de justice qui servent de base à notre droit, ils disent aussi officieusement qu'il vaut mieux ne jamais avoir affaire à elle, tant tout le monde est conscient de la grande inefficacité de notre institution judiciaire, à commencer par ceux qui ont des choses à se reprocher et pour qui c'est tout bénéfice. Même s'ils commencent à dater un peu, les résultats d'une enquête disaient même que neuf personnes sur dix n'avaient pas confiance en la justice, « surtout si on est innocent ». Il est vrai que les reproches qu'on peut lui adresser sont nombreux et amènent la plupart des gens à préférer un mauvais arrangement plutôt que de rechercher le bon arbitrage de la justice. Cette situation donne donc un inacceptable avantage aux magouilleurs sur les honnêtes gens.
Mais est-ce la faute des juges ? Ils s'efforcent de faire leur travail du mieux possible. Ils ne sont pas responsables des lois votées par le parlement et dont ils sont seulement chargés de juger la bonne application. Ils ne sont pas responsables non plus de la lourdeur des procédures de la justice. Et ils sont les premiers à dénoncer toutes les inefficiences de leur institution, notamment en matière de manque de moyens.
Alors le problème, c'est qu'il y a beaucoup de problèmes. Réformer la justice est un vaste chantier auquel il faut s'attaquer le plus tôt possible. Sans justice performante, pas de réel état de droit.

Quidam :
Déjà, il serait bien de commencer par rendre la loi plus claire.

PG :
C'est indispensable. Le roi Babylonien Hammourabi est resté célèbre dans l'Antiquité pour avoir fait graver sur une stèle les 282 articles du code de loi qui régissaient son royaume. La loi ainsi gravée dans la pierre était à la disposition de tous, ou du moins de ceux qui savaient lire, et était donc la même pour tous. On ne peut clairement pas espérer réduire nos codes de loi à 282 articles, sauf à ce qu'ils n'aient chacun la longueur d'une encyclopédie, mais il est certainement possible les de simplifier et de les clarifier.
En ce début de 21ème siècle, la France compte plus de vingt mille textes législatifs, auxquels se rajoutent quelques cinq cent mille textes règlementaires, ordonnances, décrets, arrêtés, et j'en passe, ainsi que le droit communautaire européen qui va s'accroissant, et sans même parler du droit international. Alors la prochaine fois que vous rencontrerez un petit rigolo qui vous sert le fameux principe « nul n'est censé ignorer la loi » demandez lui donc qu'il vous cite ce plus d'un demi million de textes qui s'appliquent à nous tous pour le meilleur comme pour le pire. Ce principe, de bon sens au départ, est devenu inapplicable dans notre jungle législative. Et ce d'autant plus que la loi ne fait pas grand-chose pour se mettre à la portée de tous. C'est même plutôt l'inverse.
Il y a donc urgence à réformer la lettre de la loi. Quand des textes abscons nécessitent des instructions administratives pour les interpréter ou des décrets pour en préciser les modalités d'application, que les avocats sont quant à eux maîtres dans l'art de la contre-interprétation, et qu'au final l'esprit de la loi se perd dans cette lettre hermétique, eh bien chacun comprend ce qu'il veut et la règle se discrédite d'elle-même. Il faut donc réécrire tous ces textes de loi de façon claire et précise, ne nécessitant pas d'interprétation, afin que tout un chacun, les lisant, puisse comprendre quelle est la loi. Et puisse donc ensuite agir en conséquence, en pleine connaissance de cause. Si la loi prétend illuminer de sa guidance les concitoyens qu'elle protège, encore faut-il que la lettre qui l'exprime commence par avoir la limpidité nécessaire.
Une fois clarifiée, elle doit ensuite être mise à la portée de tous en profitant des outils modernes, notamment Internet, afin que chacun puisse facilement y trouver les textes s'appliquant à telle ou telle situation sans nécessité de devoir aller consulter un avocat. Quand l'accès à la connaissance approfondie de la loi est de facto payant, comment s'étonner que tant de gens n'en tiennent pas compte ?

Quidam :
Je ne peux vous donner tort. Il existe d'ailleurs déjà un site Internet dédié à cette fonction, mais je dois bien avouer, pour l'avoir consulté, qu'il ne m'a guère éclairé. Il y a matière à l'améliorer.
Par contre, re-rédiger tous les codes de lois est un énorme travail.

PG :
Si on se laisse effrayer dès le départ par l'ampleur de la tâche, alors résignons- nous à ne pas faire grand-chose. Ca prendra du temps, mais c'est tout à fait faisable. D'ailleurs, en quelques années à peine, Napoléon a fait un travail colossal d'organisation de la législation et de l'administration française. Et il ne s'y penchait pas à plein temps. Il avait, ainsi que vous le savez certainement, quelques autres hobbies relativement envahissants.
Mais depuis deux siècles, le monde a évolué, et il sera bon de rafraîchir nos codes de lois. Ce sera plus constructif que de voir nos députés et sénateurs, en bons stakhanovistes d'une industrie si productive qu'elle en devient assimilable à une diarrhée frénétique, en voter sans cesse de nouvelles mais sans jamais faire le ménage de celles qui sont obsolètes et trouvent pourtant encore à s'appliquer, faute d'avoir été abrogées. Et on s'étonne ensuite que certains textes se contredisent les uns les autres, probablement dans un souci de promouvoir la laïcité puisque le citoyen en vient alors à ne plus savoir à quel saint se vouer.
Faut-il couper votre arbre parce qu'il menace de s'effondrer sur le toit de votre voisin ? Ou au contraire le laisser parce qu'il est habité par un obscur coléoptère bénéficiant du statut d'espèce protégée ? Mais les deux, mon bon Monsieur, les deux. Pris entre le marteau et l'enclume, l'administré devient marteau à force d'être pris pour une enclume. Comment faire avancer une société si les règles qui la régissent se partagent entre l'incompréhensible, l'obsolète et le contradictoire ?

Quidam :
Il faut bien avouer que le fameux adage « trop de loi tue la loi » trouve ici à s'appliquer.

