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 RESPECT ET VERITE
Ch.26: Inflation et monnaie

26 : inflation et monnaie

Quidam :
Voilà qui présente une transition toute trouvée pour discuter un peu de l'inflation. Il semble que l'augmentation des prix soit quelque chose de relativement inévitable, que ce soit pour l'immobilier comme pour les biens de consommation courante. L'inflation apparaît comme une menace omniprésente à notre pouvoir d'achat. Avez-vous aussi des idées sur le sujet ?

PG :
Effectivement, on entend parler d'inflation à tout bout de champ, mais j'ai bien l'impression que c'est avant tout un problème psychologique et une manipulation. Nous sommes conditionnés par le fait que tout augmente, la population, la richesse, le développement, et dès lors nous ne nous interrogeons même plus pour savoir ce qu'est réellement l'inflation. Et donc pas non plus pour savoir si c'est une fatalité incontournable.
Alors qu'est-ce que l'inflation ? C'est, ainsi que tout le monde le sait, le fait que l'ensemble des prix des produits divers tende à augmenter avec le temps. Cela veut dire que les cent Euros que vous avez maintenant vous permettent d'acheter une certaine quantité de biens, mais que dans un an, vous ne pourrez plus en acheter qu'un peu moins. Vos cent Euros vaudront donc moins dans un an que maintenant. On parle d'érosion monétaire. Il y a tout un tas d'explications économiques pour justifier le phénomène de l'inflation, et dont certaines ont d'ailleurs déjà été évoquées à propos de l'immobilier : augmentation de la demande du fait de la croissance de la population et de celle du niveau de vie qui permet à toujours plus de consommateurs de consommer toujours plus, engendrant une augmentation du coût des matières premières du fait de cette plus grande demande, etc. Bref, ça semble un phénomène économique naturel et inéluctable dans un monde qu'on voudrait nous faire croire en perpétuelle croissance.
Mais prenons un peu de recul et changeons d'angle de vue pour appréhender ce phénomène différemment. L'inflation, au final, est en fait totalement assimilable à une taxe. Si vous avez 100€ et que l'inflation est de 2% l'an, cela équivaut au bout d'un an à avoir payé une taxe de 2€. Une sorte d'amende pour vous punir de ne pas avoir consommé, de ne pas avoir réinjecté votre argent dans le système. Car le système monétaire a besoin de cet argent pour fonctionner. Alors il ne veut pas que vous le gardiez de côté, que vous le retiriez du jeu en le cachant dans un de ces fameux bas de laine. Et il vous y incite en vous taxant par le biais de l'inflation.
S'il y avait de la déflation, qui est l'inverse de l'inflation, garder votre argent de côté lui donnerait plus de valeur par rapport à des prix qui baissent. Et alors vous auriez tout intérêt à différer votre consommation puisqu'en consommant plus tard vous pourriez consommer plus.

Quidam :
Exactement comme cela se passe en matière de biens électroniques, non ?

PG :
Oui. Ce secteur évolue si vite qu'en attendant simplement six mois pour changer votre ordinateur, vous en avez un soit moins cher, soit plus performant, et souvent les deux. Dans ce domaine, celui qui achète a perdu, celui qui attend a gagné. Sauf qu'à trop attendre, on n'achète jamais et on perd l'usage du bien. Mais c'est un autre genre de débat qu'on laissera à Buridan et à son âne. Ce qui est important ici, c'est de comprendre que l'inflation est au détriment du consommateur et donc l'incite à consommer, ou à chercher des placements offrant une rentabilité compensant cette érosion, ce qui n'est jamais que consommer des services financiers en plus de confier à d'autres le soin de jouer avec votre argent. La déflation au contraire est au bénéfice du consommateur : en ne faisant rien, vous gagnez. Alors vous vous doutez bien que, dans la logique qui régit notre société actuelle, ce qui est bon pour le consommateur n'est pas bon pour le système, ni pour ceux qui le contrôlent. Dès lors on nous a habitués, conditionnés même, à trouver normal qu'il y ait un peu d'inflation, et à s'inquiéter dès qu'il n'y en a plus. Il parait que c'est mauvais signe pour l'économie. D'ailleurs, vous n'entendrez que rarement parler de déflation. Quasi systématiquement, le terme est remplacé par récession, qui lui est synonyme de ralentissement économique, d'appauvrissement, donc de pas bien du tout.
Une chose est d'ailleurs amusante à propos de l'inflation : c'est de constater à quel point elle est autoalimentée. En réponse aux revendications périodiques des salariés, bon nombre de salaires sont quasi indexés sur l'indice des prix, pour au moins maintenir le pouvoir d'achat. Du coup cela renchérit le coût du travail et induit de facto une augmentation du coût de production, et donc du prix de ces biens que vous espérez pouvoir acheter avec ce salaire apparemment amélioré. Combien de contrats de services ont un tarif indexé soit directement sur l'inflation, telle que mesurée par la progression de l'indice des prix à la consommation, soit sur un autre indice plus spécifique mais au principe similaire ? Les loyers immobiliers dont nous venons de parler n'en sont-ils pas un autre exemple ? Alors avec un tel système en boucle, il est bien clair que l'inflation va s'auto-entretenir tranquillement.

Quidam :
Mais si vous la taxez de taxe, enfin si j'ose dire, ce serait au profit de qui ? Car les taxes vont au gouvernement. Mais dans le cas de l'inflation, le gouvernement la subit comme tout un chacun.

PG :
Enfin, il la subit, ce n'est pas si sûr. Quand vous êtes surendetté, l'inflation contribue à faire baisser la valeur future de vos dettes et donc vous bénéficie. Une déflation au contraire les augmenterait. D'où l'aversion du gouvernement pour la déflation qui est pourtant favorable au pouvoir d'achat du consommateur.
Mais pour revenir à cette analogie avec une taxe, il faut bien avouer que les économistes qui ont développé ce type d'analyse ne sont pas particulièrement appréciés des instances de la finance, sort somme toute fort commun de toute personne qui dit tout haut ce que d'autres voudraient garder tout bas. Dès lors, ce sujet est rarement abordé dans les média. Car cette inflation-taxe n'est pas perdue pour tout le monde. Mais pour le comprendre, il faut commencer par comprendre ce qu'est la monnaie et comment fonctionne le système monétaire. Et pour cela nous allons faire un peu d'histoire. C'est passionnant l'histoire.
La monnaie, ce n'est jamais qu'un moyen de mesurer les échanges afin que ceux- ci soient plus pratiques que le troc. Imaginez le problème que vous auriez si vous fabriquiez une paire de chaussure pour femme de pointure 43 et vouliez la troquer contre du pain. Il vous faudrait d'abord trouver la Berthe qui puisse chausser ces chaussures, qu'elles lui plaisent, et qu'en plus elle soit boulangère et produise un pain qui se conserve longtemps, car vous pourrez certainement espérer plus d'un pain en échange de cette paire de pompes. C'est tout de même très peu pratique. Alors s'est développé le principe de troquer non pas contre un autre bien mais contre un bien intermédiaire : une unité d'échange. Non seulement cela évite le tracas de trouver quelqu'un qui veuille échanger ce que vous avez contre quelque chose que vous voulez, mais en plus vous n'avez pas besoin de trouver un bien en échange immédiatement. Ca peut attendre quelques jours, voire quelques années, tant que cette unité d'échange garde sa fonction. Et vous pouvez l'accumuler pour, plus tard, l'échanger contre quelque chose de bien plus gros avec quelqu'un qui n'aurait jamais accepté cent paires de chaussures en paiement. C'est le principe de l'épargne. Cette monnaie rend donc la vie bien plus simple.
Selon les civilisations, ça a pu être des grains de cacao, des coquillages, des perles, des pierres plus ou moins précieuses, jusqu'à ce que se généralise, du moins en Mésopotamie, Bassin Méditerranéen et Europe, le principe de pièces de métaux précieux : or, argent ou bronze. Le fait d'avoir du métal précieux permettait dès lors d'avoir de la richesse. D'où l'engouement pour la recherche d'or ou d'argent qui permettait de la richesse spontanée sans avoir eu besoin de l'acquérir dans des échanges. Et s'est alors posé le problème du privilège de « battre monnaie », c'est à dire le droit de frapper des pièces ayant cours légal. En France, c'est au Moyen-âge, qu'après plusieurs avancées et reculades, le gouvernement central royal a réussi à s'octroyer définitivement l'exclusivité de ce privilège, au détriment de tous les petits seigneurs locaux. Le pouvoir lié au contrôle de la monnaie était né. Ces espèces sonnantes et trébuchantes, pièces officiellement calibrées et frappées, sont ce qu'on appelle de la monnaie fiduciaire.
Intervient alors une deuxième phase dans le développement de la monnaie. Les voyageurs s'apercevant que se déplacer avec de grosses quantités de pièces de monnaie sur des routes pleines de brigands posait quelques menus problèmes, se sont développés des réseaux de banques proposant des services de compensation. Une banque de votre point de départ recevait vos espèces en dépôt et vous délivrait une lettre de paiement, ce qui vous permettait de retirer à destination d'autres espèces dans une autre banque avec qui elle était en relation. Et la première banque se chargeait de compenser ces retraits auprès de ce correspondant en lui transférant plus tard physiquement et à ses propres risques les espèces avancées pour son compte. Avec le développement de ces transactions, les compensations par transferts d'espèces devinrent moins fréquentes que les mises en équivalence des diverses lettres de paiement que les multiples banques détenaient les unes sur les autres. Ces lettres de paiement marquèrent la naissance de la monnaie scripturale.
Cette monnaie scripturale se devait de toujours être le reflet de richesses réelles déposées dans les coffres des banques. Elle se développa avec diverses variantes, jusqu'à ce que les banques ne se mettent à émettre des billets de banque échangeables aux comptoirs de la banque émettrice contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Divers cas d'émissions excessives de ces billets de banque par rapport aux espèces effectivement détenues causèrent diverses faillites bancaires, au point de jeter le discrédit sur ces billets. Jusqu'à ce que, au 19ème siècle, le gouvernement n'attribue à une seule banque, la Banque de France, le monopole d'émission de ces billets en leur donnant force de paiement libérateur. Ce qui veut dire que donner un tel billet en paiement à un commerçant vous libère de la dette correspondant à l'achat réalisé. Ce n'est donc qu'à ce moment-là que le billet de banque gagna le rôle que nous lui connaissons aujourd'hui et qui nous fait le classer au rang des espèces sonnantes et trébuchantes, bien qu'il ne sonne ni ne trébuche. Mais les pièces en nickel, qui ont progressivement remplacé celles dont la valeur était liée à la quantité de métal précieux qu'elles contenaient, ne valent guère mieux de ce point de vue que ce papier devenu papier-monnaie.
Toujours est-il que rapidement, les banquiers ont constaté que les retraits effectifs d'espèces stockées dans leur coffre étaient bien inférieurs à la monnaie scripturale en circulation et qui se révélait plus pratique pour les voyageurs. Alors est née l'idée qu'avec ces fonds en dépôt quasi permanent, ils pouvaient, en plus des services de compensation et de crédits sur leurs fonds propres qu'ils offraient déjà, octroyer des crédits plus importants basés sur cet argent dormant qui ne leur appartenait pas. Et cela était d'autant plus facile que ces crédits se faisaient également de plus en plus sous forme de monnaie scripturale plutôt que fiduciaire. Alors la masse monétaire, la somme d'argent en circulation, s'est mise à gonfler bien au delà de la monnaie en espèces réellement en dépôt dans les coffres des banques.
Prenons un exemple pour que ce soit bien clair. Une banque dispose de fonds dormants en dépôt pour un montant de 100. Elle prête ces 100 à un emprunteur, par exemple votre voisin Analphabétix. Il s'en sert pour payer une dette à son épicier Boitederaviolix. Celui-ci conserve 15 en espèces et dépose 85 à sa banque, peut-être la même d'ailleurs, qu'importe. Cette banque, qui dispose dès lors de ce dépôt, peut à son tour faire une opération de crédit. Elle prête donc non pas 85, mais un peu moins, car la prudence lui dicte de conserver une réserve minimale d'espèces que nous allons fixer ici à 5, au cas où des retraits supplémentaires adviendraient. C'est donc 80 qui sont prêtés à l'emprunteuse Carlabrunine qui achète quelque chose au commerçant Dépositionsousix. Celui-ci décide de conserver des espèces pour un montant de 10 et de déposer 70 à sa banque. Celle-ci va par prudence conserver une réserve de 4 et prêter le disponible de 66 à l'emprunteuse Eléganceféminine qui les dépense au magasin de Fetasalakix. Celui-ci conserve 8 d'espèces et dépose 58 à sa banque. Et ainsi de suite jusqu'à Yvescalvix et Zoueurderugbix, voire au-delà. Et voilà comment un dépôt initial de 100 génère toute une succession de prêts en cascade et augmente la masse monétaire d'une proportion qui dépend d'un côté de la quantité moyenne d'espèces que les emprunteurs conservent en circulation, et de l'autre de la réserve minimale de prudence conservée par la banque à chaque opération et qui est déterminée légalement par le ratio Cooke. Ce ratio Cooke ne cesse de baisser : de 8% au début des années 80, il en est maintenant à seulement 2%. Les espèces en circulation tendent à baisser également avec le développement de tous les moyens de paiement électronique. Il semble que cela soit de l'ordre de 15% en Europe actuellement. De fait, si la rotation monétaire est suffisamment rapide, c'est-à-dire si cet effet de boule de neige se produit assez vite pour générer ces nombreux nouveaux prêts avant que le premier ne soit remboursé, les 100 Euros de dépôt initial peuvent générer une masse monétaire supplémentaire de presque 600 Euros, mais ne reposant sur aucune pièce, billet ou richesse assimilée stocké dans un coffre.
Ce système de multiplication des petits pains s'appelle la création monétaire par réserve fractionnaire. Il permet aux banques, au travers de leur activité de crédit, de créer de la monnaie bien au-delà de ce qui existe effectivement en monnaie fiduciaire. Et bien évidemment, chaque remboursement de crédit détruit la monnaie ainsi créée, libérant donc des fonds pour une nouvelle opération.

