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 RESPECT ET VERITE
Ch.31: Président vs Premier Ministre

31 : Président vs Premier Ministre

Quidam :
Dont acte ! Mais en attendant ce réveil citoyen, dites-moi donc maintenant comment vous voyez la tête de l'exécutif d'Etat ? Que pensez-vous du système de la 5ème République, d'avoir à la fois un président et un premier ministre ?

PG :
Ce qu'il faut penser de cet exécutif à deux têtes, ce sont les périodes dites de cohabitation, où l'Assemblée Nationale et le Président sont de bords politiques opposés, qui nous le disent.
Le Président est le chef de l'état, tandis que le Premier Ministre est le chef du gouvernement. Les anglais et les allemands ont également cette distinction, avec respectivement une reine et un président pour chefs d'état, et un premier ministre et un chancelier pour diriger le gouvernement. On voit bien dans leur fonctionnement, que leur chef d'état est une fonction honorifique avec très peu de pouvoir, voire pas du tout. Ils symbolisent l'unité de la nation, mais ne la dirigent pas. Au contraire, le Premier Ministre et le Chancelier, étant les chefs de gouvernement, dirigent effectivement leur pays. Les rôles sont clairement répartis, et il n'y a pas de confusion quant à qui est le patron de l'exécutif : ce n'est pas le chef de l'état mais bien le chef du gouvernement. On peut, du coup, épiloguer sur l'intérêt d'avoir un chef d'état symbolique, surtout lorsqu'il est aussi coûteux à entretenir que les fastes d'une royauté, mais c'est un débat qui appartient aux pays concernés.
Celui qui doit nous concerner en France est de savoir si cette double tête se justifie. En théorie, le Président, en tant que chef de l'état, est garant de l'unité de la nation, président de tous les français comme aiment à le rappeler les différents tenants du poste, et censé se situer au-dessus des partis. Mais dans les faits, qui souvent diffèrent de la théorie, le Président est issu de ce système des partis et n'a donc pas de crédibilité à être au-dessus de celui-ci. Sans parler du fait que dans un pays très partagé comme le nôtre où la présidence se joue souvent à pas grand chose, il y a peu de légitimité à se prétendre président de tous les français alors qu'on a été élu avec 51% des voix. Et encore est-ce en pourcentage, même pas des suffrages exprimés, mais des suffrages non blancs, et en négligeant encore plus les abstentions. Toujours est-il que, dans les faits, lorsque le Président est en réalité le chef du parti majoritaire à l'Assemblée, il est le patron effectif du pays, puisqu'il nomme un lieutenant de son clan comme Premier Ministre et que celui-ci lui est donc inféodé.
Mais les choses changent lorsque les élections législatives portent à l'Assemblée Nationale une majorité différente de la couleur politique dont est issu le Président. Ces périodes de cohabitation rappellent alors que la Constitution de la 5ème République prévoit que c'est le Premier Ministre, responsable devant l'Assemblée Nationale, qui est le vrai chef de l'exécutif. Sauf que le Président dispose de pouvoirs pas uniquement symboliques, comme celui de promulguer les lois et qui lui donne donc de facto un droit de veto susceptible de créer des blocages, sans parler du fait qu'il est aussi le chef de l'armée et qu'il est des cas où, comme l'a dit le Grand Timonier Mao, un connaisseur s'il en est : « le pouvoir est au bout du fusil ».
Pour éviter ces situations, la Constitution a été modifiée pour aligner depuis 2002 la durée du mandat présidentiel sur celui des députés. A l'époque, ça a été déguisé comme un moyen d'éviter la fameuse usure du pouvoir en cas de réélection du tenant du poste, usure qui l'affecte bizarrement toujours plus lorsqu'il est du camp opposé à celui qui en parle. Alors puisque deux septennats, ça parait trop long, deux quinquennats, ça l'est moins. Imparable logique mathématique ! Il a été dit bien d'autres choses encore, notamment, argument qui tue, qu'un quinquennat, ce serait plus « moderne »… sans qu'il soit bien expliqué en quoi et pourquoi. C'est d'ailleurs ce qu'il y a de bien avec ce type d'argument : ils sont tellement normatifs et vaporeux qu'ils ne veulent rien dire et ne nécessitent du coup aucune explication. Bien au contraire, il faut surtout éviter de chercher à les expliquer de crainte d'en révéler toute la vacuité. Mais bref. En résulte en tout cas qu'il ne devrait plus y avoir de période de cohabitation, et que la Real Politik du système des partis a consacré le Président comme chef de l'exécutif, en contradiction avec la constitution du pays. Et voilà comment la réalité du terrain peut, là aussi, détourner les institutions.

Quidam :
Mais, en somme, est-ce un problème ?