PG :
Que voilà une citation de bon aloi !
Il me semble qu'un pays doit avoir une constitution qui définisse le fonctionnement des institutions de l'Etat, et un ensemble de lois fondamentales posant les principes de droit, les valeurs, sur lesquels construire la société. La France mélange les deux dans sa constitution, les anglais dans leurs lois fondamentales. Considérant que ce sont là deux choses très différentes, la séparation en constitution et en lois fondamentales me semble préférable et de nature à apporter davantage de clarté. De plus, cela facilitera l'évolution de la constitution, les institutions et leur fonctionnement pouvant être amenés à évoluer au fil du temps, alors que les principes fondamentaux du droit ont vocation à plus de stabilité et d'universalité.
Ensuite, le reste, lois, ordonnances, décrets, règlements, etc., ne doivent être que la déclinaison des principes d'équité et de bon sens posés par ces lois fondamentales. La jurisprudence, elle, les complète pour tout ce qui n'est pas précisé par un texte spécifique et en offrant de surcroît plus de souplesse pour s'adapter aux évolutions de la société. La lettre de la loi doit guider, mais l'accent doit demeurer sur l'esprit de la loi. Ce me semble une façon plus efficace de faire vivre la loi et d'en limiter l'obsolescence.
Si vous manquez de bon sens, apprenez par cœur toutes les lois. Si vous êtes suffisamment imprégné de l'esprit de justice, d'équité, de respect d'autrui, alors connaître les lois fondamentales suffit. Et argumenter sur ces bases, même si une loi mal conçue dit le contraire, doit vous permettre d'obtenir justice sans avoir à faire révoquer telle ou telle disposition pondue par un ministre ou même par l'Assemblée.
Dès lors, on pourra valablement dire « nul n'est censé ignorer les Lois Fondamentales ».

Quidam :
Et la Constitution.

PG :
Même pas besoin. Connaître les règles de fonctionnement des élections locales, ou les relations entre le parlement et la présidence, n'ont d'intérêt que pour ces domaines-là. Et vous pouvez parfaitement vivre, et obtenir justice, sans le savoir. Bon, bien sûr, si vous ne savez pas que le président est élu au suffrage universel direct, là, il est clair que certains rouages de la société risquent de vous échapper. Mais à la limite, c'est votre droit de ne pas comprendre et de ne pas vous intéresser à ces choses-là. Elles ne sont pas indispensables pour déterminer la conduite juste permettant de vivre ensemble en société. Ces valeurs-là doivent relever des seules lois fondamentales.
Dès lors, à chaque fois qu'un tribunal sera amené à contredire une loi, ou autre disposition règlementaire, sur la base des Lois Fondamentales, celle-ci se trouvera automatiquement renvoyée à l'autorité qui l'a promulguée, Assemblée, Gouvernement ou administration, afin d'être révisée. Mais ce sera indépendant de la conduite du procès et justice pourra être rendue sans devoir attendre cette révision. Et évidemment, ça n'empêchera nullement les recours en cas de désaccord d'une des parties.
Nous aurons alors progressivement une mise à jour des codes de lois pour que les dispositions obsolètes disparaissent. Et en plus nous en finissons avec ces cas insupportables où les tribunaux de première instance condamnent une personne pour tort sur la forme tout en reconnaissant qu'elle a raison sur le fond, la forçant à aller jusqu'en cassation pour, peut-être, enfin obtenir justice. On dit que la cour de cassation est le juge du fond. Pourquoi faut-il attendre des années de procès, et engager des dizaines de milliers d'Euros de frais divers, pour que la justice accepte de sortir de la forme et enfin juger le fond ? La prédominance de l'esprit sur la lettre ne doit-elle pas être un principe de base du droit ? On ne doit plus pouvoir dire qu'il vaut mieux avoir un bon avocat que d'avoir raison !

Quidam :
Mais ça ne désengorgerait pas les tribunaux pour autant. Au contraire même. En facilitant l'accès à la justice, de nombreuses personnes qui, s'abstiennent actuellement de demander justice sur des choses secondaires, tenteraient leur chance. Il y aurait un afflux de nouveaux dossiers.

PG :
Eh bien qu'il en soit ainsi. Quand la lourdeur de fonctionnement de l'institution judiciaire dissuade les citoyens de demander justice, alors autant renoncer à prétendre être dans une société de droit et d'équité. Ce n'est donc pas un argument recevable.
Ensuite, si le droit et l'équité sont un fondement de la société, les faire respecter est parmi les toutes premières, sinon la première, des priorités. Ne pas y consacrer les moyens nécessaires ne peut qu'indiquer la place relative de ces valeurs dans notre système social. Normal, dès lors, que les choses dérivent. Vous voulez le règne de la justice ? Alors il faut s'en donner les moyens. A quoi sert d'entretenir une police si c'est pour faire prévaloir l'iniquité ? A quoi sert d'entraîner une armée si la société qu'elle défend est moralement indéfendable ? La justice est primordiale. L'alternative, c'est le chaos.
Alors évidemment, le temps que la société prenne le pli, que les gens s'aperçoivent que les choses ont changé et que tricher ou nuire ne fera que leur amener de gros ennuis, le temps que les mentalités évoluent, et les consciences avec, effectivement, les tribunaux en auront lourd à traiter. Certaines évolutions toutefois peuvent aussi être très rapides. Dès que les gens constateront que la loi les laisse aussi face à leurs propres responsabilités, les cas de poursuites lancées par des personnes irresponsables se raréfieront rapidement. Celui qui n'a pas fait attention à la bouche d'égout ouverte dans laquelle il est tombé malgré les cônes de signalisation et le ruban de sécurité ne s'en prendra plus qu'à lui-même au lieu de rechercher un jackpot en demandant une indemnité à la municipalité ou à l'entrepreneur en charge des travaux. Et on peut même envisager qu'il soit condamné à payer une amende pour négligence ayant nécessité le déploiement de moyens de secours et de soins. Pareillement, les plaintes assimilables au cas bien connu de cette dame qui avait mis son chien à sécher dans le micro-onde, parce qu'elle avait l'habitude de le sécher dans son four mais n'avait pas compris les nuances de fonctionnement entre ces deux appareils, ne contribueront plus à encombrer les tribunaux. Que les industriels soient responsables de leurs négligences de conception ou de fabrication, oui, mais de la bêtise de leurs clients, non.
Cette déresponsabilisation croissante des gens vis-à-vis des événements de leur vie courante va même beaucoup plus loin. Qu'un enfant déprimé demande à aller faire pipi pendant la classe et en profite pour se pendre avec l'essuie-mains, et voilà que les parents accusent l'institutrice de négligence ! Faut-il condamner Météo France de n'avoir pas prévu qu'un arbre s'abattrait précisément sur la tente où des gens faisaient la fête malgré l'avis de tempête qui avait été émis ? Cette manie du besoin d'un bouc- émissaire n'aboutit qu'à encourager l'infantilisation des individus en plus de décourager toute initiative des maires et des organisateurs de fêtes, randonnées et assimilés. Comment faire d'un monde un monde morne ? Et bien comme ça justement. Puisqu'il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne risquent pas de faire des bêtises, ne faites plus rien, vous aurez moins d'ennuis… mais vous vous ennuierez à mourir. Alors l'institution judiciaire doit cesser de faire la part belle à ce genre de recours et assumer un rôle pédagogique vis-à-vis des citoyens, autant pour les responsabiliser et contribuer ainsi à ce qu'ils mûrissent que pour réduire le nombre d'affaires visant uniquement à mettre une tête à la place de la fatalité ou de leur propre irresponsabilité.