Quidam :
Donc en clair, si tout le monde va en même temps retirer en espèce les soldes de leurs comptes bancaires, il n'y aura de quoi payer que 2% du total ?

PG :
Ou peut-être un peu plus, dans la mesure où on peut supposer que toutes les banques ne sont pas juste à la limite du ratio Cooke. Mais vraisemblablement pas tellement plus.
Tout le système bancaire est virtuellement en situation d'insolvabilité, c'est-à-dire de faillite par défaut de liquidité. Qu'un vent de panique s'empare de la population et qu'elle veuille retirer ses dépôts, et les banques tomberont aussitôt en cessation de paiement. C'est ce qui a failli se passer lors de la crise Argentine au début du millénaire. Si bien que pour éviter la faillite des banques du pays, le gouvernement argentin a dû interdire les retraits.
Parler de l'Argentine me donne l'occasion d'ouvrir une parenthèse pour mentionner les SEL. Vous avez probablement entendu parler des Systèmes d'Echange Locaux qui consistent dans un endroit donné, quartier ou village, à favoriser les échanges directs de services ou de biens entre les membres, à l'aide d'une unité de compte qui est spécifique au réseau et porte un nom dépendant de l'imagination des fondateurs, souvent grain, puisque grain de SEL, mais aussi pelou en Ardèche en hommage à leurs châtaignes, etc.

Quidam :
Oui, ces SEL sont des systèmes sans argent.

PG :
C'est vrai dans la mesure où il n'y a pas d'argent ni au sens de métal ni au sens de la monnaie légale nationale, mais c'est hypocritement faux au sens où est simplement utilisée une monnaie de remplacement spécifique au système. Le SEL se borne donc en fait à réinventer une monnaie au sein d'un système économique parallèle, hors des circuits de taxation de l'Etat. Légalement, c'est un système de travail au noir. Tant que cela reste très marginal, ça passe pour d'aimables initiatives de stimulation de la vie locale et du lien social. Mais si ça prenait de l'ampleur, cette économie parallèle poserait les mêmes problèmes à notre société que pose au gouvernement d'Athènes toute l'économie souterraine grecque et dont il est estimé que le manque à gagner au niveau recettes fiscales et cotisations sociales représente à peu près ce qui manque pour équilibrer les comptes publics très déficitaires de ce pays.
Alors si l'Argentine m'a amené à parler de SEL, c'est parce que justement, lorsque le gouvernement de Buenos-Aires a interdit les retraits d'espèces et que les commerçants n'acceptaient plus non plus ces chèques et ces cartes bancaires qui n'avaient plus de contreparties sonnantes et trébuchantes, la vie économique a dû s'organiser autrement. Et autrement, ce fut en partie au travers d'un SEL local qui se mit à se développer à vitesse accélérée jusqu'à atteindre six millions de membres ! Inévitablement, comme le SEL n'est aucunement une panacée et que gérer des millions d'adhérents est autre chose que d'en gérer cinquante ou cent, il a commencé à être miné par les mêmes problèmes que ceux du système monétaire normal, et notamment par la fraude, jusqu'à ce que les gens commencent à se méfier, finissent par ne plus accepter la monnaie du SEL et que celui-ci s'écroule.
Cet épisode démontre bien qu'une monnaie, c'est avant tout de la confiance. Vous acceptez un billet parce que vous pensez qu'il sera accepté à son tour par un commerçant lorsque vous voudrez acheter quelque chose. Sinon, vous ne l'accepteriez pas. Pour remplir son office, une monnaie doit avoir du crédit, mot qui dérive du latin credere « croire ». Si vous ne croyez pas dans la valeur de la monnaie pour une transaction future, vous ne faites pas l'échange. Je referme ici la parenthèse SEL.
Donc pour en revenir à la monnaie, vous comprenez mieux pourquoi votre billet de cent Euros, le système bancaire ne veut pas que vous le gardiez au chaud dans un bas de laine mais préfère qu'il soit déposé dans une banque où, par effet boule de neige de la création monétaire par réserve fractionnaire, il va permettre de lucratives opérations de crédit et générer un accroissement de la masse monétaire. On retrouve d'ailleurs ici la notion de crédit, dans le sens de croire que la banque sera remboursée par l'emprunteur.
L'accroissement de cette masse monétaire est déterminant pour l'économie. Plus elle est importante, plus les gens ont d'argent à dépenser, et donc plus la demande augmente, et plus les entreprises produisent, créent des emplois, etc. Mais avec la demande, tendent à augmenter aussi les prix. L'accroissement de la masse monétaire contribue donc à générer de l'inflation qui érode votre pouvoir d'achat et neutralise à terme l'accroissement de valeur réelle de la masse monétaire. Il est assez cocasse de constater qu'en mettant votre argent à la banque plutôt que dans un bas de laine, vous contribuez à créer cette même inflation dont vous cherchiez à vous préserver en le faisant.

Quidam :
Comment s'étonner que les gens s'y perdent !

PG :
Toutefois, ce n'est pas le seul effet pervers de ce système. Il faut aussi comprendre le principe du coup d'accordéon. On en parle régulièrement en matière de bouchon sur les autoroutes en période estivale, mais c'est exactement pareil au niveau économique. Nous en avons déjà parlé, naturellement, l'économie fluctue : tantôt un peu plus, tantôt un peu moins. Un peu plus, c'est quand les gens ont le moral. Ils sont alors plus portés à consommer qu'à épargner pour se prémunir de jours possiblement difficiles. Ils empruntent donc parce qu'ils sont optimistes, et comme les banquiers le sont aussi à ce moment-là, ils prêtent. Et la masse monétaire augmente, favorisant l'essor économique… et l'inflation. Un événement aussi insignifiant que de gagner par hasard la coupe du monde de football suffit à doper l'économie d'un pays et améliorer les statistiques de croissance. A l'inverse, que le moral des ménages baisse, que les banques soient plus méfiantes sur leur capacité de remboursement et donc prêtent moins facilement, et la masse monétaire décroît, engendrant une contraction de la consommation, avec un effet de levier augmentant le ralentissement redouté sur le principe de la prophétie auto-accomplie.
Alors voilà, maintenant vous savez qu'Adam Smith ne nous avait pas tout dit : sa fameuse main invisible est celle d'un accordéoniste. Normal d'ailleurs, puisque l'équilibre parfait ne peut être qu'immobilisme. Or la vie est tout sauf immobile. Alors ce que nous considérons équilibre n'est en fait qu'une succession d'oscillations autour d'une tendance moyenne. Mais comme, sous prétexte de stimuler la croissance, chacun des coups d'accordéon naturels est démultiplié par effet de levier, ce système fonctionne en fait comme un amplificateur d'instabilité. Et vous comprenez aussi pourquoi, puisque l'économie est tellement dépendante de la psychologie, le Gouvernement vous désinforme à tout va en essayant de vous faire croire que tout va bien quand c'est tout l'inverse. Simplement parce que, si vous le croyez, vous allez contribuer à ce que ça s'améliore tout seul. Quand la santé économique d'un pays dépend de quelque chose d'aussi volatile que l'humeur des gens, il y a de quoi s'interroger sur la sagesse du système.

Quidam :
On a effectivement souvent l'impression que les gouvernements comptent beaucoup sur la méthode Coué pour résoudre les ralentissements économiques.

PG :
Combien de fois avez-vous entendu ce vieux précepte de bon sens : ne pas construire sur du sable ? Mais ici, l'économie est carrément construite sur du sable. Et mouvant qui plus est. Comment voulez-vous qu'elle trouve naturellement un équilibre alors que sont constamment amplifiés les mouvements naturels de l'infatigable accordéoniste ?
Et là-dedans, intervient la banque centrale. La banque centrale d'un pays est l'organisme en charge d'émettre la monnaie. Mais elle doit aussi se préoccuper de la mettre en circulation, car l'imprimer et la stocker dans des chambres fortes ne servirait à pas grand chose d'autre qu'à user du papier et de l'encre, ou un peu de métal pour les pièces. Et comment la met-elle en circulation ? En la prêtant aux banques commerciales. Ces banques commerciales disposent alors d'une boule de neige qu'elles peuvent commencer à prêter, créant ainsi un afflux de monnaie bien supérieur à la taille de l'injection de liquidités pratiquée par la banque centrale. A l'inverse, si cette dernière met moins de monnaie fiduciaire à disposition des banques commerciales, l'accordéon monétaire se resserre du fait de l'effet de levier inhérent au système.
En pratique, ce que fait une banque centrale, c'est essentiellement de jouer sur le taux d'intérêt auquel elle prête aux banques commerciales. Que ce taux monte, et le crédit deviendra plus cher, diminuant ainsi la demande pour les emprunts, et donc contractant la masse monétaire et freinant la consommation, l'économie et la tendance inflationniste. A l'inverse, que ce taux baisse, et le coût du crédit baissera aussi, dopant celui-ci et donc la masse monétaire, la consommation et l'inflation. Tout l'art du banquier central consiste donc à savoir dans quel sens et dans quelle mesure ajuster son taux directeur en fonction de l'effet qu'il souhaite avoir. Trop baisser ce taux va trop stimuler l'économie et générer de l'inflation, trop le relever va générer du chômage.
En conclusion, parce que ce système, bâti sur du sable avec ce principe de masse monétaire fluctuante, n'arrive pas à s'équilibrer durablement tout seul, le banquier central doit en permanence chercher à compenser les effets indésirables et est en permanence à la recherche du compromis entre le marteau et l'enclume.

Quidam :
Ce banquier central, la Banque de France en l'occurrence pour notre pays, n'est-il pas le bénéficiaire de cette taxe que peut représenter l'inflation ?