PG :
Votre question est très pragmatique et vous avez raison : ça ne correspond pas à l'esprit initial de la Constitution, mais en quoi est-ce un problème ?
Nicolas Sarkozy est beaucoup critiqué pour son hyper-présidence, qui tranche nettement avec le recul, pour ne pas dire l'immobilisme, qu'affichaient ses prédécesseurs, au point qu'on a parlé du Sphinx pour la présidence de François Mitterrand. Mais Nicolas Sarkozy fait simplement preuve de réalisme : c'est lui qui a été élu Président, et sur la base d'un programme politique qu'il a lui-même présenté et défendu devant les électeurs. C'est donc fort logiquement à lui de le mettre en œuvre et non d'en déléguer l'application à un premier ministre qui n'aurait d'autre fonction alors que de servir de fusible quand le peuple récrimine de trop. Ce faisant, il consacre la réalité selon laquelle il est le chef de la majorité au pouvoir et donc le chef effectif de l'exécutif, plutôt qu'une potiche censée prendre du recul pour prétendre être au-dessus des partis et qu'il faudrait alors élire sur la base d'une dissertation de philosophie plutôt que d'un programme politique. Bref, il assume son job et met fin à l'hypocrisie qui régnait jusqu'alors.
Mais du coup, nous nous retrouvons avec un régime qui tient plus du régime présidentiel à l'américaine. Pourquoi pas ? C'est un système comme un autre. Il ne correspond pas à l'intention de la Constitution bien que le passage du septennat au quinquennat aligné sur l'Assemblée Nationale l'ait de facto consacré. En soi, ça ne me gêne pas plus que ça, puisque ce n'est qu'un prolongement logique du système des partis, qui lui, par contre, est très critiquable.
Par contre, je regrette l'idée initiale du septennat : sept années pour offrir une vision à plus long terme que ne peut en offrir la durée d'une législature quinquennale.

Quidam :
Mais d'éliminer de facto le problème lié à une cohabitation n'est-il pas une avancée ?

PG :
Les périodes de cohabitation marquaient surtout le fait que les français ne savaient pas ce qu'ils voulaient et changeaient d'avis en peu de temps, mécontents qu'ils étaient des divers partis dont aucun ne semble pouvoir racheter l'autre. Difficile de les blâmer tant on a l'impression, à chaque élection depuis des décennies, de devoir choisir entre la peste et le choléra. D'où la montée régulière de l'abstention ou des extrémismes divers.
Si nous voulons un exécutif aligné sur la législature, alors un président ne sert à rien. Un premier ministre à l'anglaise ou un chancelier à l'allemande ferait tout aussi bien l'affaire. Avons-nous besoin, nous français, du symbole inutile et coûteux d'un chef d'Etat symbolique ? Si oui, alors il n'était pas nécessaire de couper la tête à Louis XVI. Et si oui, alors un président issu du système des partis ne saurait faire un bon candidat à cette fonction à vocation fédératrice, relevant essentiellement du troisième niveau de besoin de la pyramide de Maslow.
Si au contraire nous voulons un régime présidentiel à l'américaine, alors économisons le poste fusible de premier ministre.

Quidam :
Et vers quoi va votre préférence ?

PG :
Ni l'un ni l'autre... ou les deux. L'un et l'autre ont leurs avantages selon les périodes. En période calme, un régime parlementaire, donc avec premier ministre, est adéquat. En période troublée ou de mutation, un régime présidentiel, permettant un exécutif plus fort, est préférable. Mais uniquement s'il y a un candidat adéquat pour assumer la fonction.
Alors je suis pour un système flexible, à géométrie variable, plus à même de s'adapter aux aléas de l'histoire en marche et qui, comme chacun sait, n'est pas un long fleuve tranquille. Si une personnalité exceptionnelle fait surface à un moment donné, pourquoi ne pas se donner les moyens de lui confier des moyens exceptionnels pour passer plus efficacement des périodes exceptionnelles ? Et lorsqu'il n'y en a pas qui se détache du lot, faute de candidat exceptionnel ou signe que les français n'en ressentent pas le besoin, alors restons-en à un régime parlementaire.

Quidam :
Je gage, après tout ce que vous avez dit sur les besoins de réformer en profondeur notre société dans un monde qui va à l'envers, que vous considérez cette période comme exceptionnelle. Mais concrètement, comment incorporer une telle flexibilité des institutions au sein de la Constitution ? Nécessairement, cela implique une modification de celle-ci, voire une nouvelle constitution et une 6ème République.