Quidam :
Les fumeurs qui font un procès aux cigarettiers une fois un cancer déclaré ne pourront donc clairement pas compter sur votre soutien.

PG :
Effectivement, et c'est un excellent exemple de cette dérive.
Si, en plus de leur jugement, les juges émettaient, à chaque fois qu'ils déboutent un plaignant, un avis sur le degré de bonne foi de la requête, et que les cas estimés de mauvaise foi soient sanctionnés, ça calmerait aussi les mauvais coucheurs procéduriers qui font des procès à leurs voisins juste pour le plaisir de leur nuire.
Mais quoiqu'il en soit, rapidement ou pas, il faudra passer ce cap. Donc mettre davantage de moyens, davantage de juges, de tribunaux, de greffiers, etc., pour que la justice soit omniprésente dans la société. Vivre avec le sentiment que l'injustice peut nous frapper n'importe quand et qu'il sera bien difficile de s'en défendre n'est pas acceptable au regard du besoin de sécurité que l'on recherche en vivant ensemble. Et avoir confiance qu'on finira par obtenir justice mais dans dix ans n'est pas non plus satisfaisant. Pour être crédible, et à défaut de pouvoir être immédiate, la justice doit avoir les moyens nécessaires pour être rapide. Ce n'est pas là qu'on peut faire des économies budgétaires. Si nous ne sommes pas prêts à payer ce qu'il faut pour avoir une institution judiciaire de qualité, alors rétablissons officiellement la loi de la jungle pour au moins nous économiser ce simulacre d'état de droit.

Quidam :
Mettre plus de juges, ce n'est pas si simple. Ca prend du temps pour former un juge.

PG :
Oh que oui. Mais redresser la société des dérives actuelles ne se fera pas en un clin d'œil. C'est un travail de longue haleine. « Rome ne s'est pas faite en un jour », dit l'adage. C'est pourquoi elle fut relativement durable, contrairement à l'empire éclair d'Alexandre le Grand. Ce qui se construit en une journée, se détruit tout aussi rapidement. Alors il faut investir dans la formation de juges qualifiés.
Par contre, il y a des mesures rapides qui peuvent être prises pour déjà au moins améliorer l'efficacité des tribunaux et augmenter leur capacité de traitement. Déjà, il faut sanctionner dissuasivement les manœuvres dilatoires. Par exemple, il n'est pas acceptable que des avocats professionnels attendent d'arriver à l'audience pour demander un renvoi, prétextant n'avoir pas eu le temps d'étudier leur dossier. Le juge, lui, l'a étudié ce dossier, afin d'être prêt pour l'audience. Il devra au minimum le réviser pour la prochaine fois, et ça, ce sera du temps perdu qu'il aurait pu consacrer à une autre affaire.
De même, que la justice se donne davantage les moyens de combattre le mensonge au lieu de l'instituer comme un droit, et les débats avanceront certainement plus rapidement. Dans les faits, les parties ont le droit au mensonge jusqu'à ce que la partie adverse n'arrive à le prouver. Mais comment ? Au moyen d'un document ou d'un témoignage. Et qui pour être recevable dans le dossier doit préalablement être communiqué à la partie adverse. Donc, en fonction des éléments du dossier au départ, les accusés savent à l'avance dans quelle mesure et sur quels points ils peuvent mentir. Il est considéré que la communication du dossier à égalité aux deux parties est une garantie des droits de la défense. Il me semble que le mis en examen doit savoir ce qu'il a fait ou pas fait. Et je ne vois pas en quoi le fait de lui fournir à l'avance des éléments pour nier l'accusation fait avancer la justice. Si chacune des parties donne d'abord spontanément sa version des faits, et qu'on examine les éléments du dossier après, à charge comme à décharge, il y aura davantage de vérité spontanée parce que le risque d'être pris en flagrant délit de mensonge sera bien supérieur. A trop vouloir favoriser la défense, c'est le droit qui en pâtit. Il me semble qu'il y a là un manque de juste mesure préjudiciable à l'efficacité de la justice.
Reste à décider du châtiment à appliquer au mensonge. En fiscalité, la fraude entraîne une pénalité de 80% du montant du redressement. Ca peut être une piste. Doubler la peine d'un menteur me semble une juste sanction.

Quidam :
En tout cas, ce serait cohérent avec le principe « faute avouée, à moitié pardonnée ». Sauf qu'ici ce serait « faute niée, punition doublée ».