PG :
Je vois que vous avez bien compris. On peut comparer ce principe à celui de l'obsolescence programmée de nombre de biens de consommation comme l'électroménager. Sauf qu'une pièce ou un billet, ça ne tombe pas en panne. Alors cette petite inflation permanente introduit une érosion de sa valeur qui vous garde dépendant du bon vouloir du banquier central.
Par contre, notre banquier central, ce n'est plus la Banque de France. Depuis le passage à l'Euro en 1999, c'est la BCE, Banque Centrale Européenne, qui sert de banque centrale commune à tous les pays de la zone Euro. Ce n'est donc plus un organisme national plus ou moins contrôlable par le gouvernement en fonction de la politique monétaire et économique qu'il souhaite suivre. Et c'est d'ailleurs cette perte de contrôle de leur politique monétaire qui fait peur à certains pays comme l'Angleterre et les ont amenés à refuser jusqu'à présent de se joindre à l'Euro. Même si dans le cas de l'Angleterre, le problème est encore un peu plus compliqué. Mais laissons ça pour le moment.

Quidam :
Dans un système instable dépendant de la maîtrise d'un chef d'orchestre pour rétablir par petite touches permanentes un équilibre qui le fuit, n'est-il pas légitime de s'inquiéter de la fiabilité de ce chef ?

PG :
Certes. C'est pourquoi la nomination du président de la BCE est un gros enjeu parmi les pays de l'Euroland.
Toutefois, il y a un élément supplémentaire à comprendre concernant le fonctionnement du système et le rôle qu'y tient la banque centrale. Imaginez-vous au début d'un jeu de Monopoly entre 4 personnes, avec la petite nuance que l'argent distribué initialement à chaque joueur ne lui est pas donné mais prêté par la banque moyennant un intérêt. Chaque joueur reçoit par exemple 50'000, prêtés au taux de 3% par tour. Donc dès le début du jeu, il y a de la monnaie pour 200'000 mais la dette est déjà de 206'000. Comment allez-vous collectivement pouvoir rembourser cette somme, alors qu'il n'y a même pas de monnaie permettant de payer les 6'000 d'intérêts ?

Quidam :
En l'état, c'est impossible. Il faut attendre qu'un joueur tire une carte chance qui rapporte au moins ces 6'000… ou qu'il passe par la case Départ et touche 20'000.

PG :
Ah, mais là déjà, vous faites appel à un cinquième acteur qui va payer cette somme au joueur chanceux. Au Monopoly, tout est simplifié et fondu au sein du même acteur : la banque. Mais en fait, il faut différencier la banque en elle-même, qui ne fait que prêter l'argent, de l'Etat, qui paye les revenus de la case Départ, encaisse les taxes, accorde des dégrèvements, opère la loterie nationale, et autres réjouissances du Monopoly. Alors disons que l'Etat paye 10'000 à l'un des joueurs pour un motif quelconque. Cela permettra collectivement de couvrir les 6'000 d'intérêts. Mais pour payer, l'Etat, qui n'est qu'un des acteurs du jeu et n'a pas d'argent à ce stade, doit en emprunter à la banque, toujours avec ce taux de 3%. Et ce n'est donc plus 206'000 qu'il faut rembourser collectivement avec les 210'000 maintenant en jeu, mais bien 216'300. L'argent en circulation ne suffit toujours pas à couvrir la dette globale envers la banque.

Quidam :
Oui, mais là, les joueurs se font arnaquer ! Ils ne s'en sortiront jamais.

PG :
Je ne vous le fais pas dire. C'est pourtant bien sur ce principe qu'est basé notre système monétaire actuel. Comme la monnaie n'existe pas pour payer les intérêts, le banquier central injecte davantage de liquidités, c'est-à-dire en fait qu'il les prête moyennant intérêts. Et ainsi de suite. La dette capital plus intérêts dépassant toujours le montant de monnaie en circulation, la course en avant est lancée : davantage d'argent est continuellement injecté, générant de l'inflation qui l'érode en compensation, tandis que le banquier encaisse toujours plus.
Dès lors, tout ralentissement du système le met en péril. On nous fait croire que cet accroissement constant de la masse monétaire est le reflet de l'accroissement de notre richesse collective, mais en fait, ce n'est que le résultat du besoin de nouvelles injections constantes de liquidités pour permettre le remboursement des intérêts antérieurs.

Quidam :
Et cet afflux régulier augmente l'argent en circulation, ce qui génère de l'inflation ainsi que vous l'avez expliqué.

PG :
Sauf si l'accroissement effectif de richesse de la société se fait à un rythme équivalent à celui de l'injection de liquidités. Mais en résumé, on peut considérer que l'inflation est « built in », comme on dirait en anglais, c'est-à-dire structurellement intégrée au système monétaire.

Quidam :
Il me revient avoir entendu parler de gens qui disent qu'il faut supprimer les intérêts. Est-ce pour cette raison ?

PG :
Oui, ils considèrent que les intérêts constituent une fuite dans le circuit monétaire. Mais je n'adhère pas à cette solution. Ce problème de fuite ne se pose qu'à l'injection des liquidités dans le système. Pas lors des prêts de second niveau entre acteurs économiques. Il n'est pas non plus créé de monnaie spécialement pour payer les services d'un coiffeur, et ce n'est pas une fuite monétaire pour autant. Il n'est pas créé de monnaie spécifique si vous payez quelqu'un pour aller vous acheter une télé. Elle est juste un peu plus chère que si vous y aviez été vous-mêmes. De la même façon, si vous l'achetez à crédit plutôt que d'attendre d'avoir économisé pour la payer cash, elle est simplement un peu plus chère aussi, comme si vous aviez demandé au banquier de l'acheter pour votre compte. Les intérêts de ce crédit à la consommation ne sont que le coût de votre impatience, le simple paiement d'une prestation d'avance d'argent comme d'autres payent la prestation d'un jardinier. Rien de plus. Ils ne constituent une fuite que lorsqu'ils rémunèrent ce privilège exorbitant qu'a la banque centrale de les encaisser sans avoir rien fait d'autre que d'imprimer des billets. Pas quand ils rémunèrent un service financier normal. Banquier n'est pas un sot métier en soi. C'en est un utile et respectable. C'est uniquement le système actuel qui ne l'est pas.

Quidam :
Serait-ce le retour du vieux débat, qui sent le souffre et l'inquisition, sur la moralité de l'usure ?

PG :
Pour ma part, je n'ai pas de problème avec le principe des taux d'intérêt, car s'il n'y en avait pas, tout le monde voudrait tout tout de suite grâce à ce crédit devenu gratuit. Et comme vous imaginez bien qu'il serait suicidaire d'accorder un crédit gratuit illimité à tout le monde en permettant une création monétaire illimitée, dès lors se poserait le problème de décider qui pourrait ou pas bénéficier de ce crédit gratuit, sur quelles bases forcément arbitraires, et avec forcément moult contestations de ceux qui en seraient écartés et crieraient, à juste titre, à l'injustice. En fait, cela reviendrait à une économie administrée dont les régimes socialistes de l'ex-bloc Soviétique, où les fonctionnaires décidaient qui aurait droit à une Trabi et qui attendrait quinze ans pour l'avoir, ont démontré toutes les limites. Avec les taux d'intérêts qui compensent la question du temps, la régulation peut au contraire se faire toute seule, grâce à la fameuse main invisible d'Adam Smith. D'aucuns diront que cette régulation par la capacité financière n'est pas plus juste que l'arbitraire des fonctionnaires de l'ex-Allemagne de l'Est, mais dans la mesure où j'ai défendu la nécessité de se mériter le confort consumériste auquel on aspire plutôt qu'il ne soit automatiquement fourni à tout le monde pour faire de tous des enfants gâtés, je considère que c'est plus juste.

Quidam :
Alors la solution est en fait de supprimer les intérêts pris par la banque centrale uniquement ?

PG :
C'en est une. Mais à mon avis, en changeant le système, on s'éviterait tous ces problèmes. Dans le système monétaire actuel, la monnaie est source d'instabilité. Alors stabilisons-là. Il faut simplement supprimer ce principe de création monétaire par réserve fractionnaire qui n'existait d'ailleurs pas à l'origine, preuve qu'il n'est pas indispensable, et ne s'est invité qu'insidieusement, au fur et à mesure du laxisme et du manque de vision des gouvernements, jusqu'à faire croire qu'il est naturel. Il faut supprimer ce pouvoir de création monétaire par le crédit accordé aux banquiers afin que ceux-ci cessent de prêter de l'argent qu'ils n'ont pas.

Quidam :
En fait vous êtes en train de dire qu'il faut rétablir un ratio Cooke de 100 ?

PG :
C'est bien ça. Mais avec un garde-fou supplémentaire pour préserver les gouvernements de la tentation de faire marcher la planche à billet : un repère certain, indiscutable et libre d'arbitraire, qui serve de base à la quantité de monnaie en circulation. Ce pourrait, par exemple, être basé sur la surface géographique du pays. Mais certains objecteront que, entre les falaises qui s'effondrent dans la mer et le piton de la fournaise qui rajoute tous les ans quelques hectares à l'île de La Réunion, sans parler de la question de la montée éventuelle du niveau des océans, ce n'est pas si certain que ça et que se poseraient des problèmes de fiabilité de la mesure, d'ajustement périodique de celle-ci, etc. Mais c'est une possibilité. On peut aussi envisager de faire reposer la masse monétaire sur le nombre d'habitants du pays. Dans notre société à administration très structurée, même si encore très très perfectible, nous pouvons disposer d'un recensement permanent relativement fiable de la population française. Il suffirait à la banque centrale de se baser là-dessus pour émettre ou retirer de la monnaie, selon les fluctuations démographiques. Par exemple, si nous décidions de fixer le facteur monétaire à dix mille, 65 millions d'habitants en France nécessiteraient une masse monétaire stable de 650 milliards de cette nouvelle unité monétaire, monnaie fiduciaire en circulation et tous dépôts bancaires confondus.
A choisir entre les deux, cette dernière solution aurait d'ailleurs ma préférence par rapport à une base géographique qui pourrait donner des envies d'expansionnisme juste pour pouvoir augmenter la quantité de monnaie en circulation.

Quidam :
Mais ça pourrait aussi aller à l'encontre de votre souhait d'une réduction de la population du pays en incitant à un expansionnisme démographique au lieu de géographique.

PG :
Dans la mesure où la monnaie sert à mesurer les échanges entre les gens, il serait logique qu'il y en ait davantage lorsqu'il y a plus de monde, et moins lorsque la population est moindre. Ca ne conditionnerait pas la richesse de chacun. Vouloir augmenter la population pour augmenter sa masse monétaire serait donc une politique sans effet.

Quidam :
Mais d'un point de vue pratique, comment feriez-vous varier la masse monétaire de votre système, si elle doit s'ajuster à la variation de la population ?

PG :
C'est là le problème majeur de cette option. Il est clair qu'il n'y aurait pas ici de ratio Cooke ou de taux directeur à manipuler à cette fin. Il faudrait donc faire preuve d'imagination. Mettons de côté pour le moment le problème de la monnaie fiduciaire. Nonobstant celle-ci, on peut considérer que la masse monétaire est représentée par tous les comptes libellés dans notre monnaie dans les diverses banques du pays, voire du monde. Il suffirait alors de leur appliquer périodiquement un pourcentage de variation équivalent à celui de la population : en plus lorsque celle-ci augmente, en moins lorsqu'elle diminue.
Mais il y a le problème des espèces, qui ne seraient pas impactées. C'est pourquoi je disais en préambule de le laisser de côté, car ce problème a sa solution dont je vous parlerai après. Par contre, demeurerait le problème de la spéculation : retirer son argent en espèce pour anticiper une baisse, ou s'empresser de le dépenser, alors que l'anticipation d'une hausse inciterait au contraire à maximiser son solde bancaire pour gagner davantage. Les données démographiques devraient alors être hautement confidentielles jusqu'à l'ajustement par la banque centrale et sa répercussion sur tous les comptes dans toutes les banques commerciales. Et ça, c'est malsain. C'est un bémol sérieux à ce principe d'indexation de la masse monétaire.