PG :
Qu'on le considère comme modification de la Constitution et gardions à la République son numéro, ou qu'on l'appelle Nouvelle Constitution et changions le numéro de notre régime, c'est de l'ordre du symbole. Mais ceux-ci ont leur importance pour certains. Il me semble que l'ampleur des modifications que j'ai suggérées depuis le début de notre conversation justifie plutôt une nouvelle constitution. Car ça incarnera mieux la rupture avec le passé pour instituer un nouveau présent préparant un avenir plus porteur. C'est le résultat qui compte, mais si le symbole peut y contribuer, ne le négligeons pas.
Cette flexibilité de l'exécutif me semble assez simple à mettre en œuvre. Il faut définir dans la Constitution les pouvoirs d'un premier ministre et ceux d'un président. Ensuite, nous aurons l'un ou l'autre selon les résultats des élections. Il faut fixer le seuil d'élection du président non pas à la simple majorité, mais au deux tiers des suffrages exprimés. Et alors là, oui, on pourra considérer qu'il est apte à être le président de tous les français, et qu'il jouit d'une confiance permettant de lui confier des pouvoirs supérieurs à ceux d'un simple premier ministre. L'élection est à organiser en un maximum de trois tours. Les deux candidats arrivant en tête au premier tour se présentent au deuxième. Et vient ensuite le troisième tour, en forme de plébiscite du seul candidat arrivé en tête. S'il dépasse la barre des deux tiers des suffrages exprimés, il est élu président.

Quidam :
Mais si un candidat franchit le seuil des deux tiers des suffrages lors d'un tour précédent, bien sûr, il est élu sans attendre le troisième tour.

PG :
Non. Car il ne s'agit pas d'élire à tout prix mais de voir si un candidat exceptionnel émerge et bénéficie d'un consensus populaire suffisant pour le soutenir. Et seul le troisième tour, où il n'y a plus qu'un seul candidat, permet de savoir si le peuple veut effectivement confier à cette personne la responsabilité exceptionnelle de guider sa destinée. En 2002, Jacques Chirac a bénéficié d'un concours de circonstances qui lui a donné un score à faire pâlir d'envie un président africain, donc largement plus des deux- tiers des suffrages exprimés. Mais c'était clairement plus une marque d'opposition à son challenger qu'un soutien massif à sa personne. Et ce n'est pas pour autant que le peuple aurait nécessairement souhaité lui confier des pouvoirs étendus. Cela, seul le troisième tour peut le déterminer. Tout au plus peut-on se dire que si un candidat obtient une majorité absolue dès le premier tour, on peut passer directement au troisième.
Je précise d'ailleurs que par suffrages exprimés, j'entends bien que soient enfin pris en compte les votes blancs, comme s'ils correspondaient à un candidat à part entière présent par défaut à chaque tour. Au troisième tour notamment, les votes blancs pour plus d'un tiers des suffrages exprimés indiquent que les français ne sont pas suffisamment décidés à confier leur sort à ce dernier candidat en lisse, et que personne n'est donc élu président.
Mais lorsqu'il est élu, ce président ainsi légitimé par un score sans ambiguïté peut alors l'être pour sept ans, au lieu de seulement cinq, afin d'apporter une vision de plus long terme. En fin de mandat : nouvelle élection. S'il est réélu, alors ce n'est que pour une rallonge de trois ans, tandis que si un autre candidat est élu, il part pour un septennat normal. En introduisant cette durée variable selon que c'est un premier mandat ou une reconduction, nous nous prémunissons contre le problème évoqué du temps du septennat : deux de suite, soit quatorze ans, ça peut faire long. Surtout pour ceux qui ne sont pas d'accord avec le président en exercice. Alors si le candidat est bon, ce qu'il aura démontré ou pas au cours de son septennat, et que nous évacuons cette crainte de la trop grande longueur d'un deuxième septennat, pourquoi ne pas profiter encore un peu de ses compétences et le reconduire dans sa fonction ? Peut- être même plusieurs triennats de suite. Il n'y a pas de raison de limiter le nombre de renouvellement. Quand les gens n'en veulent plus, même faute de candidat alternatif, il suffit de lui faire échec au troisième tour.
Ce président sera-t-il réellement au-dessus des partis ? Il n'y aucun moyen de le garantir. Seuls les électeurs, par leur engagement, peuvent forcer la fin du régime des partis. Tout ce que nous pouvons garantir par ce système, c'est qu'avec de tels seuils d'élection, lorsqu'un président sera élu, il aura une vraie légitimité à représenter tous les français et à diriger le pays.
Et lorsqu'aucun candidat ne recueille une approbation suffisante des électeurs pour occuper le poste, alors il n'y a qu'un premier ministre, élu par l'Assemblée Nationale et responsable devant elle de l'action de son gouvernement. Ce peut d'ailleurs être un candidat malheureux à l'élection présidentielle. Rien ne s'oppose à être plébiscité comme Président le temps d'un septennat, mais seulement sollicité comme Premier Ministre ensuite. Ou inversement. Tout est possible.

Quidam :
En l'absence de président, je suppose que ce serait alors un régime parlementaire classique, tel que nous le connaissons en Angleterre ou l'avons connu en période de cohabitation.