PG :
Un autre vecteur évident d'amélioration de l'efficacité des tribunaux est le plaider- coupable à l'américaine. Il faut que cela puisse se faire soit entre avocats, soit, pour les simples infractions ou les petits délits, directement entre les parties sous l'égide d'un médiateur. Si cela se fait entre avocats, il ne me semble pas aberrant d'accepter qu'ils négocient entre eux la peine, du moment qu'elle est validée au final par un juge et non simplement entérinée par un procureur. Le juge aura certes à étudier le dossier pour apprécier la justesse de la peine convenue, mais ce sera infiniment plus rapide que de devoir présider des débats contradictoires à la recherche de la vérité.
Si ce plaider-coupable se fait sans avocat mais devant un médiateur, nommé en fonction par exemple de son expertise d'un domaine sans qu'il soit particulièrement formé au droit, seule la détermination des faits et des torts sur lesquels les parties s'accordent peut être ainsi menée à bien. La sanction relève ensuite d'un juge, qui là aussi gagne beaucoup de temps en disposant d'un dossier tout ficelé, même s'il doit alors le réviser plus en profondeur pour s'assurer qu'il n'y a pas de distorsion du droit, que ce soit par naïveté, faiblesse, méconnaissance, ou quelque autre raison. La sanction peut alors être prononcée par le juge selon le principe « faute avouée, à moitié pardonnée » que vous rappeliez, donc une sanction plus légère que s'il y avait eu à auditionner tout le dossier à la recherche d'une vérité qu'une partie, voire les deux, cherche à déformer ou dissimuler.
D'ailleurs, pour encourager encore plus le plaider-coupable, on peut envisager que les parties qui y ont recours et trouvent à s'entendre ainsi n'aient à subir que des dépens de justice modérés, à répartir selon la part de torts de chacun. Au contraire, les parties fautives de mauvaise volonté qui refusent de reconnaître leurs torts et obligent la justice à enquêter en profondeur pour déterminer les éléments du dossier, sont, elles, passibles de dépens très complets et donc assez lourds. Cela aura en plus l'intérêt d'abonder le budget de la justice pour permettre de renforcer les moyens dont elle a besoin pour accomplir correctement sa mission.
Au passage, à défaut de pouvoir former instantanément suffisamment de juges, il me semble utile de considérer la piste des médiateurs et conciliateurs issus de la société pour préparer les dossiers lorsque c'est possible. Il ne s'agit pas de mettre en place de nouvelles juridictions sur le modèle du tribunal des prud'hommes, mais uniquement de faire avancer, avant que le juge ne s'en saisisse, le démêlement des dossiers dans des affaires de gravité limitée, relevant essentiellement du civil, et où les parties, sans se reconnaître de torts, démontrent assez de bonne volonté pour éclaircir les faits. Comme de mini-procureurs en quelque sorte.
Et enfin, encore une autre piste : de toute évidence, il faut aussi généraliser l'action de groupe. Cela concerne particulièrement tout le domaine de la consommation, de biens comme de services. Il n'y a pas besoin de faire de longues analyses pour conclure que juger mille recours en une fois est plus efficace que de juger à travers la France, dans différents tribunaux, mille fois le même cas.

Quidam :
Mais alors ce ne serait pas forcément dans le tribunal du ressort de votre domicile comme le prévoit la loi dans son souci de protéger le consommateur.

PG :
Non, effectivement, ce sera au tribunal où le plaignant le plus diligent, donc le premier qui dépose plainte, aura fait initier le dossier. Mais comme rien ne force quelqu'un à se joindre à une action de groupe, libre à lui de déposer sa propre plainte dans son tribunal local s'il préfère. Je ne suis pas sûr qu'il y gagne, mais c'est un droit qu'il faut préserver. Et puis rien n'empêche de prévoir qu'un dépôt de plainte dans un tribunal donné, du ressort de son domicile par exemple, ne puisse être rattaché au jugement du même cas déjà à l'étude dans un autre tribunal. Un simple service relais offert par le greffe en somme, afin de réduire les frais à engager par le justiciable autant que par la justice. A l'heure de l'informatique, intégrer ainsi les greffes des diverses juridictions pour qu'ils puissent proposer un tel service ne me semble pas du tout inconcevable.
Et puis un peu dans le même esprit, une autre façon de réduire le nombre de dossiers à traiter par les tribunaux est aussi de traiter ensemble les affaires liées l'une à l'autre. Prenons l'exemple d'un ex de mauvaise foi qui décide d'accuser de maltraitance, voire de pédophilie, son ancienne conjointe et son nouveau compagnon. Dring, les services sociaux débarquent, trop souvent pleins d'arrogance et de présomption de culpabilité, enquêtent, mettent leur vie à nue, ce qui forcément est relativement traumatisant pour les enfants pris dans ce mauvais jeu. Et au final, il s'avère que l'accusation était fausse, le juge déboute le mauvais coucheur, et voilà. Il a mis le bordel dans leur vie, mais ça ne lui a rien coûté. Il faut ensuite une plainte spécifique en diffamation pour essayer d'obtenir un semblant de réparation, donc un nouveau cas à traiter. Et pourquoi n'est-ce pas traité directement ? Pourquoi un faux témoignage ou une accusation mensongère ne donne-t-elle pas directement lieu à une sanction, plutôt que d'obliger une nouvelle affaire, un nouveau jugement, plus tard, un jour… Pourquoi s'accrocher à des dispositions uniquement propices à multiplier les dossiers à juger, en plus d'engraisser les fruits tropicaux au détriment des justiciables ?

Quidam :
Evidemment. Et le problème du mensonge en justice n'est pas si rare. Une fois que celui-ci est établi, effectivement, pourquoi ne pas le juger à chaud ?
Mais sur un tout autre sujet, vous qui recommandiez de recourir à des conciliateurs et médiateurs de la société civile pour en quelque sorte pré-instruire un dossier, que pensez-vous alors de la question de la suppression ou pas du juge d'instruction qui fait tant débat ? Certains considèrent cette fonction inutile car redondante avec celle des procureurs, le monde juridique estimant au contraire que la supprimer équivaudrait à une mise aux ordres de la justice par le pouvoir exécutif qui dirige déjà les procureurs.

PG :
Je suis d'accord avec le monde juridique. L'existence des juges d'instruction, non pour se mêler de tout à la place des procureurs, car effectivement, ce serait là un doublon inutile, mais pour surveiller spécifiquement toutes les questions susceptibles de relever d'un conflit d'intérêt avec le pouvoir nommé ou élu, améliore la garantie d'équité dans la société. Si personne n'a vraiment de pouvoir de justice pour enquêter sur des histoires mafieuses impliquant des élus locaux, sur des magouilles financières impliquant des ministres, sur des dérives totalitaires impliquant les forces de l'ordre, sur la corruption, etc., comment prétendre garantir la même justice pour tous ? Déjà, malgré les juges d'instruction, il vaut mieux être riche et avec un bon avocat, que pauvre et seul, alors sans, vous imaginez bien.
La question de la juste mesure se pose forcément aussi en matière de moyens de l'institution judiciaire et de l'organisation de celle-ci. Trop n'est pas nécessaire. Mais je ne crois pas que les juges d'instruction soient en trop. Sauf à ce qu'on en vienne à avoir « trop » de juges d'instructions… mais c'est là une question de dimensionnement de la fonction, pas de l'utilité de celle-ci.

