Présentation Qui n’a pas le sentiment que notre société a perdu le Nord et navigue à vue ? Qui n’a pas l’impression qu’il y a un urgent besoin de rénover notre contrat social ? C’est bien pour redonner un cap porteur d’avenir à notre société, afin de servir l’être humain plutôt que de l’asservir, que ce livre a été écrit. - sortir du modèle irresponsable de course à la croissance - travailler moins pour vivre plus (car en gagnant autant) - restaurer l’ordre et la justice pour tous partout - assurer les besoins de base (logement compris) pour tous - libérer l’économie de la complexité administrative - refonder notre système éducatif en échec patent - sortir du nucléaire (parce que les alternatives sont bien réelles) - se libérer de l’emprise destructive de la finance spéculative et bien d’autres choses encore, toutes parfaitement réalisables. Rédigé dans un langage simple et présenté sous forme de conversation pour en rendre la lecture plus conviviale, ce livre n'est que ça : un livre de solutions ! En identifiant la boussole permettant de s’extraire du stérile clivage droite-gauche pour rendre à l’humain la place qu’il a perdue, c’est bien une refondation globale de notre fonctionnement sociétal que présente ce livre. A travers les problèmes très divers qui minent notre existence en commun, il nous invite à un renouveau de nos valeurs, présente les mesures nécessaires pour assurer le redressement de notre société et, surtout, pour lui rendre sa raison d’être : servir notre quête collective du bonheur. Mais rien ne se fera sans vous. Libre à chacun de tourner le dos. Mais nul ne pourra plus dire : « mais que faire ? ». Que ce soit dans ces pages ou sur le site www.respectetverite.org, notre société a rendez-vous avec le Respect et la Vérité ! RESPECT ET VERITE Pour une refondation de notre contrat social à l’attention des politiciens sans programme et des citoyens lassés des ambitieux sans idées ni vision. Une conversation imaginaire de Philippe Granger Droits d’auteur et copyright Les droits d’auteur de ce livre sont la propriété exclusive de son auteur, en attendant, un jour, de passer à ses ayants droit. Les idées toutefois demeurent libres de droit car une idée n’appartient jamais à personne. En conséquence : - Toute reproduction ou traduction de tout ou partie du contenu de cet ouvrage à des fins de diffusion payante requiert une autorisation écrite de l’auteur ou de ses ayants droit. - Par contre, toute reproduction ou traduction de tout ou partie du contenu de cet ouvrage dans le but d’en diffuser gratuitement tout ou partie des idées développées est vivement encouragée, sous les conditions expresses . de respecter l’esprit des idées exposées, notamment en ne sortant pas de phrase de son contexte, que ce soit pour lui faire dire l’inverse de ce qui est développé ou simplement en déformer le message, . de toujours citer la source originale à laquelle peut se référer le lecteur pour confirmation ou approfondissement. © Philippe Granger, 2011 A tous les hommes et femmes de bonne volonté En quête de sens et d’accomplissement. Table des Matières Avertissement : il est tentant pour tout un chacun de se précipiter sur le chapitre qu’il pense connaître le mieux afin d’essayer de se faire une idée à bon compte de cet ouvrage. Une telle impatience s’avèrerait contreproductive. Ce livre à un début et a une fin, et se plonger en son milieu sans s’être imprégné des principes qui en forment le fil conducteur a peu de chance de vous permettre d’en apprécier la quintessence et la force de cohérence. Présentation 2 Copyright 4 Table des Matières 6 Préambule 8 Introduction 9 01 : individu vs collectivité 11 02 : laïcité vs religion et Islam 22 03 : immigration et intégration 45 04 : croissance, surpopulation et environnement 56 05 : énergie 69 06 : qualité et consommation 93 07 : agriculture 108 08 : monde animal 127 09 : mort, euthanasie, suicide 136 10 : santé et sécurité sociale 158 11 : alcool, tabac et drogues 180 12 : sexe et prostitution 192 13 : justice et procédure judiciaire 204 14 : prison 229 15 : ordre public 238 16 : incivilité et sécurité routière 261 17 : transports 293 18 : collectivités territoriales et services publics 305 19 : grève, syndicats et fonctionnariat 315 20 : économie, entreprise 325 21 : retraite 352 22 : travail et chômage 362 23 : éducation 381 24 : sport 415 25 : immobilier et logement 432 26 : inflation et monnaie 461 27 : finance, bourse et spéculation 510 28 : France vs Europe et monde 525 29 : contribution et solidarité 557 30 : représentation nationale et territoriale 592 31 : Président vs Premier Ministre 604 32 : devise et hymne national 624 33 : Conclusion : responsabilisation et mobilisation 634 Programme de refondation sociétale : 654 Message de l’auteur 713 Préambule Cet essai a été écrit entre juin 2010 et avril 2011, sur la base de la situation de la société française à cette période, et de la connaissance forcément incomplète du généraliste que je suis, curieux de tout sans pour autant m’en prétendre expert. Compte tenu de la modification permanente de diverses problématiques abordées dans ce livre, notamment sous le fait de l’agitation législative, il est probable que divers sujets qui y sont traités évolueront dans le proche futur, voire font déjà l’objet de mesures diverses dont la mise en œuvre peut m’avoir échappée ou n’a simplement pas été suffisamment médiatisée pour en informer les citoyens. Peut-être se seront-ils améliorés, peut-être aggravés, peut-être les problèmes ne se seront-ils que déplacés. Mais quelle que soit l’obsolescence inévitable à plus ou moins long terme de certains des sujets traités, de nombreux autres demeureront, de même que les principes et le raisonnement qui en découle. Un lecteur étranger trouvera donc aisément à les transposer à son propre pays. Introduction Je vais rarement dans les cafés. Pourtant, les jours se suivant mais ne se ressemblant pas forcément, celui-là, je fis halte dans un bistro. J’écoutais la radio distiller un morceau qui perçait difficilement le brouhaha. Etait-ce dû à la médiocre qualité des haut-parleurs ou au ras-le-bol manifeste qu’exprimait ce quidam à qui le barman prêtait une oreille distraite, je n’aurais su le dire, mais si j’étais bien certain de reconnaître cette chanson assez populaire au temps de mes jeunes années, je lui découvrais des paroles très différentes de celles que lui prêtait ma mémoire. J’étais tranquille, j’étais peinard, J’étais accoudé au comptoir Un type est entré dans le bar, C’était l’ genre à broyer du noir. Rien n’allait dans la société, Politiciens ou policiers, Fonctionnaires et autres banquiers, Tous dans l’ même à sac, à fusiller ! L’ quidam était vraiment bavard, On l’entendait dans tout le bar Pas moyen de lire un canard Sans s’occuper de ses histoires. Je sors cette fois de ma réserve, M’efforçant d’ajuster ma verve, Pour pouvoir dire des choses qui servent, Sans que personne ne s’énerve. Sur ces sujets pleins de passions, Où tout l’ monde se traite vite de con, J’ lui fais un bout d’ conversation Pour faire prévaloir la raison. En savourant une belle blonde, Version bière fraîche plutôt qu’ gironde, Même si parfois l’auditoire gronde, Il m’écoute réformer le monde. Alors je suivis cette invitation inattendue et engageai avec cet homme, bien las des aberrations de notre société, une longue, très longue conversation. 01 : individu vs collectivité PG : Je vous écoute depuis tout à l’heure vous désespérer de cette société où plus rien ne va. Mais peut-être est-ce simplement parce qu’elle ne sait plus où elle va. Quidam : Que voulez-vous dire ? PG : Vous êtes vous jamais posé la question de savoir pourquoi nous vivons en société ? Peut-être que si nous commencions par clarifier la question du pourquoi nous vivons ensemble, nous saurions mieux identifier notre but commun. Et il serait plus facile ensuite de trouver de nombreuses solutions aux divers problèmes qui se posent à nous. Quidam : C’est inhabituel comme question. Je suis né dans ce pays alors je vis dans cette société. Tout simplement. Je n’ai pas le choix. PG : Tiens donc ! Nous avons toujours le choix. Par exemple, vous avez le choix de rester dans cette société ou celui de partir vivre dans une autre. Voire dans un endroit à peu près sauvage pour vivre tout seul en dehors de quelque société que ce soit. Je sais que de tels endroits sont de plus en plus rares mais il y en a encore quelques uns, bien qu’ils soient souvent relativement inhospitaliers. Ceci expliquant d’ailleurs cela. Quidam : Mais je n’ai pas envie de retourner vivre comme un sauvage dans le désert. Crever la dalle à chercher à manger, survivre, être à la merci de la maladie, d’un accident, d’une tempête... On voit bien ce que ça peut donner dans les films genre « into the wild » ou autres histoires de naufragés. Et puis, je n’ai pas envie non plus de me retrouver tout seul. L’homme est un animal grégaire. Nous avons besoin de la présence de nos semblables. PG : Objection ! L’homme est certes trop souvent un simple animal, mais qui, contrairement aux autres animaux de la planète, a le choix : le choix d’être ce qu’il veut. Il peut être grégaire ou être ermite. C’est un choix. Cela s’appelle le libre arbitre. Quidam : Ouais, ben moi, je n’ai pas du tout envie d’être ermite. Pourquoi pas moine, tant qu’on y est, enfermé dans un monastère, sans femme, ni copain pour rigoler. Ah non alors, une vie sans femme, je n’imagine pas ça. PG : Parce que c’est votre choix. Vous ne vous êtes jamais posé la question parce que ce choix vous semblait évident... pour vous. Pourtant dans la mesure où d’autres vivent différemment, c’est bien que ce choix existe. Mais revenons à ce que vous avez dit. Vous vivez en société parce que vous craignez de manquer de nourriture. Et vous avez aussi dit parce que seul, il y a beaucoup plus de risque. Et enfin vous avez dit que vous aviez besoin de compagnie, tant féminine que celle des copains. Ca fait déjà trois choses que vous attendez de la société. Mais est-ce tout ? N’y en a-t-il pas d’autres ? Quidam : En réfléchissant bien, je pourrais bien aussi trouver des considérations quelque peu vaniteuses. Je suis un peu artiste à mes heures, dans un groupe de théâtre amateur. Et nous avons besoin d’un public. Une représentation de théâtre devant une salle vide, ça ne le ferait pas. Il y manquerait l’énergie que dégage la synergie avec le public et qui contribue grandement à la magie du théâtre. Nous avons besoin des autres pour leur présenter nos créations. C’est un peu nombriliste, mais j’assume. PG : Ceci dit vous espérez que votre travail sera apprécié, n’est-ce pas ? S’il était critiqué ou moqué, est-ce que ça vous affecterait ? Quidam : Bien évidemment. Comme tout le monde, nous avons envie d’être appréciés. Il est plus agréable et stimulant d’être applaudi que de recevoir des tomates. C’est pourquoi je disais que c’est un peu vaniteux, j’en ai bien conscience. PG : Vous avez dit « comme tout le monde », mais il n’est pas si sûr que ce soit aussi universel que ça. On peut imaginer qu’il y ait des gens qui soient indifférents à l’opinion des autres. Même s’il est probable qu’ils soient une petite minorité. Quidam : Eh bien au risque de paraître prétentieux, il me semble que je dois plus ou moins faire aussi partie de ceux-là, mais dans un autre domaine. Le théâtre n’est qu’un violon d’Ingres, pas mon activité professionnelle. J’ai créé mon entreprise, une petite maison d’édition, pour assouvir mon besoin d’entreprendre et d’être autonome. Et dans ce domaine, il m’importe seulement que mon entreprise tourne bien. Que je sois apprécié à titre personnel m’importe assez peu. Heureusement d’ailleurs car dès qu’on gère du personnel, il vaut mieux être prêt à ce qu’ils ne soient jamais satisfaits. Si je prenais mes décisions dans le but d’être apprécié, ça fait longtemps que ma boite aurait coulé. PG : Bon. Voilà qui commence à faire un certain nombre de raisons de vivre ensemble, non ? Mieux manger, être plus en sécurité, avoir des relations humaines, être apprécié, avoir un contexte d’action... Voilà que nous venons de réinventer ce qu’a formalisé le psychologue Abraham Harold Maslow avec sa pyramide des besoins de l’être humain. Maslow a estimé que l’homme était confronté à cinq besoins fondamentaux qu’il a hiérarchisés. Au premier niveau sont les besoins indispensables à la survie du corps : manger, se soigner en cas de blessure ou de maladie, etc. Ce sont les besoins physiologiques. Au deuxième niveau, manger pour survivre ne suffit plus : l’humain veut manger régulièrement pour ne plus craindre la faim. Dormir oui, mais sans risquer qu’une colonne de fourmis rouges en marche ne passe par là entre-temps, ce qui serait fort désagréable, vous en conviendrez. Il ne veut plus non plus avoir à craindre les fauves, ou les intempéries, ou le froid de l’hiver. Il a un besoin de sécurité. Au troisième niveau, manger et être en sécurité ne suffit plus non plus. L’homme a besoin de relations avec ses congénères. Cro Magnon cherche Cro Mignone pour nuits câlines et plus si affinité. Il veut aussi des amis pour partager ses loisirs, ne pas être seul. Il veut faire partie d’un groupe dans lequel trouver son identité. L’humain découvre le besoin d’appartenance. Ce n’est plus un besoin vital de base car il relève déjà du psychologique. L’individu physiologique n’a nul besoin de rechercher une identité pour exister. Il est, tout simplement. Par contre, dès qu’il commence à cogiter, les choses se compliquent. Ce qui est probablement l’explication de la célèbre maxime « bienheureux les simples d’esprit » ! Au quatrième niveau, faire partie d’un groupe et s’y identifier ne suffit plus : l’humain ressent le besoin de découvrir son potentiel propre. Il se confronte alors à ses pairs et ne se contente plus d’être un simple membre d’une multitude : il veut se différencier et devenir un individu. Le groupe représente alors surtout un stimulus le poussant à se dépasser pour aller plus loin dans la découverte de sa différence, de son potentiel intrinsèque, de sa valeur. Il répond alors à un besoin d’estime, de valorisation. Il veut être apprécié, reconnu comme un membre qui compte. Il veut être aimé. Cette reconnaissance reçue, ou perçue, engendre une satisfaction intime fort proche de la vanité. Ce qui peut rester anodin et sans conséquence, mais peut aussi déborder, devenir trop assertif, et se transformer en jalousie, voire en volonté de domination. Notamment quand certains individus tombent dans la recherche du pouvoir pour satisfaire leurs appétits personnels et compenser leurs traumas et psychoses diverses. C’est la problématique de la différence entre « l’envie », qui peut demeurer un moteur très positif de développement personnel, et la « jalousie », qui consiste avant tout à vouloir que les autres n’aient pas. Et c’est à ce niveau qu’un de ses membres peut devenir une menace pour le reste de son groupe. Si le conflit est trop important, il peut y avoir formation de sous-groupes entre les supporters des uns et des autres, et alors scission au sein du groupe, et affaiblissement de celui-ci. Ce qui est évidemment d’autant moins le but originel recherché que cela crée une situation conflictuelle et donc un risque supplémentaire là où la grégarité visait au contraire à les diminuer. Ce quatrième niveau est donc celui de tous les dangers. Et enfin au cinquième niveau, le sommet de la pyramide, l’humain cherche à accomplir son potentiel en vue d’un épanouissement personnel. Il veut créer simplement pour ressentir la plénitude de sa créativité. Il veut aimer bien plus qu’être aimé. Il n’a pas besoin d’être acclamé par les foules pour cela. Le groupe, que l’on pourra appeler société s’il est suffisamment grand, ne sert plus que de contexte offrant certaines possibilités d’action et d’expérience que l’individu n’aurait pas en étant seul. L’humain est sur une quête individuelle. Son besoin n’est plus de simple valorisation, mais bien de réalisation personnelle, d’accomplissement. Les chrétiens, juifs et musulmans diront que c’est le septième jour, pendant lequel Dieu regarde ses créatures parachever son œuvre. Les ésotéristes diront que c’est là que l’homme trouve son « contrat », c’est à dire le but qu’il s’était donné en s’incarnant. Quel que soit le présupposé religieux ou philosophique sous lequel on se place, cette réalisation reste hautement personnelle. Maslow a hiérarchisé ces besoins, parce qu’il estimait, et à juste titre me semble-t-il, qu’ils représentaient différentes étapes vers l’accomplissement de l’individu. Il faut commencer par satisfaire les besoins inférieurs pour pouvoir se préoccuper des besoins supérieurs. « Ventre vide n’a point d’oreilles » nous dit la sagesse populaire ! Comment se préoccuper de repères identitaires au sein de son groupe de référence si on en est à chercher à manger pour ne pas mourir de faim ? Comment trouver sa réalisation si on en est à ne pas savoir comment s’abriter du froid de l’hiver ou de la tempête qui souffle ? Quidam : C’est intéressant comme théorie, mais en quoi est-ce que ça aide à résoudre les problèmes de la société ? PG : Quel est votre but dans la vie ? Quidam : Avoir une famille, un travail stable qui me permette de subvenir à leur besoin, des amis, une maison... voilà, un peu tout ça. Rien de bien original, je le crains. PG : L’originalité n’est pas une obligation. D’ailleurs, si tout le monde était original, ça deviendrait la norme, et, du coup, personne ne le serait plus. Et alors les gens qui feraient le choix d’être originaux, ou en ressentiraient le besoin, la différence entre les deux résidant uniquement dans le fait d’être conscient ou pas de son choix, ne pourraient plus satisfaire à cet appel intérieur. Et de là s’ensuivraient divers problèmes... Car quand quelqu’un constate que la société ne lui permet pas de répondre à ses besoins, il va la rejeter et, selon son choix, la quitter ou s’y opposer. Mais revenons à votre réponse. Une famille, pour quoi faire ? Quidam : Quelle question ! J’ai envie d’une famille, avec une femme que j’aime et qui m’aime, de beaux enfants... enfin je ne sais pas quoi vous répondre là. Où voulez-vous en venir ? PG : Je veux en venir à ce que vous ne voulez pas juste une famille. Vous voulez une famille avec de l’amour. Vous ne voulez pas juste des enfants. Vous voulez de beaux enfants. Bref une famille idéale, selon les critères généralement en vigueur. Mais vous en voulez une juste pour satisfaire à la coutume d’avoir une famille, pour vous valoriser par le fait d’avoir une famille modèle, ou bien plutôt pour être heureux ? Quidam : Mais pour être heureux, évidemment. PG : Alors la famille, du coup, ce n’est plus le but réel, mais simplement un moyen d’atteindre votre vrai but qui est d’être heureux. Pour vous, vous pensez que cela passe par une réussite familiale, avec une maison et un travail stable pour sécuriser ce bonheur. Mais votre but ultime, ça reste d’être heureux. Le reste n’est qu’un moyen d’y arriver. Il ne faut pas confondre la fin et les moyens. Ca facilite ensuite le débat pour savoir dans quelle mesure l’un peut justifier l’autre. Donc maintenant, je peux répondre à votre précédente question : le rapport entre la pyramide de Maslow et la société. Puisque votre but dans la vie est d’être heureux, vous attendez de la société qu’elle vous donne les moyens d’atteindre ce but. Le but de la société doit donc être le bonheur de ses membres. Chaque fois que la société s’écarte de ce but, vous commencez à trouver qu’elle va de travers. Or pour rendre les gens heureux, il faut qu’ils trouvent à répondre à leurs attentes, quel que soit le niveau de besoin qui les préoccupe à un moment donné. Parce que la pyramide de Maslow permet de mieux comprendre les différents besoins humains, elle permet d’arbitrer entre les mesures à prendre pour mieux les satisfaire. Elle permet de savoir comment orienter l’organisation de la société en vue de favoriser la quête du bonheur de ses membres. On peut donc s’appuyer sur cette pyramide pour enfin s’élever au delà du clivage stérile entre droite et gauche qui paralyse bien des pays depuis biens des décennies. Quidam : Waow ! Le Graal de la politique en somme. Mais en quoi cette pyramide permet-elle de sortir de l’opposition droite-gauche ? Là on est parti pour polémiquer. PG : Mais non, Paul et Mickey vont pouvoir rester en vacances. Vous allez voir, c’est tout simple. D’ailleurs, en règle générale, le monde est simple. C’est l’humain qui complique inutilement les choses. On peut résumer le débat droite-gauche en une opposition entre les deux extrémités de la devise de la République Française : liberté contre fraternité. Cette devise institutionnalise le clivage, et force est de constater que ce n’est pas l’égalité, placée au centre, qui permet de l’arbitrer. La société doit-elle être au service de ceux qui la composent, ou bien les individus doivent-ils être au service de la collectivité ? Donner la priorité à l’individu est considérée comme voulant dire donner la priorité à la liberté individuelle, c’est le libéralisme, tandis que mettre en avant les besoins de la collectivité est considéré comme voulant dire privilégier le collectif sur l’individuel par une fraternité obligatoire, c’est le socialisme. Le débat est hautement dogmatique, et d’une manière générale, ceux qui ont beaucoup veulent conserver leur abondance en privilégiant la liberté individuelle égoïste, tandis que ceux qui ont peu tendent à vouloir au contraire imposer le partage en institutionnalisant une doctrine de solidarité fraternelle obligatoire sauce Robin des bois. Chacun voit midi à sa porte en quelque sorte. Mais si on sort de ces conflits d’intérêts personnels très dépendants de la situation de chacun, pour adopter la perspective de l’humain en général, la pyramide de Maslow nous offre un éclairage des plus utiles. Prenons le premier niveau de besoin : survivre. L’humain cherche dans le collectif l’assurance de ne pas mourir de faim. C’est clairement un besoin qui requiert une certaine entraide, une mise en commun de moyens pour chasser ensemble le mammouth et partager ensuite le résultat de cette chasse collective que Cro Magnon n’aurait pas pu faire seul de toute façon. Ici, l’union fait la force. Mieux vaut collaborer avec un groupe que n’en faire qu’à sa tête, seul dans son coin. Le deuxième besoin, celui de sécurité, trouve aussi une bien meilleure réponse dans les valeurs d’entraide et de partage d’une organisation collectiviste. Le blessé ou le malade peut être assisté par les autres membres de son groupe, nourri et soigné, le temps qu’il guérisse. La défense contre les dangers extérieurs comme les prédateurs, qu’ils soient humains ou pas, est renforcée. La construction d’abris solides contre les intempéries ou le froid est facilitée. Là encore, il y a de clairs bénéfices à s’organiser à plusieurs plutôt qu’à se débrouiller tout seul. Considérons maintenant le troisième niveau de besoin : celui d’appartenance. Il suffit pour répondre à ce besoin, que le groupe existe et nous accepte en son sein. Il n’y a pas à ce niveau de considération autre que simplement l’ouverture du collectif vis-à-vis de l’individu. Le groupe accueille l’individu, celui-ci l’intègre et le renforce. Les deux coexistent en symbiose. La balance est neutre, aucun des deux ne primant sur l’autre. Pour ce qui est du quatrième besoin, la valorisation, certes, l’individu a toujours besoin des autres. Il a besoin de leur appréciation de ce qu’il a fait ou de ce qu’il est, selon le type de valeur qu’il cherche à exprimer. Il a besoin de leurs regards approbateurs. Mais en aucune façon il n’a besoin que le collectif lui dicte comment il doit trouver sa valeur. Une société genre « Meilleur des Mondes » d’Aldous Huxley où l’individu est conditionné dès sa naissance à un certain rôle ne saura rendre ses membres heureux puisqu’elle niera leur nature profonde et leurs aspirations spécifiques. Pour répondre à ce besoin, l’humain a besoin de liberté. Pour faire ses propres choix, ses propres expériences, et trouver sa propre valeur sociale. C’est là une quête qui lui est personnelle. A ce niveau, l’individu prime sur le collectif. Quant au niveau du besoin de réalisation, le cinquième, cette primauté de l’individu sur le collectif est encore plus exacerbée. On ne parle plus ici de valeur sociale, mais d’accomplissement personnel. L’incompétence de la collectivité à ce niveau est encore plus patente. L’individu doit « se trouver », c'est-à-dire exprimer son potentiel humain le plus élevé. Ce que personne ne peut faire pour lui. Et personne ne peut non plus lui dire comment le faire. Chacun est différent et chacun a sa propre voie. Ne pas reconnaître cela socialement équivaut à barrer la voie du bonheur à la grande majorité des gens. Allez vous étonner après que l’égalité ne sache pas arbitrer l’opposition entre liberté et fraternité ! Quidam : L’idée est séduisante, mais, concrètement, à quoi ça aboutit ? PG : Difficile de résumer l’application concrète de ces principes en une ou deux phrases. C’est avant tout une boussole qui permet d’indiquer le Nord dans une société qui a perdu son sens. On peut dire, dans le cadre d’une analyse droite-gauche simpliste, que les deux premiers niveaux de besoins donnent l’avantage aux valeurs dites de gauche, le troisième niveau marque le point de neutralité où se fait le retournement, donnant l’avantage aux valeurs dites de droite pour les quatrième et cinquième niveaux de besoins. D’où les régimes de gauche qui se proposent d’assurer la survie de tous mais brident votre expression personnelle, et les régimes de droite qui permettent de grandes réalisations à certains mais en laissent d’autres crever de faim. Avec cette boussole, au lieu de faire des allers-retours stériles entre droite et gauche en les opposant l’un à l’autre, on peut au contraire s’appuyer sur les deux afin d’élever le débat et parler enfin de l’humain plutôt que d’étiquettes politiciennes. Pour savoir ce que ça donne dans le détail, il faut appliquer cette analyse dans chaque domaine de la société et se poser à chaque fois la question : quelles sont les mesures et l’organisation qui permettent d’assurer la vie de l’individu tout en préservant sa liberté de choix de réalisation ? Il faut donc passer en revue certaines de nos valeurs et habitudes culturelles, divers sujets de gravité apparente variable mais à l’impact très réel sur nos existences, avant de s’interroger finalement sur l’évolution nécessaire de notre organisation sociale et de nos institutions pour favoriser la refondation sociétale dont nous avons cruellement besoin pour que nos vies recommencent à aller dans le bon sens : celui de la quête du bonheur par notre accomplissement individuel. 02 : laïcité vs religion et Islam Quidam : Vaste programme, mais cette façon de mettre en avant un schéma menant à une réalisation de l’homme, est-ce que ça n’a pas un côté un peu trop religieux pour prendre une place politique dans notre société fondamentalement laïque ? PG : D’abord, c’est plutôt une philosophie universelle de l’humain qu’un dogme religieux. Mais qu’importe. Qu’est-ce que la laïcité ? Quidam : C’est le fait de maintenir une séparation entre l’Etat et la religion. Les institutions religieuses sont exclues de l’exercice du pouvoir d’Etat. Et elles n’ont pas non plus leur place à l’école ou dans l’administration. PG : Oui, c’est à peu près la définition qu’on peut en donner. C’est une louable intention que de laisser le pouvoir temporel hors des mains des institutions à vocation spirituelle. L’histoire, qu’elle soit ancienne ou en train de s’écrire chaque jour, nous démontre à n’en plus finir que les autorités religieuses tendent trop souvent à manquer de la tolérance nécessaire pour permettre la cohésion d’une société aussi diverse que les humains qui la composent. Cette séparation de l’église et de l’Etat est donc une affirmation de la neutralité religieuse des pouvoirs publics, et donc également de la tolérance et de la liberté de culte. Mais pour autant, est-ce que ça doit se traduire par l’exclusion de la religion des affaires publiques ? Et notamment de l’enseignement ? Quidam : Absolument ! Il n’appartient pas à l’Education Nationale de promouvoir la religion. C’est aux parents de transmettre à leurs enfants leurs valeurs religieuses. PG : Oui, j’ai déjà entendu cet argument, mais je dois dire que je le trouve aussi stéréotypé et contre-productif que la politique de l’autruche. Car que se passe-t-il en fait ? D’un côté les parents religieux transmettent leur religion, avec toutes les limites de la connaissance imparfaite qu’ils en ont, et de l’autre les parents non pratiquants ou matérialistes font l’impasse sur la question, laissant leurs enfants dans l’ignorance de ce sujet. Et ces individus grandissent, certains se posent des questions, et se retrouvent alors désarmés, donc paumés, devenant des proies faciles pour les extrémismes divers ou les vendeurs d’antidépresseurs. La neutralité de l’Etat vis-à-vis de la religion pourrait très bien aussi se concevoir par l’enseignement équilibré des différentes grandes religions, à tous les enfants du secondaire, dans une perspective comparative qui permette que chacun en comprenne les points communs et les différences, tout comme nous enseignons déjà la philosophie dont la nuance avec la religion est parfois ténue. Ne croyez-vous pas que ce serait une façon bien plus constructive de promouvoir l’ouverture et la compréhension entre les adeptes des différentes croyances ? L’opposition entre les religions ne vient-elle pas d’abord du fait qu’elles ne se connaissent pas ? Si les chrétiens arrêtaient de croire que les musulmans sont élevés dans la culture du massacre des autres religions et découvraient, ô surprise, que l’Islam prêche au bon musulman la générosité, l’honnêteté, la droiture, la tolérance, bref, ce que Jésus a en son temps prêché également, tout comme Bouddha avant lui, et que les Dix Commandements de Moïse s’efforçaient aussi déjà de promouvoir, alors les humains se comprendraient mieux et se rapprocheraient au lieu de s’opposer par peur et ignorance. Si la responsabilité de l’Etat s’étend à promouvoir une vie en société harmonieuse, ce qui me semble indubitable, alors rester ainsi absent du terrain religieux à cause d’une compréhension étroite du principe de laïcité me parait une grave erreur dont nous voyons aujourd’hui les conséquences. Quidam : Est-ce que vous pensez à l’islamisation en disant cela ? PG : La montée de l’Islam en France est un phénomène qui a le mérite de pointer du doigt nombre de lacunes de notre société. D’abord il montre que le matérialisme officiel est en faillite car il n’a pas su répondre aux aspirations intérieures, spirituelles, des individus. Personnellement, je n’ai encore réussi à trouver un sens ni à l’existence ni au monde hors des considérations spirituelles. Et je crois que toute personne qui se pose sérieusement cette question en arrive également à la conclusion que le matérialisme n’offre pas de réponse. Alors nombre de gens sont en recherche. Certains se tournent vers des mouvances chrétiennes, d’autres vers des philosophies-religions orientales, d’autres encore vers l’ésotérisme, et certains se tournent vers l’Islam. Mais l’Islam a ceci de particulier qu’il est né dans un pays austère. Et il prêche l’austérité et le rigorisme d’autant plus de nos jours que l’afflux de pétrodollars détourne une partie de ses fidèles traditionnels vers des aspirations bien plus matérielles. Du coup, il sert de bannière de ralliement à diverses sociétés pauvres qui s’opposent à nos modes de vies consuméristes, essentiellement d’ailleurs par simple jalousie, parce qu’elles en sont exclues. De la même manière, au niveau national, s’y rallie tout un tas de gens en délicatesse avec une société qui les a délaissés et où ils ne se voient pas de futur. L’Islam est devenu un vecteur de révolte sociale, tant dans notre société que dans le monde. Quidam : Révolte, révolte, il me semble que c’est bien plus que ça. L’Islam porte un fanatisme intégriste qui menace directement nos sociétés fondées sur des valeurs judéo-chrétiennes. Le droit des femmes est nié et la tolérance absente. Ils veulent imposer la charia au monde et instaurer une dictature religieuse. PG : Je suis navré de vous le dire ainsi mais vos propos naissent de la peur et de l’ignorance. D’abord que dit l’Islam ? Son message est très simple et tient en une courte phrase : « Il n’y a de dieu que Dieu ». En quoi est-ce qu’une telle affirmation peut poser problème dans une société à fondement judéo-chrétien, alors que tant le Judaïsme que le Christianisme affirment également l’existence d’un dieu unique ? Ces trois religions dites « du Livre », filles du hanifisme originel d’Abraham, partagent le même fondement et les mêmes valeurs. Elles ont ce qu’on pourrait appeler un tronc commun. Et pourtant, elles se tirent dans les pattes depuis toujours pour des prétextes de forme alors qu’elles se rejoignent sur le fond. Par exemple, les musulmans condamnent l’usage d’idoles et les représentations iconographiques, les chrétiens les adorent et cultivent les bondieuseries en tout genre. Ensuite, il y a les querelles de prophètes. Les juifs s’en tiennent à Moïse que les chrétiens honorent également mais en lui préférant Jésus, tandis que les musulmans les reconnaissent tous les deux mais privilégient la parole de Mohammed parce que rimée et en arabe. Mais il faut savoir que cette prédication déclarait vraies les révélations de Moïse et de Jésus, et précisait de surcroît que Jésus avait en plus l’Esprit Saint, impliquant donc qu’il était le plus accompli des prophètes. Les chrétiens s’offusqueront peut-être que Jésus soit considéré comme un simple prophète alors qu’ils l’assimilent à Dieu lui-même mais d’autres leur objecteront qu’ils soupçonnent ce Messie d’être devenu chauve à force de s’arracher les cheveux en voyant tant de doigts pointer vers lui qui pourtant ne pointait que vers Dieu. Mais c’est là encore une querelle dogmatique stérile. Fils de Dieu devenu Dieu et nous menant à son Père ou prophète indiquant la direction du Créateur, la destination est la même. Et c’est bien là le plus important au final : ils croient tous au même Dieu unique, qu’ils l’appellent Yahvé, Dieu ou Allah. D’un point de vue dogmatique, les lignes fondamentales concordent. Mais ainsi va la nature humaine toujours à chercher ce qui nous sépare plutôt que ce qui nous réunit. Ensuite, parlons un peu de ces valeurs judéo-chrétiennes de notre société auxquelles vous faisiez référence. Il est toujours amusant d’entendre prêcher la laïcité un jour, mais les valeurs judéo-chrétiennes le lendemain, dès que quelque chose vient nous bousculer un peu dans notre léthargie. Si Jésus à dit « que celui qui est sans pêché jette la première pierre », c’est parce qu’en Judée, à l’époque, on lapidait les femmes adultères. Ce n’est pas propre aux arabes, ni à l’Islam. C’était une pratique régionale du Proche Orient, y compris chez les juifs. Vous vous affligez du pauvre statut de la femme dans la culture arabe, mais je vous rappelle que jusqu’au Moyen-âge les femmes n’avaient même pas d’âme. Et ce n’est qu’après-guerre que les suffragettes ont obtenu le droit de vote, plusieurs décennies après les femmes turques pourtant essentiellement musulmanes. Chez les grecs antiques, dont la culture fait aussi partie des piliers de notre civilisation occidentale, la femme était seulement juste au dessus de l’esclave alors que dans les sociétés barbares de Germanie ou de Gaule, elles avaient un statut bien plus égalitaire. Alors sommes-nous bien placés pour leur lancer la pierre ? Nous n’avons pas encore fini de nous extraire des fondements machistes de notre société. Balayons devant chez nous avant d’aller donner des leçons. Vous craignez l’intégrisme ? Ce n’est qu’une partie des musulmans. Et ils ne sont pas plus représentatifs de la prédication du prophète Mohammed que l’inquisition n’était représentative du message de Jésus. S’ils sont forts actuellement, c’est peut-être simplement que l’Occident a créé des conditions générant beaucoup de mécontentement aussi bien dans de nombreux pays que dans de nombreux quartiers de notre propre nation, et que c’est là un terreau fertile pour les excités de tout poil. Une étude laïque, neutre et ouverte, des religions contribuerait grandement à limiter la propagation du fanatisme en évitant la confusion des genres. Quant à vouloir imposer la charia, là, ce sont les musulmans qui sont dans l’erreur en n’ayant pas bien lu le Coran. Le Coran, et c’est écrit dedans en clair, est « la prédication en arabe pour les arabes ». Et il y est encore écrit que chaque peuple a droit à sa propre prédication et dans sa propre langue. Dès lors, prétendre généraliser, voire imposer, au monde entier les principes donnés spécifiquement pour les arabes relève d’une flagrante incompréhension des écrits coraniques dont ils se réclament. Et ce d’autant plus que le Prophète a aussi dit, et c’est écrit dans le Coran, « nulle contrainte en religion ». Ne serait-ce que parce que les différentes religions ne sont que des formes, que savent fort bien exploiter les nombreux émules de Tartuffe de par le monde, mais qui ne garantissent aucunement le fond : la foi, la relation personnelle avec Dieu. On pourrait appeler ça le « complexe du peuple choisi » qui, sous prétexte d’avoir bénéficié d’une guidance divine par rapport à ses problèmes spécifiques, se croit du coup supérieur et avec une mission de propager la parole reçue. La réalité démontrée par l’histoire est bien différente : les prophètes et messies apparaissent là où les peuples en ont le plus besoin, donc là où ils sont le plus éloignés du chemin de Dieu. Etre béni de la venue d’un prophète est plutôt signe que la culture en question est en cruel besoin de redressement. Ainsi Moïse a-t-il donné les Dix Commandements à un peuple dévoyé, ainsi Jésus a-t-il chassé les marchands du temple pour que l’on cesse de confondre Dieu et Mammon, et ainsi Mohammed a-t-il chassé les idoles de la Kaaba en plus de donner un statut et des droits à la femme dans une culture qui la valorisait moins que le chameau. On peut aujourd’hui critiquer le fait qu’il ne soit pas allé assez loin, mais je pense qu’il a fait ce qu’il a pu pour l’époque et le contexte où cela s’est fait. Déjà qu’il lui a fallu recourir à un arbitrage de l’archange Gabriel pour innocenter sa femme préférée, Aicha, accusée d’adultère du seul fait d’avoir été secourue par un homme en plein désert alors qu’elle s’était endormie lors d’un déplacement de nuit et était tombée de son chameau sans que personne de la caravane ne s’en aperçoive… Un prophète est vite mis à mort s’il n’a suffisamment de sens de la diplomatie pour modérer l’impact de son ministère. Ce n’est pas la crucifixion de Jésus qui va démontrer le contraire. Les orientaux, toujours prompts à la poésie, vous rappelleraient que le lotus fleurit dans la vase. Si vous voyez un lotus à côté de vous, c’est probablement que vous pataugez dans la vase. Mais si vous n’en voyez pas, cela peut aussi être qu’il y a trop de vase dans vos yeux… Attention au complexe de supériorité qui s’installe aussi vite dans un sens que dans un autre. Quidam : Certes, il faut rester humble vis-à-vis de sa propre culture, mais, en attendant, ma belle-sœur, qui est enseignante de sciences naturelles, se retrouve avec des élèves qui disent que, non, la Terre n’est pas ronde parce que ce n’est pas dans le Coran. C’est quand même une culture obscurantiste. PG : Et côté obscurantisme, l’église catholique en connaît un rayon, n’est-ce pas ? A l’époque de l’inquisition, ce sont les savants musulmans qui ont illuminé le monde de leurs sciences. Ce sont eux qui ont traduit les écrits des philosophes grecs en arabe, ce qui a permis aux érudits juifs de les traduire ensuite en latin afin que nous profitions aujourd’hui de cette sagesse antique. Alors encore une fois, avant de jeter la pierre… Tantôt une culture porte le flambeau, tantôt une autre. Le monde est fluidité et changement. Et cela se traduit aussi aux niveaux des différentes cultures de la planète, qui tour à tour apporte leur pierre à l’édifice de l’humanité. Ne diabolisons pas une tradition, une religion, une culture sur la base d’errements conjoncturels. Je note au passage que l’Islam est né sept siècles après le christianisme, et qu’il fait également sa crise d’intolérance sept siècles plus tard environ. Curieuse coïncidence, n’est-ce pas ? Mais c’est là un sujet d’étude à part entière que je laisserai aux érudits de l’évolution de la pensée. Alors pour en revenir au cas que vous citez, sous prétexte que cela ne concerne pas un enseignant