PG :
Effectivement, rien de très innovant concernant le fonctionnement du régime parlementaire lorsqu'il est en vigueur. Simplement, puisqu'il n'y a pas de chef d'état pour nommer le premier ministre, ce qui veut dire en fait en proposer un à l'agrément de l'Assemblée, il faut prévoir que celle-ci en élise un par elle-même. Ce sera vraisemblablement le chef du parti majoritaire, mais pas forcément. On peut imaginer que des partis minoritaires s'allient pour promouvoir un autre candidat, voire que l'Assemblée se mette d'accord sur un candidat qui lui soit externe. Là encore, souplesse et adaptabilité sont à prévoir dans la Constitution.

Quidam :
En fait, cela revient à appeler Président le chef de l'exécutif lorsqu'il est élu au suffrage universel direct par le peuple, mais Premier Ministre lorsque c'est au suffrage indirect par les seuls députés.

PG :
C'est à peu près ça bien que, compte tenu de la plus grande légitimité du suffrage universel direct, surtout lorsqu'il requiert les deux tiers des votants, les prérogatives d'un président puissent être plus étendues que celles d'un premier ministre.
Et puis un régime présidentiel offre plus de stabilité, parce que l'Assemblée y réfléchira à deux fois avant de s'opposer à un président plébiscité par les deux tiers du peuple. Un régime parlementaire n'est jamais à l'abri de se retrouver dans une impasse qui le rende impropre à gouverner le pays, comme on l'a vu avec l'instabilité gouvernementale de la 4ème République, comme ce fut aussi longtemps le cas en Italie, et comme c'est actuellement le cas en Belgique. De ce fait, il est tout à fait légitime de prévoir dans la Constitution que l'incapacité d'une Assemblée à mettre en place un gouvernement stable, ce qu'on pourra définir par deux gouvernements successifs de moins d'un an chacun, entraîne automatiquement une nouvelle consultation populaire, d'abord pour peut-être élire cette fois un président, et à défaut pour renvoyer les députés devant leurs électeurs.
A noter aussi que puisque ce régime marque l'absence de président, il faut prévoir qu'une nouvelle élection présidentielle ait lieu un peu avant la fin de la législature en place, afin qu'on sache pour le scrutin législatif qui suit, quels sont les enjeux réels. Ceux-ci peuvent effectivement varier selon qu'un président aura été élu ou pas. Bien entendu, vu que les rythmes des mandats présidentiel et législatif diffèrent, s'il y a déjà eu une élection présidentielle infructueuse l'année d'avant, inutile d'en refaire une juste avant l'élection législative. Mais si c'était au moins deux ans auparavant, on recommence. Ca fera un peu plus de scrutins de niveau national qu'actuellement, mais en compensation, il y en aura moins au niveau territorial.

Quidam :
Alors globalement, les gens ne passeront donc pas plus souvent par les isoloirs ?

PG :
Sauf instabilité durable du régime parlementaire reflétant surtout le fait que les électeurs ne parviennent pas se mettre d'accord sur ce qu'ils veulent et que le pays est donc en crise au niveau de son aspiration commune, non. Et au moins y passeront-ils à chaque fois pour des scrutins à enjeu clairement perceptibles par tout un chacun.
Mais permettez-moi une parenthèse concernant ces hautes fonctions de l'exécutif d'Etat. Il est une hypocrisie que je ne peux passer sous silence, et qui a trait à la rémunération de ces responsabilités clés du pays. La rémunération du Premier Ministre est de l'ordre de 19'000 Euros mensuels. En 2007, la rémunération du Président de la République a été quasiment triplée par alignement sur ce niveau, car, sous prétexte d'être avant tout un gardien de l'unité de la nation et non le chef de l'exécutif, il était en fait bien plus mal payé que son pseudo adjoint, qui du coup faisait encore plus luxe. Et voilà qu'aussitôt ont commencé les traditionnelles critiques du genre « quand on pense que c'est plus de quinze fois le SMIC » etc., etc. Mais c'est à pleurer ! Nos chers concitoyens ont un sérieux problème avec l'argent. Par contre, 450 euros de frais de bouche quotidien, fusse pour le couple présidentiel, ça oui ça me choque. Tout comme acheminer sa progéniture à l'école en hélicoptère au frais de l'Etat…

Quidam :
Quand vous dites « concitoyens », dans ce contexte, c'est en un mot ou en deux ?