Quidam :
Vous mentionniez à l'instant le déséquilibre existant entre celui qui a un bon avocat et celui qui n'en a pas. Quelle réponse apporter à ça ?

PG :
Je ne suis pas sûr qu'il y en ait une. On ne peut nier la réalité selon laquelle certains sont plus malins que d'autres ni que certains parlent mieux que d'autres. L'égalité est une vaste fumisterie. Personne n'est égal avec personne. Et heureusement car c'est cette diversité qui fait l'intérêt du monde.
Tout ce que la société peut faire, c'est chercher à favoriser l'équité. C'est très différent de l'égalité, puisque ce n'est que l'égalité en droit. C'est la seule qui soit possible. La société vous donne la possibilité d'avoir un avocat, quitte à vous en commettre un d'office si vous n'avez pas les moyens de le payer. Malheureusement, ce sera alors souvent un débutant, ou un juriste peu motivé par votre cas vu le peu d'argent que ça lui rapporte. Alors une solution est déjà d'augmenter la rémunération des avocats commis d'office à un niveau plus en rapport avec ce qu'ils sont en droit d'espérer. Mais également de s'assurer qu'un conseiller fiscal, qui a titre d'avocat et est inscrit en tant que tel au barreau, ne soit pas commis d'office sur une affaire criminelle à laquelle il n'apportera pas grand chose faute d'expérience et d'expertise dans ce domaine pénal. Si l'institution juridique elle-même n'est pas capable de reconnaître les différences fondamentales existant entre les différents domaines du droit, comment reprocher au citoyen lambda de se mélanger aussi ?
Par contre, on peut envisager de changer certaines choses au niveau des avocats. Par exemple, on distingue, en droit, le fond et la forme. Pour interjeter appel, ce qui en bon français veut simplement dire faire appel, vous n'avez pas obligation d'avoir un avocat. Mais vous avez l'obligation d'avoir un avoué. L'avoué est le garant de la forme, c'est-à-dire qu'il doit s'assurer de la régularité de la procédure. L'avocat, lui, est une aide pour argumenter sur le fond, c'est à dire qu'il peut parler à la cour à votre place si vous n'êtes pas à l'aise pour le faire et qu'il est censé apporter une capacité d'analyse sur les éléments du dossier, que ce soit pour accuser ou pour défendre. Très clairement, tout un chacun peut être son propre avocat, et réfléchir et argumenter avec son propre bon sens, même si certains domaines très techniques peuvent être très piégeux. Alors qu'être avoué demande une formation juridique aux procédures des tribunaux. Dans les faits, les avocats servent souvent d'avoués, et rien n'empêche l'avoué de vous conseiller aussi sur le fond. Et pourtant, en première instance, dans certains cas l'avocat est obligatoire, dans d'autres il ne l'est pas, en appel il ne l'est pas non plus mais il faut un avoué. Bref, dans certains cas vous pouvez vous armer de votre bonne foi, dans d'autres il faut commencer par vous armer de votre chéquier.
Il me semble tout à fait envisageable de considérer que la fonction d'avoué, puisqu'elle est censée garantir le respect des procédures, soit fonctionnarisée et intégrée au fonctionnement de toute juridiction, quelle que soit l'instance, où la forme peut poser un problème. Chaque partie se voit attribuer un avoué rémunéré par la société et qui, en plus de veiller à la forme, peut éventuellement donner ses conseils sur le fond comme un avocat commis d'office pourrait le faire. Du coup, tout un chacun a accès gratuitement à la justice.
A contrario, l'avocat doit être optionnel en toute circonstance. Quelqu'un qui souhaite s'adjoindre les capacités et les conseils d'un avocat professionnel doit pouvoir le faire, celui qui estime pouvoir se débrouiller tout seul aussi. La question des honoraires d'avocat n'est alors plus un facteur de dissuasion pour accéder à la justice. Et dans la même ligne d'idée, pourquoi ne pas autoriser tout individu qui le souhaite d'assister un ami ou un parent au tribunal comme le ferait un avocat ? Faut-il nécessairement un diplôme pour avoir le sens de l'analyse et de la justice ?

Quidam :
Les avocats risquent de ne pas être d'accord pour perdre leur monopole de la plaidoirie.

PG :
Personne n'est jamais d'accord pour perdre un privilège, et cette attitude nombriliste contribue grandement à l'impasse dans laquelle se trouve la société dans son ensemble. Et ce n'est pas lorsqu'ils ont fait grève pour protester contre la perte d'honoraires que leur cause la possibilité d'enregistrer les divorces à l'amiable directement devant le notaire qu'ils sont remontés dans l'estime des justiciables. Mais il faut parfois savoir se passer de l'accord des gens. Et peut-être que ça rappellera aux ténors du barreau que leur fonction est de servir la justice et non de s'engraisser à coups d'effets de manches, de manœuvres dilatoires, de mensonges, de calomnies et de diffamation.
Car la profession d'avocat s'est autorisée des dérives fumeuses qui nuisent gravement à la bonne santé de la justice. Pour rétablir celle-ci, il faudra nécessairement les bousculer. En les mettant un peu de côté. Car clairement, dans ce que je propose, le titre d'avocat n'est plus que l'apanage d'un diplôme de droit adéquat, sans aucune prérogative spéciale auprès du tribunal. De ce fait, seule leur habileté analytique et rhétorique leur permettra de trouver des clients, comme c'est le cas dans tous les métiers du conseil. Fini la rente de situation, à piéger des citoyens en quête de justice grâce à leur titre, à les facturer au prix fort, mais à envoyer ensuite une assistante balbutiante au tribunal à leur place.
Et puis, s'ils ne sont plus obligatoires, le justiciable pourra aussi mieux se prémunir contre le racket de leurs honoraires. Actuellement, tort ou raison, vous devez les payer. Dès lors, pour eux, tout se plaide. Et on s'étonne après de l'encombrement des tribunaux par des dossiers d'une mauvaise foi patente ! Alors qu'en négociant un paiement au résultat, ce sera très différent. C'est une pratique courante dans le monde anglo-saxon où ça s'appelle les « contingency fees ». Payé au résultat, l'avocat n'acceptera de s'occuper de votre dossier que s'il croit en vos chances de succès. Et s'il n'y croit pas, il refusera ce mode de rémunération, et vous saurez alors à quoi vous en tenir.