d’une école laïque, votre belle-sœur ne connaît, de près ou de loin, ni l’Islam ni le Coran. Et elle n’a donc pas su quoi répondre à cet élève. Quidam : Et qu’auriez-vous répondu, vous ? PG : Tout simplement qu’il ne peut s’appuyer sur le Coran sur ce point parce que le Coran n’en parle pas. Tout comme le Coran ne parle pas des ondes radios, mais que ça n’empêche pas les musulmans d’avoir un téléphone portable dans la poche ni de regarder la télévision. Un élève qui vous dit une chose pareille n’a que faire de la religion et du Coran. Il cherche simplement à vous défier comme le fait d’une façon ou d’une autre tout adolescent mal dans sa peau. Et il le fera d’autant plus facilement qu’il trouvera des zones floues pour vous prendre en défaut. Maintenant pour reprendre mon idée de tout à l’heure, croyez-vous que cet élève a dit ça parce qu’il répète ou transpose un argument stupide qu’il a entendu chez lui, ou bien parce que l’Education Nationale, sous prétexte de laïcité, s’est refusée à lui apporter le savoir nécessaire pour comprendre et relativiser certaines choses ? Croyez-vous que si votre belle-soeur et vous-mêmes aviez reçu une instruction comparative sur les différentes grandes religions du monde vous vous seriez trouvés désarmés face à cette remarque provocatrice ? Quidam : Soit. Un point pour vous. Mais au-delà de l’obscurantisme actuel, l’Islam a aussi tout un tas d’exigences qui débordent de plus en plus dans notre société. Les revendications islamiques se multiplient pour adapter les horaires d’entreprise au Ramadan, pour avoir des salles de prières, pour avoir des repas hallal dans les cantines scolaires et les restaurants d’entreprise, pour avoir des horaires de piscine réservés aux femmes, pour que leurs femmes ne soient pas examinées par un docteur homme, etc. La liste est longue. Sans pour autant être raciste, je n’ai pas honte d’avouer que je fais partie de ceux qui pensent assez contradictoire que ces musulmans quittent leur pays d’origine parce qu’ils n’y trouvent pas un niveau de vie satisfaisant mais s’empressent de vouloir reproduire chez nous les mêmes conditions de sous-développement. PG : Comme quoi, c’est rassurant, les français n’ont pas le monopole de l’incohérence… Il me semble que vous touchez précisément du doigt les excès dont le principe de laïcité se doit de préserver la société. Ce qui implique, soit dit en passant, que la laïcité ne devienne pas elle-même excessive : préserver des excès de la forme religieuse n’implique pas de devenir un obstacle au fond que constitue le besoin de spiritualité de l’être humain et sans lequel il lui sera très difficile d’atteindre à l’accomplissement auquel il aspire. Il faut donc rester ouvert aux divers cultes et écoles spirituelles, mais sans accepter qu’ils ne débordent sur autrui. L’enseignement public de la religion dans une perspective comparative a pour finalité de mieux se comprendre les uns les autres. Mais la pratique religieuse doit ensuite rester du domaine strictement privé. Dans cette optique, il n’est pas acceptable que des rites confessionnels, que ce soit le Ramadan et les cinq prières quotidiennes des musulmans, que ce soit le Shabbat, ou que ce soient d’autres prescriptions venant d’autres cultes, commencent à rythmer la vie de tout un chacun. D’ailleurs, à propos du Ramadan, bien des gens se prétendent musulmans parce qu’ils pensent en respecter la forme alors qu’ils en trahissent l’esprit. Le Ramadan, avec son interdiction de manger et de boire du lever au coucher du soleil, est une période de privation destinée à inciter à l’intériorisation, à la recherche de Dieu en soi. Il est à ce titre tout à fait comparable au Carême chrétien, même si la forme en est un peu différente. Alors clairement, les goinfreries nocturnes entre amis ou en famille pour compenser l’abstinence diurne, ce n’est pas du tout l’esprit du Ramadan. Ce sont d’ailleurs souvent ces gens-là qui sont les plus fatigués et qui demandent avec le plus de véhémence des aménagements d’horaire. Ils n’ont qu’à dormir la nuit au lieu de festoyer en trahissant l’esprit de la religion qu’ils prétendent pratiquer. Alors non, il n’est pas question que la société s’adapte à ça. C’est aux musulmans de s’adapter à leur terre d’accueil. Par exemple en ne faisant pas le Ramadan le mois officiellement prévu pour cela par les autorités de La Mecque, mais lorsqu’ils peuvent prendre quatre semaines de congés pour s’y consacrer. Si la religion leur est aussi importante, y dédier leurs congés ne devrait pas être un problème. Et si ça l’est, c’est que la religion passe après les vacances et qu’elle n’est donc pas si importante que ça. Par contre, il faut avoir l’honnêteté de la réciproque. Si on ne veut pas de l’appel du muezzin, il faut aussi savoir remettre en question les volées de cloches appelant les chrétiens à la prière dans les églises le dimanche matin, voire plus souvent. De nos jours les gens ont des montres ou des téléphones portables qui peuvent même être programmés pour rappeler l’heure de la messe. Quidam : Là, vous allez loin. PG : Non, je suis juste logique jusqu’au bout. Ce que nous demandons aux uns doit s’imposer de la même manière aux autres. C’est une condition essentielle pour que toutes les composantes de la société puissent trouver la satisfaction équitable de leurs besoins. Et puis, il y a de nombreuses personnes non musulmanes mais résidant près d’un clocher qui en ont ras-le-bol d’être réveillées à cinq heures du matin par la volée de cloche de l’Angélus. Ca relève du tapage nocturne à une heure pareille ! Mais n’allez pas imaginer que cette logique demande d’abattre les croix que l’on trouve un peu partout de par le pays. Ni qu’on rebaptise toutes les villes et tous les villages ayant une appellation en Saint ou Sainte quelque chose. Il ne s’agit pas de remettre en question les réalités historiques de ce pays. Il s’agit juste d’être équitable dans le présent. Même si cette équité et cette réciprocité ne sont guère de mise dans les pays musulmans, mais ça, c’est leur problème. Le nôtre, c’est de ne pas construire notre société en opposition à une autre, ce qui serait introduire un vice dans les fondations, mais de la bâtir pour nous, sur la base de valeurs justes et équitables, en réponse à nos aspirations, afin que chacun y trouve sa place. Par contre, dans cette logique, il faudra probablement partager un peu l’attribution des jours fériés à connotation religieuse entre les grandes religions du monde, au lieu d’en laisser la maîtrise à la seule église catholique. Quidam : Là, vous pavez la voie pour ces intégristes qui réclament l’abrogation de la célébration de Noël dans les écoles au prétexte que c’est une fête chrétienne. PG : Enfin, Noël, c’est plus compliqué que ça. Les historiens ont acquis la certitude que Jésus n’était pas né à Noël. En fait, Noël est une fête païenne datant de bien avant la naissance de la chrétienté. C’est simplement la célébration du solstice d’hiver, tout comme la fête de la musique, lors du solstice d’été, fait écho à la fête préchrétienne des feux de Beltane, devenus feux de la Saint-Jean. Les autorités religieuses du début de la chrétienté ont trouvé habile d’y célébrer la naissance de Jésus afin que s’oublie progressivement l’origine païenne de cette célébration. Et elles y ont bien réussi. D’ailleurs, retour de karma, elles sont en train de subir le même sort, Jésus cédant chaque année davantage de terrain face au très mercantile Père Noël, habillé de rouge par Coca-Cola pour faire oublier son origine Saint-Nicolesque. Alors ces gens qui refusent la célébration de Noël dans les écoles ne le font pas par opposition au christianisme, mais clairement pour exprimer leur non-intégration. Cependant, ils ont au moins le mérite de poser une question sur laquelle il faudra bien que nous nous penchions un jour : quelles sont les fêtes que la société veut fêter, quand, et dans quel but ? Car là aussi notre société prétendument laïque est en contradiction avec elle-même. Quidam : Je doute que vous trouviez beaucoup de soutien pour supprimer Noël. PG : Mais pourquoi en chercherais-je alors que je serais le premier à m’y opposer ? C’est une fête familiale que j’affectionne, en dehors de tout aspect confessionnel. Et elle est devenue si peu religieuse, que je la considère même davantage comme une tradition culturelle relevant des jours fériés à fixer par la République que de ceux à allouer à la chrétienté. Le seul reproche que je pourrais lui adresser, outre son côté trop mercantile, est de ne pas vraiment correspondre au jour du solstice d’hiver, afin de mieux marquer cet événement du calendrier. Mais je vais me faire taxer de paganisme… Quidam : Païen ou pas, pour ma part, je ne peux que reconnaître que notre calendrier très artificiel mériterait d’être un peu mieux calé sur les réalités astronomiques. Mais à vouloir tout remettre en cause comme ça, je commence à vous soupçonner de faire partie des supporters du travail du dimanche. PG : Perdu ! Je suis plutôt contre. Non pour des raisons religieuses ni pour permettre à ceux qui le souhaitent d’aller à la messe, mais parce que je considère les relations humaines comme faisant partie du troisième besoin de la pyramide de Maslow. Or s’il n’y a pas dans la semaine un jour commun sans travail, du moins pour la grande majorité des gens dont le métier ne le nécessite pas, comment entretenir les virées entre amis ? Comment gérer les sorties familiales lorsque les deux conjoints n’ont pas les mêmes jours de repos ? Et si on rajoute la dimension loisir, alors là, on peut même carrément considérer que c’est le quatrième, voire le cinquième parfois, niveau de besoin qui est concerné. Il y a suffisamment de métiers qui sont confrontés à cette problématique pour ne pas la généraliser à l’ensemble de la société. Les collègues, c’est sympa, mais les amis et la famille, c’est autre chose. Il faut leur préserver une place. Et c’est, selon moi, le rôle premier du repos dominical. Notre société est suffisamment aliénante comme ça, sans tailler ainsi dans les relations humaines. Quidam : J’avoue que je suis assez d’accord avec ce point de vue. Mais nous en étions aux revendications islamistes et je constate que nous digressons. Alors revenons à des considérations plus terre-à-terre et dites-moi donc ce que vous pensez de ces revendications islamistes pour disposer de repas hallal dans les cantines ? PG : Je dis qu’il n’y a pas que le hallal à prendre en considération dans la restauration collective. Une société au service de ses citoyens se doit, dans la mesure du raisonnablement possible, de respecter non seulement les exigences hallal de l’Islam, mais aussi le cacher du Judaïsme, l’interdiction de manger du bœuf de l’Hindouisme, et aussi la répugnance vis-à-vis de la viande en général des végétariens. Il se trouve que le régime végétarien satisfait tant les exigences du hallal que du cacher ou des hindous. Alors il me semble quand même simple que la restauration collective des écoles, entreprises ou administrations, ainsi d’ailleurs que les repas servis à bord des avions, trains ou bateaux, prévoie systématiquement au moins un menu végétarien. Et quand je dis végétarien, c’est aussi sans poisson, car le cacher est compliqué aussi au niveau des produits de la mer. Et bien entendu, pas non plus de gélatine de porc dans les crèmes dessert ou autres mets utilisant cet ingrédient qui n’est ni hallal ni cacher bien que quantité de juifs et de musulmans l’ignorent… Dans la mesure où les restaurants collectifs prévoient généralement au moins deux menus pour offrir un minimum de choix, satisfaire ces demandes est clairement du domaine du raisonnablement possible. Alors pourquoi ne pas le faire puisqu’il est très facile de satisfaire tout le monde ? Par contre, il ne serait pas acceptable de ne satisfaire que la revendication hallal. Tout le monde ou personne. Et puis, si en découle une diminution de la consommation de viande à l’heure où les pets de vaches sont pointés du doigt dans le réchauffement climatique et où la demande en surfaces agricoles pour satisfaire les besoins de l’alimentation animale favorise la déforestation de par le monde, cette mesure pourra même se targuer d’avoir des vertus écologiques. Quidam : En tout cas, c’est une façon élégante de contourner le problème. Mais que pensez-vous alors du problème du voile islamique ? Et pire, du voile intégral ? C’est encore un problème que nous apporte l’Islam. Et qu’il est difficile de ne pas traiter frontalement. PG : Cette question du voile stigmatise bien la peur de l’Islam. La première chose à dire est qu’il ne faut pas confondre islamisation et arabisation. Le Coran prescrit certes le voile, mais il ne prescrit pas le niqab. Ce voile intégral est une pratique de la culture arabe, pas une préconisation de l’Islam. Il est facile de mélanger traditions culturelles avec religion, alors que c’est très différent. Quand des bouddhistes français s’enroulent dans des toges, ils le font par tibétanisme, pas par bouddhisme. Religion vient du latin religare, qui veut dire relier. Initialement relier à Dieu, mais certainement aussi, que ce soit directement ou indirectement via Dieu, relier les humains les uns avec les autres. Il n’y a pas de raison d’avoir une interprétation restrictive du terme. Alors quand je vois des moines ou des convertis qui, sous prétexte d’être ordonnés ou accueillis dans une religion provenant d’une autre culture, adoptent un nouveau nom qui en soit issu, je pense qu’il y a une erreur de leur part. Je comprends bien le principe qui veut qu’un moine change d’identité à son ordination pour commencer une nouvelle existence, mais ce n’est pas en reniant d’emblée son identité culturelle qu’il va favoriser l’universalité des religions ni aider les divers dogmes à s’affranchir du carcan culturel qui les a vu naître. Ce n’est pas parce qu’une religion tend à véhiculer une culture que les deux sont indissociables. Il faut, au contraire, éviter de les mélanger pour y voir clair et ne pas confondre choc culturel avec antagonisme religieux. Affranchir les religions de leur culture initiale, c’est aussi et surtout favoriser le côté nécessairement universel de la spiritualité. Et là réside aussi tout l’intérêt qu’il y a à ce que l’Education Nationale s’empare du sujet religieux. Alors le voile islamique maintenant. Voilà une question qui bouscule notre société. D’un côté, effectivement le Coran le prescrit. Cependant, ainsi que je l’ai dit, il le prescrit pour les arabes, en Arabie, et non pour le monde entier. Mais d’un autre côté, dans les années soixante, les femmes françaises se mettaient un voile sur les cheveux pour sortir. C’était la mode. Les vieilles paysannes avaient quasiment toujours un fichu autour de la tête. Les bonnes sœurs, elles, ont toujours été voilées. Et ça ne gênait personne. Et même, encore aujourd’hui, pour se présenter devant le Pape, toute femme doit faire de même. Alors pourquoi, tout d’un coup, un tel tapage autour d’un voile, sous prétexte qu’il serait demandé par l’Islam ? Quidam : Oui, peut-être, mais de là à le porter en classe ou au bureau… Quand on porte un chapeau, on se découvre à l’intérieur. C’est une question de bienséance. PG : Ce sont là vos habitudes, vos coutumes. D’autres cultures peuvent en avoir des différentes. Vous enlevez votre chapeau pour prier ? Les juifs au contraire doivent en mettre un. Et puis, que je sache, les bonnes sœurs ne se découvrent pas en entrant quelque part. Alors, deux poids, deux mesures ? C’est si fréquent dans notre société incohérente. Pourquoi serait-il interdit de porter le voile sur les cheveux, ce qui peut être très discret, alors qu’il est autorisé de porter un jean taille basse avec string qui dépasse d’un décolleté arrière pousse-au-viol ? N’est-ce pas autrement plus « ostensible » ? Si certaines tenues sont jugées inadéquates dans un contexte particulier, comme l’école par exemple, ou au sein d’une entreprise ou d’une administration, il est quand même facile, plutôt que de cibler un vêtement spécifique par une interdiction, de définir par le règlement intérieur la tenue que doivent respecter les personnes, voire d’imposer un uniforme. Cela éviterait d’ailleurs l’hypocrisie consistant à s’habiller comme tout le monde le temps de sa période d’essai, mais à revenir dès le lendemain avec le voile ou habillé punk ou grunge, ce qui ne me semble guère mieux. La solution existe donc sans législation spécifique, elle n’est simplement pas utilisée. Alors ne reprochons pas aux gens d’utiliser les espaces de liberté dont ils disposent… et qui disparaissent pour tous quand une loi s’en empare. Mais il est important de ne pas oublier de se poser la question suivante : ce qui nous choque, nous choque-t-il parce que c’est réellement inapproprié, ou bien simplement parce que ça bouscule les rigidités de nos habitudes ? Le string dépassant du pantalon est-il pousse-au-viol de par sa nature même ou uniquement du point de vue d’un refoulement sexuel trop généralisé ? Le penseur libanais Khalil Gibran a écrit dans son excellent ouvrage « le Prophète » : « l’impudeur est dans l’œil de celui qui regarde ». Vous mettez un maillot ou une serviette pour aller dans un sauna, n’est-ce pas ? Les suédois, eux, n’en mettent pas, et y vont hommes et femmes mélangés. Ca ne leur pose aucun problème, parce qu’ils y sont habitués et qu’il n’y a pas d’impudeur dans leurs regards. Alors que si vous étiez parmi eux, je gage que vous ne pourriez vous empêcher des coups d’œil indiscrets. C’est une simple question d’habitude. Et la mentalité change au bout de quelque temps dans un camp de nudistes. Alors je me suis posé la question en ces termes pour le niqab arabe, ou la burqa afghane. Mon sentiment est que s’il peut être approprié pour préserver la femme dans une culture qui la considère au mieux comme un vagin à pattes au pire comme une esclave, ça ne l’est pas dans une société qui incite chacun, homme comme femme, à se respecter mutuellement et à s’assumer. Accepter que des gens se cachent ainsi intégralement n’est pas les aider à dépasser leurs problèmes d’image de soi ou de peur du regard d’autrui, s’ils le font volontairement, tout comme ce n’est pas non plus les aider à se libérer et s’affirmer, s’ils le font par contrainte du conjoint, de la famille ou de leur communauté culturelle. Je tends donc à considérer que c’est aider la femme que d’interdire le voile intégral. Mais qui suis-je pour leur imposer mon aide ? Aussi longtemps qu’il n’y a pas violence pour forcer au port du voile, qu’il soit intégral ou pas, quelle est la légitimité de la société à intervenir dans une question aussi éminemment personnelle que la tenue vestimentaire ? A la limite, nous n’interdisons pas aux stars de se préserver des regards par le port de grosses lunettes de soleil, non ? Alors n’est-ce pas simplement un problème d’habitude à prendre ? Et pourtant, ça nous bouscule quand même. Alors envisageons un autre angle d’approche de ce problème : est-il acceptable dans un pays où il demeure des enjeux de sécurité publique, que des gens puissent se déplacer incognito ainsi camouflés ? Et là, de ce point de vue, je reconnais une légitimité à la société pour intervenir sur ce sujet. Ce qui m’arrange bien je dois dire et me fournit du coup un motif objectif pour être opposé au voile intégral en France. Car j’ai tendance à considérer que si le créateur a confié à la femme le soin de manifester la grâce et la beauté en ce monde, ce n’est pas rendre hommage à sa création que de la cacher sous un voile intégral. Allah ne doit guère se réjouir de voir les plus belles fleurs de son jardin voilées par des hommes trop primaires pour maîtriser leurs débordements libidineux. Toutefois, un autre problème se pose alors. Faut-il aussi interdire le masque respiratoire si en vogue à Tokyo et qui se diffuse progressivement dans le monde avec le développement des allergies et de la pollution, ou lors d’alerte pandémique ? Ou les tenues spécifiques ressemblant à des burqas grises que portent certaines personnes électro-sensibles pour se préserver de la pollution électromagnétique ? Où mettre la limite ? Quidam : Ah oui, je n’avais pas pensé au masque respiratoire. Du coup, il y a aussi ceux qui doivent porter un masque parce qu’ils sont grands brûlés du visage par exemple. PG : Oui, comme ces femmes qui ont reçu de l’acide dans le visage parce qu’elles refusaient les avances d’un prétendant très macho. Faut-il les punir une deuxième fois en les obligeant à s’exhiber ? Et puis il y a aussi les cagoules des skieurs frileux. Ce qui nous incite à penser que le maquis corse doit être bien plus froid qu’on ne l’imagine… Et que dire du casque intégral des motards ? Très utile pour se protéger la tête dans une manif… Bref, je pense que vous avez compris. Il est facile de cibler le voile intégral dans un texte de loi. Mais si ces femmes s’adaptent et mettent des masques respiratoires avec l’appui d’un certificat médical, il deviendra beaucoup plus compliqué de juger de l’intention. D’ailleurs, dérangeraient-elles autant avec un masque respiratoire au lieu d’un voile intégral ? Quidam : Vous avez l’art de rendre ce problème simple un peu compliqué. PG : C’est parce que le problème n’était simple qu’en apparence et que la société ne peut se construire sur des apparences, ni par des lois myopes, manquant d’ouverture et d’horizon. Il faut aller jusqu’au fond des choses, sans hypocrisie intellectuelle, même si ça nous dérange un peu. C’est comme ça qu’en fouillant un peu plus la question, on s’aperçoit que cette complication nous renvoie aux limites de l’interdiction. Prévenir et éduquer, c’est toujours mieux. Et il faut se méfier du réflexe d’interdire tout ce qui nous déplait, car c’est juste bon à donner naissance à un nouveau mai 68 avec son slogan « il est interdit d’interdire ». Nous sommes dans une société extrêmement rigide. Nous avons peur de tout et passons notre temps à chercher à tout figer pour nous rassurer. Alors que la vie est fluidité et nous demande de la souplesse. Comment évoluer si on se fige à la moindre perspective de changement ? Comment être heureux si on a à ce point peur de ce que demain nous apportera ? Certes, le matérialisme, qui cherche à tout expliquer mécaniquement et chimiquement pour tout contrôler, donc tout figer, engendre ce type de crainte. Alors que la spiritualité, quelle que soit sa forme, qui prêche le besoin d’évoluer vers davantage de perfection divine en se laissant guider par les influences supérieures, nous incite à accepter le changement. Mais, autre incohérence de la nature humaine, les croyants sont aussi apeurés du changement que les non-croyants. Problème de manque de foi sans doute. Au final, le résultat est que notre société est en profond malaise de cet excès de rigidité qui l’empêche d’évoluer, de progresser, d’expérimenter. Au risque d’afficher un peu mes convictions, à quoi sert de vivre si c’est pour s’échiner à toujours reproduire les mêmes choses ? Une fois que vous avez fait une expérience, il peut être intéressant de recommencer pour s’améliorer et peut-être éviter, à force, de reproduire les mêmes erreurs. Mais il y a un moment où recommencer encore et encore les mêmes choses nous sclérose en nous privant de l’ouverture qu’apportent les expériences nouvelles. Même Sisyphe finit par se lasser de remonter son caillou trop newtonien en haut de la colline. Parce qu’on a peur du changement et peur de se remettre en cause, on vieillit prématurément. Il faut remettre la société en mouvement et inciter l’individu à se libérer de son carcan d’immobilisme. On retrouve ce problème dans tant de domaines différents de la société que c’est affligeant. Quidam : Et en quoi le spirituel apporte-t-il une solution sociale à ce problème ? PG : Simplement parce qu’il dit aux individus : acceptez que les choses changent ! Les bouddhistes enseignent que nous sommes dans un monde d’impermanence. Et c’est irréfragable. Il suffit de regarder autour de soi pour constater que la nature change sans arrêt. Et bien que nous ayons tendance à freiner des quatre fers, la société change aussi, notamment sous l’impulsion du progrès scientifique. Alors pourquoi n’accepterions-nous pas de changer aussi à l’intérieur ? Pourquoi avoir peur du message d’une autre religion ? Peut-être apporte-t-il un éclairage nouveau, complémentaire, qui nous permettra de faire mûrir nos propres valeurs et nos croyances ? Il y a toujours plus d’un chemin pour atteindre le sommet d’une montagne. Au lieu de ça, on constate toute une cabale de gens qui se prétendent bien-pensants et qui s’échinent à éviter que l’on dévie des expériences et des voies qu’ils estiment acceptables. Faites une retraite dans un monastère, bien, vous êtes en recherche spirituelle. Faites la même chose dans un groupe new age, aie aie aie, vous êtes tombés aux mains d’une secte et les croisés du bien-pensant vont s’efforcer de vous délivrer malgré vous de cette mauvaise influence, vous privant de l’expérience qu’appelait votre être. Quidam : M’enfin il y a quand même des sectes qui droguent les gens, les enferment, et j’en passe. On ne peut quand même pas comparer ça aux religions officielles. PG : Croyez-vous ? Qu’est-ce qu’une religion sinon une secte qui a réussi ? Qu’était la chrétienté à ses débuts sinon un ensemble de sectes propageant chacune ce qu’elles avaient retenu du message de Jésus, jusqu’à ce que l’empereur Constantin ne décidât de choisir le christianisme comme vecteur d’unification de son empire, en façonnât le dogme comme ça l’arrangeait et ne l’imposât à la force du glaive sur les autres tendances ? Que serait l’Islam si le prophète Mohammed avait perdu la bataille lorsque les Quoraïchites attaquèrent Médine pour l’éliminer ou lorsque qu’à son tour il les attaquât pour les chasser de La Mecque et libérer de l’idolâtrie la Kaaba, ce temple bâti par Adam et reconstruit par Abraham ? Vous noterez au passage, histoire de poursuivre sur la voie du rapprochement des religions, que ce sont là des noms aussi célèbres dans le Judaïsme que dans le Christianisme. Mais bref, secte ou religion, ce n’est qu’une question de taille et de réussite. Pour ce qui est de respecter la liberté des gens, ne vous imaginez surtout pas que vous étiez libres dans un monastère ou un couvent voici quelques siècles. Mais les choses ont heureusement fini par évoluer dans ce secteur et l’humain a la mémoire courte. Alors je vous rejoins sur le fait qu’effectivement, la société, dans son effort à satisfaire le deuxième besoin de la pyramide de Maslow, celui de sécurité, se doit de préserver de son mieux les individus du risque d’être retenus contre leur gré par un groupe quelconque. Et que ce groupe se présente sous une façade spirituelle et soit qualifiable de secte au sens le plus péjoratif du terme, ou bien qu’il soit simplement clairement mafieux, ou encore autrement malveillant, voire constitué de syndicalistes séquestrant des patrons, ne change rien au problème. Pour autant, la société ne doit pas pêcher par excès de prévenance et empêcher les individus de mener leurs expériences, même si celles-ci les amènent à se couper du monde volontairement, à s’adonner à des pratiques contemplatives qui puissent paraître extrêmes, à se débarrasser de leurs biens, etc. Qu’ils fassent leurs expériences ! Il est impératif de rétablir le droit à l’expérience personnelle. Du moment que c’est librement consenti et volontairement choisi, personne ne doit rien avoir à y redire. S’ils en ressortent en ayant perdu tous leurs biens, relations, etc., ce n’est pas grave. Ils se seront enrichis d’une expérience, auront appris sur eux-mêmes de leurs erreurs éventuelles. Et alors ils trouveront le soutien de la société au titre de la satisfaction des deux premiers besoins de la pyramide de Maslow, société qui leur assurera des conditions décentes de survie pour leur permettre de se relancer. Souvenez-vous de la parabole du fils prodigue. La fluidité de la vie, c’est aussi ça. Accepter que certaines expériences nous mettent sur la paille mais nous enrichissent intérieurement. A partir du moment où la société s’organise pour assurer les besoins physiologiques et de sécurité, l’individu peut plus facilement se libérer de sa peur intrinsèque du changement. Sa vie peut plus facilement rester en mouvement, en évolution. Et cet enrichissement humain bénéficie en retour à la société toute entière. Quidam : Oui, à dire comme ça, c’est facile, mais à vivre c’est autre chose. J’ai un ami qui en est passé par là, et je peux vous dire que sa famille en a beaucoup souffert. Lui-même est ressorti lessivé de son expérience. C’était quand même très dur. PG : Personne ne prétend que la vie est un long fleuve tranquille. Et certaines expériences peuvent effectivement être douloureuses. Je ne peux me prévaloir de l’expérience de votre ami, mais je peux m’appuyer sur la mienne. J’ai vécu ce genre de chose dans ma jeunesse, à un moment où, un peu trop paumé face à ce monde insensé, j’ai eu besoin de répondre à une aspiration spirituelle. Je me suis impliqué dans un groupe qui s’est progressivement refermé sur lui-même et a donc tourné à la secte, selon la terminologie des bien-pensants. J’y ai vécu ce que j’avais besoin d’y vivre. Et, oui, j’en suis ressorti lessivé. Mais sur les débris de moi-même, je me suis reconstruit plus solide qu’avant. Oh, pas du jour au lendemain. Ca a pris du temps. Mais je ne regrette certainement pas cette expérience qui m’a considérablement enrichi intérieurement. Il faut cesser d’avoir autant peur de vivre ! Oui, la vie peut être difficile, oui elle peut être douloureuse. Oui, parfois, la vie tue ! A chacun de trouver en soi la force pour mûrir et affronter ce qui doit l’être. N’est-ce pas l’un des sens que l’on peut donner à notre existence, que de nous inciter à développer notre conscience, trouver notre force intérieure et apprendre à tenir debout en adulte, en méritant ce titre par la maturité plutôt que simplement par l’âge ? Quidam : Bon, admettons. De toute façon, les sectes demeurent des épiphénomènes au niveau de la société. PG : Et oui. Et pour une bonne raison : quand elles dépassent ce stade, ainsi que je le disais, elles deviennent des religions ! Mais la prolifération des petits groupes spirituels si facilement taxés de sectes démontre surtout l’échec des grandes religions à répondre aux questionnements existentiels plus ou moins développés des uns et des autres. Et qui sont d’autant plus forts que le matérialisme ne propose pas de réponse satisfaisante. Alors quand cette vie est difficile, qu’on se sent rejeté par la collectivité, et que la force intérieure manque, certains basculent du questionnement intérieur à la rébellion extérieure et rejoignent la contestation islamiste, puisque c’est la plus en vogue par les temps qui courent. Et voilà comment une société qui fait l’autruche en arrive à entretenir ses propres foyers de discorde. Ce qui est pour le moins périlleux dans un monde où il y a toujours quelqu’un pour souffler sur les braises. 03 : immigration et intégration Quidam : En tout cas, force est de constater que les problèmes religieux actuels du pays tournent beaucoup autour de l’Islam. N’est-ce pas essentiellement un problème lié à l’immigration ? PG : Oui, bien sûr. Mais à une certaine immigration. Curieusement, une jolie russe venant s’installer comme ophtalmologue en France, est de cette immigration qui ne pose de problème à personne, sinon aux épouses de ses soupirants. Mais que ça vienne du sud de la méditerranée… L’Islam, dont l’expansion en France est principalement portée par l’immigration venue d’Afrique du Nord et de l’Ouest, est d’autant plus problématique qu’il est véhiculé par des cultures très différentes de la notre. Ainsi que je viens de vous le dire, ce n’est pas tant un choc religieux que culturel auquel notre société est confrontée. Et si c’est un choc, c’est parce qu’il y a eu afflux massif de populations de cultures différentes, sans que notre société soit en mesure de leur proposer une réelle intégration. La situation économique les a souvent relégués dans des conditions sociales difficiles, dans les banlieues, où ils se sont organisés en ghettos, s’enfermant dans leur traditions et modes de vie, un trop grand nombre ne parlant même pas français ou très mal. S’est donc développé l’esprit communautaire en réponse à ce besoin d’appartenance dont la société française leur refusait la satisfaction. Et l’Islam radical, trouvant là un terreau fertile pour son expansion, est devenu le véhicule d’une revendication identitaire. Croyez-vous que ce soit vraiment par conviction religieuse qu’une femme décide spontanément de s’enfermer sous un niqab alors même que l’Islam ne le demande pas ? Ou plutôt en signe de révolte contre l’ordre social ? Tout ce mal-être, qu’il s’exprime par l’intégrisme ou par la violence, voire les deux, est signe que notre société est en échec d’intégration. Des sous-groupes se sont formés faute de pouvoir s’intégrer au groupe principal. Et l’affrontement se développe. Dans l’après guerre, et pendant toute cette période des trente glorieuses, il y avait tellement de choses à reconstruire, qu’on connaissait un cruel manque de main d’œuvre. Alors est venue toute une force de travail étrangère. Puis la situation économique s’est modifiée et la main d’œuvre est devenue trop abondante. Le chômage s’est développé. Il est devenu plus difficile de s’intégrer par la réussite au travail. Mais l’afflux de population immigrée a néanmoins continué, ne serait-ce que parce que les travailleurs venus seuls au départ importaient à terme leur famille. Ce qui est non seulement légal mais en plus logique. Parallèlement, dans leurs pays d’origine, la situation ne s’est guère améliorée pour le petit peuple. Alors ils rêvent de venir en Europe, s’imaginant y trouver l’Eldorado. Et quand ils arrivent, ils déchantent. Ils restent marginalisés, dans la misère, n’osant pas dire leur échec à leurs proches restés au pays, à qui ils se débrouillent d’envoyer quand même un peu d’argent, entretenant donc le mythe qui incite toujours plus d’immigrés à tenter leur chance et venir déchanter à leur tour. Le problème est tel que la société n’est même plus capable de proposer une perspective d’intégration décente à ces français issus de l’immigration, donc les deuxième ou troisième générations, nées en France, scolarisées en France, mais laissées en échec social. Preuve, s’il en fallait, que même lorsqu’il y avait du travail, leurs parents et éventuellement grands-parents n’ont pas été intégrés. Le travail est une condition nécessaire, mais clairement pas suffisante. Quidam : Alors que faire ? PG : A l’évidence, et n’en déplaise aux bien-pensants, commençons par cesser d’importer la misère. L’immigration ne peut être un droit accordé à qui veut. La situation économique du pays est déjà assez difficile pour de nombreux français, « de souche » comme issus de l’immigration, qui demeurent durablement au chômage et sont finalement laissés en marge de la société. Alors commençons par nous occuper de ceux-là. La France ne peut prendre en charge toute la misère du monde. Je suis désolé pour les habitants des pays pauvres, mais il faut dire stop à l’immigration. Et ce message n’a aucune chance de passer auprès des candidats à l’immigration sans l’organisation efficace d’un sens retour pour les illégaux, ces fameux sans-papiers. En attendant de solutionner les problèmes d’intégration sociale et humaine auxquels nous sommes confrontés, préoccupons-nous déjà d’arrêter de les aggraver. Quidam : Enfin, ça diminuera les problèmes ici, mais les augmentera là-bas, dans leur pays d’origine. Ca ne fait que déplacer le problème. PG : Non, ça les maintiendrait là-bas, ça ne les aggraverait pas. Certes l’impact des transferts de fonds faits par ces immigrés, et qui représentent parfois jusqu’à plus de 20% du PIB de certaines économies africaines, n’est pas neutre pour ces pays. Mais tant qu’à mettre à contribution la balance des paiements du nôtre, autant que ce soit au travers d’une action organisée et ciblée, notamment pour soutenir l’éducation, qui soit plus constructive pour favoriser leur développement. Cependant, encore une fois, la France n’est pas responsable de toute la misère du monde. Si tous ces pays pauvres, dont beaucoup sont d’anciennes colonies d’une puissance européenne et qui ont voulu l’indépendance, se retrouvent incapables de proposer une société où il fait bon vivre à leur peuple, ce n’est pas la responsabilité de la France, ni de l’Europe. La responsabilité des pays plus développés est d’aider. Pas de prendre en charge. Chaque fois que vous prenez en charge, vous créez un assisté. Chaque fois que vous aidez à ce qu’ils se prennent en charge tous seuls, vous favorisez l’avènement d’humains autonomes et fiers. Il est normal de former leurs étudiants lorsque ces pays manquent d’universités adéquates. Mais pour que ceux-ci retournent ensuite aider à développer leur pays. Pas pour qu’ils restent en France. Il est nettement préférable de les aider à construire leur propre maison chez eux que de les encourager à venir mettre les pieds sous la table chez nous. Plus nous réduirons les différences économiques, en les tirant vers le haut bien entendu, non en nivelant par le bas comme actuellement, plus nous contribuerons à ce que les flux migratoires génèrent un enrichissement humain mutuel plutôt que du parasitisme. Alors, exportons le bien-être au lieu de nous saborder en laissant importer la misère ! Car il faut être conscient de ce qui se passe. Nous sommes en train de nous saborder ! A force de non-intégration, nous approchons maintenant la désintégration. Notre société est en danger. Non du seul fait de l’immigration, gardons-nous des discours xénophobes trop simplistes, mais ça en fait partie. Et ce d’autant plus lorsque des immigrés non intégrés revendiquent de recréer ici ce qu’ils ont fuit chez eux, ainsi que vous le mentionniez tout à l’heure. Il y a de nombreux domaines où il y a urgence à prendre des mesures fortes pour redresser la barre. Et l’immigration en est un. Au lieu de ça, à quoi assiste-t-on ? A des manifestations et des grèves de sans-papiers pour être régularisés. Ah ça, à défaut d’être bien intégrés à la société, ils ont bien intégré la mentalité française ! Comment se fait-il qu’il y ait aussi officiellement des tas de travailleurs illégaux sans que leurs employeurs ne soient sévèrement sanctionnés ? Comment se fait-il qu’on puisse légalement, parfois même à des tarifs inacceptables, héberger à titre onéreux des immigrés en situation irrégulière sans avoir à en répondre devant la loi ? Et pourquoi y aurait-il moins de candidats à cette immigration même illégale si tout ce qu’ils risquent ce sont quelques jours de rétention, et un billet d’avion retour, peut-être même avec un peu d’argent de poche, histoire de préparer le coût du prochain passage ? Il faut savoir reconnaître que la situation économique et sociale de la France est de plus en plus compromise, et qu’il faut donc maintenant changer de politique. Il faut de la fermeté. Et dans les faits, non dans les discours. Nous sommes là dans le deuxième niveau de la pyramide de Maslow : le besoin de sécuriser notre société et le bien-être de ses citoyens. Quidam : Alors vous renverriez tous les immigrés chez eux ? PG : Tous certainement pas, ce n’est pas du tout aussi caricatural que ça. Nombre d’entre eux sont très bien intégrés et incarne la richesse que peut apporter l’immigration à une société. J’ai souvenir d’être tombé une fois sur une question au Trivial Pursuit qui demandait « quel est le pays où il y a le plus grand nombre de patronymes différents ? ». Et la réponse était la France. Alors dire que j’en suis fier n’est pas approprié, mais j’en suis certainement heureux. Parce que ça veut dire que sur notre petit territoire se côtoient des gens d’origines très diverses, tant de par les différences régionales du pays, composantes outremers incluses, que de par son passé colonial qui l’a ouvert sur le monde, ou encore de par l’immigration européenne, africaine, asiatique, océanienne, voire américaine, et que tout cela permet un creuset humain très riche. D’ailleurs, quand on parle de français de souche, ce n’est jamais que faire référence à une ancienneté dans le pays. Parce qu’avec une histoire aussi riche que la nôtre d’invasions en tout genre, nous sommes tous, à des degrés divers, issus de l’immigration. Et en ces temps reculés, les peuples druidiques de Gaule ne voyaient pas d’un meilleur œil la christianisation de leur territoire que vous ne percevez aujourd’hui la montée de l’islamisation. Cependant, les temps actuels sont bien différents. Une partie de ces immigrés récents, n’ont actuellement