PG :
Que vous êtes taquin ! Laissons planer le doute et revenons à ces rémunérations. Si nous voulons des candidats de valeurs, il faut bien s'autoriser à les rémunérer en conséquence. Est-il acceptable que la rémunération de la personne la plus importante pour la bonne marche du pays soit misérable à côté de celle des grands patrons d'industrie que parfois même il nomme ? Ou bien inférieure à celle de hauts fonctionnaires de l'agriculture ou de la santé, ce qui invitera d'ailleurs à devoir se pencher un jour sur la cohérence des grilles de salaires de la fonction publique pour s'assurer que les diverses responsabilités bénéficient d'une juste rémunération ? Certains considèrent que ce peut être un test de vocation, pour valider le fait qu'on vient exercer le pouvoir afin de servir le pays et non par attrait du salaire. Pour ma part, je considère que ça incite certaines personnes de valeur à se tourner vers le privé, pour mieux gagner leur vie sans même se faire tirer dessus à boulets rouges à longueur de journée, et que ça résulte donc en une perte de compétences au détriment de tous. Et pour ceux qui acceptent de s'offrir à ce service, ça ouvre une plus forte tentation de profiter de leur fonction pour jouir d'un standing parfois un peu exagéré. Le même raisonnement s'applique d'ailleurs aussi bien au Président qu'au Premier Ministre, ou aux ministres et secrétaires d'Etat. Quel mal y a-t-il à rémunérer les compétences ? N'est-il pas plus judicieux de s'assurer qu'elles soient là et qu'elles gèrent bien le pays, plutôt que d'en rogner le salaire ?
La rémunération doit être plus attractive et plus en rapport avec les responsabilités qui sont les leurs. Nous pourrons alors plus légitimement les fustiger lorsqu'ils abusent de leur fonction pour s'octroyer des avantages matériels divers, que ce soit des appartements de fonction trop luxueux, des festins aux frais de la République avec des bouteilles de vin hors de prix, emportant parfois même la cave du ministère lorsqu'ils perdent leur fauteuil, etc. Alors donnons-leur des salaires plus dignes de ce que nous attendons d'eux et nous pourrons réduire les dépenses somptuaires personnelles. Voilà d'ailleurs aussi un moyen primordial pour combattre l'usure du pouvoir : ne pas s'enfermer dans une tour d'ivoire tous frais payés, loin des réalités de la vie quotidienne de tout un chacun.
Pour le Président par exemple, 100 fois le montant de l'allocation d'active me parait adéquat. Pour le Premier Ministre, donc lorsqu'il n'y a pas de Président, 90 fois. Pour les ministres 60 fois, et 50 fois pour les secrétaires d'Etat, même si la distinction entre les deux tient plus de la reconnaissance politique qu'à de réelles différences de responsabilités. L'intérêt d'indexer ces salaires sur l'allocation d'active est qu'ils évoluent en plus ou en moins en fonction de celle-ci. Si un dirigeant, Président ou Premier Ministre, décide d'en augmenter le montant, certes il en bénéficie, mais tout le monde aussi. Si au contraire il estime nécessaire de resserrer un peu la solidarité sociale, il participe aussi automatiquement à l'effort. Et même 90 ou 100 fois plus que les citoyens. Bien évidemment, je parle ici de salaires bruts, donc soumis comme tout le monde à la contribution unique, afin qu'ils ne soient pas hors du système s'appliquant à tous. Ce qui fait, par exemple, que le Président ne touche en fait en net que 50 fois le montant de l'allocation d'active, soit seulement 23'000€ nets sur la base de notre exemple, plus bien sûr son allocation d'active, comme tout un chacun. Et le même principe doit se prolonger pour les députés et les élus territoriaux, en prenant en compte pour ces derniers, la population qu'ils gèrent, ce qui implique un développement plus complexe que je nous épargnerai ici.

Quidam :
Par contre, ça, c'est pendant qu'ils sont en exercice. Quid de l'après ? On voit souvent circuler sur Internet des messages stigmatisant les votes des parlementaires concernant leurs régimes spéciaux, les accusant de se favoriser. Et les ministres ne sont pas épargnés par ce genre de polémique.

PG :
Oui, c'est un peu dans la même logique d'ailleurs que d'attendre d'eux qu'ils se contentent de salaires tellement en décalage avec la réalité du monde des entreprises. Pourquoi pas du bénévolat tant qu'on y est ! Il ne faudrait pas s'étonner alors si ne se présentaient que des gens fort riches, n'ayant pas besoin de ce salaire pour vivre, mais qui soient alors très en décalage avec les aspirations du commun des citoyens. Ou des magouilleurs prompts à user de leur pouvoir pour leur profit personnel…
Alors en matière de retraite ou de chômage, peut-on les mettre au même régime que tout le monde ? Je répondrai, dans l'absolu, pourquoi pas ? Si nous avons envie de voir la moitié d'une assemblée corrompue par l'offre de pensions dorées de la part d'un lobby puissant désireux de voir passer une loi en sa faveur, c'est effectivement une option possible. Mais si on veut s'en prémunir, il faut accepter de déroger aux principes applicables aux citoyens, et reconnaître que manier le pouvoir de l'Etat est particulier. Et notamment, puisque leurs décisions nous engagent et nos impactent tous, qu'il est de l'intérêt collectif d'accepter de préserver nos élus et ministres de ce genre de tentations.

Quidam :
Enfin, quand même, quand on voit que les députés se sont votés en toute discrétion un régime spécial d'indemnité chômage qui leur maintient leurs près de 7'000€ bruts mensuels pendant 5 ans, c'est-à-dire le temps d'une législature, et qu'ils perçoivent ensuite encore 20% de ce montant jusqu'à leur retraite, et le tout sans aucune obligation ni de recherche d'emploi ni de rien du tout, contrairement à tout ce qui est imposé au citoyen normal, il y a de quoi trouver ça abusif ! Et leurs régimes retraite ne sont pas forcément moins critiquables.