Quidam :
Ca les motiverait un peu plus, il est vrai. Mais n'y a-t-il pas un risque que les juges n'assimilent ensuite l'absence d'avocat à une incapacité à convaincre un professionnel de la rhétorique de vous prêter son concours plutôt qu'à une volonté de vous passer de leur aide ? La tentation peut devenir non négligeable pour les juges de commencer à considérer que celui qui a un avocat a raison, tandis que celui qui se présente sans a tort.

PG :
On ne peut totalement exclure ce risque de dérive. Seule la qualité humaine et professionnelle des juges peut y apporter une parade. Car la logique de la chose est que les avocats se doivent d'apporter une valeur ajoutée au niveau de la réflexion et non simplement de déclamer des arguments en lieu et place de leur client, souvent sans même savoir si ce qu'ils disent est vrai ou pas. A moins que celui-ci ait trop peu de maîtrise de ses émotions pour argumenter correctement sur des points le touchant de très près, si bien que la présence de l'avocat sert à offrir un recul plus propice à des débats constructifs. C'est donc très différent que de considérer qu'ils rendent un pré- jugement en acceptant ou pas de se charger d'une affaire. Si bien que je doute que le corps des magistrats du siège ne tombe dans ce travers. Et pour les rares cas où cela serait, il restera les instances d'appel et de cassation, en plus d'un monitoring des jugements rendus, par une autorité professionnelle indépendante à mettre en place, permettant de surveiller statistiquement qu'aucun juge ne dérive sur ce point ni sur aucun autre biais systématique.
Mais bon, il ne faut pas non plus stigmatiser les avocats. C'est une profession qui connaît certes des dérives préjudiciables, mais ce n'est pas pour autant qu'ils soient tous à mettre dans le même sac. Comme toujours, les dérives de quelques uns discréditent les autres et il faut se garder de généraliser. Nombre d'avocats ont à cœur leur mission d'aider à ce que prévale la justice. Et ce seront les premiers à applaudir l'assainissement de la pratique de leur profession.

Quidam :
Vous avez mentionné la question de la sanction dans les jugements. Pensez-vous qu'il y ait là aussi matière à changer certaines choses ?

PG :
Comment y échapper ? A quoi sert la justice sinon à « éduquer » la société ? L'éduquer à la liberté consciente et respectueuse sans laquelle la liberté de tous ne peut exister ? Alors comme en matière d'éducation, l'adaptation de la sanction à la faute est primordiale pour la pédagogie. Si elle est inadaptée, le message pédagogique ne passera pas. Trop faible, le fautif se gausse et peut même y trouver un encouragement à fauter ; trop forte, elle génère un sentiment d'excessive sévérité qui risque d'être assimilée à de l'injustice et donc stimuler des envies de révolte.
Le droit français passe complètement à côté de cette fonction pédagogique d'éducation du citoyen. Du fait de ce stupide principe d'égalité, il est considéré juste qu'une même faute vaille la même peine à deux individus pourtant très différents. En fait, on considère qu'une faute a un tarif, et que vous devez simplement en payer le prix comme vous payez le prix d'un paquet de chewing-gum en passant à la caisse. Je ne vois pas ce que ça a de pédagogique.
Prenons le cas des chewing-gums justement. Supposons qu'enfin les autorités se décident à sanctionner l'incivilité qui consiste à les jeter par terre ou les coller sous les tables, histoire d'inculquer à ceux qui en manque les notions de propreté et de respect nécessaire à une bonne vie en commun. Comment faut-il sanctionner cette faute ? Une amende ? Une peine de travaux d'intérêt général, les TIG ? L'amende sera dissuasive pour un chômeur vivant des minima sociaux, mais passera inaperçue pour un PDG gagnant très bien sa vie. A l'inverse, les TIG seront peu dissuasifs pour le chômeur qui sera limite content de retrouver une activité même très temporaire, mais très dissuasifs pour le PDG. Une semaine à gratter des chewing-gums écrasés sur les trottoirs, je vous garantis que la prochaine fois il s'abstiendra ! Alors abandonnons ce principe très contreproductif et profondément injuste qu'à une faute doive correspondre une peine. A une faute doivent correspondre autant de peines qu'il y a de fautifs. Parce que, pour conserver ses vertus pédagogiques, chaque peine doit être adaptée au fautif.
En Suisse, par exemple, les excès de vitesse sont punis d'une amende proportionnelle aux revenus. Quoi de plus normal ? Si vous êtes multimillionnaire, vous vous moquez bien de payer une petite amende. Même régulièrement. La fortune doit-elle donner les moyens d'acheter le droit de rouler plus vite que les autres ? Voilà un concept qui serait certainement profitable au budget de l'Etat, mais pas à l'équité et à la vie en société en bonne intelligence. Dès lors, l'adaptation à la personne de la sanction est la condition sine qua non de la pédagogie.

Quidam :
Et que pensez-vous d'une sanction qui n'en est pas une : la condamnation au sursis ?