plus leur place ici et sont certainement à renvoyer chez eux. A commencer, je me répète, par tous les illégaux. Mais aussi certains de ceux qui sont durablement sans emploi, vivant en parasite de la générosité sociale, reclus dans le communautarisme et ne démontrant aucune volonté de s’intégrer. Cela concerne notamment certains africains, qu’ils soient maghrébins non harkis ou subsahariens, champions pour ce qui est de profiter de notre Etat-providence, mais également certains européens de l’est qui ont bien pris le pli aussi, en plus de pouvoir le faire à volonté en toute légalité de par les excès de la libre migration intra-européenne. Mais pas seulement. Lorsqu’un immigré se permet de participer à certaines manifestations d’ordre politique, comme le font par exemple certains chinois appuyant les récriminations de Beijing contre la venue du Dalai Lama en France, alors là, la seule question que je me pose est de déterminer la pointure du pied qu’il faut leur mettre au derrière pour les expulser. Notre société se doit à la satisfaction des besoins de ses seuls membres, et non de tous ceux qui ont réussi à un moment ou à un autre à mettre le pied sur le territoire national et à s’y incruster. Il ne suffit pas d’être présent dans un pays pour se prétendre membre de sa société. La différence, c’est justement l’effort d’intégration. C’est ce qui vous permet de progresser au troisième niveau de satisfaction des besoins de Maslow : l’appartenance. Quidam : Pourtant il ne faut pas non plus se voiler la face : notre consumérisme actuel est en partie basé sur l’exploitation de la misère dans les pays sous-développés ou en voie de développement. PG : C’est vrai. Si nous accédons à des biens peu chers, c’est parce qu’il y a des miséreux à exploiter pour les produire à bas coûts. Mais pour autant, il faut couper court aux discours culpabilisateurs divers : si les pays du tiers monde sont dans la misère, c’est certes en partie parce que l’Occident s’est efforcé d’en profiter, mais c’est d’abord parce qu’ils se sont eux-mêmes laissés exploiter, notamment en se dotant de dirigeants véreux trop heureux de vendre leur peuple à des exploiteurs moyennant de gros versements sur leurs comptes bancaires en Suisse ou aux Bahamas. A eux, peuples des pays pauvres, de commencer par se mobiliser pour se doter de dirigeants respectables avant de se complaire à faire des reproches aux autres. A eux de se prendre en main plutôt que d’attendre que ça tombe tout cuit dans leur assiette. Je sais que c’est facile à dire, mais l’évolution de la conscience humaine ne peut pas plus s’accommoder de la culpabilisation que de la déresponsabilisation. Nous sommes tous coupables, à des degrés divers, des erreurs du passé. Soit. Regarder le passé en face est intéressant, mais pour en tirer toutes les leçons, non pour s’apitoyer. Et maintenant, il faut surtout penser à mettre en œuvre des solutions pour que le futur ne soit plus la reproduction du passé. Cela doit nous donner un devoir d’aide à propager le bien-être dans ces pays. Mais pas une obligation à nous laisser envahir par leur misère. Car nous laisser ainsi saborder par une invasion démographique non intégrable ne leur apportera rien non plus. L’immigration ne peut être acceptée qu’en tant que variable d’ajustement par rapport au besoin de main d’œuvre de l’économie du pays. Il n’est pas bon de viser un taux de chômage zéro, car il est normal d’avoir un peu de chômage, dit d’ajustement, pour justement permettre les changements d’emploi, les reconversions, etc. Si on considère comme 5% le taux maximum acceptable pour ce chômage d’ajustement, il faut pratiquer une immigration négative, c'est-à-dire renvoyer des immigrés non intégrés chez eux, de façon à arriver à ce seuil de plein emploi. Ce n’est évidemment pas la seule mesure pour y arriver, mais ça en fait partie. L’immigration ne doit ensuite être envisageable que lorsque le chômage repasse en dessous de ce seuil de plein emploi. Et surtout, ce doit être une immigration ni « subie » ni « choisie », selon les termes en vigueur dans le débat habituel sur la question, mais « intégrable ». Quelle logique y a-t-il à laisser immigrer tout et n’importe qui, sans considération de ce qu’ils peuvent apporter au pays à qui ils demandent l’accueil, sans considération de comment ils peuvent trouver leur place dans notre société ? Quel intérêt y a-t-il à laisser des gens venir se mettre en situation d’échec social ? Quidam : Choisie, intégrable, n’est-ce pas un peu jouer sur les mots ? Car il faut bien choisir ce que l’on considère intégrable ou pas. PG : Vous n’avez pas tort. Cependant, j’attache au terme intégrable un caractère plus pragmatique et moins arbitraire que ce qu’on peut associer au terme choisi. Le critère de choix est intégré dans le mot au lieu d’être laissé dans le vague. Ce n’est pas une question de race, de nationalité d’origine, ou de religion, mais une simple évaluation aussi objective que subjectivement possible du potentiel professionnel du candidat à l’immigration, de sa maîtrise de la langue nationale, et de sa motivation à intégrer notre société plutôt qu’à se recroqueviller au sein d’une minorité communautariste. Ce dernier critère doit d’ailleurs inciter à favoriser une immigration plus cosmopolite qu’elle ne l’est actuellement. Quidam : Mais là, on retombe sur un côté plus « choisi » et donc subjectif, non ? PG : En partie, mais pour des raisons qui demeurent relativement objectives : de multiples petites minorités s’intègreront toujours plus facilement au groupe d’ensemble qu’une minorité de taille trop conséquente où l’identité de sous-groupe sera plus forte et de ce fait davantage antagoniste. Encore une fois, et au risque de me répéter, intégrer des citoyens d’horizons variés, de cultures diverses, apportant d’autres points de vue, est toujours un enrichissement pour une société. Quand ils sont intégrés ! Si au contraire, comme dans la situation actuelle, ils ne le sont pas parce que la capacité d’intégration de notre société est saturée par les nombreux déséquilibres qui la minent, ça ne fait que créer des problèmes sociaux supplémentaires. Il en résulte de la misère, misère qui engendre inévitablement un surcroît de délinquance et de criminalité, voire à plus grande échelle des scissions communautaristes. Alors il faut savoir dire stop. Si le gouvernement ne sait pas le faire, la situation explosera. Les communautés minoritaires vont devenir de plus en plus vindicatives, au fur et à mesure que leurs éléments les plus radicaux parviendront à mettre le reste de leur groupe en coupe réglée. De son côté, la communauté majoritaire va se sentir de plus en plus menacée et ses propres éléments extrémistes prendront en main la mise en sécurité de leur groupe en affrontant les minorités problématiques. Ce processus est simple et constant dans l’histoire. Et il est tout aussi constant qu’il se fasse par bains de sang excessifs et aveugles. La lâcheté et le manque de vision d’un gouvernement en période aussi critique qu’actuellement ne peut rien donner de bon. Quidam : Et qu’est-ce qu’il faudrait faire pour assurer l’intégration des immigrés restants ? PG : Déjà, commencer par s’assurer qu’ils parlent français. Et je précise que cette obligation de développer un niveau convenable en français doit s’appliquer de la même façon aux citoyens de l’Union Européenne désireux de vivre chez nous qu’aux autres immigrés. Comment voulez-vous que tous ces nouveaux venus trouvent leur place s’ils ne peuvent communiquer avec les citoyens et les autorités du pays ? Quand on se retrouve avec des situations où c’est l’enfant de huit ans qui sert d’interprète pour que ses parents puissent parler avec l’instituteur, comment s’étonner ensuite que ce bambin terrorise ses père et mère en les menaçant d’appeler SOS enfance maltraitée s’ils lui mettent la fessée dont il aurait pourtant furieusement besoin pour retrouver quelques repères salvateurs ? Ces immigrés, surtout les non-européens, se retrouvent perdus dans cette société très différente de la leur, et dont ils ne comprennent pas ou mal le fonctionnement, où ils manquent de repères. Ils font des enfants qui, aberration du code de la nationalité à réformer urgemment, sont automatiquement français puisque nés en France, mais ils ne savent pas les guider pour qu’ils deviennent des citoyens français à part entière, ne sachant leur transmettre que leurs lacunes linguistiques et leur culture d’origine, en guise de handicap au départ de la course sociale. Et on s’étonne ensuite de l’échec de leur intégration ? Quidam : Et par quoi remplaceriez-vous le droit du sol pour l’attribution de la nationalité française ? PG : Clairement, un enfant né en France, et dont au moins un des parents est français, peut être automatiquement français. Par contre, un enfant né à l’étranger d’un parent français ne doit l’être automatiquement que si ce parent est lui-même né en France. Dans le cas contraire, cela voudra dire que cette famille a émigré depuis plus d’une génération et que la nationalité française n’a plus lieu d’être puisqu’ils ont clairement décidé de faire leur vie ailleurs. Quant à un enfant né en France de parents non français, il ne doit bénéficier automatiquement de la nationalité française que si l’un des parents est lui-même né en France de parents en situation légale, signe alors que l’immigration de cette lignée commence à être assez ancienne pour officialiser son appartenance à la société française. Tous les autres cas doivent rester à la discrétion des autorités en charge de l’attribution de la nationalité française et qui statueront souverainement selon leur appréciation de la justification de la demande. Aucun cas n’est donc à exclure d’office, mais point de systématisme non plus. Le sol où l’on naît ne confère donc pas de droit automatique mais n’est qu’un des critères à prendre en compte pour l’octroi de la nationalité. Et la volonté d’intégration ou pas de la famille doit être bien plus déterminant que le lieu de naissance. Quidam : Bon, mais pour revenir à nos immigrés, il y a bien matière à les aider à mieux s’intégrer. PG : Bien sûr. De toute évidence, il faut généraliser les formations spécifiques et obligatoires pour ces parents immigrés, déjà pour acquérir si nécessaire une maîtrise suffisante de la langue commune de notre société, le français, mais aussi afin qu’ils apprennent ce qu’il convient de faire ou pas dans ce pays, que ce soit pour leurs enfants ou pour eux. Qu’ils sachent par exemple qu’ils iront en prison s’ils font exciser ou infibuler leur petite fille, avant d’être expulsés du pays sans possibilité de retour une fois leur peine purgée, et que ce genre de choses ne passera forcément pas inaperçu lors des visites médicales scolaires. Mais qu’ils sachent également, par exemple, qu’il ne leur sera pas reproché d’assumer leur responsabilité éducative en mettant la fessée à un enfant trop prompt à faire des bêtises ou des caprices, du moins tant que cela demeure du domaine de la fessée sans dériver vers la maltraitance. Donc quand je parle de formation, je pense à des formations bien plus poussées et étendues que les simples formations de français langue étrangère dispensées par nombre d’organismes aux qualifications parfois discutables mais aux coûts bien réels. Je parle de formations de socialisation, à mener sur le moyen terme de plusieurs années, non pour qu’ils abandonnent leur culture, même si très clairement certaines pratiques culturelles mutilatrices comme celles que je mentionnais ne doivent jamais être tolérées, mais pour qu’ils aient une perspective comparative leur permettant d’être eux-mêmes au sein d’une société différente de celle dont ils sont issus. C’est donc plus que de la simple éducation civique. Bien sûr, tout cela aura un coût. Mais somme toute bien moindre que les effets sociaux actuels de ces échecs migratoires. Ainsi préparés et accompagnés dans leur intégration, et aussi parce qu’il y aura la disponibilité économique pour les intégrer, ces immigrés intégrables trouveront leur place pour enrichir la société française par leur apport au lieu, comme actuellement, d’en aggraver les déséquilibres. 04 : croissance, surpopulation et environnement Quidam : D’un autre côté, si on se base sur les statistiques de natalité, l’immigration semble une nécessité pour soutenir la croissance démographique, qui à son tour est un facteur de croissance économique, elle-même essentielle pour pérenniser notre système social. PG : Je l’attendais celle-là ! Commençons donc par tordre le cou à cette ridicule notion de croissance. Quand on parle de croissance, en matière d’économie, on veut dire croissance du Produit Intérieur Brut. Le PIB, c’est la somme des valeurs ajoutées produites par toutes les activités du pays. Alors qu’est-ce que ça veut dire au juste ? Pour un artisan, la prestation globale qu’il facture à son client dont on retranche le coût des matériaux utilisés et les services extérieurs qu’il paye, tels les honoraires de son expert comptable ou le carburant de son camion, détermine la valeur ajoutée résultant de son travail et donc sa contribution au PIB. Pour les matériaux qu’il achète directement de l’étranger, ça s’arrête là. Pour ceux qui sont achetés à un importateur, la valeur ajoutée propre à l’activité de ce commerçant est alors à rajouter à celle de l’artisan pour calculer le PIB. Et pour les matériaux entièrement fabriqués en France, comme par exemple des ocres de Provence pour les enduits muraux, alors, là aussi, la valeur ajoutée de ce producteur contribue à la détermination du PIB national. Et ainsi de suite pour tous les acteurs économiques du pays, par agrégation de la valeur ajoutée produite par chacun. Jusque là, ça semble benoît. Si on construit plus de maisons, l’artisan a plus d’activité, il y a croissance du PIB. Et les politiciens et économistes se frottent les mains en disant que la croissance est bonne… et en suggérant que ce pourrait être grâce à leur politique. Au contraire, si on en construit moins, l’artisan a peu de client, moins d’activité, il y a décroissance. Et les politiciens et les économistes font grise mine parce que du coup, l’artisan paye moins d’impôts, facture moins de TVA, et risque même de devenir chômeur si, à force de manque d’activité, il doit fermer son entreprise. Il coûterait alors à la société au lieu de lui rapporter. C’est pourquoi, dans le discours économique général et simpliste, croissance égale création d’emploi, égale création de richesse, égale amélioration du niveau de vie, etc. A l’inverse, la décroissance est assimilée à tout ce qui pose problème. Maintenant, si l’artisan a un surcroît de travail à restaurer des maisons parce qu’une violente tempête en a détruites plusieurs, certes il y a plus d’activité, mais en quoi est-ce que cela représente une amélioration de nos conditions de vie ? Allez demander aux gens qui n’ont plus de maison si cette croissance les rend plus heureux, s’ils sont contents que l’artisan soit content d’avoir du travail à réparer leur malheur. Un autre exemple maintenant : une personne âgée glisse sur une crotte de chien sur un trottoir et se casse le col du fémur. Ambulance, opération, rééducation, aide à domicile, etc., bref : croissance ! Nombres de gens seront contents d’avoir eu une activité, mais je doute que le vieux au centre de toutes ces attentions soit content maintenant d’avoir une prothèse de hanche à cause d’un excrément canin oublié au mauvais endroit. Et puis surtout, si, pour rester simple, je fais abstraction de la production de la prothèse et des produits de soins utilisés pour l’opération, y a-t-il production de valeur pour améliorer la richesse globale ? Ou bien y a-t-il seulement déplacement de richesses existantes, du porte-monnaie du vieux ou de celui de son assurance, à toutes les personnes qui se sont employées, et le terme est particulièrement approprié ici, pour le soigner ? « Le malheur des uns fait le bonheur des autres », peut-on effectivement dire dans ce cas. Mais est-on collectivement plus heureux du fait que des personnes se soient activées pour soigner un accident ? Prenons un exemple encore plus flagrant : une marée noire. Le pétrolier est condamné à payer les dégâts, et notamment à payer des gens pour nettoyer les côtes. Donc ça génère du PIB. Super, si j’ose dire, ça crée des emplois. Mais où est la création de bonheur ? Et peut-on seulement parler de création de richesse ? Il est estimé que la tempête Lothar de décembre 1999 a généré au moins un point de croissance. Probablement que c’est à peu près pareil pour Xynthia en 2010. Se sent-on plus riche et plus heureux de ce point de croissance, ou plus malheureux de tous les dégâts que cela a causés ? Si vous me répondez que nous sommes plus riches, alors ne cherchez plus, la solution à tous les problèmes économiques est simplement de lâcher quelques bulldozers fous dans des lotissements, d’encourager les agressions et les accidents de la route, de favoriser les attentats terroristes, de continuer à polluer la planète et dérégler le climat, etc. Mais à l’évidence, votre bon sens vous interdit de me répondre ça tant il est évident que ce n’est pas le cas. En vérité, le PIB n’est donc qu’une mesure de l’agitation. Il ne mesure ni la richesse du pays, ni celle de ces citoyens, et encore moins leur niveau de bonheur. Dès lors, la mesure du PIB et de la croissance ne sont que des illusions qui vous sont servies par les politiciens en quête d’un discours facile reposant sur des théories économiques erronées. Si encore on mesurait la variation du patrimoine par habitant, on éviterait de considérer comme croissance le fait de réparer des destructions. C’est d’ailleurs comme ça que se définit un produit en comptabilité : non pas une recette, mais soit une augmentation de l’actif, soit une diminution du passif. Avoir une maison aide à être heureux mais ne crée pas d’emploi une fois qu’elle est construite. La réparer quand elle subit un dégât entretient l’emploi, mais par contre ne crée ni davantage de richesse ni davantage de bonheur. Le problème est cornélien ! Quidam : D’où la folle croissance d’après-guerre où il y avait tout à reconstruire. Les gens s’enthousiasmaient parce qu’il y avait de réelles augmentations de leur patrimoine. Bon, pas pour tous bien sûr, mais certainement pour la majorité des citoyens. PG : Absolument. D’ailleurs tout politicien sait bien qu’en période de crise aiguë, rien ne vaut une bonne guerre pour relancer l’économie. Du moins celle du vainqueur… Normal qu’ils arrivent à de pareilles conclusions en raisonnant comme des déséquilibrés sur un système qui l’est également. Ce n’est pas pour rien qu’en ces temps économiques très troublés de début du troisième millénaire, il y ait autant de bruits de bottes de par le monde. Et je crains que ça ne fasse que commencer. Mais trêve de digression : parlons maintenant de la croissance en tant que telle. Non pas la croissance économique, qu’elle soit mesurée par le PIB ou par un quelconque autre indice, mais le concept même de croissance. Davantage de gens, davantage de maisons, davantage de voitures, davantage de consommation, etc. Mais pas davantage de terres. Pas davantage de ressources. A quoi peut bien mener une telle course à la croissance matérielle sur une planète finie ? A quoi sinon à une impasse ? En physique des gaz, particulièrement adaptée pour des sujets aussi vaporeux, on vous dirait que cette situation équivaut à une augmentation continue de la pression au sein d’un volume constant, ce qui engendre inévitablement une augmentation correspondante de la température, prélude à une explosion à terme. Bref, à ce que la planète devienne socialement très instable à défaut d’exploser physiquement, bien que cette dernière éventualité ne puisse être exclue compte tenu de nos capacités de destruction. Alors, faut-il attendre de se cogner la tête contre le mur pour en prendre conscience ? Si c’est le cas, il ne faudra pas s’étonner que le choc, lorsqu’il se produira, soit douloureux. Et ce sera très bientôt, car à force de foncer en aveugle, nous sommes maintenant tout proche du fond de cette impasse. Alors quand vous me dites qu’il faut de la croissance démographique pour soutenir la croissance économique, je me dis que vous répétez sans réfléchir ce que vous avez entendu. La croissance économique serait souhaitée pour créer des emplois permettant de diminuer le chômage, mais pour y arriver il faudrait augmenter la population donc alimenter le nombre de chômeurs ? Il y a là une logique assez ubuesque tant le serpent me semble se mordre la queue ! Ces déraisonnements sont le fruit de toutes ces années passées à ne pas regarder plus loin que le bout de son nez, ou du moins pas plus loin que la prochaine élection, à croire que la croissance matérielle sera éternelle, à croire que bâtir un modèle de société basé sur une fuite en avant peut être constructif et durable. Et maintenant que tous ces déséquilibres se rejoignent, la société menace d’exploser socialement et d’imploser économiquement. Juste retour des choses en vérité au vu de toute la bêtise nombriliste dont nous avons fait preuve jusqu’à présent. Notre collectif humain ne semble pas encore assez adulte pour avoir l’horizon nécessaire à comprendre la loi de cause et de conséquence. Vous savez, ce vieux précepte de récolter ce que l’on sème. Et le sous-collectif français ne fait pas exception. Mais il n’est pas forcément trop tard pour rectifier le tir. Quidam : Alors comment faire pour sortir de ce cercle vicieux ? PG : D’abord changer l’organisation sociale pour éliminer les déséquilibres. Et ensuite organiser la décroissance. On entend souvent l’expression à la mode « croissance durable » qui est mise à toutes les sauces pour faire croire qu’il est possible de concilier l’inconséquence de notre modèle économique et social déséquilibré, basé sur la fuite en avant, avec la préservation de l’environnement, condition sine qua non à notre survie en tant qu’espèce. C’est un non sens. C’est un mensonge. Comment peut-on espérer concilier croissance sans fin dans un espace fini avec protection de l’environnement ? L’expansion humaine grignote les espaces de vie sauvage, la forêt est abattue, la vie animale disparaît, y compris des espèces particulièrement utiles pour nous comme les abeilles. L’humanité s’imagine pouvoir transformer la Terre en une vaste exploitation agricole à son service. Dans l’absolu, je dis : pourquoi pas. Mais sans moi. Parce qu’elle ne sera certainement pas du tout « bio », cette exploitation planétaire. Et par bio, j’entends simplement propice à la vie. Si l’humanité a envie de vivre dans un espace sans vie sauvage, au milieu de champs agricoles empoisonnés par les pesticides et les élevages intensifs pour tenter de nourrir la prolifération irresponsable de son espèce, à respirer de l’air pollué et boire de l’eau contaminée, c’est une possibilité. Mais je vote contre, et m’y oppose clairement. Et pas seulement parce que je n’imagine pas un seul instant que ce puisse être durable. Quidam : Certains disent que la Terre pourrait nourrir dix milliards d’humains, sous réserve de modifier nos façons de faire en agriculture. PG : On trouvera toujours des gens, tous affublés du qualificatif d’expert, pour affirmer que blanc et d’autres pour rétorquer que noir. Ce n’est pas parce qu’un gugusse en blouse blanche dit ce que les dirigeants veulent entendre pour justifier leur inaction qu’il faut le croire. A qui profite le crime ? A qui profite le mensonge ? Cependant, dans l’absolu, je dis : pourquoi pas. Mais là encore, sans moi. Une prise de conscience de la nécessité d’arrêter d’empoisonner la nature parce que nous y vivons aussi est toujours possible. Mais pourquoi s’arrêter à dix milliards ? Faut-il croire que la prise de conscience agricole s’accompagnera d’une prise de conscience qu’à dix milliards il sera grand temps d’arrêter de se multiplier ? Je ne vois pas bien pourquoi j’y croirais alors que nous sommes incapables aujourd’hui de prendre conscience qu’à six milliards, nous sommes déjà beaucoup trop envahissants sur cette planète. Que la vie sauvage, tant animale que végétale recule toujours plus sous notre invasion de tout l’espace disponible, et tend de plus en plus à disparaître. Alors ce monde-là fait partie des possibles, mais je vote contre et m’y oppose clairement. Et je vous prédis que si jamais nous arrivons à ces dix milliards, un nouveau gugusse avec une nouvelle blouse blanche vous sortira une théorie selon laquelle on peut continuer jusqu’à douze milliards. Tant qu’il n’a pas atteint le sol, l’homme qui tombe du toit d’un immeuble se dit toujours : « jusque là ça va » ! Quidam : Il y a quand même des organismes internationaux qui agissent. L’UNESCO par exemple classe des sites naturels au patrimoine de l’humanité pour les préserver. PG : Chouette. Nous aurons donc encore droit à quelques jardins verts dans le futur. Quidam : Je sens une pointe de raillerie… PG : Comment se fait-il que ces gens qui prétendent classer pour protéger, soit incapables de simplement classer le « vivant » au patrimoine de l’humanité ? Peut-être parce que leurs financeurs sont ceux-là même qui brevètent les bienfaits de la nature pour nous les confisquer et nous les revendre ensuite avec de gros profits, ce qu’aucun gouvernement responsable ne devrait admettre. Alors non, je ne compte guère sur ces classements d’espèces en danger ou de patrimoine de l’humanité pour nous assurer un avenir satisfaisant. Mettez des fonctionnaires pour classer, oh, ça, ils vont classer. Tout et n’importe quoi, simplement pour justifier leur salaire. Mais que valent ces classements ? On y retrouve aussi bien le vieux Lyon, certes agréable mais pas franchement stratégique pour le bien-être à long terme de notre espèce, que le Cirque de Mafate sur l’île de La Réunion, qui lui a un intérêt bien plus réel pour préserver un peu de nature de notre emprise destructrice. Mais un petit bout ici, un petit bout là, ça ne nous laissera à terme que quelques jardins au milieu des terres ravagées. Et puis que dire lorsque c’est « le repas gastronomique traditionnel français » qui est classé au patrimoine mondial ? Assurément, avec ça, nous sommes sauvés ! Alors oui, je raille un peu, je l’avoue. Quidam : Et que faudrait-il faire selon vous ? PG : Il faut cesser de se voiler la face. Oui les rejets de carbone sont un problème climatique, et il faut les réduire. Oui la pollution est un problème et il faut prendre conscience de la nécessité de la réduire vigoureusement, voire de l’éliminer autant que possible, car rien ne sert d’éviter de mourir trop cuit si c’est pour mieux mourir empoisonné. Oui à tout ça et à tous les autres problèmes liés à la préservation de l’environnement. Mais tous ces problèmes, s’ils nous renvoient à notre manque de conscience et à notre manque de respect de la vie en général, et de l’habitat naturel dans lequel nous vivons en particulier, sont devenus des problèmes aigus parce que nous sommes trop nombreux. L’agent Smith, dans « Matrix », comparait l’espèce humaine à un virus se reproduisant à la surface de la terre, avec toutes les conséquences que peut avoir une telle prolifération dans un organisme. Personnellement, je préfère l’image du cancer. Car elle pointe mieux du doigt que nous sommes partie intégrante de cette planète mais que nous y agissons comme des cellules cancéreuses, nous multipliant de façon anarchique en générant de plus en plus de dysfonctionnements. Si les thons rouges disparaissent, ce n’est pas parce qu’on les pêche, mais parce qu’on en pêche autant pour satisfaire une demande de plus en plus forte. Si les nappes phréatiques sont si polluées, ce n’est pas parce qu’on met de l’engrais, mais parce qu’on en met des tonnes partout pour produire toujours plus pour nourrir toujours plus de bouches. Si les poissons ont des problèmes de différenciation sexuelle à cause des œstrogènes rejetés dans l’eau, ce n’est pas parce que les femmes prennent la pilule mais parce que des centaines de millions de femmes la prennent. Le carbone ? Nous en rejetons simplement en respirant. Depuis que l’humain a découvert le feu, il en rejette à chaque fois qu’il fait la cuisine, se chauffe ou simplement s’éclaire. Et ce n’est pas un problème. Ce qui est un problème, c’est que nous soyons des milliards à le faire. On veut réduire l’empreinte carbone de l’humanité sur la planète ? Réduisons l’humanité ! Le problème numéro un de toutes les questions écologiques, c’est la surpopulation. La courbe en forme de crosse de hockey, à défaut de s’appliquer aux données falsifiées du GIEC que la période chaude médiévale dérangeait, s’appliquent très bien à celles de la démographie. Et nous voilà déjà deux fois plus nombreux sur la planète en ce début de millénaire que nous ne l’étions au moment, pourtant pas si lointain, de l’assassinat de Kennedy en 1963, voici deux générations à peine. Si le dérèglement climatique clairement avéré, au sujet duquel l’avenir tranchera bientôt la divergence entre les tenants d’un réchauffement et ceux pronostiquant l’aube d’une nouvelle ère glaciaire, fait de plus en plus de dégâts, c’est encore et avant tout parce que nous sommes de plus en plus présents partout, que nos constructions et notre béton envahissent de plus en plus d’espaces, et que la nature n’a plus assez de place pour s’ébrouer sans nous bousculer. Que dire d’autre sinon « bien fait pour nous » ? Et accessoirement, que la surpopulation est aussi un facteur majeur dans beaucoup d’autres problématiques plus sociales, comme la crise du logement, les problèmes des banlieues, le chômage, etc. Alors quand vous me dites qu’il faut de l’immigration pour compenser la faible natalité, je me demande vraiment pour quoi faire. Pour augmenter encore le problème de surpopulation du pays ? Je pense qu’il faut décourager la natalité, et qu’il faut réduire la population. Et de façon drastique. Des études estiment que sans l’immigration, nous ne serions que 45 millions de français au lieu de 65. Ne serait-ce pas bien plus raisonnable pour notre petit pays ? N’aurions-nous pas bien moins de problème de logement, de chômage, et surtout d’environnement ? Alors commençons par arrêter l’immigration, non par xénophobie, mais parce qu’il faut agir d’urgence à réduire notre emprise destructrice sur la planète en limitant notre présence. Et continuons en arrêtant d’encourager les naissances chez nous. Comme si nous en étions encore au temps du fameux « croissez et multipliez » biblique. Les temps ont changé. L’homo proliferatus doublé d’un homo consommatorus se révèle catastrophique et a fait son temps. Il est grand temps que l’homo sapions cesse de pioncer et se réveille. Aujourd’hui, alors que nos concitoyens sont de plus en plus à la recherche de sens plutôt que d’abondance matérielle aliénante, il serait plus approprié de dire « décroissez et accomplissez-vous », pour reprendre les mots d’un conférencier à qui je présente des excuses pour avoir oublié son nom. Nous ne pouvons imposer une telle politique dans le reste du monde, mais nous pouvons déjà la mettre en place pour nous, pour notre pays, pour notre société, et à titre d’exemple pour les pays qui n’osent pas. Il faut du courage pour ramer à contre-courant. Il n’en faut aucun pour se laisser entraîner vers la cascade. Mais, la chute venue, il faudra ensuite assumer les conséquences de ce manque de courage. Bien entendu, décourager les naissances n’a aucun sens si c’est pour les remplacer par l’importation d’enfants adoptés à l’étranger. Donc fin de telles adoptions. L’adoption est à réserver uniquement aux enfants en manque de parents du territoire. Par contre, on peut à la place encourager le parrainage d’enfants du tiers monde. Ceux-ci demeurent dans leur famille, dans leur pays, mais peuvent aller à l’école grâce à un don mensuel généralement fort peu coûteux, et même être reçu plus tard en France par ces parrains et marraines de cœur pour des études supérieures le cas échéant. Il se crée alors généralement de vrais liens humains entre les familles. Voilà qui est de nature à aider au développement des pays pauvres comme au renforcement des liens entre les peuples. Voilà qui est bien plus constructif que de vouloir absolument un enfant pour soi tout seul ! Et voilà qui coupe court aussi aux trafics d’enfants en tout genre. Et puis, interrogez-vous un peu sur la question de savoir pourquoi les gens veulent des enfants ? Par habitude ? Par conditionnement culpabilisant d’églises qui prétendent que la sexualité est un péché, sauf si elle sert la procréation de nouvelles vies ? Par illusion de ressouder ainsi un couple en détresse ? Ou encore pour tenter de combler un vide affectif ? Il y a les animaux domestiques pour ça. Faire un enfant est une responsabilité que bien peu d’entre nous sommes capables d’assumer en toute conscience. C’est pourquoi il semble que plus nous réfléchissons, moins nous en faisons. Avant d’en faire un, il faudrait s’assurer qu’on a un équilibre et de l’amour à lui donner, plutôt que des tares à lui transmettre et des névroses pour le traumatiser. En matière de reproduction aussi, il faudrait privilégier la qualité sur la quantité. Quidam : Eh bien, vous êtes chaud sur le sujet ! Mais est-ce que vous n’exagérez pas un peu là ? Bien sûr, dans beaucoup de pays du tiers monde, il est clair qu’ils vivraient mieux s’ils faisaient moins d’enfants. Il est d’ailleurs surprenant que moins ils aient à manger et plus ils en fassent, développant ainsi leur misère. Mais nous, en France, nous vivons bien. Certes il y a des problèmes. Mais de là à vouloir réduire la population… On parle même de la diagonale désertique du pays tellement certaines régions sont peu peuplées. PG : Ne vous laissez par berner par des expressions imagées. Dans votre fameuse diagonale désertique, il y a de petits villages comme Clermont-Ferrand. Comme quoi, c’est très relatif. Allez dans le Sahara et vous me direz ensuite s’il y a vraiment des régions désertiques en France. Par ailleurs, comment se fait-il alors qu’il soit si problématique de réintroduire le loup dans les Alpes ou l’ours dans les Pyrénées sinon, justement, parce que nous, humains, occupons trop d’espace ? Des espèces disparaissent en permanence, d’autres apparaissent. C’est le grand bal évolutif de la vie, celui de l’impermanence, qui fonctionne depuis bien avant l’apparition de l’humain sur la planète. Alors il faut cesser de se lamenter de l’extinction de tel type précis de papillon ou de scarabée car ça arrive de façon naturelle tous les jours et il ne sert à rien de s’arc-bouter contre la nature. Par contre quand les tigres d’Asie sont menacés d’extinction parce qu’ils n’ont plus la place de vivre du fait de notre expansion humaine, il y a des prises de conscience à faire. Quand les orangs-outangs disparaissent parce que leur habitat est saccagé par l’exploitation forestière, il faut penser à se remettre en question. Ce n’est pas parce que la densité de population en France métropolitaine est inférieure à celles de certains de nos voisins comme l’Allemagne, les Pays-Bas, voire l’Italie ou l’Angleterre, qu’il faut continuer dans cette voie. Je me réjouirais qu’elle soit encore bien plus faible, comme aux Etats-Unis par exemple, et que nous puissions profiter de bien plus d’espaces sauvages et semi-sauvages, où la nature puisse se perpétuer tranquillement à l’abri des nuisances de notre civilisation irrespectueuse. « Croissance durable » nous dit-on ? Ce n’est rien de plus qu’une expression marketing qui veut dire « on ne change rien et on continue ». D’autres parlent de « décroissance soutenable », selon les mots de ce même conférencier dont je ne sais toujours pas le nom. Ce n’est pas une option, c’est une nécessité. Malheureusement, cette expression est généralement caricaturée comme voulant dire revenir à l’Age de pierre. Ce n’est clairement pas comme ça que je l’entends. J’ai envie de vivre dans un monde moderne en profitant des bienfaits du progrès. Alors il faut développer nos technologies pour qu’elles soient plus propres et respectueuses de la vie, et qu’elles permettent à une population moins abondante de vivre plus pleinement sans que cela n’implique de scier la branche sur laquelle elle est assise. Nous n’avons le contrôle pour ce faire que de notre seul territoire, et cela ne nous prémunira ni de la pollution qui se répand à travers le monde, tant par l’air que par les eaux, ni des dérèglements climatiques globaux. Par contre, nous pouvons au moins éviter d’y contribuer et démontrer qu’une alternative préservant notre mode de vie est possible. De même, on ne peut non plus empêcher certains pays d’entretenir une natalité galopante. Mais à défaut de pouvoir nous préserver de l’inconséquence écologique d’autrui, nous avons la possibilité de nous prémunir contre leur inconséquence démographique. Et c’est bien dans ce contexte qu’il faut inscrire le coup de frein à l’immigration. Parce que notre responsabilité n’est pas d’assumer les erreurs des autres mais de démontrer par l’exemple la validité d’une voie différente, dictée par le bon sens : rééquilibrer notre système social pour permettre la décroissance. Afin de cesser de compter sur les générations futures pour payer les retraites et le bien-être des générations actuelles. Mais est-il encore temps ? N’est-il pas déjà trop tard ? Il n’est certainement jamais trop tard pour prendre conscience. Mais peut être est-il déjà trop tard pour sauver la mise et rectifier le tir en douceur. Nous ne le saurons qu’en essayant. Le seul risque que nous prenons à essayer, c’est celui de réussir. Et en cas d’échec, au moins pourra-t-on limiter les dégâts. 