Quidam :
Même sans aller jusqu'à la spéculation, si réduire la population implique de ponctionner tous les comptes bancaires, vous n'aurez guère de soutien des gens pour vos objectifs démographiques.

PG :
Exactement. Le principe de faire évoluer la masse monétaire, en fonction de la taille de la population dont elle mesure les échanges, a pour simple but que la monnaie conserve mieux la liquidité prévue au départ lors de la détermination du facteur monétaire. Mais ce n'est au final qu'une question de commodité de manipulation des zéros au quotidien, pour éviter que le pain n'en vienne à coûter 10'000 unités monétaires ou au contraire 0,0001.
Car on peut parfaitement envisager de fixer notre masse monétaire arbitrairement à une quantité donnée et non modifiable, par exemple mille milliards, sans se préoccuper de la population ni du choix d'un facteur multiplicateur. C'est alors simplement le pouvoir d'achat de chaque unité monétaire qui variera naturellement, par inflation ou déflation, pour s'ajuster aux variations de la population comme à celles de la richesse collective.
Imaginons le cas où la richesse globale de la société est constante et que la population varie : davantage de population raréfiera la quantité de monnaie par personne et lui donnera donc davantage de valeur relative, tandis que la réduction démographique fera l'inverse. L'effet réel en termes de pouvoir d'achat sera effectivement nul parce que les prix varieront naturellement de la même manière, inflation et déflation compensant la plus ou moins grande abondance de monnaie par personne. Et le même raisonnement s'applique en considérant une population constante mais en faisant varier la richesse collective : c'est le gain de pouvoir d'achat de chaque unité monétaire par la déflation qui reflètera l'enrichissement de la société, tandis que l'inflation qui lui en ferait perdre reflèterait un appauvrissement. Les statistiques d'inflation ou de déflation ont toujours aussi peu d'importance, puisque c'est le pouvoir d'achat de la monnaie qui compte.
Avec peu d'unités monétaires, et donc une forte valeur unitaire, une petite voiture ne coûterait peut-être que 10, mais vous-mêmes ne gagneriez peut-être que 1,5 chaque mois. Et il faudrait recourir à des millimes, voire des décimillimes, pour fixer le prix du pain. En pareil cas, où la valeur réelle de la monnaie dévie trop fortement de celle prévue au départ, l'expression des prix au quotidien est susceptible de devenir plus compliquée. L'Italie des années 90, lasse de manipuler tant de zéros du fait de la très faible valeur unitaire de sa Lire, ce qui favorisait les erreurs, envisageait une redénomination monétaire qui aurait enlevé trois zéros, donc multiplié par mille la valeur unitaire de sa monnaie. Finalement, ils ont laissé tomber ce projet lorsque la perspective de l'Euro s'est confirmée, vu que cette transition résolvait leur problème. Mais le passage de l'ancien Franc au nouveau en enlevant deux zéros n'était que ça.
Alors il me semble plus pratique d'avoir une masse monétaire fixe et devoir éventuellement une ou deux fois par siècle procéder à une redénomination de la monnaie pour en alléger un possible trop grand nombre de zéros au quotidien, plutôt que de devoir gérer la problématique récurrente de l'ajustement annuel, voire trimestriel si on veut limiter au minimum les velléités spéculatives, d'une masse monétaire indexée.

Quidam :
C'est vendu ! Je suis assez d'accord avec vous. Mieux vaut un plus gros changement tous les 50 ans que de perpétuels petits ajustements tous les ans, voire encore plus fréquemment. Et puis ça évacue aussi la problématique de la fiabilité du recensement permanent, surtout pour des pays qui n'ont pas une administration aussi structurée que la nôtre.

PG :
Je crois que c'est mieux aussi, même si les deux options sont envisageables. Car dans les deux cas, sera atteint l'objectif d'une masse monétaire qui ne dépende pas de l'humeur plus ou moins prêteuse des banquiers, ni des objectifs officiels ou inavoués du banquier central, qui devient un simple comptable de celle-ci et non plus son pilote. Archimède disait : « donnez-moi un levier et un point d'appui et je soulèverai le monde ». Eh bien dans notre cas, enlevons plutôt ce levier afin que le système monétaire fractionnaire cesse de secouer notre société. Et l'économie et ses acteurs, entreprises et individus, trouveront plus naturellement un équilibre durable grâce à une base monétaire plus stable et adaptée. La monnaie redeviendra un bon outil au lieu d'être un mauvais maître.

Quidam :
Et pour les banques commerciales, le risque de faillite par retrait massif d'espèces en cas de crise de confiance serait supprimé.

PG :
Oui, même s'il demeurera d'autres motifs possibles de faillite, comme pour toute entreprise. Mais ce n'est pas aussi intéressant qu'une autre conséquence que permet cette réforme majeure. Le système actuel, parce qu'il est structurellement déséquilibré, a besoin que les gens s'endettent pour générer de la création monétaire et fonctionner. Pourtant l'idéal serait que les gens cessent de vivre à crédit et n'aient plus de dettes.
Plus de dettes ? Un vrai cauchemar pour un banquier moderne. Et une catastrophe pour un gouvernement soucieux de stimuler l'activité économique par ce biais. Alors qu'avec une masse monétaire stable, indépendante des crédits consentis, cet objectif vertueux peut être mis en avant par les responsables politiques sans risque de torpiller toute l'économie.

Quidam :
En fait, j'ai un peu l'impression que votre système supprime le crédit. Or il en faut aussi. Pas forcément pour se payer des vacances au-dessus de ses moyens, mais au moins pour pouvoir financer des biens coûteux comme une maison ou une voiture. Ou quand on se lance dans la vie avec peu de moyens, il est parfois aussi nécessaire d'y recourir pour pouvoir s'équiper en meubles et en électroménager de base. Ca pose quand même un gros problème.

PG :
Il n'est nullement supprimé. C'est juste que nous n'en avons pas encore parlé. Mais le fait que vous posiez la question montre que vous suivez bien.

Quidam :
Grâce à vos explications, pour une fois, j'ai l'impression d'enfin comprendre toutes ces questions. Alors j'essaye d'en profiter pour réfléchir.

PG :
Puisse tout le monde faire de même.
A l'origine, avant que la dérive de la réserve fractionnaire ne s'installe, le crédit existait déjà. Il ne disparaîtra donc pas. Mais effectivement, on peut s'attendre à ce qu'il soit un peu moins facile et moins généralisé, donc pas forcément favorable aux crédits superflus comme le financement de vacances que vous mentionniez. Dans ce nouveau système, les banquiers ne peuvent plus prêter des fonds qui ne leur appartiennent pas tout en les laissant disponibles pour être retirés n'importe quand avec les risques de faillite que cela implique. Ils ne peuvent plus le faire que sur leurs fonds propres, comme à l'origine. Ils ne peuvent donc plus jouer avec l'argent des épargnants sans trop leur dire ce qu'ils font ni les risques qu'ils prennent. Si votre argent est inscrit à votre compte courant, c'est qu'il n'est pas utilisé ailleurs et est pleinement disponible.
Par contre, l'épargnant qui souhaite faire fructifier son épargne, ne bénéficie plus non plus de certaines facilités qu'offrait le système de réserve fractionnaire. Les livrets d'épargne proposant une petite rentabilité tout en laissant l'épargne disponible n'y ont plus cours, puisque les dépôts de ce genre ne sont plus rentabilisables par les banques et qu'elles ne vont donc certainement plus payer pour les avoir. Il lui faut donc engager une démarche volontaire et en pleine connaissance de cause, donc une démarche responsable, de recherche de rentabilisation de son épargne. Ce peut être en investissant dans l'immobilier locatif, qui deviendra plus attractif car moins défavorable au bailleur ainsi que nous en avons discuté. Ce peut être aussi en prenant part au capital d'une entreprise, pour partager les joies et les déconvenues de l'actionnaire. Mais ce peut aussi être en prêtant à un emprunteur. Le prêteur connaît alors l'échéancier déterminant l'immobilisation de son capital et la rentabilité découlant du taux d'intérêt.

Quidam :
C'est tout de même plus compliqué que de mettre son épargne sur un livret. Ne craignez-vous pas que cela ne dissuade le petit épargnant ?

PG :
Non, parce que si, dans l'absolu, ce prêt direct entre deux individus est toujours possible, il est vraisemblable que les banques développent une activité d'intermédiaire, en prenant une commission variable notamment selon le fait qu'elles assument ou non le risque de défaillance de l'emprunteur. Et il est également vraisemblable qu'elles développent, comme produits de placement, des fonds de crédit permettant l'agrégation des ressources confiées par les épargnants pour une durée déterminée et utilisables pour des opérations de prêt diverses. A charge pour le gestionnaire du fonds de bien structurer les échéances de disponibilité de l'épargne confiée pour qu'elles concordent avec les opérations de prêts accordées. Ce serait complexe à gérer avec les méthodes du Moyen-âge, mais ce n'est rien à faire avec l'informatique actuelle. Alors les petits épargnants disposeront aussi de produits d'épargne simple, même si différents. C'est juste qu'ils devront choisir entre la disponibilité et la rentabilité parce qu'ils n'auront plus guère les deux à la fois. D'ailleurs, ça les responsabilisera aussi davantage, ce qui est toujours souhaitable, en plus de mieux leur faire prendre conscience de ce qu'est ce capitalisme qu'ils critiquent si facilement mais dont ils aiment à profiter tout en feignant de l'ignorer via leurs livrets d'épargne. Ca ira donc dans le sens de favoriser le dépassement de la lutte des classes autant basée sur l'incompréhension mutuelle que sur l'égoïsme de certains nantis.
Et puis, je parle des banques, mais gageons que d'autres sociétés proposeront aussi de tels services de courtage. Comme les assurances qui offrent déjà actuellement moult produits de placement et de crédit, voire de services bancaires. Elles ont des fonds propres colossaux, et auront à cœur de les rentabiliser. Surtout si leur est coupée la possibilité de le faire par la spéculation immobilière grâce à la stabilisation dont nous avons déjà parlé de ce marché. Vous voyez qu'encore une fois, toutes ces mesures ont une synergie d'ensemble qui condamne à l'échec la réforme isolée d'un domaine spécifique mais rend favorable une réorganisation globale.

Quidam :
Il est probable qu'il sera relativement facile de trouver des prêteurs disposés à s'engager sur le moyen terme d'un crédit automobile, mais pour le long terme d'un emprunt immobilier, c'est moins évident.

PG :
Il est clair que le taux d'intérêt doit rémunérer la durée d'engagement pour attirer des capitaux vers le long terme. Il est déjà dans la norme actuelle, même s'il peut y avoir des situations conjoncturelles temporaires qui inversent la courbe des taux, que le rendement fixe d'un placement soit d'autant plus faible que l'échéance de celui-ci est proche. La rentabilité vient donc avec la durée de l'engagement. Et l'épargnant en recherche d'une rentabilité plus conséquente, par exemple en complément d'une petite pension de retraite, sera intéressé par de tels placements à long terme parce qu'ils seront plus rémunérateurs et donc offrent une meilleure rente.

Quidam :
Pourtant les prêts à la consommation à court terme affichent un taux d'intérêt bien supérieur à ceux du long terme.

PG :
C'est parce que cet intérêt masque des frais administratifs de mise en place du dossier. Commercialement, un taux élevé sur une durée courte passe mieux qu'un taux faible mais avec cent ou deux cents Euros de frais de dossier. Alors il ne faut pas se laisser berner, ce n'est qu'une question de présentation. D'autant que, et c'est logique, le TEG légal, taux effectif global d'une opération, a obligation d'intégrer dans son calcul tous les frais annexes.