PG :
Pour beaucoup d'enfants, la sanction suffisante dans bien des cas est simplement une bonne réprimande. Mais s'ils recommencent, alors c'est que la réprimande ne suffisait pas et qu'il faut sanctionner. Le pédagogue a le droit à l'erreur lui aussi. Comme tout ce qui est humain, l'éducation n'est pas une science exacte.
Le droit français transpose cela assez directement avec le principe du sursis. Trois mois de prison avec sursis, c'est rien. Sauf si vous recommencez, car alors vous aurez en plus ces trois mois. L'idée peut se défendre… dans une société saine.
Mais dans notre système social miné par tant de dérives, le sursis apparaît plus comme un laxisme supplémentaire de la justice et un certain niveau d'impunité pour les petits magouilleurs. Ce qu'ils en retiennent, ce n'est pas la condamnation au sursis mais le rien. Si la faute n'est pas suffisamment grave pour une peine ferme, notamment dans le cas où le fautif semble peu susceptible de recommencer et que donc la réprimande paternaliste du juge peut paraître suffisamment éducative, il n'est pas difficile de trouver une peine légère, voire symbolique, afin de marquer le coup en toute bienveillance. S'il récidive malgré cela par la suite, il sera temps alors d'être notablement plus sévère.
A l'heure où la société a besoin de se redresser et rectifier ses dérives, la tendance doit malheureusement être à la sévérité. Le principe du sursis n'est pas compatible, me semble-t-il, avec ce besoin pédagogique actuel. Notamment du fait du développement de l'incivilité, de la petite délinquance, et des crimes commis par des mineurs parfaitement responsables de leurs actes. Même lorsque ces derniers sont pilotés par des personnes majeures désireuses d'exploiter la prétendue impunité du mineur pour châtier la sœur rebelle qui refuse de porter le tchador ou d'accepter l'époux que lui destine son père.
Il y a vraiment besoin d'une reprise en main ferme. Mais attention : la sévérité n'est acceptable que si les gens ont les moyens de vivre correctement en restant honnêtes. Elle est donc indissociable d'une véritable politique de solidarité sociale, de plein emploi et d'intégration de tous. A défaut, ce ne serait que le règne du groupe dominant de nantis en croisade pour faire taire les marginaux dérangeants. Et ça, ce ne serait pas acceptable dans une société vouée à satisfaire les aspirations de tous.

Quidam :
Effectivement, il est utile de le préciser.

PG :
De même, il me semble qu'il y a un autre domaine où trop de dérives passées requièrent une sévérité accrue : l'abus de confiance publique. Et je pense qu'il faut en faire un crime, plutôt qu'un simple délit, donc avec des sanctions bien plus lourdes. A l'heure où la société doit affronter le défit de redresser la barre pour se relancer et éviter de sombrer, les combines et abus de politiciens et de fonctionnaires corrompus, comme de dirigeants d'association ou d'ONG véreux, doivent appeler des sanctions exemplaires et fortement dissuasives. Encore une fois, ce qui est dissuasif varie d'un individu à l'autre, et la sanction doit donc être ciblée au cas par cas. Mais la déchéance à vie des droits civiques et donc du droit à être investi d'un quelconque mandat public ou assimilé, fusse au sein d'une association, me semble un minimum. Le mensonge est condamnable en soi, mais le mensonge sous serment dans l'exercice de fonctions publiques, ce qui est le cas des élus et fonctionnaires assermentés, est une circonstance très aggravante. Un policier peut faire une erreur. « Errare humanum est », dit l'adage selon lequel l'erreur est humaine. Mais mentir pour se couvrir, couvrir un collègue, ou accabler quelqu'un d'autre, doit relever de cette notion de crime d'abus de confiance publique à réprimer très sévèrement. Car « perseverare diabolicum est », complète aussi ce même adage selon lequel la persévérance dans son erreur, ou la récidive, est diabolique ! Et il est inutile d'espérer redresser la société sans commencer par se donner les moyens de moraliser ses dirigeants, représentants et organes divers d'administrations et de fonctionnements.

Quidam :
Mais au delà du contexte actuel et d'un besoin de sévérité temporaire pour remettre les choses en place, n'y a-t-il pas des cas qui justifient la sévérité la plus extrême en toute circonstance ?

PG :
Bien sûr, même dans un contexte social sain, les fautes demeurent des fautes, et certaines sont inexcusables. Je ne dirai pas l'homicide, parce qu'il existe parfois des circonstances qui, si elles n'excusent pas, du moins atténuent. Par exemple, celui qui commet un crime passionnel n'est pas excusable, mais est peu susceptible de recommencer parce que sa faute a découlé d'un contexte psychoaffectif spécifique. Son manque de maîtrise de lui-même est évidemment condamnable puisque les conséquences furent fatales à quelqu'un, mais le danger pour autrui n'est pas forcément si grand. Il est alors normal que la sanction ne soit pas la même que celle qui serait appliquée, par exemple, à un criminel froid et dépassionné, qui tue pour simplement voler, et qui est beaucoup plus susceptible de recommencer et de devenir, si ce n'est déjà le cas, un serial killer. Une société, même bien portante, n'a pas d'indulgence à démontrer envers un serial killer.
Il semble que la psychopathie ne soit pas une maladie mais une simple caractéristique consistant à être incapable d'empathie. Une sorte de handicap psychique, rendant incapable d'émotion et de sentiment vis-à-vis d'autrui. Dès lors, ce ne serait pas guérissable, puisque, contrairement à une prothèse de main, nous ne savons pas créer de prothèse d'empathie. Ce n'est pas forcément irréversible puisque toute conscience peut évoluer, mais ce n'est pas guérissable en l'état actuel de nos connaissances. Le besoin de sécurité, deuxième niveau de la pyramide de Maslow, exclut donc de se montrer laxiste vis-à-vis de ce genre d'individus, même sous prétexte qu'ils seraient marginaux ou distrayant pour les lecteurs de magazines à sensation. Car ce laxisme n'est en fait rien d'autre qu'une mise en danger collective de la vie d'autrui, au même titre que de lâcher volontairement un lion affamé au milieu d'une foule.
Je plaide à ce titre pour la définition d'une notion de « crimes impardonnables » qui soient automatiquement passibles de la sévérité la plus extrême. J'y mets notamment, et ce n'est pas limitatif, le viol pédophile, ce qui est différent des simples attouchements, le viol avec meurtre, le meurtre sous démence, ou la récidive de meurtre ou de viol.
Pour les psychopathes sexuels et pervers assimilés, qu'ils rentrent ou pas dans un cas de crime défini comme impardonnable, la castration chimique définitive semble une nécessité supplémentaire. Non à titre de punition, mais parce que, en l'état de nos connaissances, ça semble pour le moment le meilleur moyen de diminuer la pression pulsionnelle qu'ils peuvent ressentir. C'est donc leur apporter un soulagement.
Il est à noter que cette notion d'impardonnabilité ne peut s'appliquer qu'au niveau de la gestion sociale de la criminalité. Au niveau personnel, le pardon est au contraire toujours fortement à encourager, non par gentillesse mièvre envers un coupable, mais simplement parce qu'il est le seul moyen pour une victime de réellement se libérer intérieurement de ce qu'elle a subi.