05 : énergie Quidam : Mais protéger l’environnement, c’est bien ce qu’essayent de faire les responsables politiques, avec le protocole de Kyoto par exemple. Ou le Grenelle de l’environnement chez nous. PG : Le processus du Grenelle de l’environnement s’est conclu par un retentissant « l’écologie, ça commence à bien faire ». Quant au protocole de Kyoto, croyez-vous que ces grands accords internationaux sur les gaz à effet de serre, dont sont d’ailleurs toujours exclues les activités militaires pourtant très polluantes, et fixant des objectifs à un horizon assez lointain pour que ceux qui les signent soient certains de ne plus être en exercice le moment venu, vous sauveront la mise ? Il a bon dos le carbone. Il permet aux politiciens de vous donner l’impression qu’ils se préoccupent des questions environnementales tout en leur offrant la possibilité d’une taxe supplémentaire ainsi qu’on l’a vu au sommet de Copenhague. Car ce protocole de Kyoto date de 1997. Qu’avez-vous constaté de concret depuis, à part cette nouvelle taxe carbone ? Les émissions mondiales ont-elles diminué ? Bien sûr que non. Le rythme d’augmentation de ces émissions a-t-il seulement ralenti ? Non plus. Ca continue d’augmenter de façon exponentielle. Ne serait-ce que du simple fait de la pression démographique et de la légitime aspiration des peuples du monde à atteindre le niveau de consommation des pays développés qui, eux, sans surprise, ne souhaitent nullement le réduire. Croyez-vous que notre environnement pourra survivre au gaspillage consumériste qu’engendreraient près de trois milliards d’Indiens et de Chinois bénéficiant du même niveau de vie que les occidentaux ? Encore une fois, la surpopulation se pose en facteur fondamental de ce problème à l’échelle mondiale. Et ce ne sont pas les déclarations d’intention vaporeuses de politiciens ne passant jamais à l’acte qui me feront changer d’avis. Quidam : Alors cette taxe carbone, vous pensez que c’est du vent ? PG : Je suis très réservé sur ses modalités d’application et tout autant sur ses effets concrets. Quant à la destination finale réelle de ces fonds… Je n’en parle même pas. Il n’y a pas de réelle volonté politique de s’attaquer efficacement au problème parce qu’il n’y a pas de réelle volonté sociale de se remettre en question. Une masse grandissante de gens est sensibilisée au problème. Mais la masse critique de prises de conscience individuelles indispensable pour déclencher la remise en question collective ne semble pas encore atteinte. Je ne fustige donc pas le principe d’une taxe anti-pollution, même s’il me semble peu productif de la limiter au carbone. Car à l’évidence, au vu du gaspillage omniprésent de l’énergie, la fiscalité peut être un levier utile pour favoriser les prises de conscience. Nombre de gens ne commencent à réfléchir que lorsqu’ils sont directement atteints dans leur portefeuille. Et c’est tout le rôle d’un gouvernement que de mettre en place un cadre de vie qui incite aux comportements constructifs plutôt qu’à faire perdurer le gaspillage. Par exemple, si le prix du carburant était plus élevé, verriez-vous toujours autant de gens assis dans leur voiture en train de faire la causette pendant plus de dix minutes, moteur inutilement allumé ? Et verriez-vous autant de litres de gas-oil consommés pour importer des marchandises de pays lointains à bas coûts de main d’œuvre, ce qui détruit en plus notre production locale avec toutes les conséquences économiques et sociales qui en découlent ? Mais élargissons à l’énergie en général. Si elle était notablement plus chère, verriez-vous autant de magasins portes grandes ouvertes en plein hiver, sous prétexte que des portes fermées attirent moins le client ? Problème qui se retrouve à l’identique en été avec la climatisation à fond à l’intérieur mais les portes toujours grandes ouvertes, toujours sous prétexte de mieux attirer le client. Cette climatisation, trop de gens en usent et en abusent. Comme s’il était anormal d’avoir un peu chaud en été ! A voir le nombre de gens qui veulent aller au soleil mais y réclament la clim parce qu’ils ne supportent pas la chaleur, je ne peux que me dire qu’il n’est finalement peut-être pas si important de se préoccuper du dérèglement climatique alors que les gens rêvent de vivre dans une atmosphère régulée artificiellement. Pourquoi alors s’inquiéter du temps qu’il fera au-dehors ? Quidam : Et cynique avec ça ! Mais vous avez raison, nous ne sommes pas toujours aussi cohérents individuellement et collectivement que nous le devrions. PG : Tout aussi incohérent est le fait de s’acharner sur le carbone, qui demeure un élément naturel même s’il semble probable que la variation de sa concentration dans l’atmosphère puisse avoir des conséquences climatiques, alors que par ailleurs nous demeurons très négligents vis-à-vis de tous ces polluants produits en quantité industrielle, selon l’expression consacrée, et qui nous assassinent doucement, non seulement nous humains mais aussi une grande partie de la vie sur cette planète. Le carbone n’est-il pas l’arbre qui sert à cacher la forêt ? Entre effet de mode et désinformation, le citoyen moyen devrait s’interroger un peu plus sur les motivations réelles des puissants de ce monde. Taxer la production de carbone, c’est un outil intéressant pour tenter de brider la Chine dont l’indépendance énergétique repose sur un grand nombre de centrales à charbon, qui rejettent, comme vous le savez, bien plus de carbone que des centrales thermiques au pétrole. Tout le monde ne voit pas d’un bon œil qu’un état aussi puissant que la Chine puisse échapper ainsi au moyen de pression que représente le contrôle de son énergie par d’autres pays. Et c’est pourquoi il ne faut pas compter sur elle pour promouvoir cette taxe. Quidam : Oui, l’indépendance énergétique est clairement un enjeu stratégique. C’est pourquoi la France a opté pour le nucléaire. PG : Parlons-en donc du nucléaire. Lorsque je fustigeais la production de polluants, le nucléaire tient le pompon parce que le recyclage des déchets radioactifs reste un problème irrésolu à ce jour. Pour la neutralisation de nos autres polluants, le problème relève bien davantage de la mauvaise volonté. Mais là, nous sommes simplement techniquement incompétents pour le faire. Nous ne maîtrisons pas suffisamment ce que nous déclenchons pour le neutraliser par la suite. En mettant ainsi la charrue avant les bœufs, nous avons joué aux apprentis sorciers. Alors dans un pays où la majeure partie de l’électricité est nucléaire, que faire ? Tout arrêter et relancer le commerce des bougies ? Ca me semble un peu tard et ne répond pas à l’aspiration des citoyens, moi compris. Et de toute façon, le problème est là et il faut bien y faire face. Alors commençons déjà par arrêter de l’aggraver et gelons la création de nouvelles centrales aussi longtemps que les scientifiques n’auront pas découvert le moyen de neutraliser la radioactivité. Ce dernier point doit constituer un axe de recherche vital. Car même si nous décidions d’arrêter la production de déchets nucléaires, il resterait quand même à traiter tous ceux déjà produits, et de façon plus complète et définitive que ce qui se fait à l’usine de La Hague où la radioactivité n’est qu’amoindrie, pas neutralisée. En attendant, que faire d’autre que de les stocker aussi sécuritairement que possible ainsi que nous le faisons ? Mais attention, soyons responsables. Nous avons produit ces déchets dangereux, nous devons les assumer jusqu’au bout. Il est hors de question de les immerger au plus profond de l’océan, dans des emballages que nous savons pertinemment incapables de durer aussi longtemps que le danger qu’ils renferment. D’ailleurs, si l’objectif est de réellement découvrir un remède à la radioactivité, ces déchets doivent rester accessibles pour pouvoir être traités le moment venu. Et si la découverte miracle se fait trop attendre, mieux vaut les avoir sous la main pour pouvoir les surveiller et les changer d’emballage que de les laisser se répandre librement dans l’eau. Bien sûr, car je sais que certains l’envisagent, pas question non plus que ces déchets soient délestés dans l’espace, que ce soit envoyés sur la Lune, Mars, vers le Soleil, ou simplement balancés vers les tréfonds du cosmos. Lorsque nous aurons une connaissance suffisante de l’espace pour en apprécier toutes les conséquences, nous serons en mesure de prendre une décision responsable. En attendant, dans le doute, abstenons-nous. Jouer les apprentis sorciers une deuxième fois pour essayer de compenser la première relèverait de cette logique de fuite en avant chère à nos dirigeants et à nos sociétés mais dont il est impératif maintenant de nous défaire. C’est nous qui avons créé le problème, c’est à nous de le résoudre. Alors des stockages souterrains profonds et entretenus me semblent appropriés en attendant mieux. Le cas du nucléaire est d’ailleurs très symptomatique de l’écologie en général : nous en sommes arrivés à un stade où il faut « gérer la merde », en espérant éviter d’aggraver encore notre situation. L’exemple d’une centrale bretonne de première génération, exploitée pendant 18 ans et arrêtée depuis 25 années maintenant, dont on a démonté les installations périphériques mais où le blockhaus du cœur demeure faute de savoir quoi faire de tout ce béton irradié, est particulièrement éloquent. Et la disposition prise par les pouvoirs publics d’autoriser le recyclage de ces résidus faiblement radioactif comme matériaux de remblais et de construction relève de l’inconséquence criminelle. La question n’est donc pas de sortir ou pas du nucléaire, mais quand et comment. Quidam : Et pourtant, la filière nucléaire est stratégique pour garantir notre indépendance énergétique. A défaut de pétrole, il faut bien essayer d’avoir des idées. PG : Oh, mais les idées ne sont pas ce qui manque. Tenez, pour en rester au nucléaire : le thorium ! Vous connaissez ? Quidam : Jamais entendu parlé. Qu’est-ce ? PG : Il s’agit d’un métal bien plus abondant que l’uranium et dont nous avons d’importants gisements en Bretagne. C’est un carburant nucléaire alternatif, mais qui semble avoir un rendement énergétique très supérieur, de l’ordre de 200 fois, tout en produisant moins de déchets, eux-mêmes moins radioactifs et à cycle nettement plus courts que ceux issus de la fission de l’uranium. Par ailleurs, la réaction au sein d’un réacteur à sels fondus serait nettement moins difficile à contrôler même si tout risque d’accident nucléaire n’est pas écarté pour autant. Et pourtant, ce thorium reste à l’écart. D’aucuns prétendent que c’est parce qu’il ne produit pas, ou très peu, de plutonium, et que celui-ci est utilisé pour la confection d’armes atomiques. Voilà qui ferait du thorium le must du nucléaire pacifique, à l’heure où tant de pays cherchent à développer du nucléaire civil malgré les bâtons dans les roues que leur mettent diverses puissances nucléaires soucieuses que ces programmes ne dérivent sur de l’armement. Le thorium semble être une réponse appropriée à cette problématique. Quidam : Et Marie-Antoinette, qui s’est réincarnée dans le marketing, de dire : « Ils n’ont pas d’uranium ? Qu’ils prennent du thorium ! » PG : Ca pourrait être un slogan. Certains vont jusqu’à parler de « nucléaire vert », ce qui me semble quand même assez usurpé. Le problème de la radioactivité, même amoindri et plus facilement gérable, demeure. Ce n’est donc pas encore la panacée universelle. Un pis-aller tout au plus. Sur la lancée des slogans, vous faisiez référence au fameux « on a pas de pétrole mais on a des idées » des années 80. Et notamment, des idées pour faire du pétrole ! Car le pétrole aussi a son ersatz vert. Non pas le biocarburant à base d’huile de colza pour lequel l’ensemble des surfaces agricoles ne suffirait de toute façon pas à satisfaire la demande, mais un biopétrole fait à partir de micro-algues. Celles-ci sont cultivées puis transformées en un équivalent pétrole par un process industriel sous haute pression, haute température et sans oxygène. C’est une piste intéressante à suivre. Notamment si la culture de ces micro-algues, qui fixent utilement du carbone, se révèle faisable en quantité suffisante sans provoquer de désastres environnementaux imprévus. Et puis, sinon, restent les sources d’énergie alternatives, voire renouvelables, et qui font beaucoup parler d’elles depuis quelques temps. Les champs d’éoliennes sont un axe mis en avant et en voie de développement, même si je ne l’aime guère tant il dégrade le paysage. En plus, ces grandes éoliennes sont d’utilisation délicate et doivent être arrêtées sous peine de dislocation dès que le vent se renforce de trop. Les centrales solaires sont une autre possibilité que s’efforcent d’exploiter des pays à fort ensoleillement comme l’Espagne. Développer les usines marémotrices ou basées sur l’énergie de la houle sur nos côtes océaniques est encore une autre solution. Certains envisagent aussi l’idée de longs tunnels entre des zones à différentiel de pression quasi permanent pour exploiter le puissant courant d’air qui s’instaurerait naturellement dans le conduit. De gigantesques antennes exploitant les différences de potentiel de l’ionosphère à l’origine des éclairs seraient aussi une voie à explorer, même si la mise en œuvre semble a priori délicate face aux grands vents d’altitude. Mais je pense que le premier axe de réflexion devrait être de réduire la demande en électricité. Et il me semble que cela puisse être fait de façon très significative sans même que les français n’aient à en diminuer leur utilisation. Quidam : Voilà qui relèverait du miracle. Comment pensez-vous pouvoir accomplir un tel prodige ? PG : Tout simplement en appliquant ce que j’ai appris lors de cours de base en électricité. Je ne connais pas le chiffre exact, les estimations que j’ai vues variant du simple au double, mais il semble qu’environ la moitié du courant produit par toutes nos centrales diverses soit perdu sur le réseau de distribution par effet Joule. L’effet Joule, c’est la production de chaleur générée par la résistance d’un matériau conducteur au passage de l’électricité. C’est grâce à cette propriété que les radiateurs électriques fonctionnent, mais aussi à cause d’elle que les moteurs électriques ou les ordinateurs chauffent et parfois grillent. Le réseau de distribution d’ERDF est composé de câbles en cuivre et en aluminium, métaux très conducteurs et donc à faible résistivité, mais qui résiste un peu quand même. L’effet Joule est une loi qui fonctionne sur le carré de l’intensité du courant. Il est donc nécessaire de limiter cette intensité le plus possible. Or la puissance est le facteur de l’intensité par la tension. C’est pour cette raison que le voltage est augmenté dans les lignes à moyenne, haute ou très haute tension, selon la distance à parcourir : pour réduire l’intensité tout en transportant la même quantité d’électricité. Mais vu les puissances transportées, l’intensité reste très conséquente, donc l’effet Joule aussi, et la déperdition également. D’où la perte d’électricité lors de sa distribution via ce gigantesque radiateur électrique qui réchauffe l’atmosphère en permanence et dont la contribution au réchauffement supposé de la planète n’est jamais mentionnée. La logique de développement de gros centres de production entretient ce problème de gâchis de l’énergie produite puisqu’elle augmente les besoins de transport de l’électricité. Dès lors, multiplier les petites unités de production, proche des lieux de consommation, me semble du simple bon sens. Moins de transport, moins de gaspillage par effet Joule, et moins d’électricité à produire. Quidam : Vous pensez aux systèmes solaires individuels ? PG : Oui, même si le rendement des cellules photovoltaïques a encore besoin de progresser pour s’imposer, mais pas seulement. Il y a aussi l’éolien individuel, notamment avec les éoliennes verticales, sur les cheminées, ou horizontales, à plat sur les faîtes de toit, et qui semblent plus productives, moins bruyantes, et certainement plus esthétiques, que l’éolien géant à pales de ventilateur que l’on voit de plus en plus un peu partout et qui en rebute plus d’un. En plus, c’est beaucoup moins fragile face à un vent fort puisque le diamètre de rotation bien plus faible génère une force centrifuge moins importante et permet donc des vitesses de rotation très supérieures sans dégâts. De la même façon que les quatre petits cylindres d’un moteur de 600cc pourront prendre beaucoup plus de tours qu’un gros mono piston de même cylindrée. Et la puissance étant aussi facteur de la vitesse de rotation, il serait dommage de se priver de la productivité d’un vent fort comme il faut actuellement le faire sur les grands parcs éoliens. Comment bénéficier de la puissance persistante du Mistral et de la Tramontane alors que les grosses éoliennes craignent les courants d’air ? En développant les petites ! Quidam : Mais le principal problème est que le soleil et le vent sont assez irréguliers. Le soleil notamment produit le jour, et aussi plus en été, alors que nous consommons plus la nuit et en hiver. PG : C’est vrai du point de vue de l’usage domestique, mais pas du point de vue de la consommation industrielle qui elle, est supérieure le jour. C’est bien pour cela que les tarifs heures creuses se trouvent la nuit. Mais cela ne change rien au problème de fond que vous posez : le stockage de l’électricité. Et là aussi, j’ai des idées qui mériteraient d’être développées. Et notamment une. Actuellement, l’électricité se stocke surtout dans des batteries et autres accumulateurs dont la capacité et la durée de vie, en nombre de cycles de charge et décharge, sont très limitées. Alors puisque l’électrochimie ne nous offre pas de solutions satisfaisantes en l’état actuel de nos connaissances très imparfaites des immenses possibilités de la nature, essayons de nous tourner vers un autre domaine : la mécanique. Ou plus exactement la pneumatique. L’ingénieur français Guy Nègre s’évertue à lancer une voiture à air comprimé en alternative à la voiture électrique. Laissons de côté l’aspect voiture et retenons le principe de la force motrice de l’air comprimé pour l’appliquer à un groupe électrogène. Ce qui sait faire rouler la voiture de Guy Nègre en libérant une force mécanique peut tout aussi bien produire de l’électricité. Il suffit donc de développer un système qui utilise l’énergie solaire et/ou éolienne inutilisée à un instant donné pour actionner un petit compresseur permettant de la stocker de façon mécanique sous forme d’air comprimé. Et lorsque la demande en électricité est supérieure à ce qui est produit sur le moment, le groupe électrogène se met en action pour fournir le complément. Quidam : Ah, ça a l’air pas mal comme idée. Mais on pourrait appliquer le même principe à soulever des poids pour utiliser ensuite la force de gravité, à l’instar de ce qui faisait fonctionner les horloges à poids mais à plus grande échelle. PG : Vous voyez que dès qu’on se pose les bonnes questions on commence à trouver des solutions. Il appartient aux ingénieurs ensuite de trouver le système le plus efficace. Le poids aurait l’avantage d’être moins bruyant que l’air comprimé, mais possiblement moins souple d’utilisation. Et dans le cadre d’installations de plus grande envergure, on peut aussi imaginer de réinjecter de l’eau des fleuves et rivières dans les barrages d’altitude pour entretenir la capacité hydroélectrique. Car le développement d’unités quasi individuelles de production d’énergie n’implique pas pour autant de négliger les plus grosses installations. Ne serait-ce que pour rassembler autour d’elles des industries très consommatrices en électricité. La France est à la traîne sur le déploiement de ces solutions individuelles par rapport à des pays comme l’Allemagne, qui pousse davantage sur le petit éolien ou le solaire. Nous laissons aux propriétaires individuels le soin d’investir et de passer, s’ils le souhaitent, un contrat de revente de leur surplus avec EDF, à un tarif d’ailleurs très avantageux qui ne peut que présager une hausse importante à terme du prix de l’électricité. L’investissement est conséquent, malgré les subventions diverses, et la rentabilisation n’est qu’à long terme. Alors il n’y a pas tant de candidats que ça. Et l’essentiel du parc immobilier locatif en est exclu. Si nous inversions le problème en décrétant que tous les toits de France sont réquisitionnables pour y installer des panneaux solaires et du petit éolien aussi discret qu’efficace, dans une politique volontariste conduite par les pouvoirs publics, nous n’en serions pas aujourd’hui à nous inquiéter de l’état de délabrement de notre réseau de distribution, qui disjoncte à la moindre tempête en laissant parfois des gens sans électricité pendant plusieurs semaines faute d’autonomie locale au moins partielle. Et nous serions bien moins en souci également quant à celui de nos centrales nucléaires qui arrivent en bout de course et qu’il serait essentiel de ne pas avoir à renouveler. D’autant qu’avec un rendement énergétique de l’ordre de seulement une trentaine de pourcent, il n’y a même pas besoin d’effet Joule sur le réseau pour dilapider la majeure partie de l’énergie produite par la réaction nucléaire. Plus des deux tiers de cette énergie part directement, dès la source, réchauffer l’atmosphère et les rivières. Mais c’est le pendant de l’inefficacité énergétique des centrales thermiques en général, qu’elles soient nucléaires ou pas. D’où l’intérêt d’arrêter de cumuler les inefficiences. La multiplication de ces petits centres de production, tous reliés par le réseau d’ERDF, produirait probablement assez pour couvrir l’essentiel de nos besoins électriques. Surtout si on se contente de produire pour nos besoins réels plutôt que pour réchauffer l’atmosphère et les rivières. En plus, d’un point de vue stratégique de défense nationale, ce serait bien moins vulnérable à une attaque ou à des actes terroristes, ainsi qu’aux simples aléas climatiques. Le réseau Internet, basé sur une multitude d’ordinateurs reliés ensemble plutôt que sur quelques gros serveurs centraux, a été développé au départ par le CERN puis par l’armée américaine précisément dans ce but. La même logique trouve à s’appliquer pour fiabiliser et sécuriser notre réseau électrique, en plus de le rendre plus efficient du point de vue de l’effet Joule. Quidam : En tout cas, il est clair que l’enjeu mérite qu’on se penche sérieusement sur la question. PG : Nous sommes bien d’accord. Peut-être une étude rigoureuse aboutira-t-elle à conclure que ces pistes ne sont pas aussi intéressantes qu’espérées, notamment si la construction de tous ces systèmes s’avérait plus énergivore que ce qu’ils pourraient produire ensuite sur leur durée de vie. Peut-être que stocker l’énergie du soleil, du vent, des marées, et d’autres sources de production naturelle régulière que l’on mettra en place, se révélera insuffisant pour faire face à une demande en énergie susceptible d’augmenter. Mais même si ça ne suffit pas, ce sera déjà une avancée. Et surtout, ce ne sont que quelques idées parmi d’autres. Car, il y a aussi des solutions qu’il reste à développer industriellement et dont on sait qu’elles sont aussi concrètes que prometteuses puisqu’elles existent déjà artisanalement. Il faut donc aussi en envisager l’application à des capacités de production d’appoint, en complément du reste. Surtout si à défaut de gaz et de pétrole, nous souhaitons développer l’usage de l’électrique ainsi que l’impliquait la logique nucléaire, tout en en réduisant la production dépendant des centrales basées sur les énergies dites fossiles. Quidam : Et ce d’autant plus si le pétrole est amené à se raréfier, ainsi que cela se dit. PG : Oui, mais nous n’avons pas de certitudes à ce sujet. On parle de pic de production à partir duquel la production ne fera que décliner, mais sans qu’on sache bien si nous l’avons passé ni si la production va effectivement diminuer. Car il se développe aussi des théories contraires, semble-t-il essentiellement en provenance de ce producteur majeur qu’est la Russie, selon lesquelles le pétrole n’aurait pas une origine fossile mais métamorphique. Cela veut dire qu’il se formerait naturellement dans les profondeurs de la terre de par la pression qui y règne, et non de par la décomposition de microorganismes préhistoriques. Selon cette théorie, le pétrole de surface se raréfierait effectivement, mais il suffirait d’aller le chercher plus en profondeur pour ne pas en manquer. C’est un peu plus cher à exploiter, forcément, mais cela battrait en brèche la crainte du manque de pétrole. Je ne suis nullement expert pour arbitrer ce débat, même si le processus de fabrication du biopétrole dont je vous parlais tout à l’heure, à haute pression haute température et sans oxygène comme à l’intérieur de la Terre, donne du poids à cette hypothèse d’origine métamorphique. Mais, franchement, dans la mesure où de toute façon nous n’en avons pas, ça ne change pas grand-chose pour nous. Que ce soit pour notre indépendance énergétique ou pour nous préparer au monde de l’après pétrole, le combat est le même. D’autant que, même si nous trouvions des gisements de profondeur sur notre territoire, force est de reconnaître que le pétrole comporte nombre d’effets secondaires écologiques fort peu désirables et que mieux vaut donc apprendre à se passer d’une ressource aussi crado. Quidam : Alors par quelle technologie pensez-vous possible de faire tourner des centrales thermiques sans gaz ni pétrole ? PG : Eh bien dans la logique de la décentralisation et de l’éclatement de la production électrique, je me propose de détourner vers l’électrogène de proximité des technologies développées pour les voitures. Les constructeurs automobiles, en collusion avec le gouvernement et les pétroliers, s’ingénient certes à améliorer les moteurs thermiques existants mais aussi à développer des moteurs à hydrogène compliqués et chers. Leur point commun est de nous maintenir dans l’obligation de passer à la pompe et donc de payer les taxes autant que d’engraisser les réseaux qui distribueront à terme cet hydrogène en plus des carburants traditionnels. Et pourtant, le moteur à eau, ça existe. Et depuis longtemps. Il suffit de regarder sur Internet les multiples applications développées par des bricoleurs du dimanche, dans leur garage et avec peu de moyens, tantôt pour un tracteur, tantôt pour une camionnette ou une petite voiture, pour s’en convaincre. Souvent, c’est seulement un mélange eau et carburant traditionnel, selon le principe popularisé par Paul Pantone. Avec deux tiers d’eau pour un tiers d’essence ou de gas-oil, l’effet est déjà très intéressant pour réduire sa dépendance pétrolière tant personnelle que nationale. Il paraîtrait de surcroît que la carburation améliorée de ce système rallongerait la durée de vie des moteurs tout en en supprimant la pollution par une carburation beaucoup plus complète. Admettons. Si le gâteau bénéficie d’une cerise, on ne va pas le bouder. Plus intéressante encore est la technologie 100% eau que développe l’ingénieur français Jean-Luc Moreau. En fait, c’est un moteur fonctionnant à l’hydrogène sauf que celui-ci est produit en roulant, à la demande, par électrolyse de la molécule d’eau pour la scinder en hydrogène et en oxygène. Alors évidemment, pollution zéro. Le seul problème, c’est si l’eau vient à manquer. Mais alors nous aurons bien d’autres soucis que celui-là. Diverses personnes et sociétés travaillent aussi à développer des générateurs électriques et autres amplificateurs de puissance basés sur la force d’induction magnétique des aimants permanents ou sur d’autres effets intéressants de ceux-ci. L’ingénieur français Jean-Louis Naudin a d’ailleurs validé bon nombre de ces expériences en les reproduisant pour en vérifier la réalité. Ce domaine découle en droite ligne des travaux de Tesla. Mais si je commence à aborder le chapitre Nikola Tesla, alors-là… Quidam : Qui est-ce ? PG : Un génie méconnu de la physique de la fin du 19ème et début du 20ème siècle. La science a retenu son nom pour l’unité de mesure du champ magnétique, mais c’est là un hommage bien timide. Il est le père du courant alternatif, bien plus facile à produire et transporter que le courant continu, qui a permis à la fée électricité de se répandre dans tous les foyers. Il est aussi le père de la radio, pourtant généralement associée au nom de Marconi parce que l’histoire n’a guère intégré le verdict du procès démontrant et rectifiant cette usurpation. Dès 1926, il prévoyait le développement d’un monde sans-fil, avec la radio, la télévision, mais aussi le téléphone portable. Les tubes fluorescents, c’est aussi de lui. Et de nombreuses autres découvertes qui ont changé notre monde et nous ont permis de prendre pied dans le modernisme. Il a construit la tour de Wardenclyffe qui avait pour but d’étudier la diffusion de l’énergie électrique via l’ionosphère pour la rendre captable en tout point de la planète, donc gratuitement, idée qui, vous imaginez bien, n’a guère réjouie les grands financiers et industriels de l’époque. Trop en avance sur son temps, il est mort seul et ruiné, sans la reconnaissance qu’il aurait méritée, notamment parce qu’il a refusé de collaborer avec le département de la défense américaine pour développer les nombreuses applications militaires de ces inventions. Pour ce qui nous préoccupe, c’est tout le courant, et le terme est ici particulièrement approprié, de l’énergie libre qui découle de ses travaux. C’est la quête des générateurs surunitaires, c’est à dire produisant plus d’énergie qu’ils n’en absorbent pour fonctionner, et donc capable de s’autoalimenter tout en fournissant de l’énergie gratuite à profusion. On lui attribue, dans les années trente, le fait d’avoir fait rouler une voiture électrique à 140 km/h pendant de nombreuses heures sans que la source d’énergie ne semblât s’épuiser. Quidam : On entend effectivement parler de ce genre de chose, mais surtout dans les films de science-fiction : générateurs EPZ, et autres appellations fantaisistes. PG : Allons, dans ce domaine, comme souvent, la réalité dépasse la fiction. Et ces appellations n’ont rien de fantaisistes comme vous dites. Elles visent simplement à mettre un nom sur des choses que nous redécouvrons petit à petit. EPZ veut simplement dire énergie du Point Zéro, et est synonyme d’autres expressions telles générateur à tachyons, énergie du vide, accumulateur à Orgone, et j’en passe. Le « et pourtant elle tourne ! » de Galilée n’a pas fini de résonner tant la situation est analogue. Car il faut une grosse volonté d’obscurantisme pour prétendre que c’est impossible et en nier la réalité, ainsi que le prétend la science officielle, celle qui est financée par le lobby pétrolier qui a tout à perdre de l’avènement d’une telle technologie. Mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne s’impose malgré eux, et malgré les gouvernements qui devraient la soutenir et la propulser au devant de la scène pour le bien collectif, au lieu de la combattre ou la réserver à des applications militaires secrètes. Car plus le temps passe et plus ces solutions bien réelles percent au grand jour. Les grands média, tous aux mains de grands empires de l’information et de la finance, respectent la conspiration du silence sur ces sujets, mais quelques échos percent de temps en temps. Comme en juin 2010, lorsque le journal régional de France 3 Rhône-Alpes a diffusé un reportage sur l’autonomie énergétique du chalet de Sarenne dans les Alpes, où Fabrice André a perfectionné les principes mis en exergue par Léon Raoul Hatem pour amplifier la production électrique. Résultat ? Entre 200 et 750 Watts consommés en entrée pour obtenir entre 14 et 90 Kilowatts à la sortie. Enfantin dès lors de boucler le système pour qu’il s’autoalimente en toute autonomie et obtenir de quoi alimenter un petit groupe de maisons. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Le concours Lépine a vu Antoine Amato y présenter aussi son propre système en 2008. Et de nombreux autres chercheurs ont développé des solutions analogues ces dernières décennies : générateur électromagnétique sans mouvement MEG de Thomas Bearden, disques de Sears, moteur Bedini, générateur Steorn en Irlande, mais aussi d’autres en Afrique du Sud, en Australie, et un peu partout dans le monde. La recherche du mouvement perpétuel a fait du chemin depuis la roue d’Orffyréus qui dès le 17ème siècle prenait en défaut la loi de thermodynamique que Laplace énoncera un siècle plus tard. Et ce type de recherche approche de l’aboutissement. Il y a trop de fumées, issues de trop de sources bien distinctes, pour pouvoir nier l’existence de ce feu ! Si la recherche publique avait appuyé ces travaux au lieu de s’employer à les dénigrer, nous bénéficierions depuis longtemps de tous ces bienfaits. Mais inutile de m’étendre davantage sur ce sujet auquel des livres entiers ont été consacrées. Avec un minimum de recherche sur Internet, vous trouverez énormément de choses sur les travaux de Nikola Tesla et de tous ces chercheurs qui se sont engouffrés dans son sillage. Vous y trouverez par exemple qu’il a déposé dans les sept cent brevets dont une grande partie ont été confisqués par les autorités américaines sous prétexte de classement secret défense, classement encore en vigueur aujourd’hui tant il était en avance sur son époque. Du coup, les pistes qu’il a ouvertes ont essentiellement alimenté la recherche militaire tandis qu’elles ont été réduites, au niveau civil, à stimuler l’imagination des auteurs de science-fiction pour mieux discréditer les travaux des bricoleurs de génie. A chacun de nous de ne pas nous laisser berner par des réactions de type « si c’était vrai, ça se saurait ». Car plus cette réaction d’incrédulité est présente, et plus ça démontre l’efficacité de cette stratégie pour camoufler l’existant. Ne pas croire n’importe quoi n’implique pas de rejeter tout ce qui peut paraître surprenant de prime abord. Discernement et juste mesure sont de mises, ici comme ailleurs. Mais même sans rentrer dans de tels débats où fiction et réalité sont toujours difficiles à démêler faute, à ce jour, de commercialisation de produits fonctionnant sur ces principes, rien que les applications de la combustion de l’eau développées par des bricoleurs du dimanche bien inspirés révèlent un potentiel qu’il serait criminel de négliger. Ces technologies sont découragées par l’Etat en partie parce que l’eau n’est pas taxable à la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers, la fameuse TIPP, au même titre qu’est combattu l’usage d’huile de friture dans les anciens blocs diesel. Mais dans cette affaire l’Etat semble rouler pour les pétroliers contribuant au financement des campagnes de biens des élus, bien plus que pour son propre peuple et ses électeurs. Et c’est bien dommage car non seulement ces technologies pourraient résoudre nos problèmes de production électrique, mais en plus faire rouler les véhicules plus proprement. Dans un pays comme le nôtre où, contrairement à l’Arabie Saoudite, l’eau est plus abondante que le pétrole, ce serait plus que bienvenu. Quidam : Encore que pour les voitures, il reste la voiture électrique. Même s’ils ne sont pas au niveau des performances supposées de celle de Nikola Tesla, il semble que les constructeurs sortent enfin des modèles dignes d’intérêt. Du moins pour nos petits trajets urbains et périurbains quotidiens, nous allons enfin pouvoir rouler économique et propre. PG : C’est vite dit. Je suis un ardent partisan de la voiturette électrique urbaine, tant pour son silence de fonctionnement que pour son efficience technique. Pas besoin d’embrayage ni de boite de vitesse, le couple moteur est omniprésent, l’entretien est simplifié, la fiabilité très supérieure, bref, les atouts ne manquent pas. Mais il ne faut pas pour autant occulter ses limites. Et je ne parle même pas ici de sa limite d’autonomie liée à la problématique du stockage de l’électricité. Déjà, dire qu’elle pollue moins est très incertain car en fait le problème n’est que déplacé au niveau de la production électrique. Elle polluera donc plus ou moins selon que cette production sera propre ou pas. Et que dire du problème du recyclage des batteries au plomb, lithium et autres métaux plus ou moins polluants ? Tant que nos technologies de production et de stockage d’électricité n’auront pas évolué, la voiture électrique ne sera pas la solution écologique qu’on veut bien nous faire croire. De plus, on dit que rouler électrique est plus économique, parce que ça ne coûte qu’environ un euro aux cent kilomètres. Mais, c’est à peu près ce que coûte le carburant d’une petite voiture pour la même distance… une fois enlevé le surcoût engendré par les taxes ! Et quand on voit le poids de la TIPP dans les recettes de l’Etat, on comprend bien que le développement de la voiture électrique ou de carburant alternatif non taxés tels que l’eau demanderait une remise à plat des finances publiques. Car il semble difficile d’instaurer une taxe sur l’électricité consommée spécifiquement par les voitures électriques pour compenser le manque à gagner en TIPP. Tout comme il semble difficile de taxer l’eau utilisée spécifiquement par les voitures à eau. Encore que le gouvernement ait bien trouvé le moyen de différencier le fuel domestique du gas-oil destiné aux véhicules par simple adjonction d’un colorant. Ne sous-estimons jamais l’imagination des autorités fiscales. Surtout à l’heure des puces permettant de tracer les kilomètres parcourus par un véhicule et qui pourraient servir de base de taxation. Seulement ça demande de mettre les choses à plat face à des citoyens lassés d’être dans l’un des pays où la pression fiscale est la plus importante au monde, et donc ça demande le courage d’affronter le mécontentement. Non seulement celui des citoyens, car on ne sait jamais quelle sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase tant ils en ont ras la casquette de tout un tas de choses, mais aussi celui des pétroliers, lobby internationalement puissant s’il en est. Mais bref, pour en revenir à nos générateurs : si on peut faire tourner un moteur à l’eau, on sait de facto produire de l’électricité en en faisant un groupe électrogène. Quand on se donne la peine de regarder tous ces problèmes globalement, on constate qu’il n’y a que des solutions, et sans aucun besoin de se lancer dans des aventures géologiquement, écologiquement et sanitairement très risquées d’extraction des gaz de schistes dans le sud-est du pays alors que l’expérience nord-américaine en a démontré toute la nocivité pour les populations. Quidam : Néanmoins, s’il y a effectivement pléthore de solutions alternatives de production d’énergie, la clé de voûte reste de consommer moins. PG : De toute évidence. D’ailleurs, poussons un peu le raisonnement. Que se serait-il passé si nous avions eu accès à de l’énergie libre ou quasi libre depuis déjà plusieurs décennies ? Déjà qu’en la payant on constate un gaspillage phénoménal dont les quelques exemples mentionnés ne sont que le sommet de l’iceberg, alors en ne la payant pas, je vous laisse imaginer ! Chauffage à fond et fenêtres ouvertes même si on habite au Groenland, stations balnéaires sur les côtes antarctiques, etc. L’Islande en donne un aperçu en chauffant ses trottoirs, même si dans leur cas, ça ne change pas grand-chose puisqu’ils ne font que récupérer de l’énergie géothermique de surface qui réchauffe de toute façon déjà l’atmosphère en temps normal. Mais si nous chauffions tous nos routes en hiver pour éviter la neige et le verglas, les pistes d’aéroports, etc., l’impact serait considérable. Je crois que les banquises polaires ne seraient déjà plus qu’un lointain souvenir et le climat devenu invivable. Alors qu’on croit ou pas à un dessein intelligent sur cette planète, en tout cas, force est de constater que si des intérêts mesquins nous ont privés depuis longtemps des bienfaits d’une énergie plus libre, ça a au moins le grand mérite de nous avoir laissé davantage de temps pour mûrir et prendre conscience de la nécessité d’en faire bon usage. Et force est de reconnaître que si la prise de conscience est clairement amorcée, elle est tout aussi clairement encore loin d’être généralisée et suffisante. Il y a encore de gros efforts à faire à ce niveau. Dès lors, les diverses sociétés du globe doivent s’efforcer de stimuler l’approfondissement de cette prise de conscience au sein de leur population. Mais qu’est-ce qui vous incite à faire attention à votre consommation à l’heure actuelle ? Votre facture ? Un kilowatt de plus ou de moins, selon que vous éteignez complètement votre télé ou la laissez en veille, ce n’est rien du tout sur votre facture. Et quand bien même ça ferait une cinquantaine d’Euros en cumulé au bout de l’année, est-ce franchement suffisant pour maintenir en éveil une attention au quotidien ? Alors les efforts que vous faites, finalement, vous les faites selon votre conscience et votre engagement, plutôt que par incitation financière. Pourtant, il est estimé qu’entre une et deux centrales nucléaires du pays ne fonctionnent que pour alimenter tous ces appareils que nous laissons en veille au lieu de les éteindre complètement, souvent aussi simplement faute pour le constructeur d’avoir prévu un interrupteur. Ce n’est quand même pas rien. Surtout à l’heure où un tiers du parc nucléaire est hors fonction et où on doit importer de l’électricité. Je ne vous dis pas l’ampleur de l’effet Joule sur l’électricité importée puisque, forcément, la distance aggrave la chose… Alors si nous voulons inciter les gens à faire attention à leur consommation électrique, comme d’ailleurs à leur consommation d’eau, de gaz ou de fuel domestique, où le même principe trouve très utilement à s’appliquer, ne serait-il pas plus intelligent d’instaurer un barème progressif ? Ainsi que je vous le disais tout à l’heure, la conscience est malheureusement souvent dépendante de l’impact sur le portefeuille. Chaque KW/h un peu plus cher que le précédent incite donc bien plus à économiser qu’un tarif linéaire. Le premier KW/h que vous consommez, parce qu’il faut bien faire fonctionner le frigo, ne coûte pas grand-chose. Mais celui que vous consommez du fait de votre négligence, lui, impacte plus lourdement votre porte-monnaie parce qu’il est bien plus cher. Selon votre mode de chauffage et la composition de votre foyer, vous bénéficiez de telle ou telle courbe de tarif établie sur la base de ce qu’il est estimé normal de consommer en pareil cas. Le KW/h moyen demeure donc a un tarif convenable sur cette plage de consommation normale, mais son prix s’élève progressivement plus vous en consommez, pour que chaque KW/h marginal, ceux de la négligence et du refus d’investir dans l’isolation de son logement, soit plus coûteux que le précédent. Et alors là, vous avez effectivement le sentiment que chaque effort sera payé en retour. Bon évidemment, le but n’est pas de vivre tel Harpagon avec le stress permanent de l’économie d’énergie. La vie est là pour qu’on en profite. Il y a donc une question de juste mesure à trouver dans l’établissement de ces tarifs. Et cette logique peut s’appliquer de la même manière aux professionnels, notamment les commerçants, qui n’auront alors plus du tout envie de laisser leurs portes ouvertes quand la saison le déconseille. Je vous parlais de la fausse courbe de température en crosse de hockey du GIEC ? C’est dans le tarif de l’énergie et de l’eau que ce type de courbe doit trouver son application. Quidam : Par contre, comment appliquer ce principe de progressivité aux entreprises dont la consommation dépend de la production et donc de la demande ? PG : Ce n’est pas applicable. Pour les entreprises, il faudra plutôt recourir à des contrôleurs équipés de caméras thermiques, avec une taxation assimilable à une amende basée sur la chaleur dissipée du fait de la mauvaise isolation des bâtiments. On ne peut instaurer de progressivité du barème énergétique sans pénaliser injustement les éventuels accroissements de leur activité, mais on peut pénaliser ceux qui se contentent d’un bâtiment en tôle ondulée pas ou mal isolé et dont le chauffage chauffe surtout les environs. Mais il est clair que si un effort est demandé aux particuliers, il doit aussi l’être aux entreprises. Quidam : Effectivement. Et vu comme ça, pour une fois ça paraîtra plus simple à mettre en œuvre pour les entreprises. Car pour les particuliers, je crois que ça incitera surtout les gens à panacher les sources d’énergie qu’ils utilisent pour bénéficier des parties basses des courbes de facturation dans chaque type. PG : C’est vrai. Et le problème va même plus loin, car comment appliquer un tel tarif à des livraisons fractionnées de fuel domestique ? Et puis, comment instaurer cette progressivité afin qu’elle ne devienne pas l’occasion d’augmenter les profits des compagnies d’énergie ou d’eau ? C’est pourquoi je pensais en fait à instituer un service spécialisé de taxation de l’eau et de l’énergie, ou STEE pour faire plus bref dans un pays où on adore les acronymes. Les fournisseurs livrent leur énergie selon leur tarif linéaire et avec facturation de la seule TVA en sus, mais ils doivent déclarer toutes ces facturations au STEE. Celui-ci collecte donc pour chaque adresse les consommations des différents types d’énergie, les agrège selon les coefficients de conversion appropriés, et établit la facturation de la taxe incitant à éviter le gaspi, selon la courbe correspondant à la composition du foyer demeurant à l’adresse concernée. Les distributeurs d’énergie ou d’eau n’encaissent pas davantage, mais l’objectif d’avoir une progressivité du coût de ces ressources est atteint. D’ailleurs, les coefficients de conversion entre les différentes énergies peuvent également servir, selon le souhait du Gouvernement et du moment qu’il le fait de façon pérenne plutôt qu’en en changeant chaque année, à favoriser un type d’énergie par rapport à un autre, par exemple pour des raisons stratégiques de moindre dépendance énergétique. Evidemment, l’utilisation du bois de chauffe échappera au dispositif, car il serait très injuste de taxer ceux qui doivent l’acheter alors que ceux qui peuvent le couper par eux-mêmes y échapperaient. Mais ce n’est pas grave, parce que la préservation de la ressource bois peut facilement se faire à la source, en contrôlant les coupes par les services de l’Office National des Forêts, ainsi que par le contrôle des importations. Quidam : Et puis le bois est moins problématique, car c’est une ressource renouvelable. Le carbone libéré en le brûlant est recapturé par la croissance des arbres replantés. Tant que ce renouvellement est assuré, l’impact carbone sur l’atmosphère et le réchauffement climatique est neutre. PG : Certes. C’est pourquoi un contrôle de la préservation et du renouvellement de la ressource forestière est suffisant sans nécessité d’y étendre le ministère de la STEE. Mais il faut néanmoins sortir des œillères relatives au conditionnement sur le carbone et le réchauffement. Ce n’est pas à un problème de réchauffement planétaire que nous devons nous attaquer, car les cycles de la planète nous échappent encore très largement, dépendant de cycles solaires et cosmiques que nous commençons seulement à entrevoir. Preuve en est que ce n’est certainement pas l’activité industrielle humaine qui a causé la période chaude médiévale du 9ème au 14ème siècle, ni la petite ère glaciaire du 17ème au 19ème. Tandis que nos problèmes de pollution, non seulement nous pouvons clairement les appréhender, mais en plus nous avons tous les moyens qu’il faut pour les combattre. Je vous le dis, nous ne mourrons pas trop cuits mais empoisonnés. C’est toute la limite de l’expression « décroissance soutenable ». Avons-nous encore le temps de décroître en douceur pour que ce soit soutenable ? Je dois dire que je suis un tantinet pessimiste à ce sujet. Je pense que nous sommes plus près d’une dégringolade non maîtrisée que d’une décroissance soutenable. Mais, encore une fois, ce n’est pas une raison pour ne rien faire. Il faut tenter sa chance, que ce soit pour réussir ou simplement pour au moins limiter les dégâts… Afin que moins dure soit la chute. 