Quidam :
Et c'est pareil pour le découvert bancaire, également plus cher bien qu'à encore plus court terme ?

PG :
Là, c'est surtout la volatilité de votre demande irrégulière que vous payez. C'est donc encore différent. Et souvent simplement signe, pour une entreprise comme pour un particulier, d'un manque de trésorerie, donc de fonds propres, de capitaux.
Mais pour en revenir au financement, il existe déjà actuellement des sociétés non bancaires qui offrent des réponses à ces besoins, même à long terme, que ce soit par le crédit, le crédit-bail ou leasing, ou encore la location financière ou location longue durée. Dans ce nouveau système que je préconise, de telles sociétés restent en activité. Elles peuvent toujours se refinancer en empruntant, avec donc le risque connu et accepté pour le prêteur que la société puisse ne pas rembourser si elle gère mal son risque. Mais elles doivent surtout pouvoir bénéficier d'un statut à capital variable pour dégager les ressources nécessaires à leur activité. C'est d'ailleurs le principe des célèbres SICAV, société d'investissement à capital variable. Les demandes de remboursement de capital sont alors prioritaires sur l'octroi de nouvelles opérations de financement mais dépendantes de rentrées sur les opérations en cours pour que le capital à restituer devienne disponible. Participer au capital d'une telle société doit normalement être plus rentable que de simplement lui prêter, mais le risque est supérieur aussi puisque les créanciers sont prioritaires sur les actionnaires en cas de liquidation.
Il y a donc des solutions, déjà existantes, qu'il convient simplement d'adapter et développer. Après, l'accès au crédit dépend donc simplement de la disponibilité ou pas de capitaux à emprunter.

Quidam :
Oui, mais ce qui m'inquiète, c'est bien que ceux-ci risquent d'être plus rares.

PG :
Pas nécessairement. Cela dépendra de la loi du marché : la main invisible d'Adamsmix. La création monétaire par réserve fractionnaire a permis une expansion de la masse monétaire au cours de l'histoire par effet de levier. Ici, nous nous basons sur une masse fixe, du moins si on en reste à cette option qui me semble de loin la meilleure. Mais ce n'est pas pour autant que nous partons d'une richesse moindre. Ce n'est pas un retour à la rareté monétaire du Moyen-âge. Il n'est question que de la stabiliser. Il y a donc tous les capitaux nécessaires pour faire tourner l'économie. Parce que globalement, il y a toujours autant de valeur monétaire en circulation. Et puis aussi, imaginez un peu l'immense masse de capitaux qui sera libérée par le fait que l'Etat et de nombreuses collectivités territoriales cessent d'être des gouffres en déficit permanent ! Franchement, le risque de rareté de capitaux pour le crédit ne m'inquiète nullement.
En pratique, que se passe-t-il ? Si les taux de prêt sont très bas parce qu'il y a beaucoup de capitaux d'épargne disponibles et en quête de rentabilité, les gens vont être davantage emprunteurs, consommant donc davantage, mettant ainsi une pression inflationniste sur les prix. Les épargnants seront aussi moins tentés de se priver parce qu'une rentabilité faible est peu incitative à épargner, et ils seront donc davantage tentés de consommer, ajoutant à la pression inflationniste, tout en diminuant la disponibilité d'épargne pour des prêts. Il en résultera une raréfaction progressive des capitaux qui tendra à faire remonter les taux d'intérêt, donc à diminuer les velléités d'emprunts et de consommation, donc incitera à la déflation, tout en incitant à recommencer à profiter d'une rentabilisation plus intéressante de l'épargne. En simple, une moindre consommation favorise le crédit, ce qui la relance, alors qu'une consommation soutenue défavorise le crédit, ce qui la calme. Le système tend donc à s'équilibrer naturellement au lieu de souffrir d'un levier amplificateur de déstabilisation.
Imaginons le cas qui vous inquiète : la rareté de capitaux pour des opérations de prêts. Ce qui est rare est cher, et ici, le prix de l'argent, ce sont les taux d'intérêt. Si les capitaux sont rares, alors ils sont très bien valorisés par des taux d'intérêts élevés. Et alors davantage de personnes se diront qu'il est plus intéressant de renoncer à de la consommation immédiate pour épargner et profiter de la bonne rentabilisation du moment pour accroître leurs revenus futurs. Progressivement donc, des capitaux se dégagent pour répondre à l'appel que représentent des taux d'intérêts élevés. De plus, la faible disponibilité d'argent frais met une pression déflationniste sur les prix, ce qui réduit l'utilisation de monnaie pour acheter, et donc rend celle-ci plus disponible pour l'épargne puisque les taux élevés la rendent plus intéressante que de la consommation supplémentaire. Là encore, le système, grâce à sa base stabilisée va naturellement tendre vers un équilibre entre la variation des prix et celle des taux d'intérêts.
Avoir un banquier central qui se fait des cheveux blancs pour savoir s'il doit augmenter ou pas le taux directeur pour combattre ou pas l'inflation plutôt que de favoriser ou pas l'emploi devient totalement superflu puisque ce système est auto- équilibrant. Les mêmes mécanismes de marché qu'actuellement sont à l'œuvre. Ils continueront donc de fonctionner après la réforme. Sauf qu'ils fonctionneront dans le bon sens parce que, quand le cadre est sain, le fonctionnement est vertueux. Quand il ne l'est pas, des cercles vicieux s'installent qui le pourrissent progressivement jusqu'à le détruire. Et notre défi est bien de réformer notre système monétaire vicié pour passer de ce second cas au premier.

Quidam :
Votre discours est séduisant, et pourtant…

PG :
Vous peinez à y croire ? Trop beau pour être vrai ?

Quidam :
C'est un peu ça.

PG :
C'est simplement que la peur du changement vous empêche de vous projeter dans la nouveauté pour l'accepter et l'adopter. Et cette peur est d'autant plus présente que, comme tout un chacun, vous vous sentez un peu perdu face à ces questions complexes que vous comprenez mal. Mais intuitivement, vous percevez néanmoins qu'une telle réforme aura un impact majeur sur le fonctionnement de notre économie et donc de notre vie en général. Alors vous êtes tenté, mais vous hésitez, craignant de vous tromper. Et c'est pourquoi il est d'autant plus important de combattre cette crainte infondée par la compréhension. C'est là que se situe toute l'utilité de cet outil qu'est le cerveau. Il aide à raisonner la peur pour mieux la dépasser, tout comme il aide à ne pas se laisser aveugler par l'émotivité, l'affectivité ou l'ego. Une fois que vous aurez bien intégré toutes les implications du fonctionnement de ce système monétaire à masse fixe et les bienfaits qu'il apporte, vous regretterez de ne pas l'avoir mis en place plus tôt.
Toutefois, pour vous y aider, imaginons le cas qui vous inquiète où, pour des raisons diverses, les capitaux disponibles pour le crédit sont et demeurent rares malgré les mécanismes naturels du marché. Par exemple au point qu'en deviennent menacées les capacités d'investissement des entreprises, ce qui préparerait, vous en conviendrez, à des lendemains difficiles. Eh bien si le banquier central n'est plus un pilote, ce n'est pas pour autant que l'avion n'en a pas. Il en reste un, élu pour ce faire : le chef de l'Etat, et son gouvernement. Alors s'ils détectaient un problème, il leur serait toujours possible d'intervenir et de légiférer. Il est de la responsabilité d'un gouvernement de suivre les données économiques et monétaires et d'ajuster le tir lorsque nécessaire, c'est-à-dire lorsqu'il devient clair que les mécanismes d'équilibrage automatique actionnées par la main invisible sont pris en défaut, ce qui ne fait jamais que révéler un défaut à rectifier dans le cadre mis en place.
Tout est toujours possible, même si je n'imagine guère une telle situation qu'en cas d'hystérie millénariste généralisée, genre pré-2012, avec une population majoritairement préoccupée de maximiser sa consommation immédiate plutôt que d'épargner, parce que convaincue que la fin du monde est imminente et qu'il ne sert alors à rien de penser à demain. Assez improbable quand même, sauf révélation de l'arrivée d'outre-espace d'un Armageddon promis à détruire notre planète, et qui rendrait alors toutes ces questions très secondaires. Moins improbable par contre pourrait être l'apparition d'un contournement du cadre de fonctionnement du marché financier et qui y induise un biais altérant son équilibrage naturel. Les opérateurs de la finance mondiale ont démontré toute leur créativité à développer de tels détournements des intentions initiales, si bien qu'on ne peut l'exclure et que la vigilance doit demeurer en tout temps en se prémunissant contre l'excès de confiance. Identifier les failles d'un système est leur passe-temps favori, et, ce faisant, ils contribuent à en révéler les erreurs de conception et à inciter à le parfaire. Ce sera d'autant plus facile pour eux que le système sera complexe, la probabilité de faille conceptuelle augmentant avec la complexité. D'où l'intérêt majeur de rester simple. Eh bien, si malgré la simplicité de notre nouveau système de telles failles se révélaient, une fois le problème identifié, on le résout, en légiférant si besoin pour rectifier le cadre du marché. C'est aussi simple que ça. Du moins lorsque la société dispose de dirigeants dédiés à promouvoir son bien-être, libres de toute compromission avec des intérêts privés.

Quidam :
J'aimerais partager votre confiance, mais je dois avouer que ma difficulté à clairement cerner toutes ces questions un peu complexes et avec lesquelles je ne suis guère familier m'incite à la prudence. Et peut-être qu'introduire un peu de cette prudence dans votre système aiderait à le rendre plus séduisant. Par exemple, il me paraîtrait sécurisant de prévoir une réserve monétaire, à disposition du gouvernement, afin que celui-ci puisse la libérer en tout ou partie pour compenser une éventuelle rareté de capitaux mobilisés pour le crédit.

PG :
Laisser au gouvernement le soin d'activer ou pas une telle réserve reviendrait à refaire varier la masse monétaire effectivement en circulation, ce qui réintroduirait une instabilité dans le système, même si sans commune mesure avec celle engendrée par la création fractionnaire. Donc non. Si cette réserve est prévue, elle doit être disponible à tout moment, accessible exclusivement pour le refinancement des banques commerciales ou des sociétés de financement, qui doivent continuer de porter le risque de leurs opérations puisque ce n'est pas là le métier de la banque centrale.
Si une telle réserve de soutien au crédit est constituée, elle devient un instrument de politique économique entre les mains du Gouvernement. Celui-ci peut aussi bien agir sur le taux auquel il souhaite que sa banque centrale, gestionnaire de ce fonds, refinance les banques commerciales et sociétés de financement, que sur la destination des opérations éligibles à un tel adossement. Je mentionnais tout à l'heure la spécificité du crédit immobilier du fait de leur longue durée, ou celle du financement des entreprises, notamment les PME pour lesquelles la visibilité du risque est plus délicate. Les pouvoirs publics peuvent donc très bien décider de soutenir ces secteurs par rapport à d'autres, en y dédiant l'utilisation de la réserve de soutien du crédit et en établissant un taux d'intérêt de refinancement plus contenu que ne pourrait le permettre l'équilibrage naturel du marché où ces spécificités tendraient au contraire à renchérir l'argent pour ces opérations. Or, pour des prêts immobiliers à long terme, la hausse des taux devient très vite rédhibitoire. Par exemple, passez un emprunt fixe sur vingt ans de 4 à 5% annuels, et la mensualité augmente de plus de 9%. C'est d'ailleurs bien cette hausse des taux variables de leurs crédits immobiliers qui a étranglé les familles américaines et révélé la crise des subprimes, même si c'est la complexité d'un système financier mondial que plus personne ne parvenait à comprendre qui l'a permise.
Disposer d'un tel levier économique est forcément intéressant pour le gouvernement. Et s'il ne trouve pas nécessaire d'interférer avec le marché sur des domaines comme l'immobilier ou les entreprises, nul doute que les finances publiques des collectivités locales accueilleront très volontiers ces fonds pour financer leurs infrastructures plutôt que de les laisser dormants sur les comptes de la banque centrale. Cependant, en l'absence d'une telle réserve, le gouvernement aurait bien d'autres façons de compenser les effets d'un marché boudant éventuellement certains débouchés de financement. Si bien que ce fonds dédié n'est nullement une nécessité. S'il existe, c'est bien, s'il n'existe pas, c'est bien aussi.