Quidam :
Mais que considérez-vous comme étant la sévérité la plus extrême ?

PG :
C'est tout un problème pour une société que de situer le niveau maximum de sévérité qu'elle s'autorise. Peut-on aller jusqu'à la peine de mort ? Lacenaire, ce célèbre criminel du 19ème siècle, invoquait un désir de se suicider par la guillotine pour justifier ses nombreux crimes. Dans son cas, la peine de mort était incitative au lieu d'être dissuasive. Faut-il se contenter de la prison à perpétuité ? En 2010 en France, un clochard a tué un inconnu au hasard juste pour pouvoir aller en prison et y être nourri et logé. Alors où est la solution ? Une peine de mort par très lente immersion dans un bain d'acide, afin que ce soit tellement horrible que Lacenaire ne souhaite plus y trouver une solution de suicide et que le clochard soit dissuadé de risquer un tel supplice en cherchant le gîte et le couvert ? Ce pourrait être une solution. Une autre consisterait à ce que la société assure un minimum aux clochards afin qu'ils n'en arrivent pas à de telles extrémités, et à se refuser à appliquer la peine de mort pour déjouer les motivations de Lacenaire. Quelle est la bonne solution ?
Sur une telle question, le point de vue collectif et le point de vue personnel s'affrontent. Une personne qui, de par sa nature et donc sans perspective sérieuse de s'amender, représente un danger avéré pour autrui doit être neutralisée définitivement. Du point de vue collectif, s'il faut l'enfermer à vie faute d'espoir de pouvoir lui rendre la liberté un jour sans risque, alors autant s'économiser les frais d'enfermement et appliquer la peine de mort pour régler le problème une fois pour toute. Mais du point de vue individuel, et sauf à être un matérialiste forcené, force est de reconnaître que nous sommes encore très ignorants des mystères insondables de l'âme humaine. Et doit alors s'appliquer le principe de prudence. Pouvons-nous accepter d'éventuellement priver une âme du reste de sa vie terrestre, ce qui peut représenter le temps nécessaire pour prendre conscience et se repentir, et donc évoluer ? Pour quelqu'un qui, comme moi, croit à la vie intérieure, à la vie après la mort et à un parcours d'évolution de l'âme, la réponse s'impose : non, on ne peut pas tuer quelqu'un en pareil cas. Que la société le neutralise, si besoin à perpétuité, c'est normal, mais l'éliminer et le priver de sa chance de prendre conscience et de se repentir intérieurement, non.
Toutefois, histoire d'être clair, donner aux grands criminels leur chance de se repentir n'implique pas que cette repentance puisse permettre de les faire sortir de prison. Simuler la repentance ne changera donc rien. S'ils sont condamnés à perpète, ils feront perpète ! L'intérêt de leur repentance, lorsqu'elle est sincère, ne sera que pour l'au-delà éventuel, voire une prochaine vie pour ceux qui croient à la réincarnation. Car dans celle-ci, s'ils ont grillé leur joker, ils assumeront jusqu'au bout.
Notez toutefois, que je puis imaginer des circonstances exceptionnelles où j'approuverai l'usage de la peine de mort.

Quidam :
Pour les pédophiles peut-être ?

PG :
Non, je pensais plutôt à une situation où le nombre de grands criminels deviendraient trop important pour que leur neutralisation durable par emprisonnement demeure supportable par la société en termes d'utilisation de ressources. C'est un peu le même principe que ce que je disais concernant les personnes en grande dépendance. Tant qu'il y en a suffisamment peu pour qu'on ait les moyens de s'en occuper, parfait, mais s'il y en a trop et que les prendre en charge commence à se faire au détriment de la qualité de vie des autres membres de la société, il faut envisager d'euthanasier.
Concernant, les crimes sexuels, que ce soit un viol d'adulte ou d'enfants, certes ils requièrent la plus grande sévérité. Mais pas pour autant la peine de mort. Il faut laisser au criminel, violeur ou pédophile, la possibilité de se guérir. Car, et encore plus pour la pédophilie, ces pulsions sexuelles incontrôlées sont avant tout symptômes d'un déséquilibre de l'individu. La société se doit, tant qu'elle le peut, de donner le temps à ce type de criminel de trouver la voie de sa propre guérison. Au gniouf donc, et pour longtemps, et avec suivi psychologique et thérapeutique, mais pas à l'échafaud.

Quidam :
Considérez-vous que les pédophiles soient irresponsables au sens psychiatrique ? Cette question de la « responsabilité » psychiatrique des criminels sonne souvent comme une arnaque envers la justice.

PG :
D'abord, nombres de pédophiles le sont avant tout parce qu'ils ont été eux-mêmes victimes. Ils reproduisent à l'âge adulte ce qu'ils ont subi et deviennent prédateurs à leur tour. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'ils sont irresponsables, au sens d'inconscients de leurs actes. Certains pédophiles sont tellement conscients et tourmentés par leur lutte contre leurs pulsions qu'ils en viennent à se suicider pour éliminer la menace qu'ils représentent pour autrui tout autant que pour se libérer d'un combat qu'ils ne parviennent pas à gagner. C'est tout sauf de l'irresponsabilité.
Cette question de l'irresponsabilité s'arrête pour moi aux actes commis. Les fous qui sont enfermés quelques années, supposés guéris, relâchés, et qui parfois récidivent, ça m'a toujours fait bondir au plafond. Le trouble psychiatrique est généralement considéré comme une circonstance atténuante. Pour moi, c'est tout le contraire, c'est une circonstance aggravante. Un malade mental a bien plus de chance de récidiver qu'un individu normalement conscient, capable de se maîtriser et de comprendre les conséquences de ses actes. Il représente donc un danger bien plus grand pour les membres de la société. Alors on ne va pas enfermer préventivement tous les gens un peu bizarres, vu que la plupart sont inoffensifs et que la bizarrerie est très subjective, mais ceux qui commettent des crimes, doivent l'être. Et définitivement, vu l'incapacité actuelle de la psychiatrie à maîtriser son sujet et donc à pouvoir juger d'une guérison réelle.
Les accusés ne plaideront plus la démence pour tenter de s'exonérer de leur responsabilité humaine et alléger leur sanction.


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