06 : qualité et consommation Quidam : Vous êtes un optimiste, vous, hein ? PG : Je me vois plutôt en réaliste. Quidam : Alors, en dehors de ces questions d’énergies, que pouvons-nous faire d’autre pour améliorer les choses au niveau environnemental ? PG : Il n’y a qu’une chose à faire : arrêter de détruire la nature ! Ou du moins, histoire de rester réaliste, réduire très fortement notre nuisibilité. Cette destruction découle directement de l’exploitation irréfléchie des ressources diverses de la planète, mais aussi de l’empoisonnement globalisé de celle-ci par la pollution. Toutefois, les causes ne relèvent pas toutes de la même catégorie. Il y a des ressources dont nous aurions du mal à nous passer du jour au lendemain, sauf à basculer brusquement dans un mode de vie totalement différent. Les hydrocarbures par exemple, omniprésents à ce jour et notamment dans les transports. Si nous les supprimions, notre société s’arrêterait et nous quitterions illico l’Age du plastique pour revenir à l’Age de pierre. Certains semblent le souhaiter, mais pas moi. Je ne suis pas plasticophile, mais je n’ai pas particulièrement envie pour autant de revenir à l’Age de pierre. Je vote pour l’évolution, pas pour la régression. Mais ce n’est pas pour autant qu’on ne peut rien faire. Entre les extrêmes, il y a toujours une juste mesure. Prenons les destructions engendrées par l’exploitation des ressources destinées aux biens manufacturés, sans oublier toute la pollution afférente tant en début qu’en fin de cycle de vie du produit. Avec nos processus industriels actuels, de la mine au produit destiné au consommateur, pour une semi-remorque de produits finis, nous en générons plus de trente de déchets. Réduire ce besoin en produits finis améliorera donc déjà considérablement le problème environnemental. Le facteur d’explosion démographique et le souhait de tous les habitants de la planète ou presque de bénéficier du meilleur niveau de confort consumériste rendent cet objectif difficile à atteindre. Nous en avons déjà parlé et ça demeure le facteur clé. Mais pour autant, si les biens étaient plus durables, la demande provenant du marché de renouvellement serait plus réduite, et il n’y aurait pas besoin d’en produire autant. Ipso facto, la consommation de ressources diminuerait, et la pollution avec. Quidam : C’est du simple bon sens effectivement. PG : Et pourtant, tous les étudiants d’école de commerce sont déformés avec le cas Singer. Cette entreprise de fabrication de machines à coudre increvables faisait des produits d’une telle qualité, qu’une fois les ménages du pays équipés, elle a failli faire faillite faute d’avoir un marché de renouvellement pour maintenir son activité. Alors depuis, tous les grands producteurs de biens de consommation ont des bureaux d’études, avec des ingénieurs très pointus, qui étudient et conçoivent des produits à durée de vie limitée, pour forcer un marché de renouvellement. Les produits sont prévus non seulement pour avoir une défaillance au bout d’une durée d’utilisation moyenne, mais aussi pour que cette défaillance ne soit pas réparable. Un exemple simple est de sous-dimensionner les roulements à bille du tambour d’une machine à laver, et de les noyer dans une coque plastique moulée autour, donc non démontable, et non réparable. Votre machine est programmée pour durer de 7 à 10 ans environ, un peu plus ou un peu moins selon votre utilisation et votre niveau de chance. Un autre exemple peut se constater avec les réfrigérateurs qui ont aussi connu une sacrée diminution de leur espérance de vie par rapport à ceux de nos grands-mères. Comment peut-on accepter ces pratiques qui ne sont même pas secrètes mais officielles, bien qu’on n’en parle guère ? La législation prévoit que pour être commercialisable, un bien doive respecter une qualité « SLM », c'est-à-dire saine, loyale et marchande. Une machine à laver programmée de par sa conception même pour tomber en panne à un moment donnée, est-elle saine ? Si elle est conçue pour que cette panne ne soit pas réparable, est-elle loyale ? Mais cela n’émeut pas pour autant les pouvoirs publics qui sont toujours dans le raisonnement étroit que cela maintient des emplois… Et vous, vous payez ! Il faut traire la vache consommatrice… et tant pis si ça multiplie les déchets de notre société de consommation et détruit notre habitat naturel. Puisque la garantie légale contre les vices cachés n’y suffit à l’évidence pas, ne serait-il pas approprié de simplement imposer des durées de garantie longues sur tous ces produits afin de dissuader les producteurs de les concevoir trop faillibles ? On vous propose un an de garantie standard, avec des extensions assez coûteuses à 5 ans. Mais c’est 10 ans de garantie qu’il faut imposer pour une machine à laver. Et en standard. Pas en option. Pour reprendre l’exemple de la machine à laver, concevoir une coque de tambour qui soit démontable peut effectivement engendrer un léger surcoût de fabrication, même si c’est à mon avis négligeable par rapport à l’intérêt de la réparabilité. Mettre un roulement à bille légèrement surdimensionné au lieu de l’inverse, ça ne coûtera par contre à peu près rien de plus mais éliminera quasiment tout risque de défaillance à ce niveau. Nous savons faire des machines performantes et quasi increvables. Alors faisons-en ! Mais essayez de faire valoir à un fonctionnaire de la DGCCRF, la direction générale de la consommation, de la concurrence, et de la répression de fraudes, que tel article, librement vendu en grande surface, est totalement impropre à l’utilisation à laquelle il est destiné, donc pas du tout conforme au principe de qualité slm, et il vous répondra que certes, il vous comprend, mais qu’en l’absence de textes définissant précisément ces critères pour le produit concerné, il est impuissant à intervenir. Donc, au mieux, vous parvenez à vous faire rembourser par le magasin si vous vous donnez la peine de réclamer, au pire, ce sont des produits qui finissent prématurément à la poubelle et alimentent le grand gaspillage mondial. Eventuellement, vous pouvez aussi vous lancer dans une action judiciaire au titre de la garantie pour non-conformité, mais comme toute procédure judiciaire, ça peut être très fastidieux et incertain en plus d’avoir peu d’impact au niveau du grand gaspillage planétaire. En fait, je pense qu’il faut un organisme d’Etat en charge de contrôler tout produit de grande consommation préalablement à sa mise sur le marché, afin d’autoriser ou de refuser celle-ci en fonction du respect du principe de qualité SLM. Une telle autorisation de mise sur le marché, l’AMM, existe bien pour les médicaments. Alors pourquoi ne pas en généraliser le principe pour le bien des citoyens et de la planète ? L’Etat ne devrait-il pas être le premier défenseur des consommateurs au lieu de se décharger de ce rôle sur des associations de consommateurs à qui il oppose par ailleurs, bien trop souvent, sa très sourde oreille ? Quidam : Il est clair que le consommateur a souvent l’impression d’être pris pour une vache à lait. Il ne faut pas s’étonner que de plus en plus de gens soient intéressés par une Kia garantie 7 ans plutôt que par un autre modèle garantie seulement 2 et pour lequel le coût astronomique de l’extension de garantie à 5 ans maximum ne peut que faire hésiter à conclure entre un gros manque de fiabilité ou une volonté délibérée de vous vider le porte-monnaie. PG : Bien que la garantie de 7 ans vous assure essentiellement de la prise en charge de la panne éventuelle. Pas qu’elle n’aura pas lieu. Mais il semble légitime de penser que l’entreprise qui propose ainsi une garantie tellement plus étendue que les autres a une plus grande confiance dans la qualité de son produit. Car en poussant le raisonnement, ne pensez-vous pas que si les constructeurs devaient davantage assumer le manque de qualité de leurs produits, ils intègreraient au cahier des charges de leurs bureaux d’étude des contraintes de facilité de réparation ? Pour certaines voitures, puisque nous en sommes à ce type de produit, faire changer l’ampoule d’un phare avant par un mécanicien expérimenté, dans un garage reconnu et honnête, peut demander jusqu’à trois quarts d’heure de main d’œuvre. Que dire sinon que le constructeur ne s’est visiblement pas posé le problème de la réparabilité sous prétexte que ses processus de fabrication prévoient l’assemblage séparé des phares et leur intégration par blocs entiers sur le véhicule ? Mais vous, par contre, face à un policier qui vous fait valoir un soir au bord d’une route que votre feu est défaillant et que vous devez le réparer immédiatement grâce à la petite boite d’ampoules de rechange que vous avez obligation d’avoir à bord, eh bien vous n’êtes pas sorti de l’auberge ! Alors pour le consommateur, plutôt perdu face à la multiplicité de l’offre, des données chiffrées validant le niveau de qualité des marques et de leurs produits seraient des plus précieuses. Il faut donc mettre en place un observatoire de la qualité avec remontée obligatoire de toutes les données pertinentes de la part des services après-vente divers, que ce soient ceux des constructeurs, des distributeurs, ou de centres indépendants. Voilà qui ira bien plus loin que les timides études menées par l’Institut National de la Consommation et dont ce pourrait d’ailleurs être le rôle. Quidam : Voilà surtout qui couperait l’herbe sous le pied de nombreux magazines automobiles ou de consommation divers dont l’un des intérêts est précisément de proposer ce genre d’étude. PG : Mais elles sont toujours assez restreintes par rapport à la quantité astronomique de produits, de marques et de modèles existants à la vente. On ne peut se contenter d’un point de vue aussi partiel au seul motif qu’il faille préserver le pré carré des magazines de consommateurs. Par ailleurs, je pense qu’ils seront ravis d’accéder à une base de données bien plus complète que ce dont ils peuvent disposer par eux-mêmes. Si l’organisme en charge de valider la qualité SLM d’un produit préalablement à sa mise sur le marché entretient par la suite dans sa base de données le référencement de chaque produit en vente sur le territoire, son fabricant, son lieu de fabrication, le nombre d’unités vendues, les statistiques de panne et les causes de celles-ci, ainsi que les temps de réparation et le coût des pièces détachées lorsque réparation il y a eu, nous aurons une bien meilleure appréciation de ce que nous achetons et pourrons alors choisir en meilleure connaissance de cause. N’ayez aucun doute que les fabricants entretiennent une telle base de données concernant leurs produits. Mais ils se gardent bien de les rendre publiques, le flou leur profitant, à eux et à leurs distributeurs. Il est temps d’injecter plus de transparence dans tout ça afin que le flou disparaisse et que chacun soit bien davantage mis face à ses responsabilités. Quidam : Mais il y a tout de même des produits difficilement réparables et à faible durée de vie. Les téléphones portables par exemple. En acheter un neuf coûte moins cher que de simplement chercher la panne et faire un devis. Il n’y a pas grand-chose à faire là-dessus. PG : Croyez-vous ? L’électronique est certes plus facilement jetable que réparable, je vous l’accorde. Mais pourquoi votre amplificateur de chaîne hi-fi peut-il durer plus de vingt ans alors qu’un téléphone portable a une durée de vie estimée à un an seulement en moyenne ? Un téléphone sans-fil pour une ligne fixe peut facilement vivre une dizaine d’années, et même bien plus, alors que c’est la même technologie qu’un téléphone portable. Alors est-ce vraiment un problème d’électronique ? Si l’électronique était aussi peu fiable, les programmes spatiaux ne seraient pas ce qu’ils sont. Quidam : L’usage est très différent : le portable va dans les poches, il prend des chocs, il tombe. PG : Comme les gens sont négligents ! Pauvre téléphone portable à la rude existence. Croyez-vous que les gens seraient aussi peu soigneux s’ils le payaient au juste prix ce portable ? Le système en place fait qu’avec un abonnement de téléphonie mobile comprenant un engagement de durée, vous pouvez avoir un téléphone portable basique pour un Euro symbolique, ou un appareil plus élaboré à un prix défiant toute concurrence. Dès lors la valeur de l’objet est diminuée et le soin qu’y porte l’utilisateur aussi. Si vous devez payer plusieurs centaines d’euros pour votre téléphone portable, n’y ferez-vous pas plus attention ? Quidam : Oui, évidemment ! PG : Sa durée de vie sera alors supérieure, et ce d’autant plus que vous n’accepterez plus, vu le prix, que ce soit de la camelote dont les touches dysfonctionnent au bout de douze mois et un jour, juste après la fin de la garantie. Mais avec le système actuel des abonnements GSM vous donnant droit tous les ans à un renouvellement à tarif très favorable de votre portable, le problème passe à peu près inaperçu. Parce qu’il a été déplacé. Au lieu d’acheter votre portable à son juste prix, vous surpayez votre abonnement. Dès lors, celui qui fait l’effort de faire durer son appareil engraisse encore plus les opérateurs de téléphonie mobile que celui qui en change tous les ans en générant un afflux de déchets électroniques peu recyclables. Bref, le consommateur vertueux est le dindon de la farce et les comportements négligents sont encouragés. Il existe une loi contre la vente liée, qui a d’ailleurs, comme beaucoup de lois de bon sens, un mal fou à être appliquée, essentiellement du fait du peu de volonté des pouvoirs publics de les faire respecter. Le fait de facturer le portable un Euro symbolique suffit à sortir ces opérations du cadre de la vente liée, car vous pouvez prendre votre abonnement sans acheter le portable. Du coup, les opérateurs peuvent continuer à appâter les clients avec leurs offres surfacturées mais à portable quasi offert. A qui profite ce système ? Aux consommateurs ? Ou aux opérateurs et à leurs actionnaires ? Quidam : Quand même, il ne faut pas négliger la question de l’évolution très rapide de ces appareils. A quoi sert de les faire solides si au bout de six mois seulement ils sont techniquement obsolètes ? PG : Cela est vrai et pointe vers un tout autre problème : la course à l’aliénation par l’hypercommunicativité et l’hypertechnologie. Rester seul avec soi-même devient de plus en plus insupportable à beaucoup de gens qui fuient dans les innombrables fonctions de gadgets mobiles et dont l’utilité est assez contestable. Comment vous étonner ensuite de l’incapacité de beaucoup à faire face au moindre coup dur que peut proposer l’existence ? Quand va se développer la force intérieure des individus s’ils sont encouragés à ne jamais être en eux-mêmes, face à eux-mêmes ? Nos avancées technologiques sont de plus en plus grandes, mais nos personnalités de plus en plus petites. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes qui, en plus, risquent fort de faire des tumeurs cérébrales dans une vingtaine d’années, faute que nous appliquions le principe de précaution face aux effets sanitaires méconnus de ces ondes de plus en plus décriées. Alors quel intérêt y a-t-il à pousser au développement de cette drogue technologique ? Le seul aspect positif que j’y vois c’est le frein à la procréation qu’il représente. Et l’effet sur les testicules des ondes émises par un appareil laissé dans sa poche n’en est qu’un aspect. Quidam : Vous affectionnez l’humour noir, je vois. Mais il n’est quand même pas envisageable d’interdire les portables. PG : Non. Il n’y a pas lieu de les interdire. Même s’il y a lieu de prévoir des zones blanches pour que les gens électro-sensibles souffrant au quotidien de cette pollution électromagnétique puissent vivre plus normalement. La société leur doit, à eux aussi, d’œuvrer pour satisfaire leurs besoins spécifiques. Mais dans le reste du pays, à défaut d’interdire, il est nécessaire de rectifier les déséquilibres pour que cet instrument trouve sa juste place dans notre quotidien. Il y a de nombreuses situations et de multiples métiers où le téléphone portable se révèle un outil très utile. Il ne faut pas le diaboliser. C’est son usage qui doit trouver la bonne mesure. Le prince Siddhârta a atteint l’état de Bouddha en découvrant les vertus de la voie du juste milieu. Alors au lieu d’encourager les extrêmes, incitons à la juste mesure. Nous en serons bien plus heureux. Quidam : A l’évidence, vous ne comptez pas sur de simples discours moraux pour ça. Alors quelles mesures pour pousser à la juste mesure ? PG : Il fut un temps préhistorique où les téléphones portables prenaient la forme de petites valises. Les développements techniques ont favorisé la miniaturisation, évolution qui justifiait la tendance à vouloir renouveler son appareil pour un plus petit, un plus commode. Mais maintenant, ils ont clairement atteint une certaine maturité. Difficile de les faire plus petits alors que les doigts arrivent déjà tout juste à presser une seule touche à la fois. Ou alors il faudrait passer à la simple oreillette avec fil micro et reconnaissance vocale. Mais alors il n’y aurait plus d’écran pour les quelques autres fonctions utiles qu’ils peuvent proposer comme le GPS. Alors puisque l’écran est utile, il devient tactile. Mais jusqu’où ira-t-on ? L’ajout d’un insignifiant gadget justifie-t-il de vouloir jeter son appareil pour en acheter un autre ? Les développements techniques de cet appareil ne sont pas terminés, et ne le seront probablement jamais vraiment. Toutefois ils ont atteint un niveau suffisant qui ne justifie plus d’en encourager le gaspillage. Le temps est donc mûr pour instiller un peu plus d’équilibre dans ce secteur. Et je vois deux mesures faciles à prendre pour inciter à ce rééquilibrage. La première, c’est évidemment d’interdire la vente à prix cassé moyennant engagement d’abonnement de 12 ou 24 mois. Et interdiction donc aussi du verrouillage des téléphones portables sur un seul réseau. Que les consommateurs achètent normalement leur appareil, au prix normal, et avec les exigences qu’ils sont en droit d’avoir pour ce type d’achat, notamment en terme de garantie d’une durée suffisante, c'est-à-dire au moins 2, voire 3, ans. Et alors, vous verrez aussi que la surfacturation des abonnements permettant de couvrir le prix de tous ces appareils gaspillés tendra à disparaître. Ensuite, il y a une deuxième mesure qui doit être envisagée. Trouvez-vous normal que, lorsque vous téléphonez à quelqu’un depuis votre ligne fixe, il soit si compliqué de savoir combien cela va vous coûter ? Quidam : Ah ça, la transparence du coût des communications téléphoniques reste un sujet de frustration. Le prix dépend non seulement du fait que l’appelé soit sur une ligne fixe ou sur un portable, mais en plus de l’opérateur de téléphonie mobile de celui-ci, chose qu’il est bien difficile de connaître à l’heure de la portabilité du numéro. PG : Bref, résigné, vous appelez, et vous verrez bien ensuite de combien vous serez ponctionné sur votre facture. Où est la transparence qu’est en droit d’attendre le consommateur ? Trouvez-vous normal qu’on puisse appeler un portable aux Etats-Unis pour le même prix qu’un fixe, et que cela soit moins cher que d’appeler un portable en France, lorsque ce n’est pas carrément gratuit ? Nous ne devons pas avoir à nous préoccuper, lorsque nous appelons quelqu’un, de savoir si c’est un numéro de portable ou de fixe, ni même de qui est l’opérateur du destinataire puisque le tarif varie aussi en fonction de ça. Il doit être suffisant de se préoccuper du coût de l’appel selon notre propre opérateur de téléphonie. Si l’appelé est sur un portable plutôt qu’un fixe, ce doit être son problème, et le surcoût éventuel doit être à sa charge financière. Pas à la nôtre. Imaginez-vous comme cela changera les choses de faire payer à l’appelé le coût relatif au fait que ce soit un portable plutôt qu’un fixe ? Ce sera plus juste pour l’appelant, et beaucoup plus responsable pour l’appelé. Et je gage que des tas de gens découvriront subitement toute l’inutilité pour eux de pouvoir être joint à tout moment sur un portable. Je gage aussi que beaucoup d’adolescents, du moins ceux qui sont responsabilisés en assumant eux-mêmes le paiement de leur abonnement avec leur argent de poche, découvriront que, finalement, cet outil est moins indispensable qu’ils ne le pensaient et pas aussi fun que de se voir en vrai. Et nombre de parents se diront que, finalement, c’est cher payé pour préparer leur enfant à un futur cancer du cerveau. Du coup, les opérateurs de téléphonie se découvriront une marge de manœuvre insoupçonnée pour baisser les prix et limiter l’effondrement de leur marché… Quidam : Il est clair que le consommateur s’y retrouverait davantage. PG : Et quand début 2011 on voit apparaître, sans augmentation significative de tarif, des offres de triple play par ADSL, câble ou fibre optique, qui incluent désormais les appels en illimité vers les portables, on ne peut que se conforter dans le sentiment que les prix de ces appels sont très artificiellement élevés. Curieusement, et ceci expliquant certainement cela, nous constatons que les principaux fournisseurs d’accès Internet, ceux qui proposent ces offres, sont également les principaux opérateurs de téléphonie mobile, ces mêmes larrons qui ont déjà été condamnés de par le passé pour entente illicite sur les prix... Bien que cette fois, leur probable entente sur ce point aille plutôt dans le bon sens pour le consommateur. Une fois n’est pas coutume. Toutefois je vous pose la question : est-ce qu’un gouvernement qui a vendu les licences de téléphonie mobile aux opérateurs à coups de centaines de millions peut prendre ce genre de mesures ? Bien sûr que non. Il est compromis dans un marché de dupes. Et les dupes, c’est nous ! Sous prétexte de vendre les licences très chères pour diminuer le déficit de son budget, l’Etat se commet à en protéger ensuite la profitabilité pour les opérateurs. Il est donc engagé à préserver la capacité de ces opérateurs à nous traire. Comment dès lors espérer que le gouvernement ait le souci de l’intérêt des consommateurs qui pourtant l’ont élu dans ce but ? Le souci du principe de précaution pour préserver votre santé ? Le souci de limiter les déchets électroniques pour préserver l’environnement ? S’il est incapable de prendre des mesures concrètes pour limiter la pollution visible, comment espérer qu’il se préoccupe de la pollution invisible, comme l’est la pollution électromagnétique ? Le problème des antennes relais dont l’impact sur la santé des habitants voisins commence seulement à être pris en compte, et souvent uniquement près des maternelles, démontre à quel point le principe de précaution passe après les intérêts financiers des entreprises avec lesquelles les politiciens se sont compromis. Ce n’est pas ce que la société attend des dirigeants qu’elle a élu. Le gouvernement doit être le premier acteur de la défense des consommateurs. Des associations comme l’UFC-Que Choisir ou le CLCV, dont je loue par ailleurs les actions, ne devraient pas avoir besoin d’exister. Quidam : Je suis assez d’accord avec vous. Il est dommage qu’il faille que des associations comme celles-là se mobilisent pour que les pouvoirs publics se décident enfin à intervenir et interdire l’usage des numéros surtaxés pour les services après-ventes. Devoir payer pour que ceux-ci assument la contrepartie obligatoire de leur activité commerciale était très clairement une arnaque. PG : S’il y avait une autorité, peut-être une version plus responsabilisée de l’Autorité de Régulation des Télécoms, en charge de valider l’attribution des numéros à tarification spéciale en fonction de la justification de celle-ci par un service parfaitement autonome, croyez-vous que nous aurions ce genre de dérives ? Jamais les divers numéros SAV des commerçants n’auraient été ainsi surtaxés. Mais à contrario, un service de dépannage indépendant par téléphone, par exemple pour une assistance informatique, donc non lié par une obligation découlant d’une opération de vente, peut lui, valablement, utiliser la surtaxe téléphonique pour sa tarification. Au même titre que les téléphones roses, la météo par téléphone ou la voyance en direct. Du moment du moins qu’il n’y a pas de facturation complémentaire ensuite, afin d’éviter les cumuls malhonnêtes. Quant aux numéros 0811 et assimilés, soi-disant au tarif local, qui empêchent la gratuité lorsqu’on les appelle avec des forfaits illimités, parce qu’en fait ça contribue au coût du réacheminement vers un centre d’appel à l’étranger, ils auront intérêt à avoir de bons arguments pour faire valider leur demande. Je suis pour la liberté d’entreprendre, mais dans le respect d’autrui. Cela exclut donc la liberté de faire n’importe quoi et implique, de la part des pouvoirs publics, un contrôle des pratiques commerciales qui soit plus soucieux qu’actuellement du respect des consommateurs. Quidam : Il est clair qu’il n’y a que l’embarras du choix pour pointer du doigt des pratiques commerciales ayant dérivé. PG : Comme la publicité par exemple. Voilà un autre domaine où il y a matière à faire preuve de ce genre de contrôles plus rigoureux. Si vous regardez attentivement, la plupart des publicités sont mensongères à un degré ou un autre. Ne serait-ce que par des photos trop flatteuses pour le produit par rapport à ce qu’il est réellement. Les astuces de tournage dans les spots télévisés pour arranger la réalité ne sont pas ce qui manque non plus. Quidam : Comme la retouche des photos de mannequins ? PG : Non. Les mannequins ne sont pas le produit que l’on vend. Ils ne sont qu’un présentoir. Ce que vous mentionnez est un problème différent. Vous connaissez le dicton : « le doigt montre la Lune, mais l’idiot regarde le doigt ». Si certains consommateurs ont la naïveté d’acheter un produit parce qu’il a un beau présentoir, ça ne regarde qu’eux. A eux de mûrir. Ce qui m’importe, c’est que le produit vendu soit présenté pour ce qu’il est réellement, sans artifice trompeur. Si toutes les publicités sont soumises à l’agrément préalable du Bureau de Vérification des Publicités à qui doit être donné mission de chasser toutes ces astuces de mise en scène, slogans trompeurs, et assimilés, au moins retrouvera-t-on plus de sincérité dans la communication commerciale. Il est normal pour une entreprise de communiquer pour faire connaître son produit. Mais il faut cesser de chercher à arranger la réalité pour tromper le consommateur. Et c’est la mission des pouvoirs publics de faire la chasse à ces dérives parce que c’est leur mission de satisfaire le besoin de sécurité des individus. Il ne faut pas chercher à protéger le consommateur de sa propre naïveté, mais il faut certainement le préserver de la tromperie. Or, ce que nous constatons à ce niveau de la part de l’autorité compétente, c’est plutôt un certain laxisme, pour ne pas dire un laxisme certain, alors qu’elle semble très prompte à la censure de campagnes de pub risquant de choquer la moralité. Mais ça, pour le coup, ça me semble déplacé. Qu’une pub joue avec la moralité, du moment que ça n’incite pas à manquer de respect à son prochain, je n’y vois pas d’inconvénient. Et si certains en sont choqués, eh bien qu’ils s’interrogent sur leurs rigidités. Quidam : Je n’étais guère satisfait de la société, mais à vous écouter, j’ai l’impression qu’elle va encore plus de travers que je ne l’imaginais. PG : Si c’est signe que vous prenez conscience de certaines réalités, alors je n’en suis pas désolé du tout. Et ce d’autant que s’il y a des sujets planétaires sur lesquels je suis un peu pessimiste, pour ce qui reste du ressort de notre capacité d’action, c'est-à-dire essentiellement les problématiques nationales, celles qui ne dépendent que de nous, je ne vois que des solutions. Y compris lorsqu’il s’agit de faire face à un contexte mondial peu réjouissant. Alors pour en revenir à l’impact très réel et très positif sur l’environnement que peut avoir la simple moralisation des pratiques commerciales, il est clair que le redressement passe par l’engagement de la société, et donc de son gouvernement. Mais d’un gouvernement effectivement dédié à la satisfaction des besoins de son peuple et soucieux de favoriser la quête du bonheur de ses citoyens. Car avec un système équilibré et responsabilisant, nous pouvons vivre avec le modernisme et profiter des améliorations de la vie courante qu’il peut apporter plutôt que d’en être réduit à choisir entre nous autodétruire ou régresser à l’Age de pierre. 07 : agriculture Quidam : Mais si ces mesures permettent de réduire la pollution liée à ce dont nous ne pouvons pas nous passer, ou du moins pas sans remise en cause drastique de notre mode de vie, il y a aussi matière à s’interroger sur tous ces polluants dont on peut entièrement se passer, non ? PG : Absolument. Plus la recherche progressera et plus nous découvrirons des alternatives moins, voire pas, polluantes en remplacement de nos façons de faire actuelles. Mais sans même attendre de telles découvertes, on peut déjà commencer par se remettre en question à biens des niveaux. Par exemple, il y a des polluants qui n’ont d’autres buts que de chercher à augmenter la productivité. Et dans cette catégorie rentrent tous les produits chimiques utilisés en agriculture et que l’on retrouve ensuite directement à empoisonner ce que nous mangeons ainsi que l’eau que nous buvons, sans même parler des effets dévastateurs sur les autres espèces vivantes. Ce sont aussi bien les multiples pesticides que les divers engrais. Qu’est-ce qui nous oblige à les utiliser ? La course aux rendements ? La France est un pays fertile qui a largement de quoi nourrir sa population. Et à plus forte raison si on ne l’encourage pas à s’accroître, voire si on l’encourage à diminuer. Alors bannissons simplement tous ces produits inutiles. Quidam : En fait, ce que vous êtes en train de dire, c’est qu’il faudrait passer toute la France au bio ? PG : Vous m’avez bien compris. Mais au vrai bio. Pas à ce label européen au rabais que vous pouvez obtenir du moment que vous êtes en dessous de certains seuils d’utilisation de produits chimiques, et qui a clairement pour seul et unique objectif de discréditer le vrai bio en semant la confusion dans l’esprit des consommateurs. Terminés donc tous ces nitrates que l’on retrouve dans l’eau. Finis tous ces pesticides engendrant des maux divers pour notre santé. Nous n’en avons pas besoin. Encore que les pesticides qui rendent stériles ont au moins le mérite de contribuer à limiter la surpopulation… Quidam : Encore votre humour noir ! Mais est-ce que vous avez pensé à la chute vertigineuse de la production que causerait une telle mesure ? Donc à l’augmentation du prix des produits ? Et surtout au fait que les importations mettraient tous les agriculteurs sur la paille faute de pouvoir être compétitifs ? Ce n’est pas par plaisir que les agriculteurs enfilent des tenues de protection pour passer les produits sur leurs cultures. C’est pour lutter contre les insectes qui les ravagent. PG : D’abord, si la société, dans son désir légitime de satisfaction de son besoin de sécurité alimentaire, sanitaire et environnementale, décide qu’elle ne veut plus s’empoisonner avec ce qu’elle mange, ce n’est pas pour importer du poison d’ailleurs. Les produits non 100% bio sont tout simplement à interdire totalement sur tout le territoire. Donc il n’y aura pas de problème de concurrence des importations à ce niveau-là. Et les agriculteurs ne se retrouveront pas sur la paille, fut-elle bio. Ensuite, certes, certains insectes reprendront leur place. Et on ne peut nier le risque que les rendements diminuent peut-être un peu, et que le coût de production de la nourriture augmente peut-être un peu aussi. Mais si c’était le cas, ce ne serait certainement pas dans les proportions vertigineuses que vous évoquez, surtout au vu des niveaux actuels des cours mondiaux qui, malgré toute leur agrochimie, ont déjà mis une sacrée claque au budget alimentation des ménages. Ce sont les vendeurs de poisons chimiques qui agitent cet épouvantail. La réalité du vrai bio est bien différente. Il est actuellement plus coûteux parce que marginal. S’il devient la norme, il deviendra aussi plus productif. Les parasites ? Il existe des variétés de fruits, légumes et céréales moins productives mais naturellement plus résistantes aux insectes et maladies diverses. En abandonnant la course insensée à la productivité, elles retrouveront la place qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Et puis il y a aussi des méthodes 100% bio pour limiter ces nuisibles comme pour enrichir la terre. Il faut les encourager et les développer au lieu de lancer de scandaleuses poursuites judiciaires contre les utilisateurs de jus d’ortie et autres méthodes très dangereuses… pour les profits des conglomérats chimiques défendus par l’Etat ! De multiples expérimentations ont démontré la capacité de l’agriculture naturelle à proposer sainement des rendements très corrects, certaines offrant même une productivité bien supérieure à celle de l’agrochimie, si bien que la baisse de productivité n’est nullement une certitude. C’est une question de changement de méthodes agricoles. Il suffit de se renseigner pour s’apercevoir que nous n’avons que l’embarras du choix pour remplacer la chimie en agriculture. Et puis, il faut garder à l’idée que la recherche de trop de productivité peut devenir très contreproductive. La monoculture par exemple fait partie des causes évoquées pour l’appauvrissement des sols, dont découle un appauvrissement nutritif des aliments, et donc un appauvrissement de notre santé. On soupçonne même que ce soit, outre les pesticides, l’un des facteurs du déclin des abeilles, ces infatigables pollinisatrices qui vont bientôt nous faire cruellement défaut pour obtenir des fruits et des légumes. On sait que la qualité autant que la diversité de ce que nous mangeons est essentielle pour notre santé. Alors si au lieu de nous rendre malade à consommer du poison, nous stimulons notre bonne santé en mangeant des aliments sains, il est bien probable que le surcoût éventuel de notre alimentation soit amplement compensé par la baisse à terme de nos dépenses de maladie. Sans parler de l’amélioration non chiffrable de notre bien-être. Au passage, nous résolvons un débat très controversé : puisque les OGM ont pour but de développer des variétés résistantes aux pesticides, ils deviennent de facto inutiles dans une agriculture où ceux-ci sont proscrits. Donc pas d’OGM. Cela laissera à d’autres pays le loisir de tester grandeur nature les effets à long terme sur la santé de ces expériences d’apprentis sorciers. Je ne suis pas contre les OGM en tant que tels. Il est certainement souhaitable de les étudier, comme il est intéressant d’étudier tout domaine. Mais en application du principe de précaution, et aussi longtemps qu’il le faudra pour pouvoir en appréhender les effets à long terme sur la flore, la faune et la santé humaine, les mettre en culture libre en plein champs, et pire encore les commercialiser, relève du crime contre l’humanité et la nature. Les humains ont la mémoire si courte… Naguère on mettait de l’amiante partout comme produit miracle anti-feu, et maintenant on fait des procès pour empoisonnement à tour de bras. Mais la marche du profit à court terme rend aveugle et amnésique. Surtout celui qui ne veut pas voir. Quidam : Il est vrai qu’on parle assez du développement de bactéries résistantes à cause de la sur-utilisation des antibiotiques pour faire le parallèle avec les parasites qui deviennent de plus en plus résistants aux pesticides. PG : Tout comme les plantes deviennent résistantes aux désherbants à la longue. Il se dit que les agriculteurs argentins, qui sont depuis longtemps envahis par les semences OGM de Monsanto et ses concurrents, ont constaté au fil des années la nécessité d’augmenter régulièrement les doses de Round’up à utiliser pour combattre la mauvaise herbe dans leurs champs. Au point que leur budget désherbant a explosé et que la rentabilité de la solution est sérieusement remise en question. Et je ne vous parle même pas de l’effet sur les sols, dont la biochimie naturelle a depuis longtemps été complètement négligée et qui se retrouve complètement détruite par ces doses massives de produits