Quidam :
Une telle réserve de soutien du financement, ne serait-ce pas comparable à la tentative d'encadrement du crédit mise en place dans les années 80 par le gouvernement d'alors ?

PG :
L'encadrement du crédit visait simplement à maîtriser la création monétaire par le contrôle de la multiplication par réserve fractionnaire. C'était une méthode arbitraire pour limiter la masse monétaire et endiguer l'inflation, qui était bien plus importante à cette époque que maintenant. Relever nettement le ratio Cooke aurait eu le même effet mais en laissant le soin à la main invisible de proposer un nouvel équilibre naturel, ce qui est toujours préférable, à mon avis, à l'arbitraire administratif. Car dans les faits, lorsque la limite de crédit était atteinte, peut-être au milieu de l'année, il n'y en avait plus jusqu'au début d'année suivante. Je vous laisse imaginer les à-coups économiques que générait un tel fonctionnement. C'est fort à propos qu'il a d'ailleurs rapidement été abandonné. Alors non, les deux systèmes ne sont pas comparables.

Quidam :
Je comprends la différence, effectivement.
Comment envisageriez-vous le passage à ce nouveau système à masse fixe ?

PG :
Le plus simplement du monde. Et le passage à l'Euro a donné l'exemple de la façon de procéder. Ce n'est qu'une question d'établir le taux de conversion entre la masse monétaire actuelle de notre économie et la masse monétaire exprimée dans la nouvelle unité monétaire, puis de convertir toutes les sommes et tous les prix. Pour l'Euro, en 2009, il est estimé que la quantité moyenne de monnaie en circulation par citoyen de l'Euroland est un peu inférieure à 30'000€. Avec une masse monétaire fixée par exemple à un billion, c'est à dire, selon l'échelle longue utilisée par le monde entier à l'exception des anglo-saxons, mille milliards, soit mille billions de l'échelle courte des anglo-saxons, donc, disais-je, avec un billion long pour 65 millions d'habitants, nous aurions un peu plus de quinze mille unités de cette nouvelle monnaie par habitants. Cela veut dire qu'elle vaudrait environ deux Euros l'unité. Et c'est une valeur qui demeure pratique pour exprimer les prix au quotidien. Si nous options pour une masse de deux billions longs, la valeur de la nouvelle monnaie serait à peu près comparable à celle de l'Euro. Alors en fait, il est plus simple de se départir du dogmatisme plaisant d'un chiffre rond comme total de la masse monétaire et simplement de conserver la même valeur unitaire de départ que l'Euro. Il y a encore des gens qui réfléchissent en anciens Francs malgré le passage à l'Euro, alors si on leur change encore la monnaie, ça va devenir très compliqué pour eux. En conservant cette valeur unitaire initiale, les gens conservent leurs repères, les magasins n'ont pas non plus à ré-étiqueter tous leurs prix, on se dispense du besoin d'une période de double affichage, etc. C'est donc quasi transparent pour tout le monde, ou presque, puisque seul change le fonctionnement bancaire, que ce soit au niveau de la banque centrale ou des banques commerciales. Pour les citoyens, le changement n'apparaît qu'au travers de la modification des procédures d'épargne.
Ensuite, l'autre volet de la transition est que la masse monétaire devient fixe. En clair, ça veut dire que la monnaie n'est plus détruite par le remboursement du capital d'un emprunt. Elle demeure. Mais pas au sein des banques. Leur laisser cet argent équivaudrait à faire un immense cadeau à leurs actionnaires, ce qui n'est nullement le but. La monnaie doit appartenir à la collectivité, pas aux banquiers, et elle doit donc lui revenir. Toute cette monnaie scripturale créée par les banques devient donc une dette qu'elles ont envers la banque centrale. Au lieu de détruire la monnaie au fur et à mesure du remboursement de capital des emprunts, elles la reversent donc à cette dernière.
Progressivement donc, la banque centrale se retrouve avec un sacré paquet de fric qui appartient collectivement à la société. En se basant sur des grandes masses, avec environ 2'000 milliards de masse monétaire, dont seulement 15% environ correspond à de la monnaie fiduciaire, nous parlons d'une somme de 1'700 milliards à réattribuer à la banque centrale. Or si celle-ci le garde, cet argent ne circule pas. Elle doit donc l'utiliser.
Une façon de la remettre en circulation serait de dire que puisqu'elle appartient au peuple, on la lui reverse sous forme d'un paiement ponctuel correspondant à un peu plus de 26'000€ par personne. Je suis certain qu'une telle décision serait extrêmement populaire, mais à court terme uniquement, le temps que tout un chacun s'aperçoive que ce serait économiquement catastrophique car générateur d'un pic d'inflation très préjudiciable.
Alors il me semble nettement plus approprié de rendre cette monnaie au peuple de façon indirecte, via l'Etat. Des 1'700 milliards disponibles, on en extrait donc une somme correspondant à l'endettement de l'Etat français, soit environ 1'500 milliards, et, abracadabra, cet endettement disparaît !

Quidam :
Attendez, c'est énorme, ce que vous dites là ! Supprimer la dette publique ? Comme ça ? Par enchantement ?

PG :
Pas la dette publique, qui inclut tout l'endettement des collectivités territoriales et des divers régimes sociaux. Seulement celle de l'Etat. Ce qui est déjà pas mal.
Mais sinon, oui, par simple attribution de cette masse de monnaie actuellement exploitée par les banquiers sans qu'elle n'ait de propriétaire. Si elle n'appartient à personne mais sert au fonctionnement collectif, c'est qu'elle ne peut qu'appartenir à tous, comme ce devrait être le cas de toute monnaie nationale. Et puisque le plus commode pour ce faire, c'est bien de l'attribuer à l'Etat, expliquez-moi quelle logique il y a à être emprunteur d'un côté et prêteur de l'autre ? Servir d'intermédiaire ? Ca peut se justifier dans certains cas bien spécifiques, mais d'une manière générale mieux vaut éviter de se mêler de ce qui peut se faire en direct. Car au fond, ça revient essentiellement à se prêter à soi-même. Alors autant compenser et effacer de la sorte environ 1'500 milliards d'endettement pesant sur nos têtes à tous, donc alléger chacun de nous d'environ 23'000€ d'endettement grâce à la simple réappropriation de notre bien monétaire collectif. « Qui paye ses dettes s'enrichit », dit-on.

Quidam :
C'est un drôle de tour de passe-passe !

PG :
Vous avez dit « par enchantement » tout à l'heure. Ce n'est pas totalement hors de propos comme formulation. Mais en fait, il est plus correct de parler de lever un mauvais sort. Le tour de passe-passe, comme vous dites, ce sont les banquiers centraux qui l'ont réalisé voici fort longtemps en instituant ce système de nous prêter une monnaie qu'ils ne faisaient qu'imprimer, pour qu'ensuite les banques commerciales nous prêtent notre propre argent. En levant le sort, nous nous réapproprions simplement ce qui aurait toujours dû être nôtre.

Quidam :
Impressionnant !
Mais les 200 milliards restants, qu'en faites-vous ?

PG :
Mais la réserve de soutien du crédit qui vous est chère, bien sûr.

Quidam :
Bien sûr. Mais ça ne fait plus qu'une petite partie de la masse initialement utilisée par le crédit.

PG :
Certes, mais je vous rappelle que le désendettement de l'Etat a libéré aussi beaucoup de capitaux qui devront trouver de nouveaux débouchés d'investissements. Cette réserve, dans mon idée, n'est pas une nécessité pour soutenir l'activité du crédit. Il me semble opportun de la constituer en profitant du fait que la masse de monnaie scripturale en circulation est supérieure à l'endettement de l'Etat, et parce que je trouverais très contreproductif de laisser à celui-ci le soin de dépenser ce bonus.

Quidam :
Je dois avouer que vous commencez à vaincre mes réticences.
Mais en y réfléchissant bien, nous partons d'une masse monétaire de 2'000 milliards, mais en détruisons les trois quarts en effaçant la dette de l'Etat.

PG :
Effectivement. Mais comme je vous le disais, avoir une masse monétaire qui ne sert qu'à se prêter à soi-même est stérile. En procédant comme ça, on pourrait tout aussi bien la doubler, sans que ça n'apporte aucune richesse supplémentaire. Alors si ça ne sert à rien, simplifions. La masse monétaire de la nouvelle monnaie est donc de l'ordre de 500 milliards, les 200 de la réserve de soutien au crédit et les 300 de monnaie fiduciaire en circulation. Et l'endettement collectif considérablement réduit aussi. Par contre, tous les capitaux antérieurement absorbés par le financement du déficit de l'Etat se retrouvent libérés pour être rentabilisés dans des activités de crédit aux acteurs économiques autre que celui-ci, puisqu'il n'a plus le droit de s'endetter ainsi que nous en avons déjà discuté.
D'un point de vue pratique, il y a donc une destruction monétaire de par ce biais jusqu'à ce que s'atteigne le point d'équilibre. Et cela ne se fera pas en un claquement de doigt. D'abord simplement parce que les 1'700 milliards sont investis dans des prêts divers et ne deviennent disponibles qu'au fur et à mesure du remboursement du capital, ce qui peut être sur le long terme. Quand je disais tout à l'heure abracadabra, c'était pour l'effet d'annonce. Dans les faits la dette de l'Etat ne peut pas disparaître tant que les capitaux prêtés par les banques ne sont pas remboursés et disponibles. Et même alors, croire que le nouvel équilibre se trouvera instantanément, que les capitaux qui finançaient antérieurement l'Etat vont en un éclair se réorienter vers les autres emprunteurs, me semble utopique. Les choses doivent se faire petit à petit. Il ne faut donc pas que les capitaux remboursés soient absorbés au fur et à mesure par la compensation de la dette de l'Etat, mais qu'ils y convergent en ne détruisant la monnaie que progressivement, selon un rythme à définir, comme par exemple ne compenser qu'une unité pour chaque trois remboursées. Les deux survivantes continuent d'alimenter temporairement le crédit jusqu'à atteindre la masse monétaire souhaitée, et donc que ne reste que la réserve voulue. Implémenter la réforme de la sorte lui donne plus de progressivité et de douceur.

Quidam :
Je vois. En fait, l'Etat continue donc quand même de porter son endettement pendant encore un bon bout de temps. Et le budget n'est pas instantanément libéré du poids des intérêts de la dette. Votre effet d'annonce était donc très exagéré.