PG :
Je vous l'accorde. Si le principe est défendable, et je le défends, son application est ici assez abusive et mérite d'être revue et corrigée.

Quidam :
Alors à quoi pensez-vous pour satisfaire au principe sans en abuser ?

PG :
De même que la garantie de l'emploi se justifie pour les fonctionnaires qui manient un pouvoir régalien de l'Etat, de même, pour éviter les conflits d'intérêts et la corruption, il faut appliquer cette même garantie de l'emploi à ceux qui sont la source de ce pouvoir régalien. Cela exclut les élus des premiers niveaux de territorialités comme les conseillers municipaux par exemple. Surtout si le pouvoir municipal est réduit, filtré par la responsabilité personnelle du directeur général communal, et supervisé par l'administration d'Etat sur les domaines les plus sensibles ainsi que nous en avons discuté. Seuls les élus nationaux et ceux des plus hauts niveaux de territorialités sont concernés ici.
Concrètement, cela veut dire garantir aux ex-élus concernés, non pas une prestation chômage ou une pension de retraite anticipée, mais un reclassement au sein d'administrations nationales ou territoriales, d'organismes parapublics ou d'entreprises publiques, avec une garantie de rémunération d'au moins la moitié de leur précédent traitement, si la rémunération associée aux nouvelles fonctions assumées ne justifie pas mieux. Un ministre a forcément des compétences et une expérience utile pour le pays, par exemple au sein d'un corps de chargés de mission au service de l'Etat, voire des régions, pour les questions les plus diverses. Tout comme les anciens présidents de la République sont actuellement automatiquement membres du Conseil Constitutionnel. Quant à un député de l'Assemblée Nationale ou du Parlement Européen, ou encore un sénateur, ils ont forcément des compétences spécifiques et une expérience politique et des problématiques publiques qui sont également valorisables au service de la collectivité. De même pour un président de Conseil Régional.
Mais bien évidemment, libre à eux de briguer le moment venu un autre mandat électif, en conservant alors ce demi-salaire comme minimum de leur nouveau traitement et non comme supplément cumulable, ou de choisir de valoriser leurs compétences dans le privé, perdant alors définitivement le bénéfice de cette situation, sauf à se faire réélire pour rerentrer dans ces dispositions par le bais d'un nouveau mandat.
Je crois que ce qui choque beaucoup de gens dans ces histoires de régimes parlementaires de chômage et de retraite, c'est qu'ils en bénéficient sans contrepartie d'obligation quelconque et même les cumulent s'ils font autre chose. Ici, ce ne sera plus le cas.

Quidam :
En tout cas, c'est une solution élégante. Ils demeurent payés, mais pas à rien faire : ils continuent de servir la société. C'est un peu leurs travaux d'intérêt général à eux en somme.
Par contre, si vous en avez terminé avec cette parenthèse, j'aimerais que vous me précisiez maintenant un point qui mérite d'être approfondi : qu'entendez-vous par pouvoirs exceptionnels de ce président ? Ou prérogatives plus étendues ?

PG :
Donc ce président. Pour moi, compte tenu des conditions d'élections, ne peut parvenir à ce poste que quelqu'un qui est nécessairement reconnu par la population comme étant une autorité morale et donc un guide de son pays. Et quand je dis guide, je ne parle pas d'un titre ronflant dont les Guide de la Révolution, Gran Conducador, Grand Timonier et autre Petit Père des Peuples ont trahi la sémantique en étant les bourreaux de leurs administrés plutôt que leur bienfaiteur. Je parle bien de sagesse appliquée et concrète. En fait, j'assimile volontiers ce cas à la monarchie éclairée prônée par Voltaire, et je lui accorde des pouvoirs, non pas quasi régaliens, mais certainement plus étendus qu'un simple premier ministre.
Notamment, lorsqu'il l'estime nécessaire, il doit pouvoir légiférer de façon plus efficace que selon la procédure parlementaire habituelle. Le projet de loi est présenté au Parlement, députés et sénateurs font part de leurs remarques, critiques et propositions de modifications, puis le texte, éventuellement rectifié, est représenté pour un vote oui ou non sans amendements par chaque chambre du Parlement.

Quidam :
Une sorte de généralisation du 49-3 en fait.