chimiques autant que par les excès des labours profonds. Pour l’Argentine, les estimations parlent de 50% de terres arables devenues quasi stériles. Comme quoi, un calcul à court terme peut se révéler très mauvais sur le long terme. Le monde se prépare des famines généralisées ! Est-il indispensable que nous y participions ? Alors combien de temps encore va-t-on accumuler de tels contre-exemples avant que nous nous décidions à engranger la leçon ? Je tends à penser que les parasites et les plantes, du fait de leur cycle de vie court, ont une capacité de mutation et donc d’adaptation bien supérieure à celles de l’être humain. La nature trouvera donc bien avant nous la solution aux poisons que nous lui injectons de toute part. Et elle sera toujours là lorsque nous aurons réussi à nous éliminer nous-mêmes. Il est grand temps de revenir à la lutte biologique contre les parasites biologiques. La nature offre des solutions à tous les problèmes qu’elle nous pose. Mais il n’en sera pas forcément toujours de même pour ceux que nous nous créons artificiellement. Quidam : N’empêche que le risque de chute de la production, qui ne peut être exclu malgré votre confiance dans les alternatives, peut poser un vrai problème économique. Car les exportations agricoles sont un enjeu majeur pour limiter le déficit de notre balance des paiements. Plus d’importations que d’exportations nous appauvrissent. PG : Il est juste de ne pas oublier l’impact sur la balance commerciale. Si nous importons plus que nous n’exportons, le pays doit payer plus qu’il n’encaisse. Cela impacte la valeur de sa monnaie par rapport aux autres devises du monde. Dans le contexte de l’Euro, ce qu’il faut voir c’est si ces exportations et importations sont dans ou hors de la zone Euro. Et comme l’essentiel de notre commerce extérieur se fait au sein de la zone Euro, y compris pour les denrées agricoles, cela aura peu d’impact sur la valeur de notre monnaie commune. Quant à l’éventuel appauvrissement à terme du pays, cela dépend surtout de sa capacité à créer de la richesse. S’il en crée plus en interne que ce qu’il n’en perd dans ses échanges avec l’extérieur, pourquoi s’appauvrirait-il ? Mais les français vont bientôt prendre conscience que le créateur numéro un de richesse, c’est le secteur secondaire, celui qui est parti en Chine, en Inde, au Maghreb et dans les pays de l’Est ! Une économie qui, comme la nôtre, dépend essentiellement de son secteur tertiaire tourne à vide et est condamnée à terme. Et puis, de toute façon, la nourriture n’est pas une denrée comme les autres. Plus elle voyage, moins elle est nutritive. Plus elle est conditionnée de manières diverses, moins elle vous apporte de vitalité. Alors il y a un moment où il faut savoir ce que l’on préfère : plus de pouvoir d’achat pour aller en cure soigner ses problèmes de santé ou simplement plus de bien-être ? Le bonheur ne se traduit pas dans les statistiques économiques. Il fut un temps où la France a opposé l’exception culturelle contre le rouleau-compresseur du libre-échangisme anglo-saxon de l’Organisation Mondiale du Commerce. Je dis qu’il est grand temps d’élever l’exception alimentaire ! La nourriture est une marchandise spécifique. Elle répond au besoin le plus élémentaire de l’être humain, le besoin physiologique fondamental, ce premier étage de la pyramide de Maslow sans la satisfaction duquel aucun autre besoin ne peut espérer exister. Il est de plus en plus reconnu, malgré la désinformation médiatique organisée par les grands groupes agro-alimentaires et pharmaceutiques, qu’une nourriture saine est le fondement d’une santé saine. Alors commençons par nous nourrir sainement. Et tant pis pour les profits des grands groupes qui s’engraissent en nous rendant malades, préparant ceux des groupes médico-pharmaceutiques qui se goinfrent ensuite sur le dos de notre mauvaise santé. Du coup, il faut aussi s’appliquer à soi même ce que l’on impose aux autres. Et je ne vois pas bien pourquoi il faudrait mener une politique soucieuse de nos exportations agricoles si nous reconnaissons la nécessité pour chaque pays ou région du monde à développer son autosuffisance alimentaire. Il faut être cohérent. Et réorganiser notre économie différemment pour équilibrer notre balance des paiements sans recours aux exportations agricoles. Quidam : Alors vous supprimeriez toutes les importations de nourriture pour que le pays soit autosuffisant ? PG : Pas tout à fait quand même. J’estime qu’un pays comme la France se doit d’être autosuffisant pour tout ce qui constitue son alimentation de base : céréales, fruits, légumes, viandes, poissons si tant est que ces derniers demeurent consommables malgré la pollution croissante des océans. Mais cela n’exclut pas le plaisir gustatif d’une certaine diversification. Pourquoi se priver du plaisir de déguster des mangues, des ananas ou des bananes ? Surtout lorsqu’ils sont produits par nos départements outremers. Ces fruits n’apporteront pas toute la vitalité qu’ils offrent à ceux qui vivent là où ils poussent, mais si l’alimentation de base assure les besoins du corps, ce surplus de variété ne nuira pas. Le problème n’est pas de manger des mangues qui sont restées un mois dans une cale de bateau. Le problème vient si on ne mange que ce type de nourriture de mort-vivants. Les tomates hors sol d’Espagne vous semblent belles et pas chères ? Mais niveau goût, elles traduisent toute la pauvreté de ce qu’elle vous apporte. Il n’y a pas de miracle en agriculture. Un légume qui n’a pas vu la terre ne peut pas vous apporter la vie. Il vous apporte une illusion qui laissera s’installer une lente dégradation de votre santé. Et alors que vous devriez être dans la force de l’âge, vous serez en fait en train de vous interroger sur le pourquoi de ces petits dérèglements physiques qui s’accumulent et vous font sentir qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le bon sens. Facile alors de se dire que c’est l’âge qui commence à se manifester. Ca évite de se remettre en question. Mais c’est votre droit de vous résigner à cette pauvre existence plutôt que de vous donner les moyens de vivre plus pleinement plus longtemps. Quidam : Pourtant, si nous ne produisons plus de surplus à exporter, comment vont faire les contrées moins fertiles qui comptent sur les excédents d’autres pays pour nourrir leur population ? Vous allez généraliser la famine avec une telle politique. PG : Ces pays devront se remettre en cause. Et ce d’autant plus qu’ils se l’organisent très bien tout seul leur future famine. Une possibilité est qu’ils se donnent les moyens d’organiser une production locale suffisante pour s’assumer. Les serres d’Islande, par exemple, peuvent produire autre chose que des bananes pour l’exportation. La terre volcanique de leur île est fertile et ils ont les techniques nécessaires pour compenser un climat pas forcément favorable à certaines cultures. Ils ont les moyens de faire beaucoup de choses et le font d’ailleurs déjà. C’est une question de volonté et d’organisation. Avec volonté et organisation, certains pays ont fait verdir des parcelles de désert en y cultivant des céréales grâce à l’irrigation. Et les oasis des régions arides servaient justement depuis très longtemps de pôles de production agricoles et donc de vie. Une autre possibilité est que ces pays qui ne parviennent pas à l’autosuffisance en denrées alimentaires de base se rendent à l’évidence : à savoir que leur coin de terre n’est pas fait pour recevoir autant de gens. La question de la surpopulation se mesure aussi par la capacité d’une région à nourrir ses habitants sur le long terme, donc avec le souci de préservation de l’environnement végétal et animal. L’important est que se développe la conscience du problème et de la solution, et que l’ajustement s’enclenche. L’intention sera de le faire progressivement. Mais compte tenu des situations extrêmes que l’humanité a laissées se développer aux quatre coins de notre planète ronde ainsi sujette à la quadrature du cercle, il n’est pas dit que l’ajustement en douceur soit encore possible. Toutefois, il est un moment où il faut aussi reconnaître que nous ne sommes responsables que de nous-mêmes. Alors ajustons notre mode de vie et d’utilisation de notre coin de monde selon ce qui nous parait être le chemin d’une vie meilleure, et laissons aux autres pays et aux autres peuples la responsabilité de s’organiser selon leurs propres valeurs et leur propre niveau de conscience. Et si cela implique qu’ils expérimentent la misère en retour, alors il leur appartiendra à eux d’en tirer les conclusions et de se remettre en question, peut-être en s’inspirant de notre modèle si nous nous donnons la peine d’en démontrer la capacité à nous procurer du bonheur, mais peut-être en en développant d’autres. La vie est diversité et c’est ce qui en fait la richesse et l’intérêt. Alors il y a toujours plus d’une solution à un problème donné. Quidam : Il n’y a pas que les pays qui devront se remettre en cause. Nos agriculteurs aussi. Et ça ne va pas être simple. PG : Je ne vous le fais pas dire. Ceux qui cultivent du maïs à grands renforts d’arrosage aérien en plein soleil et en plein vent dans une région pourtant en restriction d’eau depuis des années vont devoir penser à descendre de leur tour d’ivoire pour cesser de dégrader l’existence de leurs voisins par leur aveuglement et changer de cultures. Quant à ceux qui croient que la présence d’un président à l’ouverture du salon de l’agriculture est davantage significative de son intérêt pour le monde agricole que l’effondrement de leurs conditions d’existence durant ses douze années de règne, ils vont aussi devoir ouvrir les yeux. Ne pas faire la différence entre apparition électoraliste et connaissance du monde agricole relève d’un manque de discernement coupable. Tout comme est très naïf le fait de croire que c’est devant le cul lustré d’un taureau de concours qu’un président va prendre conscience des réalités catastrophiques du monde agricole. Trop se regarder le nombril nuit à la bonne conscience de la réalité. Ceci dit, la remise en cause des agriculteurs est déjà en cours avec la réforme de la politique agricole commune. Ils vont devoir apprendre à vivre autrement qu’en chassant les subventions qui d’ailleurs ne bénéficient vraiment qu’aux très gros agriculteurs, notamment les grands céréaliers très jaloux de cette manne fort profitable qu’ils répugnent à partager, laissant les petits s’asphyxier. Ce modèle productiviste a démontré toutes ses limites et créé de multiples et très préjudiciables déséquilibres. Nous ne le regretterons pas. Quidam : J’ai entendu dire que les plus gros bénéficiaires des subventions de la PAC étaient la Reine d’Angleterre et le Prince de Monaco. PG : Je n’en serais pas étonné. Ces têtes couronnées ont gardé le sens du foncier. Alors qu’ils possèdent de vastes exploitations agricoles bénéficiant donc d’un vaste subventionnement ne serait que logique. Et puis, au passage, en matière de changement, il y a aussi matière à réviser en profondeur le droit des baux ruraux. C’est un grand pourvoyeur de contentieux, ce qui incite à penser qu’il ne doit pas être si bien pensé que ça. Le fermage par exemple est un système très clairement confiscatoire, qui défavorise le propriétaire de la terre au profit du fermier qui l’exploite. Il y a matière à rétablir un plus juste équilibre dans ce domaine. Je ne suis pas contre le principe d’une durée minimale initiale de neuf ans parce qu’il peut y avoir un travail de fond préalable pour valoriser certaines terres et que le fermier doit avoir le temps d’en avoir un retour sur investissement. Encore qu’il soit aussi envisageable de s’entendre au moment de la prise de bail sur un terme plus court, quitte à négocier le cas échéant un dédommagement initial pour remettre en valeur des terres négligées. Tout est possible. Mais suite à ce premier terme, une tacite reconduction annuelle doit être suffisante. Et si le propriétaire décide de ne pas reconduire le fermier, il n’a pas à s’en justifier. Ce sont ses terres. Il doit rester libre d’en disposer. Mais bref, que ce soit du fait de la suppression des subventions, de l’évolution du droit des baux ruraux, ou du passage au bio, oui, clairement les agriculteurs vont devoir se remettre en question de manière très profonde. Et plus encore dans leurs méthodes d’exploitation. Car si la qualité des terres se détériore, ce n’est pas seulement parce que les pesticides et les engrais en tuent les vers de terre qui l’aère et l’allège spontanément, mais aussi simplement parce que la pratique du labour profond détruit toute la biologie anaérobique de régénération naturelle des sols. Alors ces sols perdent leur fertilité, leur vitalité, meurent et se tassent, s’imperméabilisent, ce qui favorise de surcroît les inondations. Cependant, il n’y a pas que le passage à une culture respectueuse de la vie qu’il faille considérer, il faut aussi changer les méthodes d’élevage. Et pas que pour les passer au bio. L’élevage intensif est à bannir. Depuis des décennies qu’il est pratiqué, on en voit tous les méfaits sur les sols. Les nappes phréatiques bretonnes sont polluées par la surabondance de tous les camps de concentration pour cochons qui ont proliféré dans cette région. Car il faut bien appeler les choses par leur nom. Ce ne sont pas des élevages, ce sont des camps de concentration. Comment s’étonner que l’humanité produise des horreurs comme Auschwitz si nous trouvons normal de traiter ainsi les animaux ? La conscience et le respect de la vie s’expriment par la façon dont nous la traitons. En maltraitant ainsi les animaux, l’être humain démontre qu’il n’est simplement pas digne de son titre d’humain. Gandhi a même dit : « La grandeur d’une nation et ses progrès moraux peuvent être jugés selon la façon dont elle traite les animaux ». Eh bien je vous le dis, à cette aune, nous relevons du niveau de la maternelle ! Alors je ne dis pas que tout le monde doive devenir végétarien par respect pour le monde animal. C’est une question de choix personnel et il faut respecter l’un comme l’autre. Personnellement, je ne le suis pas, même si la viande n’est pas mon aliment de base. Mais j’affirme que le fait de manger de la viande ne doit pas conduire à mépriser ainsi les animaux qui sont sacrifiés pour nous la fournir. Il y a de nombreuses cultures indigènes, à commencer par certaines tribus amérindiennes que la culpabilisation liée à leur extermination incite si souvent à idéaliser, qui mangeaient la viande issue de leur chasse. Mais ça ne les empêchait pas d’être conscients qu’une vie était sacrifiée pour permettre la leur. « La vie est une dette », dit la tradition musulmane. Ce sujet en est un excellent exemple. Alors ayez de la gratitude pour ce bétail qui vous permet de manger un bon steak grillé. Et puisque sa destinée est de passer sous le couteau du boucher, qu’au moins il ait une vie digne jusque là. Vous verrez que, du coup, ce qu’il vous offrira en richesse nutritive sera incomparable. Peut-on comparer un poulet de Bresse avec son cousin sorti d’une batterie où il n’a jamais vu ni la lumière du jour ni même un brin d’herbe ? Alors oui, évidemment, la viande coûtera elle aussi plus cher. Mais comme pour les fruits et légumes, elle vous apportera la vie au lieu de vous préparer à la mort. Honorable profession que celle de médecin. Mais ne serait-on pas bien plus heureux si on pouvait les mettre presque tous au chômage ? Quidam : Alors évidemment, là non plus, pas de concurrence importée de bœuf aux hormones américain ? PG : Evidemment. Il n’est pas acceptable qu’un pays prétende imposer sa mauvaise qualité pour enrichir ses propres producteurs au détriment de la santé des consommateurs français. D’ailleurs, je n’ai pas entendu dire que les Etats-Unis aient cherché à imposer leur production de porc aux pays arabes ou à Israël. On aurait donc le droit de refuser la viande américaine au nom de la religion, parce qu’elle n’est ni hallal ni cacher, mais on n’aurait pas le droit de la refuser au nom de considération de santé ? Fort bien : je décrète qu’à compter de ce jour, la religion française intègre à ses dogmes le culte de la bonne santé et proscrit la consommation de viande aux hormones. Et voilà un litige de réglé avec l’OMC. Et puis, du point de vue du bon sens, qu’il soit écologique ou de simple respect de la vie, doit-on encourager les systèmes de maximisation du profit au détriment de la qualité de la viande autant que de la qualité de vie de l’animal, où un veau né en Nouvelle-Zélande sera engraissé en Argentine, avant d’être abattu en Chine et être vendu en Europe ? Certes, les voyages forment la jeunesse, mais je ne suis pas sûr qu’on puisse appliquer cette maxime aux bovidés. Par contre, le fait que de tels systèmes puissent être rentables démontre avant tout encore une fois que le coût du transport n’est pas assez cher. Le libre commerce imposé par l’OMC est vraiment une aberration à évacuer au plus tôt. Je suis ouvert à la libre concurrence entre pays de niveau de vie comparable, et sur des biens respectant un cahier des charges comparable, notamment en termes de qualité et de conditions de production, ce qui doit inclure les aspects sociaux et environnementaux. Mais dans tous les cas de figure, les pays doivent rester libres de définir ce cahier des charges selon ce qui leur parait acceptable pour quelque marchandise que ce soit, et à plus forte raison pour la nourriture qui ne peut être considérée comme une marchandise comme les autres. Exit donc, au passage, le Codex Alimentarius que nous ont concocté les fonctionnaires mondiaux. Voilà une façon pour un pays de promouvoir pacifiquement ses valeurs en prenant position, notamment en faveur du respect de la vie animale. Et de toute façon, en application du principe d’autosuffisance en aliments de base, je ne vois pas ce qui justifierait que la France importât de la viande d’autres pays. A part des viandes de gibiers exotiques, pour satisfaire la recherche de diversité des gourmets carnassiers ? Quidam : L’agriculture souffre aussi de bien d’autres maux. L’un d’entre eux est la main mise de l’administration pour définir tout un tas d’obligations et de contraintes dont un certain nombre semblent défier le bon sens. PG : Effectivement. Les cas d’aberrations administratives sont légion en agriculture. C’est certainement le secteur le plus victime de cet excès d’ingérence des fonctionnaires. Mais a contrario, si les agriculteurs veulent prétendre à être arrosés de subventions pour tout et n’importe quoi, n’est-il pas logique qu’ils soient également contrôlés sur tout et n’importe quoi ? Pour moi, il faut donc commencer par liquider purement et simplement non seulement le système de la politique agricole commune, mais aussi les principes qui ont présidé à son instauration. Progressivement, de toute façon, l’Europe réduit les subventions pour s’alléger du coût astronomique de la PAC et les supprimera complètement à compter de 2013. Je suggère simplement encore plus de volontarisme à restaurer la responsabilité des exploitants agricoles sur leurs exploitations. Le gouvernement, par le statut spécifique accordé à l’alimentation, définit un contexte de marché national. Il est ensuite de la responsabilité des agriculteurs de produire selon les contraintes définies pour tous, et de proposer des produits à vendre selon les lois du marché, en fonction de leur niveau de qualité. On ne peut continuer à verser des subventions sur la seule base de volumes produits, voire parfois de simple stade de développement de la plante même si celle-ci n’est au final jamais récoltée, exonérant ainsi les agriculteurs de la question de qualité de leur production. Alors certes, il y a les aléas climatiques, de plus en plus conséquents vu le dérèglement global qui va s’accentuant. Mais à qui va-t-on faire croire qu’une profession capable de s’organiser pour bloquer le périphérique parisien à l’insu des forces de l’ordre est incapable de s’entendre pour mettre en place, au besoin avec l’appui des pouvoirs publics s’ils le souhaitent, une caisse d’assurance climatique qui les prémunisse contre les récoltes perdues lors de tempêtes ou de coups de gel tardifs ? Je pense qu’ils seront ravis de cesser de recevoir des instructions rigides et parfois très inadaptées de la part d’une administration qui prétend réguler la production agricole depuis ses bureaux : vendangez à compter de telle date mais pas avant, dommage si la pluie arrive à ce moment-là et vous pourrit la récolte ; et faites-le de nuit pour la fraîcheur du raisin, et tant pis si la fatigue et la noirceur s’allient pour multiplier le danger au point que les assurances refusent parfois carrément de vous assurer. Et j’en passe… Les exemples sont nombreux, et pas que dans la viticulture. Quidam : Bien sûr, redonner aux agriculteurs une vraie responsabilité d’entrepreneur vis-à-vis de leur production pour qu’ils soient motivés à faire de la qualité, c’est plaisant comme discours. Mais il y a le problème de pouvoir vivre de sa production. On voit bien déjà actuellement toutes les difficultés qu’ont les maraîchers pour survivre. En créant un marché protégé, la concurrence serait moindre, mais la pression des grandes surfaces ne diminuerait pas tellement pour autant. PG : Là, ce n’est pas si sûr. Quand l’acheteur de grande surface devra choisir entre acheter à Dupond ou à Dupont, sans pouvoir dire que Speedy Gonzalez propose ses tomates andalouses hors sol moitié moins cher, les choses changeront considérablement dans la négociation. Ensuite, comme pour la question d’une caisse d’assurance spéciale aléas climatiques adaptée à leur activité professionnelle et à leurs risques d’entreprises, il appartient aux producteurs de s’organiser pour avoir un poids suffisant dans la négociation et faire valoir leurs intérêts. Cela va dans le sens de la responsabilisation des agriculteurs vis-à-vis de la qualité de leurs produits qu’il est de leur responsabilité de faire valoir auprès de l’acheteur. Et si au final, le produit n’est pas acheté à un prix suffisant, l’agriculteur est libre d’en cesser la production au profit d’autres produits. Et alors l’acheteur sera bien obligé de prendre ce qu’il trouve. Ainsi se fait la régulation naturelle du marché. La main invisible décrite par Adam Smith ne fonctionne que si acheteur et vendeur prennent leurs responsabilités. Si l’acheteur ne fait que pressurer parce qu’il peut acheter autant qu’il veut et moins cher à l’étranger, pourquoi s’en priverait-il ? Si le vendeur ne sait que se plaindre sans jamais se remettre en question, pourquoi se ferait-il respecter ? L’Etat est responsable d’organiser un cadre permettant au marché de trouver un fonctionnement satisfaisant pour tous, mais pas de remplacer l’une des parties sous prétexte qu’elle ne sait pas négocier. Les grandes surfaces ont des acheteurs professionnels ? Rien n’empêche les coopératives d’avoir des vendeurs professionnels. L’agriculture est un secteur économique normal, et il doit fonctionner de façon normale, même si le cadre à mettre en œuvre pour ce faire est spécifique compte tenu de l’exception alimentaire. Les agriculteurs doivent donc pouvoir en arriver à se comporter en chefs d’entreprises agricoles. C’est à eux de déterminer ce qu’ils veulent cultiver ou élever, et c’est à eux d’en assurer la commercialisation, que ce soit directement ou via des coopératives, que ce soit pour le marché national ou pour l’exportation. Et en retour, ils sont en droit d’attendre autre chose de leur travail que de trimer pour toucher des subventions couvrant à peine les remboursements à la banque. Quidam : C’est quand même une mutation radicale du secteur que vous préconisez là. Tous les paysans ne seraient pas forcément capables d’y survivre. Les jeunes agriculteurs, qui ont eu obligation de passer par des formations genre BTS agricole, ont le bagage technique nécessaire. Mais les générations les plus anciennes vont être dépassées. PG : Il y a de nombreux domaines de notre société qui nécessitent une mutation profonde. L’agriculture n’en est qu’un parmi d’autre. Mais il est vrai que là, les gens concernés, de par l’enracinement à la terre propre à leur activité, ne sont pas parmi les plus adaptables qui soient. Effectivement, les anciens, qui ont souvent appris le métier auprès de leurs parents avant d’hériter de l’exploitation familiale sans d’ailleurs forcément que ce ne soit leur vocation, auront plus de mal à s’adapter que les jeunes qui ont étudié l’agriculture dès le départ dans leurs cursus et qui ont volontairement choisi ce métier par motivation. Mais de toute façon, dans la perspective d’une reconversion complète de toute l’agriculture nationale au bio et au non intensif, il faudra forcément, pour tous ceux qui ne connaissent que le productivisme chimique et concentrationniste, un vaste plan d’accompagnement et de formation. Les agriculteurs reçoivent déjà régulièrement des formations et des informations de la part de la Direction de l’Agriculture et de la Forêt, des chambres d’agriculture, des coopératives auxquelles ils sont affiliés, de l’Institut National de la Recherche Agronomique, etc. Ce réseau de formation continu des agriculteurs existe donc. La problématique est alors surtout de former tous ces organismes pour qu’ils puissent ensuite retransmettre les bonnes façons de faire aux exploitants agricoles. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y a déjà pas mal d’agriculteurs travaillant le bio et qui détiennent une bonne partie du savoir-faire nécessaire. On sait donc où on va, même s’il y a matière à approfondir et à développer. Alors forcément, cela ne se fera pas en un jour. Mais en quelques années, oui, c’est possible. Bien que, je vous l’accorde, tous ne soient probablement pas en mesure de franchir le pas. C’est pourquoi j’envisage un système à deux branches pour accompagner cette mutation. La première branche est constituée de tous les paysans qui veulent conduire leurs exploitations de façon autonome et responsable, comme on conduit une entreprise produisant pour un marché libre. Et la deuxième, regroupera ceux qui ne veulent pas passer à cette nouvelle règle de fonctionnement. Leurs terres deviendront alors propriétés de l’Etat, et eux, des salariés du public, en charge d’effectuer sur ces exploitations publiques le travail défini par une administration espérée compétente. Ce pourra être des productions de réserves stratégiques de céréales par exemple, afin de se prémunir contre les ratés inévitables du fonctionnement de marché le temps que celui-ci trouve son équilibre, ainsi que contre des années de vaches maigres dues aux aléas météo toujours possibles, particulièrement en ces temps de changements climatiques. Mais ce peut être encore de simples opérations d’entretien sur des terres laissées en jachère ou en cours de restitution à la nature. Quidam : Ce serait là faire cohabiter un modèle de marché avec un modèle socialiste d’agriculture planifiée par l’Etat. J’ai quelque doute quant aux résultats d’une telle cohabitation. PG : Je n’en ai guère pour ma part, aussi longtemps que l’Etat se préserve de faire n’importe quoi, ce qui, il est vrai, n’est pas la principale qualité qu’il ait démontrée au cours de ces dernières décennies. Mais puisque nous sommes ici en train de refaire la société, accordons-nous pour le moment de simplement considérer les autorités publiques davantage capables de se montrer bonnes gestionnaires de l’intérêt public qu’actuellement tout en laissant le vaste sujet du comment pour plus tard. Donc avec une administration efficiente, on peut parfaitement imaginer que cette branche administrée de l’agriculture puisse servir de surproduction de sécurité sans pour autant impacter la recherche d’équilibre du marché puisque n’intervenant qu’en réserve, donc en dernier recours, et non en acteur normal. Toutefois, on sait bien, parce que l’histoire nous l’a démontré et qu’il faut savoir tirer les leçons des expériences passées, qu’un tel système est moins efficace sur la gestion à long terme des terres agricoles et qu’il importe donc qu’il demeure limité. Je pense utile que l’Etat garde le contrôle d’une certaine surface de terres agricoles, ne serait-ce que pour des productions stratégiques ainsi que je le disais. Mais l’essentiel des surfaces ainsi récupérées dans cette deuxième branche doivent être soit progressivement reversées vers la première branche, en les revendant aux exploitations privées désireuses de s’agrandir, soit retirées des terres agricoles, par exemple pour du reboisement et l’élargissement de parcs naturels. L’arbitrage entre surfaces à rendre à la nature ou à conserver aux fins agricoles ne pourra se faire que de façon pragmatique sur le long terme. Plus on constatera que le fonctionnement du marché agricole génère des surproductions par rapports aux besoins nationaux, tout en réservant de la place pour un peu d’agriculture d’exportation pour ceux qui le souhaitent, et plus il y aura matière à rendre des espaces à la nature. Au contraire, si on constate que le passage au bio et à l’élevage extensif demande de conserver en activité toutes les surfaces actuelles, alors tout sera à réinjecter au sein des exploitations autonomes privées. Quidam : Et oui, tout le problème est qu’il est bien difficile de savoir si le tout bio et tout extensif nous permettra d’être autosuffisant. Alors, n’êtes-vous pas un peu extrême sur le sujet ? S’est développé le concept d’agriculture raisonnée, comme juste milieu entre l’agrochimie et le 100% naturel. N’est-ce pas suffisant ? PG : Raisonnée, oui, mais selon quelle raison ? La mienne me dit que la nature est conçue pour nous fournir naturellement tout ce dont nous avons besoin. L’objectif doit donc rester les cultures 100% naturelles et l’élevage extensif respectueux de la vie animale. Mais pour autant, ça ne se fera pas en un jour. Ni de façon uniforme sur tout le pays. L’agriculture raisonnée est la première étape à généraliser dans les plus brefs délais, pour commencer par limiter les dégâts. Et progressivement ensuite, région par région, ou plus exactement bassin hydrologique par bassin hydrologique, de l’amont vers l’aval, une conversion au 100% bio devra être mise en place. Cette progressivité dans la transition permettra de ne pas être pris au dépourvu par un éventuel manque initial de productivité, notamment le temps que les sols retrouvent leur richesse naturelle et que les agriculteurs assimilent les nouvelles techniques et pratiques de leur métier, et notamment la diversité retrouvée des espèces cultivables selon les sols, climats et risques parasitaires. Cette mutation primordiale est possible sur un horizon que j’estime à dix ans. Il suffit que nous le voulions. Il suffit d’accepter de lâcher ses habitudes sécurisantes mais sclérosantes et de faire un pas en avant. Il suffit de savoir ce que l’on veut, et de poser clairement son choix : s’empoisonner à moyen terme sous prétexte de profits court terme et de peur du changement ou au contraire respecter la vie pour cultiver le bien-être durable ? Pour moi, le choix est sans équivoque. Et très urgent ! 08 : monde animal Quidam : Vous insistez pas mal sur le respect de la vie, et notamment sur le respect des animaux. Est-ce en application du précepte de Gandhi que vous m’avez cité ? PG : Bien évidemment. Ainsi que je le disais pour les élevages intensifs, la façon dont nous traitons les animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques, parle très directement de notre ouverture ou de notre manque de conscience. Car ce que nous faisons aux animaux, nous le faisons aussi aux humains, ainsi que le démontre tant les camps de concentration que l’égorgement à la chaîne de centaines de milliers d’humains lors du génocide arménien, ou lors de très nombreux autres massacres dont l’histoire regorge. Oserions-nous produire, comme actuellement, des aliments si éloignés de ce que devrait être la nourriture si ce n’est parce que, aux yeux de certains, les humains ne sont que du bétail dont il faut traire le porte-monnaie ? Mais les humains que nous prétendons être et qui traitent le bétail comme des usines à viande, allant jusqu’à leur faire manger leur congénères sous forme de farines animales, ne méritent-ils pas d’être traités de même en retour ? Il est un vieil adage que tout le monde connaît, bien qu’il soit si peu appliqué : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse ». Cela s’applique bien sûr à nos congénères, mais aussi à la vie en général, et à commencer par les animaux. Je conçois tout à fait qu’on écrase un moustique. Je suis moi-même fortement moustiquopathe, faute d’avoir trouvé un aspect positif à cet animal que je laisse donc au rang des purement nuisibles. Je conçois complètement qu’on n’arrête pas la pelle mécanique dès qu’on aperçoit un ver de terre, comme le feraient des bouddhistes tibétains. Je trouve ridicule d’arrêter plusieurs mois un chantier d’autoroute pour une espèce de scarabée rare alors même qu’il en apparaît et disparaît naturellement tous les jours. Je ne scrute pas non plus la route pour éviter d’écraser des fourmis lorsque je roule. Mais pour autant, je ne conçois pas qu’on puisse transporter le bétail dans de telles conditions, même s’il y a une tendance à l’amélioration à ce niveau, du moins dans notre pays. Je ne conçois pas qu’on puisse engraisser des poulets sans qu’ils ne voient jamais le jour. C’est une question de juste mesure entre les extrêmes. N’est-il pas curieux de constater que les films d’horreur jouent beaucoup sur cette peur primaire d’être mangé par un alien ou un dinosaure ? C’est assez risible d’y voir là un cauchemar alors que nous le faisons couramment avec la plupart des animaux, à commencer par ceux qui sont le plus proche de notre espèce humaine : les mammifères. Mais encore une fois, je ne prêche pas le végétarisme pour autant. C’est là un choix personnel, propre à chacun, même si je considère que, à terme, l’élévation progressive de nos consciences individuelles nous y conduira tous spontanément. Par contre, très clairement, en attendant, je prêche pour développer la conscience que manger de la viande implique de sacrifier un animal. Et que la moindre des choses est de lui en être gré, ne serait-ce qu’en lui offrant des conditions de vie décentes durant sa courte vie. Mais cela implique aussi que, lorsqu’un animal est sacrifié pour nos besoins, nous l’honorions en utilisant son corps au maximum possible. Car que dire de ces élevages qui ne visent à exploiter qu’une partie de l’animal, comme la fourrure des visons, en gaspillant tout le reste ? Quidam : Le débat concernant les manteaux de fourrure en est un relativement ancien maintenant, et les consciences évoluent doucement. PG : Oui, mais ce n’est pas pour ou contre la fourrure que doit être le débat. Puisque nous mangeons du lapin, il est normal d’en exploiter aussi la peau. Et je ne suis pas choqué par un manteau de fourrure en peau de lapin. Mais mangeons-nous du vison ? Du renard ? Ou bien ne les abattons-nous que pour leur seule fourrure ? C’est là un débat bien différent. Et qui ne peut conduire qu’à l’interdiction de l’élevage d’animaux pour leur seule fourrure, ainsi qu’à interdire tant l’import que le port de manteaux en peau d’animaux dont n’est pas faite une exploitation complète de la carcasse. Et quand je dis exploitation complète, je parle d’exploitation raisonnablement complète, ce qui rend acceptable une quantité limitée de rebut. Mais ça n’admet pas les astuces ignobles telles que réduire les restes en farine pour les donner à cannibaliser à leurs congénères. Toutefois, il n’y a pas que les animaux d’élevage : il y a aussi les animaux sauvages. Là aussi, il y a matière à développer le respect. On a beaucoup parlé de la sauvagerie de la chasse à la fourrure des bébés phoques, merci à Brigitte Bardot pour cet engagement fort et noble. Et là aussi c’est très différent de la chasse aux phoques adultes pour leur viande et leur graisse et où la quasi totalité de l’animal est exploitée, même si là aussi, la brutalité de la manière ne reflète absolument pas le respect de l’animal sacrifié pour nos besoins. Mais les pratiques inutilement cruelles sont légion de par le monde. Je suis tellement révolté de voir ces bateaux qui attrapent les requins par milliers, en coupent les ailerons vivants et les rejettent ainsi mutilés et condamnés à la mer, que je donnerais volontiers ordre à une marine de guerre de les couler, équipages avec. Si les requins étaient pêchés, abattus, puis dépecés, ailerons d’un côté et viande de l’autre, pour une exploitation de l’animal entier, ce serait là encore un tout autre débat. Quidam : Et encore le requin n’est-il pas l’animal le plus prompt à stimuler notre compassion. PG : C’est là un point de vue qui vous est personnel et que je ne partage pas. Je vous invite à visiter vos peurs primaires, et notamment celle de se faire croquer, pour voir autre chose dans un requin qu’une grande mâchoire. D’ailleurs, bien peu d’espèces de requin sont dangereuses pour l’homme, et quasiment aucune ne l’attaque spontanément. Le requin est un animal admirable, l’un des plus anciens sur la planète, qui est parvenu à s’adapter et à se perpétuer pendant que d’innombrables autres espèces s’éteignaient naturellement. Mais il risque maintenant de disparaître sous prétexte que les asiatiques s’imaginent stimuler leur virilité avec des soupes d’ailerons. Quelle bêtise ! Et ainsi disparaissent aussi les rhinocéros… et j’en passe. Je suis également révolté par les massacres de dauphins dans des baies rougies par le sang. Certains japonais ne voient dans le dauphin qu’un steak maritime. J’y vois une des espèces les plus intelligentes de la planète, et qui, malgré nos errements, entretient de surcroît une relation particulièrement bienveillante avec l’humanité comme en témoignent nombre de récits de marins sauvés par la prévenance de ces mammifères marins. Le respect des cultures différentes de la nôtre ne veut pas dire tout accepter. Mais faut-il, pour préserver les dauphins, déclarer la guerre aux japonais, peuple remarquable qui a par ailleurs bien des choses à nous apprendre dans d’autres domaines ? Non, évidemment. Ne pas accepter certaines pratiques n’implique pas d’entrer en opposition ouverte avec ceux qui ont des coutumes différentes. La limite entre militantisme et tolérance est délicate à trouver. Nous pouvons interdire cette pratique sur notre territoire et dans nos eaux territoriales, mais pas dans les autres pays. A ce niveau international, nous nous devons de partager ce monde. Ce qui veut dire aussi que certaines pratiques bannies par la majorité des nations au sein des instances internationales puissent être proscrites dans les eaux internationales communes, et donc limitées aux seuls domaines maritimes et territoires des pays en désaccord avec la mesure prise. Mais se pose alors le problème de faire respecter cette interdiction… Et puis nous avons nous même des pratiques qui peuvent révolter d’autres pays aux sensibilités différentes. Produire des régiments de grenouilles cul-de-jattes parce que certains gourmets aiment à en sacrifier de très nombreuses pour quelques bouchées de leurs seules cuisses, le reste de l’animal n’étant pas consommé, est, de mon point de vue, aussi critiquable que le massacre des requins pour leurs seuls ailerons. « Que celui qui est sans péché jette la première pierre » ! Alors il est plus constructif à long terme d’interpeller les consciences des autres peuples pour confronter les différents points de vue et tenter de faire valoir le nôtre. Mais sans jamais pouvoir être sûr qu’il soit supérieur à celui de l’autre. C’est pourquoi je rejoins Brassens pour ne pas souhaiter mourir pour des idées qui n’auront peut-être plus cours le lendemain. Chacun agit à un moment donné selon son niveau de conscience de l’instant. Et lorsque celui-ci évolue, on se retrouve à se regarder avec dégoût et culpabilité pour des actes passés, qui à l’époque pourtant nous paraissaient normaux. Voilà pourquoi, dans l’absolu, « il ne faut pas juger », comme disait un célèbre people d’il y a deux mille ans. Simplement parce que la seule chose dont nous puissions être sûrs, c’est que nous sommes loin de tout savoir. Et que l’échange nous permet d’approfondir notre réflexion, donc de nous enrichir les uns les autres de nos perspectives différentes. « Là où tous pensent pareil, nul ne pense beaucoup » dit le proverbe. Pourtant, dans la pratique, il y a de nombreuses situations où il est nécessaire de prendre position et où la tolérance ne peut se traduire par du laisser-faire. Particulière lorsqu’il faut gérer un pays, une société, un peuple. Cela implique un jugement, au mieux de sa conscience