PG :
Pas du tout. Car en contrepartie du fait de continuer à porter une dette qui ne diminue que progressivement, ce budget encaisse des intérêts sur les sommes prêtées par la banque centrale. Ca compense donc le coût de la dette restante. Si bien que cette réappropriation de la monnaie scripturale profite bien immédiatement au budget collectif.
D'ailleurs, rien n'oblige à compenser totalement la dette de l'Etat. On peut tout aussi bien décider de réduire la masse monétaire progressivement jusqu'à 1'000 milliards, en laisser environ 500 à charge de la dette de l'Etat et dont il faudra alors se libérer en la remboursant normalement par l'intermédiaire du budget, mais disposer alors d'une plus grosse réserve de soutien du crédit pour le futur à long terme. Il me semble qu'il faut certainement au moins se donner les moyens de se libérer de la dette vis-à-vis de l'étranger, et qui représente environ les deux tiers de l'endettement actuel de l'Etat. Compenser 1'000 milliards sur les 1'500 de notre dette souveraine permet au moins d'atteindre cet objectif de restauration de notre indépendance financière nationale. Mais au final, quelle que soit la masse monétaire visée, ce n'est qu'une question de permettre à l'économie de s'ajuster progressivement à ce nouveau cadre de fonctionnement en laissant évoluer les prix en plus ou en moins pour s'ajuster à la nouvelle masse monétaire. Et dans notre cas, avec moins d'unités monétaires en circulation, leur pouvoir d'achat augmentera au fur et à mesure que les prix diminueront.
Le système monétaire est devenu si complexe qu'il requiert d'urgence une simplification pour redevenir gérable, ce qui renforce l'importance pour un état de financer en interne sa dette souveraine plutôt qu'en faisant appel à des capitaux étrangers. Mais réformer cette complexité implique de procéder avec sagesse, car il ne peut jamais être exclu de manquer d'anticiper un effet secondaire néfaste caché au milieu de l'embrouillamini actuel. Et un tel processus de transfert progressif vers l'objectif voulu me semble sage car cette progressivité permet de monitorer les évolutions de la situation et de s'assurer que les ajustements du marché se font comme prévus et que l'équilibrage naturel s'opère de façon satisfaisante. Si ce n'était pas le cas, interrompre le processus de destruction monétaire permettrait de se donner le temps d'ajuster ce qu'il y a à ajuster dans le cadre du marché financier avant de reprendre notre marche en avant vers notre objectif.

Quidam :
Ca me parait sage effectivement. Car l'un de ces ajustements sera certainement une hausse du coût du crédit. Si les banques doivent payer des intérêts à la banque centrale pour pouvoir prêter des fonds dont elles disposaient librement auparavant, forcément, pour préserver leurs marges, elles devront augmenter leur taux d'intérêts.

PG :
Ce n'est pas certain du tout. D'abord parce que les ressources collectées par les banques et sur lesquelles elles basent leurs prêts ne sont actuellement pas gratuites ainsi que vous semblez le penser. Certes, à quelque rares exceptions près, les comptes courants ne sont pas rémunérés. Mais tous les livrets d'épargne le sont. Et les comptes à terme et autres sicav monétaires. Ca ne constitue donc pas un changement fondamental du coût de la ressource monétaire pour les prêteurs. Ensuite parce que ça dépend aussi du taux auquel la banque centrale prête, élément qui est entre les mains du gouvernement comme instrument de politique économique ainsi que nous l'avons vu. Et finalement, parce qu'à aujourd'hui les sociétés de financement qui ne disposent pas des dépôts des épargnants et doivent se refinancer sur le marché financier parviennent déjà à concurrencer les banques. Alors une hausse du coût du crédit n'est nullement une certitude. Le marché trouvera son équilibre. Peut-être un peu différent de celui prévalant actuellement, mais pas fondamentalement différent.
Et s'il s'avérait que le coût d'un crédit immobilier, du fait de son long terme, augmentait un peu et que ça fasse diminuer la demande pour les logements, ce ne serait qu'un élément en faveur de la baisse du marché de l'immobilier que vous appeliez de vos vœux tout à l'heure. Il est très directement contradictoire de vouloir contenir sa tendance haussière tout en s'efforçant de favoriser l'accession à la propriété par des crédits à faible coût, ce qui augmente la demande et entraîne forcément une pression inflationniste.

Quidam :
Ce n'est pas faux. Encore un point pour vous.
Par contre, il me vient à l'esprit que si la banque centrale continue de prêter cette réserve de crédit, le problème que vous expliquiez tout à l'heure concernant les taux d'intérêt à la mise en circulation de la monnaie perdurent. Nous sommes donc toujours en fuite en avant. Fixer la masse monétaire stabilise l'économie, mais ne colmate pas cette fuite que vous expliquiez.

PG :
Non pas. Revenons à l'exemple du Monopoly modifié de tout à l'heure. Le problème venait de ce que le banquier intervenait en acteur extérieur au circuit, ne mettant l'argent en circulation en le prêtant qu'au fur et à mesure de son bon vouloir mais sans jamais qu'il n'y en ait pour couvrir les intérêts. Dans ce système réformé, avec une masse fixe, le banquier central n'est plus un producteur d'argent, mais un simple gestionnaire, pour le compte de l'Etat, d'un fonds collectif, de la même façon que n'importe quel autre acteur du jeu peut disposer de capitaux et les prêter. Les intérêts ne sont plus un supplément non couvert par le capital créé et mis en circulation, mais un simple transfert de richesse au même titre que la rémunération de n'importe quel autre service marchand. Et dans notre cas, puisque le capital prêté qui les génère appartient à la collectivité, le profit engendré par ces intérêts abonde le budget de l'Etat et est donc utilisé pour le bien-être de tous. Car contrairement au banquier de notre Monopoly modifié qui ne faisait que prêter de l'argent, l'Etat lui en distribue en permanence. Il paye des salaires et distribue des allocations qui sont dépensés ensuite dans le privé, il fournit des services publics tels que l'éducation qui accroissent le potentiel de chacun, il finance des infrastructures qui permettent ensuite à chacun de mieux exercer son activité et gagner sa vie, etc. Il n'est donc pas un acteur extérieur, mais une partie prenante du système.
C'est toute la différence qu'il y a entre amorcer un système par l'extérieur en faisant payer l'argent qu'on y injecte, et simplement gérer un système autonome et déjà amorcé. Nous ne sommes plus dans l'exemple de notre Monopoly modifié, mais bien revenus dans le Monopoly classique où la règle prévoit que vous ne commencez pas à zéro, mais avec un capital de départ permettant que le circuit financier soit initialisé, tout en laissant à une banque-Etat le soin de gérer le supplément de masse monétaire, pour des emprunts comme pour des distributions au titre de la loterie, des prix de beauté, ou de votre salaire lors des passages par la case Départ.
Dans un SEL, l'amorce du système se fait naturellement en partant du principe que la somme des comptes de chacun doit faire zéro. La masse monétaire est donc arithmétiquement nulle, et ça n'empêche pas que ça fonctionne. Certains commencent par consommer et passent en négatif, d'autres par fournir et passent en positif. Et au fur et à mesure de la vie du SEL, les soldes varient autour de zéro et sont tantôt positifs tantôt négatifs. Mais avec l'argent officiel, où les enjeux sont autres qu'au sein d'un SEL, autoriser que des soldes demeurent négatifs encouragerait certains à vivre au-dessus de leurs moyens sans jamais faire l'effort d'équilibrer leur budget personnel. Alors la répartition se fait non pas sur la base d'une somme nulle, mais d'une somme égale à la masse monétaire fixe. Et notre passé a servi à amorcer le circuit, même si de façon bien plus inégale que ne l'aurait fait une distribution équitable comme au début d'une partie de Monopoly. Mais il faut bien un point de départ.

Quidam :
Ce point de départ ne pourrait-il pas simplement être une mise à zéro des comptes et une redistribution équitable ?

PG :
Bien sûr. Ce peut être un choix. Et ce serait même beaucoup plus facile à mettre en œuvre. Mais mon choix est celui de la réforme, donc celui de faire évoluer le système vicié existant vers un autre plus vertueux. Si la société fait le choix de la révolution, on peut alors effectivement se donner beaucoup plus de liberté, et tout envisager. Mais avec des conséquences internationales aux effets difficilement prévisibles et pas forcément favorables. Alors je préfère réserver cette alternative au cas où il faudrait relancer un système à partir du chaos, par exemple si tout explose en heurtant le mur barrant le fond de l'impasse dans laquelle nous fonçons tête baissée, ce qui arrivera certainement tôt ou tard si nous continuons à ne rien faire pour redresser la barre.

Quidam :
Par contre, puisque vous mentionnez les conséquences internationales, il semble difficile de faire une telle réforme de notre système monétaire en l'état actuel de l'engagement de la France au sein de l'Union Européenne et de l'Euro.

PG :
Il est vrai… a priori. Et peut-être sera-t-il nécessaire de prendre vis-à-vis de l'Euro le recul nécessaire pour retrouver une liberté d'action suffisante. Mais, d'un autre côté, pourquoi les autres pays européens ne pourraient-ils pas avoir envie de faire de même ? Afin que nous le fassions ensemble ? Eux aussi subissent les mêmes problèmes de masse monétaire fluctuante. Eux aussi connaissent ce problème de fuites financières condamnant leurs économies à une fuite en avant. Eux aussi souffrent des soubresauts permanents engendrés par ce système déstabilisant. Eux aussi peuvent être conquis par les vertus d'une masse monétaire fixe. Car si c'est bon pour nous, c'est tout aussi bon pour eux. Ce n'est qu'une question de leur présenter ce nouvel évangile monétaire dans leur langue pour qu'ils le comprennent, ce qu'il faudra faire dans tous les cas, ne serait-ce que par respect de nos partenaires européens et pour leur expliquer nos choix. Mais il est bien clair que, dans tous les cas, nous n'aurons de la part des banquiers qu'une farouche opposition à une telle mutation.
Et ne commettez pas l'erreur de confondre banquier et simple employé de banque, fut-il directeur d'agence. Je parle des grands dirigeants et propriétaires de banques. Aller déverser sa colère au guichet d'une banque ne sert qu'à démontrer sa propre ignorance et son immaturité. Ces employés sont autant victimes que nous tous des perversions de notre système actuel qu'ils ne comprennent pas plus que tout un chacun.
Par contre, on peut aussi envisager des évolutions qui simplifieront leur métier. Encore que ça intéressera plus les employés de banque qui sont sur le terrain au quotidien, que les banquiers assis en haut de leur tour d'ivoire. Par exemple, supprimer la monnaie fiduciaire.

Quidam :
C'est-à-dire ? Supprimer les pièces et les billets ?

PG :
Absolument. Souvenez-vous, j'avais laissé cette question en suspens tout à l'heure parce qu'elle posait problème pour l'ajustement d'une masse monétaire indexée. En les supprimant, je supprime le problème.

Quidam :
C'est pour le moins radical comme solution. Mais en même temps, je ne devrais pas être surpris car c'est déjà un peu comme ça que vous avez réglé le problème de la retraite…

PG :
Oui, mais je ne le mentionne que pour compléter l'option masse indexée. Car nous avons bien vu que l'option masse monétaire fixe était préférable. C'est donc pour des raisons bien différentes que je souhaite supprimer la monnaie fiduciaire.
Vu le développement des moyens de paiement électronique, carte, virement Internet, paiement par téléphone portable, et j'en passe, ne pensez-vous pas que les espèces deviennent de plus en plus dépassées ? Elles sont encore très utilisées sur les marchés par exemple, mais avec les terminaux de paiement électronique sans fil, les porte-monnaies électroniques, et autres paiement contactless, il y a d'autres moyens d'encaissement disponibles pour les commerçants itinérants que les espèces, même pour de faibles montants.
Vous êtes-vous déjà interrogé sur le coût que représente la production de cette monnaie fiduciaire ? Sur ce que représente le traitement des espèces pour les banquiers au point qu'ils ne veulent plus le faire et forcent leurs clients professionnels à prendre des contrats de sous-traitance avec des entreprises spécialisées ? Pour que les banquiers préfèrent en arriver à perdre des clients plutôt que de s'embêter avec ça alors qu'ils ont la culture de la course aux dépôts, pour justement pouvoir faire des prêts derrière, c'est bien que ce n'est pas neutre. Alors ils seront certainement ravis d'être débarrassés du devoir de recevoir et distribuer les espèces, des problèmes de transports de fonds afférents, des guichets automatiques cambriolés ou tombant en panne, des braquages d'agence, et ce, tout en développant les services de terminaux de paiement. Bon, petit bémol, il y aura aussi un certain redéveloppement de l'utilisation des chèques, ce qu'ils apprécient beaucoup moins parce que c'est également coûteux à traiter, même si les lecteurs optiques et la compensation par chèque-image ont permis de gros progrès dans l'efficience de ces processus et que les français s'en détournent de plus en plus de toute façon au profit des cartes de paiement.