PG :
En quelque sorte, à ceci près qu'ici un rejet par le Parlement ne fait tomber ni le Président ni les ministres de son gouvernement. C'est plus proche de la procédure d'urgence en fait, pour permettre de passer des lois en une semaine si besoin. Ce n'est donc rien de révolutionnaire, et relève davantage d'une simple normalisation de ce qui est actuellement considéré comme une procédure exceptionnelle.
Avec cette possibilité de rejeter une loi par un vote négatif dans chacune des deux assemblées, le Parlement dispose dans les faits d'un droit de veto sur l'action du Président. Si une chambre vote oui et l'autre non, celui-ci est libre de retirer sa loi ou de les convoquer en assemblée plénière pour statuer à la majorité sur ce texte. De même, il doit avoir la possibilité de faire valider une loi par référendum s'il persévère dans son intention malgré un veto du Parlement. Il y a fort à parier que si le peuple donne raison au Président et désavoue son parlement, celui-ci sera dissout, mais ce n'est pas une obligation. Là encore, cette possibilité de référendum n'a rien de révolutionnaire par rapport à la Constitution existante, même si sa pratique n'a guère été édifiante au cours de la 5ème République comme en a attesté encore dernièrement le rejet de la Constitution Européenne que le Gouvernement a néanmoins fait adopter ensuite par la Parlement au mépris du verdict populaire. Il me semble que c'est là un cas d'infraction caractérisée, sinon à la lettre du moins à l'esprit de la Constitution de la 5ème République, et dont le Conseil Constitutionnel aurait du se saisir. Mais c'est surtout une énième démonstration du décalage entre les aspirations du peuple et les actions de ses gouvernements successifs…
Par contre, ce qui tranche clairement avec la pratique actuelle mais est pleinement cohérent avec ce que je vous ai exprimé concernant l'illusion de séparation des pouvoirs en vigueur dans notre société, je lui accorde aussi le droit de rendre la justice lorsqu'il l'estime utile, que ce soit directement ou en opposition à la décision d'un tribunal. Ce dernier cas pourra être relativement fréquent au début, si un président est élu pour conduire la mutation de notre société, le temps que la jurisprudence basée sur les nouvelles lois et les nouvelles procédures s'ancre dans le fonctionnement de l'institution judiciaire. Bien entendu, une telle décision est soumise à validation par les chambres du Parlement selon les mêmes modalités qu'une loi, le Sénat et l'Assemblée Nationale servant alors de jury populaire pour valider ou pas ces décisions judiciaires.
Il n'y a donc pas l'institutionnalisation d'un pouvoir autocratique et dictatorial. Juste d'une efficience supérieure permise par le consensus en la guidance d'une personne particulière, et la possibilité d'étendre cette guidance au domaine judiciaire qui est primordial dans la pédagogie sociale.

Quidam :
Le Président bénéficie déjà du droit de grâce.

PG :
Rendre la justice peut signifier gracier, mais aussi condamner ! C'est donc bien plus étendu qu'un simple droit de grâce.
Bien évidemment, rien n'oblige le Président à user de ces pouvoirs. C'est à son appréciation, même si, hors circonstances exceptionnelles, on peut s'attendre à ce que ce soit relativement peu fréquent. Conduire l'évolution de la société demande plus de communication et d'explications que de décisions autoritaires. Comme je vous le disais, celles-ci peuvent être nécessaires, surtout au début, pour enclencher efficacement le mouvement de mutation sociétale dans le bon sens. Mais seul ce qui est compris, accepté et intégré par chacun sera durable. La pédagogie demeurera donc toujours l'arme essentielle d'un bon guide.

Quidam :
Et comment fonctionne le gouvernement sous ce régime présidentiel ?

PG :
Le Président, chef de l'Etat et du gouvernement, est pleinement responsable de ses ministres, de leur nomination, destitution, et des délégations qu'il leur accorde. Ceux-ci sont ses auxiliaires exécutifs.
Bien évidemment, il doit pouvoir s'adresser directement en personne aux deux chambres du Parlement. Ca parait logique en l'absence de Premier Ministre. Mais c'est surtout rompre avec cette disposition assez incroyable de notre Constitution actuelle qui veut que le Président élu n'ait pas le droit de s'adresser en direct à l'Assemblée également élue. En gros, le peuple élit des représentants et un dirigeant, leur délègue un pouvoir, mais sans qu'ils aient le droit de se parler face à face pour accorder leurs violons. C'est assez hallucinant.
Enfin, il faut également prévoir une possibilité de destitution du Président par le Parlement. Cela peut prendre la forme de la soumission à l'Assemblée Nationale d'une motion de censure, au plus une fois par an et sur la demande d'au moins un tiers des députés, avec un seuil d'adoption fixé au deux tiers des sièges. Si la motion est adoptée par les députés, elle doit ensuite être validée par les deux tiers du Sénat, avec convocation automatique d'une Assemblée Plénière, toujours soumise au seuil de deux tiers des sièges, en cas de désaccord entre les chambres.
Donc pouvoirs exceptionnels, mais sous contrôle. Le but est de donner de l'efficacité d'action dans des situations qui en demandent, ce dont le système parlementaire classique manque cruellement.

Quidam :
Vous avez confirmé tout à l'heure que vous considériez qu'un tel programme de mutation profonde de la société constituerait une période exceptionnelle. J'en conclus que vous appelez de vos vœux une personnalité exceptionnelle apte à tenir ce rôle de super-président, ou de président-guide, pour guider et conduire la réforme globale. Il est des cas où la nation peut effectivement être tentée de se tourner vers une figure salvatrice, un peu comme elle s'est tournée vers de Gaulle en son temps.

PG :
Et nous avons pu constater que lorsqu'elle ne s'est plus trouvée en accord avec lui, elle a su le forcer à quitter le pouvoir. Encore une fois, quel que soit le système, même une dictature sanglante, le pouvoir appartient toujours aux citoyens. Gandhi a démontré la force de l'action non-violente et déterminée. Aucun despote ne peut passer outre une société qui, collectivement, se lève, arrête d'obéir, arrête de travailler, arrête de payer ses impôts. La clé de la démocratie demeure l'engagement des citoyens. Mais encore faut-il, comme nous le constatons dans divers pays du monde, que ceux-ci en aient conscience, et aient le courage d'affirmer leurs aspirations malgré la répression.

Quidam :
Vous êtes un peu pour l'action sociale quand même, alors.

PG :
Lorsqu'il n'y a pas d'autres moyens. Mais en France, il y a d'autres moyens.
Le problème dans notre pays, ce n'est pas tant le risque de dictature, même s'il n'est jamais exclu et que le citoyen doit demeurer attentif. Le problème, c'est de porter au pouvoir des dirigeants en phase avec la population. On s'aperçoit que ce qui mine la société française, c'est surtout la rupture entre le peuple et sa classe politique. On parle d'usure du pouvoir. Mais cette usure, ce n'est que ça : perdre pied d'avec la vraie vie des vrais gens. Cela se constate surtout chez les politiciens professionnels, qui jonglent entre plusieurs mandats électifs et n'ont plus connu depuis longtemps ni la réalité du travail et de l'entreprise qui fait vivre l'économie, ni la réalité de la misère qui touche encore trop de gens dans notre pays pourtant considéré comme riche, ni simplement les soucis de la vie quotidienne des citoyens. En fait, ils sont déjà usés avant même d'accéder au pouvoir.
Interdire le cumul des mandats pour qu'un élu, autre que municipal, se consacre entièrement à sa responsabilité, c'est bien pour qu'il ait le temps d'être aussi présent sur le terrain, à rencontrer les gens et recevoir leurs doléances. Au début, l'élu issu de la vraie vie est fortement imprégné de tout ça et peut savoir par lui-même quels sont les vrais problèmes et les aspirations profondes de ses concitoyens. Mais au fur et à mesure des années passées loin de ces réalités, il est courant qu'il finisse par en perdre la notion. Certains sauront l'entretenir par la présence sur le terrain, d'autres, par manque de capacité d'empathie, deviendront inapte à leur mandat, et il reviendra à leurs électeurs de les remplacer.
Evidemment, l'idéal serait de pouvoir cumuler mandat électif et travail à temps partiel dans la société. Mais la réalité des faits rend cela délicat. Non seulement parce qu'une responsabilité d'élu peut être très prenante, laissant peu de place pour assumer en plus un travail même à temps partiel, ensuite parce que se poseraient inévitablement les problèmes de conflits d'intérêt, avec des postes plus honorifiques qu'opérationnels que proposeraient de grandes entreprises à des élus pour précisément mieux faire valoir leurs intérêts spécifiques qui ne vont pas forcément toujours dans le même sens que ceux de la collectivité. C'est donc inconciliable et il faudra s'en remettre à la qualité humaine des élus ainsi qu'au turnover de ceux-ci, donc au discernement des électeurs, pour s'assurer qu'ils gardent les pieds sur terre. Je ne suis pas favorable à imposer de limite de renouvellement de mandat, car l'expérience montre que certains subissent très rapidement l'usure du pouvoir, tandis que d'autres quasiment jamais. Pourquoi alors se priver de leurs compétences par dogmatisme ?
Ce risque d'usure du pouvoir est d'autant plus présent que les responsabilités sont élevées. Pour le Président, un septennat lui permet d'avoir un horizon de vision, et donc une action à plus long terme que le simple quinquennat des députés dont dépend l'action d'un premier ministre. Mais inévitablement, ça a tendance à l'éloigner des réalités du terrain, de la vraie vie des vrais gens dans la vraie société, ainsi que j'aime à le formuler. Si au terme de ce premier mandat, les électeurs ont le sentiment que leur Président est toujours très en phase avec leurs aspirations, alors nous pouvons remettre le couvert sans crainte, car nous savons que ce n'est que pour trois ans, et non de nouveau pour sept. Il y a donc peu de risque que l'usure du pouvoir advienne d'un coup pendant ce triennat, au terme duquel les électeurs seront amenés à se prononcer à nouveau pour trois de plus ou pas.
En matière d'exercice du pouvoir comme ailleurs, il faut permettre de la fluidité et éviter la rigidité.


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