Quidam :
Et ce serait juste pour faire plaisir aux banquiers que vous priveriez le petit de la pièce que lui apporte la petite souris pour sa dent perdue ? Pour les alléger du coût de traitement du cash ?

PG :
Oh que non. Que cela plaise aux banquiers n'est qu'un effet secondaire fortuit. L'objectif est tout autre. Et pas non plus de priver le petit de l'offrande de la petite souris, tradition qui saura sans aucun doute évoluer en conséquence. Eventuellement, on peut aussi envisager de ne conserver que les pièces, avec limitation légale aux paiements de moins de cinq Euros par exemple, et se contenter dans l'immédiat de la suppression des billets. C'est un compromis à discuter, même si ce n'est pas a priori l'option que je préfère. Mais il est clair que les billets doivent disparaître dans un pays comme la France où les solutions alternatives le permettent sans problème.
Si l'on regarde l'utilisation principale des espèces, on constate qu'elles servent essentiellement à des opérations frauduleuses. Les sommes en jeu sur les marchés de légumes du samedi matin sont ridicules en comparaison des valises de billets du grand banditisme, voire des services secrets divers. Tout le monde le perçoit intuitivement. Mais que fait-on ? Nous continuons d'imprimer des billets de 500 Euros totalement inutilisables pour le commun des mortels parce que les commerçants les refusent. Alors à quoi servent-elles ces grosses coupures ? Il fut un temps, un peu lointain maintenant, où le billet en Dollar dont il existait le plus grand nombre était la coupure de mille Dollars. Croyez-vous que c'était pour aller faire ses courses au marché ? La quasi totalité des américains n'avaient même jamais vu ces billets. Ils ne servaient que pour des transactions occultes. Maintenant, le tir a été rectifié et la plus grosse coupure américaine n'est plus que de 100 US$. Dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment d'argent, les canadiens ont supprimé en l'an 2000 le billet de 1'000 Can$. Et la BCE réfléchit à suivre cet exemple et réserver le même sort au billet de 500€.
De plus, outre la criminalité, on peut même rajouter que le travail au noir se paye essentiellement en liquide. Et les marchés du samedi matin, comme ceux des autres jours de la semaine d'ailleurs, n'en sont pas dépourvus. Et qu'en plus se pose le problème de toutes les fausses coupures en circulation. Et le racket, et les braquages dans la rue, et j'en passe. Supprimez les billets, et vous réglez tous ces problèmes d'un seul coup, y compris la mendicité qui n'a plus de justification puisque la pauvreté a d'autres remèdes. Les transferts d'argent sale devront nécessairement passer par des transferts bancaires, ce qui ne garantira pas qu'ils soient tellement découragés, tant le monde bancaire vit de cet argent malsain et est un complice complaisant de cette situation. Mais au moins ça laissera plus de traces et donnera plus de possibilité à la justice de remonter les circuits. Le travail au noir deviendra également bien plus difficile puisque tous les paiements devront obligatoirement passer par des comptes bancaires bien plus facilement contrôlables. Et évidemment, la fin des billets implique celle des faux billets ! Désolé pour la longue et prolifique carrière de votre petite souris mais elle ne pèse pas lourd à côté de tant d'avantages.

Quidam :
Il y a gros à parier que l'argent sale éviterait simplement de transiter par la France, et que la fraude se déplacerait vers le domaine électronique ou les faux chèques.

PG :
La fraude existe déjà dans ces domaines. Ca ne changera donc pas grand chose à ce niveau sinon que les moyens humains et matériels libérés de la traque de la fausse monnaie pourront renforcer les équipes combattant les fraudes qui restent.
Mais vous avez raison de mentionner le fait que le trafic d'argent sale se déplacera simplement vers d'autres pays. Parce que jusqu'à présent, nous avons raisonné, pour rester simple, en considérant un système essentiellement fermé, ce qui était à peu près la situation de la France au Moyen-âge. De nos jours, nous sommes dans un système terriblement ouvert, où tous les pays sont parties prenantes d'un grand système monétaire et financier mondial.

Quidam :
Effectivement, il va falloir élargir l'horizon de réflexion pour intégrer cet aspect de la mondialisation. Mais avant de quitter le domaine purement national, peut-être pourriez- vous expliquer pourquoi vous disiez que le problème est plus compliqué dans le cas de l'Angleterre que dans celui de la France, ou maintenant de la zone Euro ?

PG :
Simplement du fait de l'actionnariat de la banque centrale. Ainsi que nous l'avons vu, toutes les liquidités que celle-ci injecte dans le système en les prêtant aux différentes banques commerciales génèrent des intérêts, le taux directeur étant rarement nul. Ces intérêts génèrent donc un profit qui bénéficie aux actionnaires de la banque. Alors même qu'il leur a suffit, pour émettre ces liquidités, d'imprimer des billets ou de mouler des pièces. Si la banque centrale appartient à l'Etat, ce profit lui revient et donc, d'une certaine façon, il reste au service de la société en abondant le budget collectif. Mais si la banque centrale appartient à des actionnaires privés comme les grandes fortunes du pays, soit directement soit indirectement par le biais des banques commerciales qu'ils possèdent, alors là, c'est tout autre chose. Ce profit généré par la gestion de ce bien commun qu'est la monnaie abonde dans des bourses privées et enrichit sans rien faire ces grosses fortunes.
Vous vous souvenez que je vous mentionnais la répugnance des autorités économiques à laisser perdurer une situation de déflation qui enrichirait sans rien faire la population ? En fait, grâce à l'inflation qui fait perdre progressivement sa valeur à la monnaie, ainsi que pour permettre le paiement des intérêts antérieurs, le besoin de nouvelles injections de liquidité pour continuer d'alimenter la croissance souhaitée de l'économie est constant, et donc la banque centrale s'assure de conserver son business, et le profit de ses actionnaires. Ce n'est même plus fidéliser la clientèle, mais la rendre tout bonnement captive.
L'enjeu de cette question fait partie des points qui échappent à la quasi totalité des citoyens et qui n'est à peu près jamais discuté sur la place publique, mais qui a pourtant un impact énorme sur toute la vie économique de la société. Tant que les intérêts sont reversés dans le système par le biais du budget de l'Etat, donc du profit collectif, c'est un moindre mal. Mais dès qu'ils s'enfuient au profit de fortunes privées, cela revient à dire que le pays entier travaille à enrichir des personnes privées au seul motif de leur privilège d'être actionnaires de la banque centrale. Et je dis « s'enfuient » à dessein, car, dans ce cas-là, c'est bien d'une fuite dans le système qu'il s'agit. Le pays est condamné à la fuite en avant de la perpétuelle croissance, non seulement pour tenter de compenser le déséquilibre structurel d'un système qui n'a pas prévu de monnaie pour permettre le paiement des intérêts, mais aussi pour compenser cette captation directe d'une partie de sa richesse collective par les actionnaires des banques centrales privées.
La Banque de France était privée lors de sa création par Napoléon en 1800. Mais, un mal pour un bien, la Seconde Guerre Mondiale a bouleversé les choses et elle a été nationalisée en 1945. Elle roule donc pour le peuple, ou à peu près. La Banque d'Angleterre, elle, est demeurée privée. On retrouve parmi ses actionnaires des noms bien connus tels que les Windsor, c'est à dire la famille royale d'Angleterre, ou les Rothschild. Cette situation de privilège privé d'émission monétaire engraisse donc des parasites financiers, ce qui est tout ce qu'il y a de plus injuste. Mais vous pouvez comptez sur eux pour qu'ils vendent chèrement leur peau, tant ce privilège exorbitant est éminemment lucratif. Et plus encore que lucratif, il octroie un réel pouvoir sur le pays concerné.
La Federal Reserve Bank, banque centrale des Etats-Unis d'Amérique, couramment appelée la Fed, est également privée, détenue par les grandes fortunes anglo-saxonnes au travers de leurs banques respectives. Lors de sa création, le père de la nation américaine, Thomas Jefferson, s'est montré dithyrambique contre le fait d'accorder à une banque privée le monopole de l'émission de la monnaie du pays. L'histoire nous rapporte notamment ses paroles : « Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d'abord par l'inflation, ensuite par la récession, jusqu'au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leur parents ont conquis. » Il n'était que trop conscient de cette réalité économique et financière qui aurait fait dire au Baron Rothschild en titre pendant la première moitié du 19ème siècle et déjà actionnaire majeur de la Banque d'Angleterre : « donnez-moi le contrôle de la monnaie d'un pays et je me fiche de qui en fait les lois ». Et la crise des subprimes, avec toutes les saisies immobilières qui en découlent et laissent à la rue des centaines de milliers d'américains, donne aux paroles de Jefferson un écho quasi- prophétique.
Il se dit même, dans certains écrits, que tant Abraham Lincoln que JF Kennedy, pour lesquels ont par ailleurs été relevées d'impressionnantes séries de coïncidences, auraient chacun été assassinés quelques mois après avoir fait part de leur intention de mettre fin à ce monopole de la Fed. Vrai, pas vrai, nous ne le saurons vraisemblablement jamais dans ce monde, tant les spéculations sur les causes de ces deux assassinats sont aussi nombreuses qu'invérifiables. Mais ce qui est certain, c'est que l'enjeu est un motif plausible pour un tel acte. Des milliards qui tombent dans votre escarcelle sans rien faire, année après année, ça ne se lâche pas comme ça !

Quidam :
Et alors qu'en est-il de la BCE puisque notre Euro dépend d'elle ?

PG :
La BCE a pour actionnaire les banques centrales des pays de l'Union, qu'ils soient déjà membres de l'Euro ou pas, selon une clé de répartition dépendant tant de la proportion de population que de PIB de ce pays par rapport à l'ensemble de l'UE, et avec mise à jour tous les cinq ans ou à chaque nouvelle adhésion d'un pays à l'Union. Alors sans même se préoccuper de l'actionnariat de toutes les banques centrales des différents pays de l'UE, puisque la BCE a comme actionnaire tant la Banque de France que la Banque d'Angleterre, pour environ 14% chacun depuis 2007, il est clair qu'il y a un mélange indirect entre actionnariat public et privé. Nos Euros financent donc également pour partie les vampires de la grande finance mondiale.
Et si vous vous demandez pourquoi les déficits publics ne font que croître partout dans le monde, et particulièrement dans les pays riches, Etats-Unis en tête, vous êtes maintenant en mesure de comprendre que tous ces prêts pour les financer sont très profitables pour les actionnaires des banques centrales qui se réjouissent de cet appel massif et régulier à de nouvelles liquidités dont le coût n'est pas perdu pour tout le monde. C'est une des raisons qui me fait dire que, s'il est compréhensible qu'un micro- état puisse être amené à s'endetter pour financer un gros élément d'infrastructure, un état de la taille de la France ne devrait jamais y être autorisé. Non seulement parce que c'est révélateur d'un train de vie au-dessus de nos moyens, et donc d'une mauvaise gestion, mais aussi parce que ça renforce l'emprise du monde de la finance sur les décisions du gouvernement au détriment de la volonté populaire.
Car il va sans dire, mais ça va mieux aussi en le disant, que si un gouvernement mène une politique qui ne plait pas aux décideurs de la banque centrale, il suffit de peu de chose pour rapidement lui couper les vivres, mettre l'économie en récession, voire l'Etat en faillite, et le peuple en colère dans la rue. On entend les gouvernements s'inquiéter d'une éventuelle dégradation de la note attribuée à leur dette souveraine par les agences privées de notation, mais ce n'est pas pour des questions d'image. C'est parce que l'impact sur les taux d'intérêt est immédiat, et qu'une hausse peut couler les finances d'un pays de la même manière qu'ont été coulées celles de nombre de ménages américains amenant leurs maisons à être saisies. Vous comprenez mieux maintenant la phrase attribuée au Baron Rothschild. On peut se permettre d'être arrogant quand on réussit à s'octroyer un tel pouvoir. Et c'est une motivation supplémentaire pour eux pour ne pas le lâcher sans combattre.


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