du moment. Et en s’abstenant, chose très difficile, de mépriser celui qui a un avis différent. Quidam : Alors que pensez-vous de traditions telles que la corrida ? Est-ce respectable ou condamnable ? PG : Vous êtes taquin de poser la question tant ma réponse ne peut faire de doute. J’en pense forcément qu’il est indigne de mettre ainsi à mort un animal dans une arène pour amuser le peuple. Si certains estiment que dompter le taureau est un rite d’hommage à la virilité, je n’ai rien contre. Les taureaux-piscines ou autres courses de vachettes sont des animations intéressantes, notamment pour permettre aux jeunes de se tester. Les lâchers de taureaux dans les rues d’une ville ne sont pas un problème non plus du moment que tout le monde en est averti et peut choisir d’y participer ou pas. Mais pourquoi faudrait-il, pour se sentir mâle, saigner à coups de banderilles une bête enfermée dans une arène, et finalement se croire fort d’achever l’animal agonisant d’un coup d’épée dans le garrot ? Alors disons plutôt que j’ai du respect pour le torero qui fait face au taureau en pleine forme et qui le fatigue progressivement par le travail d’esquive, car il est clair qu’il faut des « corones » pour aller défier ces bêtes à cornes. Je n’en ai guère pour celui qui se glorifie devant une bête blessée par des picadors à cheval. S’amuser de la souffrance d’un animal me semble très indigne d’un être humain. Alors je me réjouis qu’au pays même de la corrida, la province de Catalogne ait voté l’interdiction de cette pratique. Puisse le reste du monde faire de même. Quidam : Vous êtes très réducteur. Il y a quand même toute une tradition et une symbolique derrière la corrida. PG : Taratata. L’habit de lumière qui domine la force primaire et autres formulations creuses n’excusent rien du tout. Il y avait aussi toute une tradition et une symbolique derrière les sacrifices humains dans l’Amérique précolombienne, et ce n’est pas pour ça que c’est à encourager. Pareil pour la corrida. Quidam : Alors ça ne m’étonnerait pas que vous soyez contre la chasse ! PG : Vous vous trompez. Mais il est vrai que ma position sur ce sujet est très nuancée. D’abord, la chasse en tant que programme politique : j’avoue que ça me laisse assez dubitatif. Je ne comprends pas bien l’intérêt qu’il y a à constituer un parti politique ayant pour programme social la chasse ou la pêche. Qu’on se constitue en lobby pour faire valoir ses intérêts sur ces sujets, je le concevrais tout à fait. Mais en faire un parti politique, donc avec vocation à porter un projet sociétal, je crois qu’il y erreur. Vous me direz que l’écologie est dans le même cas. C’est un thème fondamental qui devrait être un pavé incontournable de tout programme politique de tout parti quel qu’il soit, mais ce n’est pas un projet de société en soi. Greenpeace, le World Wildlife Fund et j’en passe, sont à leur place par rapport à ce sujet. Les Verts, pour la partie verte, non. Mais il est vrai que l’appellation Verts est très abusive et résulte d’une confusion de couleur : en fait, ils sont plutôt kaki car fortement teintés de rose, étendant donc leur programme politique à bien autre chose que l’écologie. Mais je détourne un peu le sujet. Alors la chasse pour se nourrir, telle que pratiquée par les peuples dit sauvages, me semble tout à fait honorable. Et d’autant plus lorsqu’ils ont la conscience nécessaire pour respecter l’animal chassé. La chasse prétexte à immersion dans la nature comme cela se fait au Canada est respectable aussi. La chasse de régulation, notamment vis-à-vis des populations de sangliers et de chevreuils qui manquent chez nous de prédateurs naturels, se comprend aussi et semble nécessaire. Par contre, la chasse pour accrocher des trophées dans son salon et se croire fort sous prétexte que le fusil est plus puissant que le cuir du buffle me semble une condamnable vanité. Quant à la chasse prétexte à tirer sur tout ce qui bouge après avoir bu des bières entre copains, je vous laisse deviner en quelle faible estime je la tiens. En France, il y a un peu de chasse nutritive, un peu de chasse balade dans la nature, un peu de chasse régulatrice, peu de chasse au trophée faute d’animaux appropriés, mais pas mal de chasse beuverie. Et on en trouve même aussi un autre type plus inattendu : la chasse à l’opportunité, celle servant de prétexte à visiter les propriétés isolées pour y repérer ce qu’il y a à voler. Il m’a été donné de remarquer que ce dernier type est relativement fréquent dans le sud-est. Il est bien connu dans la campagne provençale qu’il ne faut rien laisser dehors si on s’absente de chez soi, particulièrement en période de chasse. Quidam : Oui, c’est malheureusement une réalité, mais qui tient plus des problèmes de sécurité que de la chasse en soi. PG : Mais la chasse est un problème de sécurité ! Et je ne vois pas pourquoi elle s’imposerait à tout un chacun dans l’espace public où les promeneurs se retrouvent en danger du fait de certains excités sans discernement. Nous ne disposons pas des immenses espaces canadiens. Notre nature disponible est assez réduite, et forcément, des aspirations très différentes s’y côtoient, créant des risques anormaux qu’il n’y a pas lieu de permettre. A l’exception des battues de régulation du gibier qui devraient d’ailleurs n’être la responsabilité que de chasseurs professionnels accrédités et missionnés par les autorités publiques, la chasse doit être limitée à des domaines privés dédiés. J’entends par là des hectares de forêt ou de garrigue ou de maquis ou de ce que vous voulez, achetés et gérés par une association de chasse à laquelle les chasseurs doivent adhérer pour pouvoir s’adonner à cette activité. Il n’est pas acceptable, au nom de la satisfaction du besoin de sécurité de tous, d’être mis en danger sur le domaine public par cette pratique au point de ne plus pouvoir s’y promener tranquillement pendant toute une partie de l’année sans risquer de prendre des plombs au détour d’un bosquet ou de tomber sur des chiens pas forcément sympathiques, malheureusement trop souvent fidèles miroirs de leur maîtres… De même, il n’est pas acceptable, toujours au nom du même souci de sécurité publique, qu’autant d’armes soient en libre circulation au nom de la chasse. On voit régulièrement ce que ça donne avec des excités qui tirent sur quelqu’un sous des prétextes les plus divers. Si la chasse n’est autorisée que dans l’espace bien délimité des domaines dédiés, l’association qui le gère peut alors facilement être accréditée par les pouvoirs publics pour devenir responsable de la bonne garde des armes de chasse de ses adhérents avec obligation pour ceux-ci de les y déposer en quittant le domaine. Les excités de tout poil, faute d’avoir un fusil à portée de main pour l’exprimer, auront alors davantage le temps de laisser passer leur coup de colère contre un voisin ou des jeunes trop bruyants. Et puis, la constitution de grands domaines de chasse sera d’autant plus facilitée que la densité de population du pays sera faible. Mais nous avons déjà parlé de la surpopulation et du besoin de rendre de l’espace à la nature, aux ours, aux loups, et j’en passe. Ce peut être aussi dans le but que s’y expriment, dans des espaces bien distincts, des aspirations aussi contradictoires que l’envie de se promener en famille et celle de tirer sur tout ce qui porte plumage ou fourrure… Apprendre à respecter la vie animale, c’est développer le respect de la vie en général. Simplement pour apprendre à nous respecter nous-mêmes. Et par extension, à respecter les différences d’autrui. Simplement pour apprendre à mieux vivre. A mieux vivre ensemble. 09 : mort, euthanasie, suicide Quidam : La façon de considérer la vie est effectivement très variable d’un individu à l’autre. PG : Tout comme la façon de considérer la mort d’ailleurs. Il est bien regrettable que ceux qui sont si prompts à la dispenser soient généralement si peu disposés à la recevoir. C’est pour le moins contradictoire. Quidam : Peut-on les blâmer ? Tout le monde a peur de la mort. PG : Ah non, pas tout le monde. Cela dépend des convictions de chacun. La façon de l’aborder peut être très différente d’un individu à l’autre, allant de la terreur du néant ou, pire, du purgatoire éternel, à la confiance sereine en un après radieux et rassurant. Car cette question est partie intégrante du questionnement existentiel le plus basique : quel est le but de l’existence ici-bas ? Selon que votre réponse personnelle est de vous préparer d’une façon ou d’une autre à une après-vie plutôt que de vivre carpe diem au jour le jour sans vous préoccuper d’un éventuel après, vous appréhenderez forcément la vie différemment. Et vous aborderez alors aussi la mort différemment. Inversement, la façon dont vous considèrerez la mort aura un gros impact sur votre existence. Beaucoup de gens n’osent pas vivre par peur. La peur du regard des autres est une puissante force de stagnation mais n’est basée que sur la vanité et le manque de confiance en soi. La peur de l’inconnu est autrement plus conséquente. Sa forme la plus exacerbée est justement la peur de la mort, c’est-à-dire la peur que le changement apporte la fin de l’existence, ce qui nous semble alors pouvoir être la fin de tout puisque c’est tout ce que nous connaissons. Dès lors, apprivoiser l’idée de la mort permet de se débarrasser de cette peur. Et on vivra d’autant mieux qu’on sera en paix avec la mort. La crainte de la mort enchaîne, tandis que la dépasser libère. Quidam : Mais c’est là une préoccupation très intime. A-t-elle vraiment sa place dans une discussion visant à refaire la société ? PG : Partant du principe que la société a pour objectif de répondre aux aspirations de ses citoyens, ce que vous pourrez en attendre sera très différent selon qu’elle répondra au souhait de vivre plutôt qu’à celui de ne pas mourir. Quidam : C’est quand même assez proche d’être la même chose, non ? PG : Pas pour moi en tout cas. La survie suffit pour ne pas mourir. Mais, comme disait mon lieutenant-instructeur de préparation militaire, « la survie n’est pas la vie ». La survie, ce ne sont que les deux premiers niveaux de la pyramide de Maslow. La vie, c’est toute la pyramide. La survie répond tout juste aux besoins de base des animaux. Alors vous pensez bien que ce ne sera aucunement le cas pour les besoins supérieurs d’un humain. Actuellement, notre société est régie par ce principe de repousser la mort et nous véhiculons dans notre culture le conditionnent de la craindre, comme si c’était la chose la plus terrible qui soit. Et de nombreuses mesures liberticides sont d’ailleurs prises au nom d’une intention sécuritaire excessive, cherchant à éviter quelques éventuels morts supplémentaires par an. Mais est-ce que ça en vaut toujours le coup ? Et le coût ? Le frein mis aux aspirations de vivre et d’expérimenter n’est-il pas bien plus contreproductif que quelques décès de plus chaque année ? Personnellement, quand on me dit « il est interdit de faire ça, c’est pour votre sécurité », je vois rouge. Elle a bon dos la sécurité. Qu’on me prévienne du danger, oui, qu’on me l’interdise, non ! C’est ma liberté que de choisir d’expérimenter le danger. Par contre, la contrepartie est évidemment la responsabilisation des gens vis-à-vis de leurs actes inconsidérés, notamment par le fait que la société n’ait pas à prendre en charge les conséquences de tout et n’importe quoi. Il faut bien conserver un minimum de sélection naturelle… Quidam : Ce qui m’amène à dire qu’un peu de peur de la mort, ça aide aussi à vivre… en nous incitant à rester en vie justement. PG : Il est clair que se libérer de la crainte de la mort ne doit pas devenir un moteur d’imprudence et d’inconséquence. Notamment parce que l’imprudence aura plus vite fait de vous mener dans une chaise roulante que dans un cercueil. Ici comme partout, il faut une juste mesure. Mais actuellement, nous sommes dans un extrême qu’il faut réajuster. La logique actuelle est : « dans le doute, abstiens-toi ». Et c’est exactement pourquoi les gens se sclérosent à cette idée, se brident et ne vivent plus pleinement. D’autres disent plutôt : « quand vous êtes dans le doute, faites un pas de plus pour améliorer votre perspective ». C’est un principe assez radicalement différent, non ? Quidam : Effectivement. Mais chacun a sa propre attitude face au risque et donc face au doute. Certains s’abstiennent, d’autres explorent. Cela relève tant du caractère personnel que de l’héritage culturel, voire cultuel. « Il faut de tout pour faire un monde », dit-on. Et c’est pourquoi, je reste un peu sceptique quant à l’intérêt pour la société de s’emparer du débat. PG : Les croyances et l’attitude face à l’inconnu sont effectivement affaire personnelle, mais la société a à traiter des effets de ces croyances et attitudes au sujet de la mort. Et ainsi que je le disais, l’un de ces effets est de dissuader les citoyens d’oser vivre pleinement. Quand ce n’est pas directement la société qui impose ce bridage par des mesures sécuritaires excessives. Une société qui a pour vocation de favoriser le bonheur de ses membres ne peut s’en satisfaire, parce qu’il est très difficile pour eux d’espérer répondre à leur besoin de réalisation en vivant avec le frein à main tiré. Elle se doit donc de stimuler le débat et la réflexion sur ce sujet, non pour apporter une solution toute faite mais pour que chacun trouve la sienne. Et de préférence pour que cette solution en soit une qui aide l’individu à vivre plutôt que de l’en empêcher. Alors il y a essentiellement deux façons de considérer la mort. Pour le matérialiste, qui croit que la vie est la résultante d’une coïncidence fortuite d’agencement de molécules ayant constitué des acides aminés, qui eux-mêmes se sont par hasard assemblés pour former le premier organisme unicellulaire, cet Adam amibien dont toute vie découlerait et dont nous descendrions tous si l’on en croit la théorie évolutionniste dérivant des travaux de Charles Darwin, forcément, il ne peut y avoir de vie en dehors du corps, donc pas de survivance de l’être après la mort. La mort est donc la fin. Ca peut effrayer, effectivement, et on peut comprendre la tendance à vouloir repousser au maximum cette échéance. En même temps, cela devrait amener l’individu à s’interroger sur l’intérêt même de cet intermède entre naissance et mort, si c’est pour qu’il n’en reste rien après son décès. La vie, hasard biochimique, éphémère et sans lendemain. Si c’est aussi insignifiant que ça, quelle logique y a-t-il, sauf tendance masochiste, à s’accrocher à cette existence dès lors qu’elle est porteuse, passé un certain âge, de souffrances sans perspective d’amélioration plutôt que de joies et de réalisations ? Je ne trouve que des contradictions dans les théories matérialistes, mais à chacun ses convictions. Si ces tentatives d’explications avancées par des scientifiques peuvent, malgré les immenses failles irrésolues qui les minent, suffisamment rassurer certains face à l’inconnu pour les inciter à réaliser au moins une partie de leur potentiel d’être humain, alors c’est une bonne croyance pour eux. Je ne m’étendrais pas sur les théories de panspermie selon lesquelles la vie sur Terre proviendrait d’un ensemencement venant de l’espace, que ce soit via des êtres unicellulaires ou des humanoïdes, car elles ne font que repousser la question de l’origine de la vie au niveau extra-planétaire. Par contre, au matérialisme pur et dur, basé sur un très improbable hasard, s’opposera la croyance d’une création par une intelligence supérieure, divine, dans un dessein spécifique. Cela regroupe de nombreuses variantes, comme par exemple expliquer l’apparition de l’amibe primordiale en remplaçant simplement le hasard par une volonté divine. Il se murmure d’ailleurs qu’Einstein aurait dit : « le hasard est le nom que prend Dieu pour voyager incognito ». J’ignore si ce sont là des paroles du vieil Albert tant certains semblent prompts à lui en prêter de nombreuses dans l’espoir que ça leur donne plus de poids, mais cela importe bien moins que la citation elle-même qui conserve toute sa valeur quel qu’en soit l’auteur. A l’autre extrémité de la palette des théories relevant de cette catégorie du dessein intelligent se trouve le créationnisme ex nihilo le plus absolu par claquement de doigt. Cette création, qu’elle soit par claquement de doigt ou par lente évolution dirigée, peut d’ailleurs se limiter à une œuvre purement matérielle d’un dieu créateur adepte des trains électriques et assimilés, et où la mort du corps signifierait, pour nous humains, la fin de l’être. On retomberait alors, à toutes fins pratiques pour ce débat, sur le cas matérialiste. Mais en général, est associé à cette création un côté occulte, âme, esprit, ou les deux, qui survit au corps, celui-ci n’étant que le véhicule physique d’une conscience immatérielle. Dès lors, la mort n’est pas la fin, mais le simple passage d’un état d’existence à un autre. Alors dans cette logique de vie continue, pourquoi s’accrocher à une existence de misère et de souffrance, dès lors que l’espoir de jours meilleurs est passé ? Pour que celui qui croit au purgatoire et se pense grand pécheur devant l’Eternel puisse repousser un peu une damnation également éternelle ? Qu’est-ce que quelques années de plus ou de moins face à l’éternité ? Curieusement, ceux qui se pensent justes et destinés au paradis tendent à s’accrocher de la même façon à leur vie terrestre. Pourquoi ? Est-ce uniquement par abnégation, pour donner un débouché professionnel à tous ces gens employés dans les mouroirs de la société ? Quidam : Là, clairement, vous parlez d’euthanasie. PG : Je parle d’abord de l’acharnement thérapeutique. Sous prétexte de chercher à repousser la mort, la société crée des situations bien plus dramatiques. Maintenir dans la souffrance des gens en phase terminale de maladies incurables a-t-il une logique ? Que ce soit dans une optique matérialiste de néant post-mortem ou dans une optique spiritualiste d’une vie après la vie, une survie dans la souffrance peut-elle être préférable à l’apaisement de la mort ? Jusqu’à quel point faut-il aller contre la nature, et, ce faisant, contre le bien-être d’un individu ? Par défaut, la société prône l’acharnement thérapeutique, le jusqu’au-boutisme médical, quitte à maintenir un corps à l’état de légume des années durant. Parce que la mort fait peur et que la société n’incite pas ses membres à la regarder en face pour se mettre en paix avec elle. Et aussi, il faut bien le dire, parce que certains intérêts économiques s’enrichissent grâce à cet état d’esprit. Car tout cela à un coût, qui est très lourd, qui pèse sur tous, et qui est loin d’être perdu pour tout le monde. Quidam : Enfin, vous ne pouvez quand même pas ramener ces questions de vie humaine à des considérations financières ! PG : Je regrette, mais la question financière fait partie du problème. L’argent utilisé pour maintenir dans une survie misérable des gens qui ne le souhaitent peut-être pas tant que ça, pourrait aussi être utilisé pour améliorer les conditions de vie d’autres personnes. Toute décision d’allocation de ressources limitées a un coût d’opportunité. Vous-même, est-ce que vous sacrifiez systématiquement vos vacances en donnant quelques milliers d’euros chaque fois que quelqu’un fait une quête pour permettre une transplantation cardiaque au profit d’un enfant financièrement défavorisé ? Non ? Alors trêve d’hypocrisies. Vous aussi vous comptabilisez le prix de la vie humaine. Et vous aussi vous considérez le coût de l’opportunité. Dans le cas de la société, lorsque les soins sont pris en charge par la collectivité, ces coûts vous sont transparents. Mais c’est bien vous qui payez tout ça. Avec vos impôts, vos taxes, vos cotisations. Et c’est transparent uniquement parce que vous ne voyez pas tout ce qui aurait pu être fait avec ces ressources détournées vers ces utilisations peu constructives. Pourquoi la société, dans sa quête d’optimisation de l’utilisation des ressources communes, devrait-elle donner la préférence à faire perdurer la souffrance des survivants plutôt qu’à investir dans le bien-être des vivants ? Parce que ça vous rassure ? Parce que l’acceptation de la mort n’est pas intégrée dans notre philosophie de vie ? Il faut cesser cette lâcheté. « Laissez les morts enterrer les morts » a dit Jésus voici fort fort longtemps au royaume de fort fort lointain. N’est-ce pas justement pour inciter les vivants à s’occuper de vivre plutôt qu’à se mortifier ? La société résulte de nos choix, qui eux-mêmes sont dictés par nos valeurs. Avons-nous, collectivement, les bonnes valeurs ? Quidam : Alors ces gens qui se réveillent après des années de coma, vous les sacrifieriez ? PG : D’abord, je parle de l’acharnement thérapeutique qui maintient dans la souffrance. Le comateux n’est pas en souffrance. Je ne dirai pas qu’il est inconscient puisque nombre de témoignages attestent que c’est parfois le contraire, mais il n’est pas maintenu sur le gril comme peut l’être une personne en phase terminale de cancer, que d’ailleurs on rend souvent semi-inconsciente par diverses drogues histoire d’atténuer ses douleurs. Mais il y a un moment où effectivement doit se poser la question de la limite jusqu’à laquelle la collectivité peut accepter de prendre en charge un comateux longue durée avant de le débrancher. Evidemment, ici comme souvent, la perspective individuelle s’oppose à la perspective collective. Et il est très difficile, voire impossible vu la limitation actuelle de nos consciences, de savoir, au cas par cas, quelle est la bonne décision. Pourtant la collectivité a aussi l’obligation de gérer les grands nombres. Pour un qui va se réveiller au bout de trente ans, combien ne se réveillent jamais ? Si les cas de comateux longue durée sont rares, le coût est facilement assumable par les ressources collectives. Il n’y a pas alors de problème et on peut accepter de donner du temps au temps avant de trancher la question de la probabilité du réveil ou pas du comateux. Mais si les cas devenaient trop nombreux, le problème pourrait commencer à se poser. Les comas de longue durée sont toutefois heureusement relativement peu fréquents. Par contre, il n’y a qu’à voir, dans les comptes de la sécurité sociale, le coût des traitements palliatifs de cancéreux incurables en phase terminale, parfois mis en coma artificiel, pour se rendre compte que nous avons largement franchi le seuil où cela pose problème. Car pendant qu’on se ruine pour prolonger leurs souffrances de quelques semaines, les budgets manquent pour l’enseignement, la justice, la police, et j’en passe. Notre société fait-elle les bons choix ? On peut s’interroger. Vous mentionniez tout à l’heure la question de l’euthanasie. Il y a une nuance à prendre en compte. L’euthanasie fait référence à la décision de mettre volontairement un terme à une situation de souffrance sans espoir d’un individu. C’est une décision qui doit appartenir à chacun, du moins tant que son état de conscience le lui permet, et avec laquelle la société ne doit avoir aucun droit d’interférer. Contrairement à ce qu’elle fait encore actuellement, même si la notion du droit à l’euthanasie, donc du droit à disposer de sa mort, le droit à mourir dans la dignité, fait lentement son chemin. La question de limiter l’acharnement thérapeutique est différente. Il ne s’agit pas là de mettre volontairement fin à une vie, mais d’arrêter, certes volontairement, de l’entretenir artificiellement. L’euthanasie offre la mort comme une libération, l’acharnement thérapeutique cherche à repousser une mort inéluctable. Quidam : Et vous appliqueriez le même raisonnement aux gens qui sont à l’état de légume sans être malade, sauf à considérer l’extrême vieillesse comme une maladie ? PG : Pourquoi ferais-je une différence ? Le facteur clé est l’existence ou pas d’un espoir raisonnable d’amélioration. On peut débattre sans fin de ce terme « raisonnable », tant il existe parfois des rémissions quasi miraculeuses de maladies considérées incurables, mais admettons cette notion sans chercher à la quantifier. Une personne très âgée qui a besoin d’un respirateur artificiel, de dialyse, de soins contre les escarres, d’alimentation par perfusion, d’aides-soignants pour la nettoyer, y compris lorsqu’elle fait ses besoins dans son lit, est-elle réellement en vie ou seulement maintenue dans un état de survie très artificielle ? Existe-t-il un espoir « raisonnable » que son état s’améliore ? Clairement pas. Alors il faut savoir poser une limite. Et ce d’autant plus que ce n’est pas un cas isolé, mais un cas fréquent qui pèse lourdement sur toute la société, au détriment des autres vivants. Quidam : Justement, où la situez-vous cette limite ? PG : Il y a plusieurs choses à prendre en compte. La frontière à partir de laquelle se pose la question de l’euthanasie se situe au seuil de la capacité à s’assumer pour les petits gestes quotidiens. L’existence humaine commence avec la satisfaction du premier niveau de besoin, les besoins physiologiques. Mais on peut distinguer dans ce niveau ce qui relève du fait d’avoir à manger pour que le corps soit nourri, de ce qui relève du simple fait de pouvoir porter cette nourriture à sa bouche. Si vous ne pouvez vous procurer à manger, la société peut y suppléer au titre de la solidarité. Mais si vous ne pouvez même pas manger tout seul, vous laver, faire vos besoins proprement, bref que même au niveau le plus basique vous ne pouvez prendre soin de votre corps par vous-mêmes, certes la société peut aussi aider, mais la question de savoir si vous êtes réellement en situation de vivre se pose. L’acharnement d’assistanat est assimilable dans le raisonnement à l’acharnement thérapeutique. C’est juste qu’une assistance humaine tient le rôle des appareils médicaux vitaux. Les limitations d’une société qui n’incite pas ses membres à se mettre en paix avec la question de la mort éclatent ici au grand jour. Autrefois, mais peut-être encore un peu aujourd’hui, dans certaines tribus amérindiennes, la mort était considérée comme faisant partie du cycle naturel de la vie dont ce n’est qu’une péripétie. Dès lors elle ne faisait pas peur et était acceptée. Les personnes âgées, lorsqu’elles ne se considéraient plus en état de s’assumer, de vivre dignement, partaient seules dans la forêt à la rencontre de leur mort. Elles vivaient leur existence pleinement le temps qu’il leur était possible de le faire, puis partaient dans la dignité pour « la dernière chasse », sans peser ni dégrader la vie des autres par une dépendance sans espoir. Bien sûr, j’ai conscience que c’est là une présentation caricaturale de ce principe et qu’il n’est jamais facile pour la personne concernée de prendre la décision, comme l’illustre fort bien le film « la ballade de Narayama » qui traite de ce même sujet mais au Japon. Car où se situe le seuil à partir duquel la vie digne devient impossible ? Et puis pourquoi pas un jour de plus, etc. Vous connaissez probablement l’histoire de la grenouille plongée dans de l’eau tiède qu’on chauffe progressivement et qui ne s’aperçoit que trop tard qu’elle a passé le seuil au-delà duquel elle n’est plus capable de s’en extraire. Mais une fois ce seuil passé, quelle estime de soi peut-on ressentir à survivre dans la dépendance ? Et se pose alors l’autre question : comment apprécier l’existence si la perspective encouragée par la société est celle d’une fin aussi misérable ? Quidam : La question semble légitime. Mais il en est une autre qui l’est également : est-il digne pour une société de se débarrasser ainsi de ses vieux, comme on se débarrasse de poids morts, sans considération pour tout ce qu’ils ont fait dans le passé, notamment pour en assurer la pérennité et la peupler ? PG : Difficile de se départir de cette culpabilité. Jusqu’où doit-on assistance à ses parents sous prétexte qu’ils nous ont torchés lorsque nous étions petits ? Leur devons-nous à un certain moment de sacrifier notre propre vie à nous occuper de la leur ? Chacun a sa propre réponse, en fonction de sa capacité d’abnégation et de dévouement. Mais aussi selon ses aspirations, ses moyens, et avec une forte influence de la qualité de la relation humaine qu’il a entretenue avec ses parents. On se dévouera plus facilement pour des parents aimants que pour des parents indignes, méchants, alcooliques, violents, voire pédophiles. Notre société actuelle considère que ça importe peu et que par défaut les enfants ont une obligation de prise en charge des parents, ne serait-ce que financièrement. Je n’adhère nullement à cette position. Car il faut aussi pousser le raisonnement un peu plus loin. Ne pourrait-on reprocher à certains parents de faire des enfants par intérêt, avec investissement éducatif minimum, juste pour disposer de quelqu’un qui s’occupe d’eux lorsqu’ils deviennent vieux, leur évitant de devoir prendre des décisions fatidiques ? La culpabilisation peut aussi fonctionner dans ce sens. Je suis pour que les gens soient responsables d’eux-mêmes, et que les relations humaines soient librement consenties. Je suis donc contre le fait que la prise en charge financière de la dépendance d’une personne âgée puisse retomber sur ses enfants contre leur gré. Et je suis pour que la personne qui n’est plus en capacité de s’assumer dans son existence quotidienne soit incitée à s’interroger sur l’utilité de s’accrocher à une existence devenue indigne et se préoccupe d’envisager la suite. Car votre question tend à déplacer un peu le problème. Certes la société, parce qu’elle se doit de gérer la masse, devra impérativement se doter de règles pour définir les limites de prise en charge de la grande dépendance. Mais elle doit avant tout travailler, en stimulant précisément le débat sur la prise de conscience et l’apaisement vis-à-vis de la mort, à favoriser le développement d’une démarche volontaire. La décision doit venir des personnes âgées elles-mêmes, pas de la société. La société ne doit que la rendre possible. Et si quelqu’un s’y refuse, ce sera son choix. Mais non cautionné par la société, donc sans assistance de celle-ci au-delà d’un certain seuil. Si une ou plusieurs personnes, que ce soient des descendants ou simplement des associations de gens aspirant à pratiquer bénévolement le dévouement, veulent prendre le relais, libre à eux. Il n’y a aucun problème avec ça. Mais il ne peut y avoir d’obligation sociale sur ce point. La société pose ses règles et définit les limites de son action, chacun ensuite décide pour lui-même. Il s’agit de promouvoir le droit à disposer de sa propre mort pour mourir dans la dignité. Et il s’agit d’inciter les gens à se mettre en paix avec la mort. Il ne s’agit pas d’exécutions programmées. Quidam : Heureuse précision ! Mais quand vous parlez du droit à disposer de sa propre mort, cela n’inclut-il pas le suicide ? PG : Absolument. Quelle est la différence entre suicide et euthanasie ? L’euthanasie n’est-elle pas qu’un suicide assisté ? Le suicide n’est-il pas simplement une auto-euthanasie ? Le vieillard amérindien qui part seul en forêt rencontrer sa mort, qu’elle prenne la forme d’un ours, d’un couguar, d’une chute dans un ravin ou d’un décès par inanition, se suicide-t-il ou s’euthanasie-t-il ? Ce n’est parfois ni l’un ni l’autre, mais le résultat est le même. Quidam : En effet, mais vous parliez d’euthanasie pour mettre un terme à une souffrance sans espoir, comme celle d’un malade incurable. Ce n’est pas le cas d’une personne qui se suicide. PG : Et qu’est donc un suicidé sinon quelqu’un qui est malade de la vie, et qui désespère au point de perdre espoir de renouer avec la joie ? La notion d’espoir est très personnelle et dépend complètement de la force intérieure que chacun a développée pour passer les coups durs de l’existence. Or je défends le droit à disposer de sa mort. Y compris pour d’apparentes mauvaises raisons, notion qui est hautement subjective. La société est basée sur le conditionnement, essentiellement religieux à l’origine d’ailleurs, selon lequel le suicide, le refus de la vie, est l’acte le plus terrible qui soit. Les religieux vous assurent d’ailleurs généralement des pires supplices de l’enfer si vous osez commettre un tel sacrilège. Evidemment, dans une logique selon laquelle l’existence est un don divin, et qu’il faut se multiplier aveuglément sans se préoccuper de l’inconséquence qu’il y a à le faire sans limite dans un monde limité, se donner la mort va à l’encontre des valeurs communément admises. Et ça bouscule les bien-pensants. Ca leur renvoie aussi le fait que le monde qu’ils ont bâti n’est peut-être pas si réussi que ça puisque des gens renoncent à y vivre. Ca leur renvoie le fait qu’ils n’ont pas su aider cette personne à se construire, à développer la force intérieure nécessaire pour affronter les aléas de l’existence. Ca leur renvoie leur propre échec collectif. Cette culpabilité est particulièrement patente dans la famille d’un adolescent suicidé… Parfois aussi, cet acte du suicide met les gens face à leur propre tendance inavouée à vouloir faire de même. Ceci dit, ne vous méprenez pas, je n’encourage pas au suicide. Pour avoir bien approfondi la question, je considère que ce n’est pas la meilleure des réponses aux défis de l’existence et qu’il y a toujours au moins une possibilité de remise en cause qui soit plus constructive. Par contre, je dis que la société, si elle portait un regard plus ouvert sur la question pourrait gérer le problème différemment et avec moins d’effets collatéraux. Car s’apitoyer sur le suicidé n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le suicidé est parti. Pour lui, c’est réglé et son futur, en admettant qu’il y ait survivance post-mortem, n’est plus du ressort de la collectivité. Mais, il y a ceux qui restent. La mère qui, en allumant les phares de sa voiture dans le garage pour partir au travail de bon matin, découvre soudain devant elle le cadavre pendu de son fils. Le conducteur de TGV ou de métro qui voit un corps s’exploser sans prévenir sur son pare-brise. Les gens dont l’appartement perd un mur lorsque le suicide de la petite voisine par le gaz dégénère en explosion. Les promeneurs qui voient un corps s’écraser à côté d’eux au bas d’un immeuble, voire sur eux avec les dégâts qu’on imagine comme dans le cas de feu la maman d’Amélie Poulain. La femme qui trouve son mari baignant dans son sang dans la baignoire, les veines sectionnées. On peut citer ainsi de nombreux exemples où le mode de suicide engendre des traumatismes très profonds pour autrui, et qui vont bien au-delà de la simple douleur affective. C’est exactement le même principe que ces gens qui deviennent agoraphobes à compter du jour où une bombe explose à côté d’eux dans la rue. Cela crée des cicatrices émotionnelles souvent indélébiles. Certes ça donne du travail aux psychologues et contribue ainsi à la croissance du sacro-saint PIB. Mais question augmentation du niveau de bonheur, c’est le zéro pointé ! N’y a-t-il pas lieu de se préoccuper aussi de ça ? Car guérir est toujours difficile et incertain, se résumant souvent dans ce domaine à apprendre aux gens à vivre malades. Prévenir est donc de loin préférable. Quidam : Je vous suis mais ne vois pas à quoi vous voulez en venir. PG : Imaginez que la société se dote de structures de suicide assisté, ou disons, pour être plus soft, de fin de vie volontaire, dédiées à recevoir les désespérés et les accompagner dans leur passage à l’acte. Quidam : Attendez, vous allez loin là. On ne va pas s’inspirer de Soleil Vert pour modeler notre société. PG : Tiens, c’est juste, je ne pensais plus à ce vieux film. Mais rassurez-vous, je ne parle nullement de centrales de production secrètes de croquettes à base de chair de suicidé pour sustenter une surpopulation en malnutrition chronique, même si ce scénario n’est jamais qu’une extension au bétail humain de ce que nous faisons déjà aux animaux. Non, je parle simplement d’une assistance au suicide pour sécuriser le passage à l’acte. Et pas simplement à destination des personnes suffisamment âgées pour souhaiter passer à autre chose, mais de toute personne en désamour profond avec la vie. Pour que ces gens puissent partir sans dégâts collatéraux pour ceux qui restent. Et dans les dégâts collatéraux, on peut inclure le fait de se jeter discrètement dans la Garonne, laissant derrière soi un éternel doute quant à cette disparition inexpliquée. Victime d’un psychopathe ou de lui-même ? Ici, au moins, on saura. Et la famille pourra plus facilement ensuite faire son deuil en conséquence. Quidam : Ce sont plutôt les structures d’accompagnement psychologiques pour les dissuader de passer à l’acte qu’il faut développer. PG : En quoi est-ce incompatible ? A quoi sert une structure d’écoute si les candidats au suicide, enfermés dans l’isolement de leur désespoir n’y font pas appel ? Du fait que le suicide soit aussi ouvertement réprouvé tant socialement que religieusement, combien de personnes portent en silence leur douleur existentielle, laissent croître leur désespoir sans en parler, jusqu’à ce qu’il devienne trop profond et qu’ils passent sans prévenir à l’acte ? Quand on n’a pas la force d’affronter l’existence, pourquoi faudrait-il avoir la force d’affronter un regard possiblement réprobateur ? Les réflexions stéréotypées, style « allons, faut se reprendre, tu te laisses aller », ou encore « c’est rien, tu déprimes un peu, ça va passer », sont-elles appropriées en pareils cas ? Combien de proches disent ensuite qu’ils n’auraient jamais imaginé qu’il en arrive là ? Voire qu’ils n’avaient rien soupçonné du tout de son désarroi ? Et combien d’autres disent que le suicidé l’avait mentionné mais qu’ils n’avaient pas su quoi répondre ? Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir le sens de la psychologie pour trouver les mots justes en pareil cas. Et un diplôme ne le garantit certainement pas non plus. Mais avec des structures dédiées à la fin de vie volontaire, probablement qu’il y aura davantage de chance de parler avec ces personnes, probablement que cet échange sera plus constructif, et probablement qu’un certain nombre d’entre elles, du fait de cette écoute préalable, en viendront à renoncer à cette extrémité. Et pour celles qui persisteront dans leur volonté, il leur sera proposé un moyen doux de passer à l’acte. Quidam : Vous risquez d’avoir du mal à recruter du personnel pour de tels centres. Pas tant pour la partie écoute psychologique que pour la partie mise à mort. PG : J’en doute fort. Au contraire même. Ce sera là un emploi bien plus noble que d’être dans une usine de fabrication de mines antipersonnelles ou autres engins de destruction, pour lesquels pourtant il n’y a aucun problème de recrutement. Toutefois, si c’est le cas, ce sera simplement signe que la démarche n’est pas comprise et qu’il faut l’expliquer davantage. Et puis en accompagnant l’acte, il y a un aspect important qui doit être pris en compte également. Cet aspect est nié par l’optique matérialiste, à tel point que c’est à se demander comment la croyance en une existence limitée au corps physique peut donner un sens suffisant à la vie pour éviter de sombrer dans le désespoir. Mais comme la science ne permet pas d’écarter l’hypothèse spirituelle, pour ne pas dire qu’elle la confirme par ses lacunes, se préoccuper de préparer à l’après-mort fait également partie des aspects que la société peut considérer comme un service à proposer à ses membres. Je ne parle évidemment pas ici de qualité de pierre tombale ni de finesse des cendres, car je suis plutôt ulcéré de voir le business racket qui s’est développé aussi à ce niveau et auquel personne ne devrait être obligé de recourir, même si chacun doit pouvoir conserver la liberté de le faire si du superflu post-mortem a du sens pour lui. C’est bien d’accompagnement spirituel dont je vous parle. Quelle qu’en soit la forme religieuse. Par exemple, dans notre société majoritairement, même si mollement, chrétienne, si l’on se base sur l’enseignement de Jésus que Mohammed a confirmé valable aussi pour les musulmans, il nous est dit : « il sera fait à chacun selon sa foi ». Qu’est-ce que ça peut vouloir dire sinon que la vie après la mort pourrait être considérablement influencée par ce que nous croyons au moment de notre décès ? De nombreuses traditions nous parlent de l’esprit créateur. Est-il alors déraisonnable de penser que celui qui croit qu’il ira brûler en enfer a de bonnes chances de vivre ça… un certain temps du moins, le temps pour son âme de se libérer de cette croyance et de passer à autre chose ? Tandis que celui qui se croit voué au paradis en goûtera peut-être les délices… au moins un certain temps. Alors, ne serait-ce qu’au bénéfice du doute, n’est-ce pas un service à rendre à un individu que de favoriser le travail de conscience pour que l’éventuelle vie après la mort soit plus favorable ? Quidam : En admettant ce principe, qui n’est qu’une hypothèse avec laquelle je ne suis guère familier, je ne suis pas sûr de bien saisir les implications de la chose. Qu’est-ce que ça changerait dans le cas du suicide ? PG : Une personne qui en vient au suicide est généralement une personne qui, ne trouvant plus que le néant au fond de son cœur au lieu de « respirer la joie de vivre », et notez que cette expression n’est pas anodine, considère que tout est néant. Alors si telle est sa foi au moment de se suicider, l’après-mort qu’elle se prépare, sur la base de cette hypothèse, est plutôt de flotter dans le néant… du moins un certain temps. Essayez de vous imaginer flottant quelques siècles durant dans un néant absolu, et vous m’en direz des nouvelles. Pas franchement réjouissant comme perspective. Si un accompagnement au moment du suicide favorise un échange préalable qui permet à la personne de positiver un minimum les choses avant de mourir, son après en sera radicalement transformé. Imaginez qu’au lieu d’une foi dans l’omniprésence du néant, vous en venez à admettre plutôt que le monde est plein de possibilités de joie, mais que, pour diverses raisons qui vous sont propres, vous ne souhaitez pas y poursuivre votre aventure, ou ne vous sentez pas la force de continuer à en affronter les aspects pénibles. Au lieu de glisser dans le néant, vous passez dans un autre monde, plein de possibilités, ce qui sera déjà une amélioration considérable. Au lieu de mourir avec la culpabilité de l’échec, vous partez avec l’amorce d’un pardon vis-à-vis de vous-mêmes. La plupart des religions proposent de prier pour accompagner les défunts dans leur voyage dans l’au-delà. Mais c’est faute de mieux. Et un accompagnement pré-mortem sera forcément préférable à des prières post-mortem. Même si l’un n’exclut pas l’autre. Si on considère que le rôle de la société est de favoriser notre réalisation dans la vie, mais que la mort est le terme supposément inéluctable de cette existence, bien préparer à la mort n’est-il pas aussi une obligation pour la société dans son service à ses membres ? Quidam : Mais c’est demander à la société de prendre des responsabilités à caractère religieux, ce qui n’est pas compatible avec sa nécessaire neutralité, sa laïcité. Et de plus, ce serait prendre des positions sur la base d’hypothèses, tout étant affaire de foi dans ce domaine, faute de preuve scientifique. PG : Il est vrai. Mais je ne demande pas là à la société de remplacer les religions. Simplement d’en favoriser la place dans les sujets qui en relève. Ce n’est pas transgresser sa neutralité, et cela n’empêche en rien le matérialiste de continuer à croire que toutes ces bondieuseries sont de la foutaise. Et puis, si tant de gens sont tentés par le suicide, n’est-ce pas aussi en grande partie à cause de la faillite spirituelle régnant au sein de notre société ? L’économiste Pareto a mis en avant le fait que, ceteris paribus, ce qui veut simplement dire « toute chose égale par ailleurs » mais le dire en latin ça en jette davantage, ceteris paribus donc, si une seule chose s’améliore, il y a globalement une amélioration. Logique, non ? Une chose est mieux, rien n’est moins bien, donc l’ensemble est un peu mieux. Comme quoi, de petites choses anodines peuvent suffire à laisser son nom dans l’histoire, sans nécessairement assassiner John Lennon… Dans notre cas, si avoir une vision plus positive de la mort permet de réduire l’appréhension de ce moment, et donc d’alléger ses craintes pour vivre plus sereinement, l’existence s’améliore. Ceux qui veulent continuer à refuser l’après-vie faute de preuve scientifique tangible, en ont le droit ; ils ont aussi tord et aussi raison que ceux qui veulent y croire faute de preuve scientifique du contraire. C’est affaire de foi. C’est personnel. Donc si dans ce moment de désespoir profond, l’existence de structures de fin de vie volontaire permet de favoriser un échange pré-mortem pour au moins améliorer l’état d’esprit du suicidé au moment de son passage à l’acte, au pire ça ne change rien, au mieux le suicidé bénéficie d’un lancement plus porteur dans l’au-delà. C’est une amélioration au sens de Pareto. Quidam : Un raisonnement de Shadock en somme, mais effectivement, si ça ne fait pas de mal tout en pouvant faire du bien, ça se défend. PG : Au final, je gage qu’améliorer la perspective du futur contribuera aussi à améliorer la perspective du présent et que le nombre de désespérés confirmant leur désir de passer à l’acte en sera plus réduit. Et puis surtout, il y aura moins de dégâts collatéraux en cas de confirmation de la volonté de se suicider, ce qui est quand même l’un des objectifs de base d’une société fondée en grande partie pour répondre au besoin de sécurité des individus. Et alors là, même plus besoin des théorisations sur l’optimum de Pareto pour parler d’amélioration. Mais au lieu de ça, et comme pour un certain nombre d’autres sujets d’ailleurs, la politique de l’autruche de la collectivité engendre davantage de problèmes alors qu’oser regarder la question en face apporterait au moins quelques solutions. Sous prétexte que la société considère que quelque chose est à décourager, voire à proscrire, elle relègue certains de ses membres à devoir recourir à des actes forcément accomplis dans de biens moins bonnes conditions et avec davantage de conséquences non maîtrisées. Et cela engendre davantage encore de problèmes. Les bien-pensants sont bousculés par le voile islamique ? Qu’ils commencent par arrêter de se voiler la face ! Quidam : Ce que vous dites me fait penser à la question de l’avortement. PG : Et à juste titre, car j’y pensais très fort aussi. Après une longue bataille morale, la France en est venue à l’autoriser. Mais avec un certains nombre de limites, notamment concernant l’âge du fœtus. Dès que quelqu’un se retrouve hors des clous, il est condamné à recourir à des actes clandestins et incertains. Heureusement, ces cas restent marginaux, la plupart des avortements pouvant être traitée dans le cadre légal normal. C’est mieux que dans de nombreux autres pays de par le monde qui condamnent encore l’interruption volontaire de grossesse. Mais c’est moins bien que dans d’autres qui offrent des possibilités d’intervention plus larges, permettant ainsi à certains de nos concitoyens laissés hors des clous de notre législation restrictive de trouver quand même, mais ailleurs, un peu de l’aide qu’ils sont en droit d’espérer. Quidam : Inutile, dès lors, de vous demander si vous êtes pour l’avortement. PG : Il est bien clair que je suis totalement pour. Je ne souscris pas aux arguments étroits des prétendus « pro-vie », qui y voient un acte criminel. Pour moi, il est bien plus criminel d’imposer un enfant non désiré qui aura toutes les chances d’avoir une existence misérable, peut-être quasi irrémédiablement marqué sur le plan affectif si sa mère le rejette, peut-être sur le plan matériel du démarrage dans la vie si ses parents n’ont pas les moyens de l’assumer, ou peut-être encore du fait de malformations physiques détectées avant la naissance. Ces militants pro-vie se posent-ils simplement la question du droit au bonheur ? Si des parents décident sciemment d’accepter un enfant annoncé par exemple comme trisomique, il n’y a aucun problème. Mais si c’est pour le rejeter après la naissance, je n’y vois rien de désirable. Vivre avec un enfant handicapé profond qu’il vous faudra prendre en charge toute votre vie, ce qui modifiera considérablement votre existence, n’est pas une décision anodine. Avoir assez d’amour et d’abnégation pour le faire est remarquable et rare. Mais se dire « qu’importe, la société s’en occupera » est assez irresponsable. De la même manière que l’immigration ne doit être autorisée que dans la limite où elle est intégrable, une naissance ne devrait avoir lieu qu’avec des perspectives d’offrir à ce nouvel être les conditions d’une existence constructive. La quête du bonheur et de son accomplissement est une démarche personnelle que rien ne peut garantir, mais un mauvais départ est clairement un handicap conséquent. Quidam : Quand même, n’avez-vous pas une optique un peu trop « jetable » de l’être humain ? N’est-ce pas paradoxal pour quelqu’un qui défend le respect de la vie ? PG : Si j’étais matérialiste, je vous répondrais : quoi d’autre ? Naître, grandir, travailler, vieillir, mourir… éphémère hasard biochimique sans lendemain, ainsi que je le disais tout à l’heure. Un humain après l’autre dans un long déroulé du temps, en attendant que l’espèce ne s’autodétruise, ainsi qu’elle semble bien partie pour le faire, rectifiant ainsi par elle-même cet accident biochimique qui lui donna naissance. N’est-ce pas alors effectivement la nature de l’humain que d’être jetable ? Mais je ne suis pas matérialiste. Je crois que l’existence terrestre est une école pour s’améliorer. Et je crois à la poursuite du voyage après la mort physique. Dès lors, le corps peut être jetable. Mais le jeter inutilement relève du gaspillage. Et je n’aime pas le gaspillage. Dans une optique d’évolution, de développement de conscience et donc de respect de la vie, l’être humain se doit aussi de respecter son propre corps. Mais respecter. Non s’y accrocher. Souvenez-vous de ce point capital : le but de la vie est de vivre, non de ne pas mourir. 10 : santé et sécurité sociale Quidam : J’ai souvenir d’un James Bond qui avait pour titre « Vivre et laisser mourir ». Il semble bien s’accorder avec votre point de vue. PG : Si on veut, mais avec une grosse nuance : laisser mourir quand c’est l’ordre naturel des choses. Pas d’acharnement thérapeutique mais pas de négligence pour autant. L’objectif est de se concentrer sur l’amélioration de la vie, pas de lutter à tout prix contre la mort. Il en résulte bien souvent que la mort est effectivement repoussée. Mais ce n’est qu’une conséquence de l’effort collectif pour améliorer l’existence en sécurisant la santé grâce à une réponse adaptée à la maladie ou aux accidents. Ce n’est pas un objectif en soi. Si le résultat est souvent le même, il découle d’une attitude différente, plus responsable, motivée par le respect de la vie et non par la peur de la mort. Vous avez une incapacité temporaire à travailler, voire à vous prendre en charge, ou même à vous nourrir, parce que vous êtes malade ou blessé ? Pas d’inquiétude : la collectivité ne vous laisse pas tomber et vous assiste pour passer ce cap difficile. Nous sommes en plein dans la réponse au besoin de sécurité, le deuxième niveau de la pyramide de Maslow. Au lieu de mourir de faim tout seul parce que votre jambe cassée vous empêche de travailler et de vous procurer à manger, l’aide apportée par le collectif permet de passer le cap de cette douloureuse expérience et de poursuivre votre existence. Quidam : Mais si c’est plus grave qu’un bras cassé ? Et que l’invalidité n’est pas que temporaire ? Si c’est un handicap permanent, qu’il soit de naissance, ou suite à un accident ou une maladie ? Et que c’est un handicap vraiment lourd et sans réelles perspectives d’amélioration ? Ne préconisez-vous pas l’euthanasie ? PG : La question s’aborde de la même façon, ou presque. Pour quelqu’un qui, comme moi, croit qu’il y a bien plus dans l’existence que la simple vie du corps, mais qui reconnaît avant tout mon absence de certitudes concernant ce domaine occulte, je ne peux que me ranger à la sagesse du fameux précepte : « il ne faut pas juger ». Simplement parce que nous ne savons pas. Croire n’est pas savoir. Quoique je croie, je ne sais pas si dans ce corps grabataire, l’âme vit une expérience qui lui est utile ou pas. Dès lors, je suis porté à distinguer la grande dépendance venue progressivement du fait du grand âge au terme d’une longue vie, de celle arrivée plus tôt dans l’existence, subitement ou pas. Dans le premier cas, je réaffirme qu’il faut savoir partir le moment venu, dans le second, je ne peux écarter les considérations occultes spirituelles. Et l’une de ces considérations est aussi que ce sont de formidables occasions pour l’entourage de développer le don de soi et l’amour inconditionnel. Un handicapé lourd conscient dispose donc du même droit que tout un chacun à disposer de sa vie et de sa mort. Sauf que dans son cas, sa décision impacte aussi l’existence de son entourage puisqu’il ne peut s’assumer et dépend de la bonne volonté d’autrui pour la survie au quotidien. Alors si autrui ne se résout pas à un sacrifice personnel si important, et que la personne concernée veut néanmoins poursuivre son expérience de vie, il reste la possibilité de centres spécialisés. Même si on sait bien que certains s’y trouveront abandonnés, sans lien affectif autre que celui proposé par les salariés en charge de s’occuper d’eux. Mais dans le cas d’un grabataire inconscient et abandonné, donc dont les responsables légaux se refusent à demander l’euthanasie sans pour autant assumer cet asservissement au moins partiel de leur vie à la grande dépendance de ce proche, il est clair que la société peut être amenée, à un moment donné et dans certains cas, à trancher. Et à plus forte raison s’il n’y a aucun proche pour prendre une décision. Quidam : Ca risque de faire scandale. PG : Pas plus que pour une personne très âgée ou pour un comateux longue durée. C’est l’affectivité et l’émotivité qui vous fait considérer les choses différemment. Un jeune handicapé moteur, ça incite davantage à s’apitoyer qu’un vieux gâteux impotent, incontinent et atteint d’Alzheimer. Et pourtant, objectivement, la situation n’est pas fondamentalement différente. Mais à défaut de proches, et pour éviter les cas de gens qui n’intéressent plus personne sinon ceux dont c’est le métier, la porte est ouverte pour que des bénévoles puissent assurer une présence humaine auprès de ces personnes. On trouve toujours des gens prêts à se lancer dans tout un tas de causes plus ou moins justifiées, simplement pour le besoin de se chercher une utilité. C’est un processus normal de la recherche de valorisation. On voit, par exemple, des gens se mobiliser contre la condamnation à mort par lapidation d’une iranienne accusée d’avoir assassiné son mari, mais sans pour autant se mobiliser à l’identique contre la peine de mort dans certains états des USA. Il semble que l’injection ou la chaise électrique soient plus acceptables à leurs yeux que le jet de pierres. Entre effets de mode et émotivité, tout le monde ne fait pas toujours preuve de la pondération et du discernement qui seraient souhaitables pour favoriser une action juste. Alors que, sans aller se mêler de ce qui se passe dans d’autres pays, faire du bénévolat à proximité pour assurer une présence humaine bienveillante auprès de tels handicapés profonds relève clairement d’une action juste, et d’une très bonne façon de satisfaire son légitime besoin d’être utile. Voire, si la compassion se développe suffisamment, de s’approcher d’un accomplissement personnel. Quidam : La question des moyens demeure quand même essentielle. Avec des infirmiers et des aides-soignants à domicile, des subventions pour les appareils spécifiques, etc., la charge pour les proches est tout de même nettement plus limitée. Et davantage de grands handicapés pourraient être gardés chez eux plutôt que placés en centres. Est-il acceptable de réduire ces questions de vie humaine à des questions d’argent ? PG : Je ne réduis certainement pas la question à ça, puisque j’ai insisté sur la dimension profondément humaine de ces situations, voire leurs implications spirituelles. Et notamment le fait que ce sont d’exceptionnelles opportunités de développer sa capacité d’amour et de don de soi. Mais cela relève du domaine personnel. Du point de vue collectif de la société, nous ne pouvons pour autant faire l’autruche et occulter la réalité financière. Il est indéniable que le poids sur l’existence des proches varie selon les moyens que la société peut consacrer à les aider. Or ces moyens sont limités et il faut partager aussi avec les biens-portants qui ont d’autres besoins. Le handicap appelle une aide, il ne confère pas de privilèges. Et ce principe s’applique également à toutes les autres problématiques d’exclusion, quelles qu’en soit les racines. Au passage, votre remarque est assez symptomatique du conditionnement « bien-pensant ». Alors je vais simplement vous reposer à peu près la même question que tout à l’heure : êtes-vous prêt à sacrifier vos vacances annuelles en famille pour payer le supplément d’impôts qui permettra d’assurer « toute » l’aide nécessaire à l’accompagnement des handicaps lourds ? Non ? En fait, c’est une question de savoir combien ça va réellement vous coûter. Si c’est quelques cocktails en moins au bord de la piscine du club de vacances, ça ira probablement. Si c’est partir en camping dans votre jardin au lieu d’une croisière sur le Nil, votre réponse risque d’être différente. Lorsqu’il y a proportionnellement peu de cas à prendre en charge par la collectivité, le coût pesant sur chacun reste limité et acceptable. S’il y en a trop, ça ne l’est plus. Quidam : Mais alors, comment définir « trop » ? PG : Quand les ressources nécessaires ne sont plus suffisantes, tant de par les choix faits par la société que de par les choix personnels des contribuables, le trop est atteint. Trop est une notion totalement relative. Si les valeurs de la société sont axées sur l’individualisme et le loisir tout en privilégiant d’autres domaines d’utilisation des ressources collectives, il en faut peu pour arriver à trop. Si elles sont basées sur l’aide à autrui, le bénévolat, l’acceptation de contributions élevées pour un service maximum envers la dépendance, il faudra beaucoup avant d’en être à trop. Mais si la société continue de regarder sans rien faire les jeunes dégrader leurs testicules et leurs ovaires à coup d’irradiation par les téléphones portables stockés dans leur poche, ou qu’elle continue à laisser notre patrimoine génétique être attaqué par une alimentation de plus en plus empoisonnée et un environnement de plus en plus toxique, nous nous préparons à un afflux de bébés mal formés qui risque de rapidement nous propulser bien au-delà de la limite du trop. Quidam : Vous croyez vraiment que nous risquons d’en arriver là un jour ? PG : Il semble qu’au Viêt-Nam, trente-cinq ans après la fin de la guerre, les taux de malformation à la naissance soient encore trois à quatre cent fois supérieurs à la moyenne mondiale, du fait de tous les produits déversés par les américains pendant leurs dix ans de lutte contre le Vietminh et qui ont durablement pollué ce magnifique pays. A Bhopal, en Inde, les malformations de nouveau-nés sont également monnaie courante depuis le désastre de Union Carbyde en 1984. Alors avec le rythme de pollution globale accélérée de notre environnement, cette situation ne peut que se propager progressivement mais sûrement. Quant aux médecins ukrainiens de la région entourant Tchernobyl, ils sont régulièrement confrontés à cette problématique de devoir euthanasier des nouveau-nés relativement monstrueux. Quidam : Il parait, oui, mais nous n’en sommes pas là en France. PG : Oh, avec la banalisation de l’incorporation de déchets radioactifs dans les biens de consommation et les matériaux de construction, nous risquons de nous en rapprocher plus vite que nous ne pouvons le penser. Les iraquiens, dont l’environnement a été généreusement contaminé par l’usage de munitions à l’uranium supposément appauvri, nous donnerons bientôt un aperçu de ce qui nous attend. Nous jouons à ce niveau avec des choses que nous ne maîtrisons absolument pas. Mais même sans ça, ce sujet mérite considération. Pour le simple fait qu’il interpelle notre conscience et nous force à interroger et approfondir notre conception de l’existence. Cependant, au-delà des valeurs et considérations spirituelles personnelles, il y a indéniablement un impact social à prendre en compte. Nous sommes dans un monde matériel fini, avec des ressources limitées. La société résulte donc de choix. Et on retrouve notre ami Pareto pour dire que si on enlève des ressources à l’entretien des routes pour améliorer l’assistance aux handicapés lourds, ce n’est pas une amélioration, mais un choix. Si un jour nous parvenons à vivre dans un paradis d’abondance illimitée, la question des choix se posera différemment. Mais pour le moment, une société doit gérer ses priorités. L’aide aux personnes dans l’adversité fait partie de ces priorités puisque ça répond au besoin fondamental de sécurité, mais avec les limites qu’impose la bonne gestion aussi de tout un tas d’autres priorités pour la préservation de l’intérêt commun. On ne peut asservir tout le monde aux intérêts de quelques uns. Et cela vaut aussi bien pour la prise en charge des handicapés lourds que pour la maximisation du profit des grands argentiers de la planète, qui ne sont finalement que des handicapés de la conscience. Toute la difficulté de la vie consiste à trouver en toute chose, y compris dans ce cas délicat, la juste mesure. Quidam : A l’heure où on ne parle que du déficit de la sécurité sociale, où est la juste mesure en matière de prise en charge médicale ? PG : La juste mesure voudrait qu’on se préoccupe davantage de santé que de maladie. Or on constate qu’il y a tout un système extrêmement coûteux pour tenter de soigner la maladie, mais que pour éviter de tomber malade, il n’y a guère d’effort. Inconséquence des politiques qui favorisent le profit immédiat au détriment du principe de précaution ? Ou déresponsabilisation des individus vis-à-vis de leur propre santé ? Forcément les deux. De nombreuses voix s’inquiètent des risques pour la santé humaine de toute la pollution électromagnétique, et pas seulement celle engendrée par les antennes-relais de téléphonie portable, mais le gouvernement préfère encourager la recherche contre le cancer du cerveau qui risque d’en découler plutôt que de prévenir le risque. De même, des études indépendantes démontrent que les aliments OGM sont loin d’être aussi inoffensifs que veulent nous le faire croire ceux qui les vendent, mais là encore, la volonté politique ne semble guère préoccupée d’appliquer le principe de précaution pour protéger la population. Les philosophies orientales ont une petite histoire qui illustre bien ce principe du mieux vaut prévenir que guérir : Un homme qui sait nager et un qui ne sait pas arrivent au bord d’une rivière. Ils aperçoivent quelqu’un qui dérive dans le courant, en train de se noyer. L’homme qui sait nager plonge et le sauve. Mais voilà qu’un autre dérive, aussi en train de se noyer. L’homme qui sait nager replonge, et le sauve également. Puis un troisième dérive, et l’homme le sauve également. Mais en arrive un quatrième. L’homme qui sait nager ne plonge pas et commence à remonter la rivière. L’homme qui ne sait pas nager l’interpelle : « Mais, vas-tu le laisser se noyer » ? Alors l’homme qui sait nager lui répond : « je ne vais pas pouvoir continuer à les sauver tous encore bien longtemps ; je crois qu’il est plus urgent d’aller voir en amont pourquoi tant de gens tombent à l’eau » ! Bon évidemment, si l’homme qui ne sait pas nager avait un peu plus de jugeote, il serait allé lui-même à la recherche du problème en amont de la rivière, pendant que son collègue aurait continué à sauver les gens qui se noient. Mais bon. L’intérêt de cette histoire est d’illustrer le fait qu’il est plus important de solutionner la cause que de chercher à traiter les conséquences. Or tout le système de soins officiel, la médecine dite allopathique, est basé sur le traitement des symptômes, pas celui des causes. C’est pourquoi je dis que ce n’est pas une politique de santé mais une politique de maladie. Il en va d’ailleurs de même de l’essentiel des actions humanitaires de par le monde. Les ONG apportent du riz aux affamés, parfois se préoccupent de leur apprendre à creuser des puits pour relancer leur agriculture, ce qui est beaucoup mieux, mais les causes politiques et de surpopulation qui engendrent ces situations de misère et de famine récurrentes, celles-là, elles ne sont pas franchement traitées. Alors l’extrême misère perdure au lieu d’avoir été éradiquée depuis longtemps. Un proverbe chinois dit : « si un homme à faim, ne lui donne pas ton poisson, apprends lui à pêcher ». C’est uniquement cette démarche-là qui peut être constructive sur le long terme. Et puis n’est-il pas infiniment plus gratifiant d’avoir aidé quelqu’un à atteindre l’autonomie que de le maintenir dans une survie dépendante ? C’est toute la différence qu’il y a entre s’accomplir dans le cinquième niveau de besoin de Maslow, et n’en être qu’à la recherche de reconnaissance superficielle du quatrième niveau. Quidam : Ce n’est pas faux. C’est une autre approche de ce même problème dont nous avons déjà parlé en discutant de l’immigration. Mais pour en revenir à notre système de santé, qu’est-ce qu’il faudrait changer selon vous ? PG : La médecine allopathique ne traite que les conséquences. Vous avez de la fièvre ? On vous donne un médicament contre la fièvre. Mais la cause de cette fièvre ? Une grippe ? On vous rajoute un antibiotique. Mais le pourquoi vous avez attrapé la grippe, là, c’est le silence. On vous dit que c’est à cause d’un virus. On vous propose un vaccin. Mais pourquoi avez-vous été contaminé par ce virus alors que votre voisin ne l’a pas été, là, pas de réponse. Au passage, on s’aperçoit qu’à force de balancer des antibiotiques à tout bout de champ les maladies deviennent plus résistantes, ce qui semblait relativement évident. On s’aperçoit que le vaccin prétend vous protéger contre la grippe, peut-être, sans réelle certitude, alors que des études semblent pointer du doigt une corrélation entre le développement des cas d’autisme et d’Alzheimer et le développement de la vaccination, sans parler de risques d’effets secondaires parfois clairement établis telle la sclérose en plaque suite à certains vaccins contre l’hépatite dans les années 70. La médecine officielle, celle qui est défendue bec et ongle par l’ordre des médecins et les lobbies pharmaceutiques, écarte tout ça d’un revers de main aussi longtemps qu’elle le peut, enfermée dans le dogmatisme étroit de leur ordre et la quête du profit des laboratoires. Mais petit à petit, les pouvoirs publics commencent à prendre conscience de certaines choses qui semblent du bon sens. Quidam : Comme « les antibiotiques, c’est pas automatique » ? PG : Par exemple. Mais il a fallu le déficit chronique de la sécu et la recherche de sources d’économies pour en arriver à des slogans de ce type. Ce même déficit qui donne d’ailleurs des arguments à l’ordre des médecins pour ériger des barrières contre les médecines alternatives et les innovations thérapeutiques. Rendez-vous compte, tous ces charlatans qui prétendent vous guérir avec des produits naturels non brevetés, voire, pire, sans rien. Quel sacrilège ! Or si votre médecin n’arrive pas à vous guérir, n’est-il pas tout autant charlatan que le marabout local qui n’y arrive pas non plus ? Est-ce la méthode qui définit le charlatanisme, ou l’absence de résultat ? Des thérapeutes ont annoncé avoir vaincu le cancer. Hammer, Beljanski, et d’autres. Ils ont été pourchassés par l’ordre des médecins, à travers différents pays, comme aux plus belles heures de l’inquisition. Mais moi, citoyen lambda, ce que j’attends de la société, ce n’est pas de protéger les intérêts de la mafia médicale. C’est d’assurer une exploration scientifique, c’est à dire ouverte et sans préjugé, de toutes les voies thérapeutiques nouvelles qui pourraient se présenter. Si les méthodes Hammer ou Beljanski sont mauvaises, ça doit se prouver en étudiant cliniquement et publiquement leurs résultats, pas en les mettant en prison. Et si elles sont bonnes, il faut remballer les vendeurs de chimiothérapies. Plus probablement, la santé n’étant pas une science exacte mais à adapter à chaque cas, différentes méthodes seront bonnes ou mauvaises selon les patients. Il semblerait que Pasteur, cet icône de la vaccination dont il n’est d’ailleurs pas si sûr qu’il fut ce qu’en retient la légende et contre lequel s’élèvent certaines voix qu’il faut aussi savoir prendre en compte tant il est vrai que la contradiction est un moteur de progrès, aurait reconnu à la fin de sa vie que Claude Bernard avait raison : « le virus n’est rien, le terrain est tout ». Mais qui se préoccupe du « terrain » spécifique à chaque patient dans notre médecine officielle ? Ce sont plutôt les médecines alternatives qui s’en soucient de ce terrain. Alors il ne faut pas jeter les bonnes choses sans discernement. La médecine moderne est très performante, et probablement irremplaçable, dans le domaine des urgences, où il s’agit de traiter très rapidement des problèmes mécaniques graves du corps. Mais ce n’est pas une raison, dans le suivi médical à long terme de la santé d’un individu, d’écarter les apports de la médecine alternative. Il faut en finir avec le sectarisme médical. Certains réagissent très bien à l’homéopathie, d’autres ce sera plutôt à l’acupuncture, d’autres encore ont une composante psychosomatique très forte et réagiront mieux à la sophrologie, ou à l’hypnose, tandis que d’autres encore auront besoin d’un remède de cheval bien chimique pour résoudre un problème, etc. Les gens doivent avoir le choix et le droit de chercher ce qui est le mieux pour eux. Quidam : Mais alors si vous voulez rembourser tout ça, ce n’est un plus trou qu’aura la sécu, mais un gouffre. PG : C’est déjà un gouffre qui mine la branche maladie de la sécurité sociale. Et il menace très directement un des piliers de notre société : le droit aux soins, indépendamment de leurs coûts. Mais nous y reviendrons. Non, je ne pense pas qu’il faille tout rembourser. Ce serait déresponsabilisant. Et les gens doivent au contraire reprendre leur responsabilité sur leur santé au lieu de s’en défausser sur leur médecin et se plaindre qu’ils sont malades. Et si certains sont motivés à explorer des méthodes alternatives, s’assurer que c’est fait en pleine connaissance de cause est légitime, mais lancer des chasses aux sorcières inquisitoriales pour exercice illégal de la médecine afin de préserver une corporation de diplômés ne l’est pas. Entre tout rembourser et exclure tout ce qui n’est pas allopathique, il y a une juste mesure à trouver. Et qui dépend aussi, encore et toujours, des moyens que la société peut et veut allouer à cette question. Certaines techniques seront reconnues et intégrées au remboursement de la Sécurité Sociale, d’autres non. En fonction de ce simple critère, les gens sauront s’ils s’engagent sur une voie officiellement reconnue ou sur une piste alternative, à leurs risques et périls en quelque sorte. Une chose est sûre toutefois, il ne peut être laissé un chèque en blanc aux médecins pour faire ce qu’ils veulent. Du moment qu’il y a remboursement, il doit y avoir contrôle, et aussi bien du diagnostic que du traitement. Ceux qui veulent invoquer le fameux secret médical pour justifier de leur revendication à faire ce qu’ils veulent sans rendre de compte, ce qui est surtout pratique pour masquer leurs échecs voire leur incompétence, devront apprendre à pratiquer hors du circuit reconnu par la sécurité sociale, et à se passer de remboursements. Ils pourront utilement s’informer auprès de leurs collègues des médecines alternatives sur le pour et le contre de cette situation. Les médecins doivent donc motiver et expliquer leurs décisions à l’organisme qui les paye. S’ils prescrivent tel ou tel examen coûteux, il faut qu’ils puissent le justifier autrement que par le simple souci de vérifier « à tout hasard ». Certes, le principe de précaution s’applique aussi à ce niveau, mais il ne peut non plus justifier tous les excès. Juste mesure, encore et toujours. Quidam : Là, vous pouvez vous attendre à une levée de bouclier de la part des médecins. PG : Forcément. Mais si personne n’est prêt à se remettre en cause, autant abandonner immédiatement l’espoir de faire évoluer la société et attendre qu’elle s’effondre pour que les gens commencent à réfléchir. La médecine doit se remettre en cause. Ne serait-ce que parce que plus elle progresse, plus nous sommes malades. Si ce n’est pas signe qu’il y a quelque chose qui ne va pas… Et ce qui ne va pas, c’est certes l’optique trop matérialiste de la médecine officielle, mais aussi les lacunes de la politique de santé du gouvernement. A force d’imposer des normes de sécurité alimentaire de plus en plus draconiennes pour éviter, une fois de temps en temps, un décès par intoxication, c’est la population entière qui est devenue immunodéficiente et qui tombe malade au moindre petit microbe, sans même besoin d’un crobe entier. La dérive de notre alimentation est au premier chef de cette dérive sanitaire globale. Nous en avons déjà parlé : des aliments avec toujours moins de vitalité parce que toujours plus industrialisés ou provenant de l’autre bout du monde, cueillis avant maturité avec force pesticide et conservateur. A cet égard, des normes de sécurité alimentaire sont effectivement nécessaires pour éviter un empoisonnement de masse. Mais la bureaucratie s’en est trop mêlé, l’internationalisation aussi, les instances européennes et j’en passe, et la petite bergerie de montagne qui a fourni des fromages plus nauséabonds qu’un putois incontinent à des générations de centenaires a fermé ses portes, faute de conformité sanitaire. Et le développement des produits ménagers désinfectants pour aseptiser notre domicile n’y est pas étranger non plus. A force de faire la chasse à la vie invisible autour de nous, notre corps finit par ne plus savoir y faire face. Comme quoi, la quantité de détergents et de javel qui part dans les canalisations n’est pas qu’un problème environnemental. Ces produits impactent aussi notre santé dès leur utilisation. Il y a urgence à faire évoluer les mentalités sur tous ces points. Il y a urgence à repenser tous ces gestes et toutes ces normes pour discerner entre ce qui est utile et constructif sur le long terme, et ce qui nous coupe toujours plus de la nature sans laquelle nous ne pouvons pas vivre pleinement. A ne pas savoir accepter la mort de quelques uns de temps en temps, selon l’ordre naturel des choses, on en vient à mettre tout le monde en danger. Il y a urgence à promouvoir une politique de santé à la source. Et ça allègera à terme le besoin en aval d’une politique de la maladie. Mais cela passe par une prise de conscience de la société dans son ensemble. Et une responsabilisation individuelle. Quidam : Par contre, à court terme, le problème de la sécu reste entier. PG : Certaines tendances lourdes ne peuvent effectivement pas se solutionner du jour au lendemain. Mais il y a quand même des mesures qui peuvent être prises à court terme. La mise en place du contrôle des diagnostics et des prescriptions par la sécurité sociale en est une, histoire de cesser de rembourser des examens inutiles ou des excès de médicaments. Il faut pour cela qu’elle se dote d’un organe de contrôle suffisant en taille pour traiter le volume des prescriptions, mais aussi que celui-ci soit compétent pour apprécier voire questionner les diagnostics et leur traitement. Et dans une logique de responsabiliser les gens à leur santé et à leur consommation médicale, pourquoi obligatoirement rajouter le coût d’une consultation chez le médecin traitant avant d’aller voir un spécialiste ? Si le patient va en voir un à mauvais escient, alors qu’il en assume le coût en n’étant pas ou mal remboursé. S’il n’est pas sûr, alors effectivement, il est logique de consulter d’abord un généraliste. Par ailleurs, le médecin traitant est supposé centraliser le dossier médical d’un patient et est rémunéré par la sécurité sociale pour ce faire. Mais c’est un service informatique central et national qui doit le centraliser. Pour que n’importe quel médecin que vous allez voir n’importe où dans le pays puisse y accéder, par exemple en vous faisant simplement saisir un code personnel pour lui en donner le droit, à moins d’intégrer ce droit d’accès dans une carte d’identité électronique et polyvalente intégrant la fonction carte Vitale, pour en finir avec le gaspillage de la multiplication inutile des supports. Et il faut prévoir un droit d’accès même sans code personnel pour les services d’urgences amenés à traiter un patient inconscient mais identifié, afin de s’éviter à chaque fois nombre d’examens qui ont déjà été faits tels que le groupe sanguin, les allergies à certains médicaments, etc. Ne serait-ce pas infiniment plus efficace collectivement ? Quidam : Mais en fait, un tel principe existe déjà et est en test dans certaines régions sur la base du volontariat des patients. PG : Comme quoi, une idée n’atterrit jamais dans un seul cerveau à la fois. Et je suis heureux d’apprendre que des personnes en charge de la gestion de la Sécurité Sociale s’en soient emparées. Mais je regrette que ce soit limité au volontariat et à certaines régions seulement. A titre de test, dites-vous ? Pour tester quoi ? Le bon fonctionnement informatique ? Encore cette politique de faire un pas en avant et un en arrière parce qu’on n’est pas sûr de ce qu’on fait. Alors qu’il faut au contraire généraliser rapidement l’usage de cet outil essentiel pour bien gérer ce domaine très sensible, tant de par son impact sur la santé des citoyens que de par l’importance des ressources collectives qui y sont dédiées. Avec un tel outil qui augmente considérablement la visibilité du système, il peut ensuite bien plus facilement y avoir un réel renforcement de la chasse aux abus et à la fraude, qui sont un poids très important dans nos comptes de santé publique. Entre les sans-papiers qui se font soigner sur le compte de quelqu’un d’autre, l’immigré unijambiste à qui la sécu a payé une prothèse et qui va la vendre dans son pays d’origine pour payer ses vacances en famille, les fausses prescriptions alimentant les trafics de médicaments, etc., il y a de quoi faire pour réduire les fuites. Et puis il y a aussi les abus légaux dont il convient de se préoccuper en modifiant les règles de prises en charge. Par exemple en réservant le remboursement des actes médicaux aux résidents légaux du pays. Un exilé fiscal qui part en Suisse pour payer moins d’impôts mais revient en France pour se faire soigner, c’est quand même très abusif. Un retraité qui va vivre à l’étranger, y paye ses impôts et y dépense sa retraite, mais qui revient au pays quand il a besoin de soins, c’est aussi se moquer du monde. Et même les immigrés illégaux ont droit à des soins gratuits aux frais du contribuable ! Si vous n’habitez pas en France, si vous n’y contribuez pas à la vie de la société, si vous vous y trouvez illégalement, il ne faut tout de même pas espérer qu’elle vous prenne en charge. Pour le moment, le système le permet parce qu’il est très mal conçu et laisse la porte ouverte à de nombreux abus. Mais on ne peut reprocher à certains d’être plus malins que le législateur, même si c’est moralement critiquable. Si ça nous déplait, à nous de changer la règle. Et puis, il y a aussi des mesures de responsabilisation, qui me semblent nécessaires, tant humainement que financièrement. La première est de faire en sorte que les gens soient concernés par le tarif pratiqué par leur médecin. Au lieu, comme actuellement, de payer aveuglément parce qu’on sait qu’on va être remboursé, quand il n’y a pas carrément une dispense d’avance de frais et paiement direct par la sécu. Avec vos autres prestataires de service, que ce soit un maçon ou un plombier, vous vous préoccupez à l’avance de savoir si la facture vous convient ou pas. Eventuellement, vous négociez. Mais qui fait ça avec un médecin ? De très rares personnes, essentiellement d’ailleurs lorsqu’elles n’ont pas de mutuelle complémentaire. Quidam : Difficile de négocier avec un spécialiste où il faut six mois d’attente pour avoir un rendez-vous ! PG : C’est très juste. Mais négocier ne veut pas dire que les prix vont forcément baisser. Le tarif de convention de la Sécurité Sociale n’est qu’une base maximale de remboursement, pas un tarif imposé. Car s’il y a six mois d’attente pour certains spécialistes, ce qui les met en position de force pour imposer leur prix, c’est surtout signe qu’ils sont trop peu nombreux et donc signe que les tarifs pratiqués ne sont pas suffisamment attractifs pour disposer des compétences dont la société a besoin. Et c’est pourquoi nombre d’entre eux pratiquent des honoraires libres bien supérieurs au tarif de convention. Ce qui est normal, car avec un système qui laisserait à l’administration le soin d’imposer un tarif légal maximal, ce serait la garantie du nivellement par le bas. Déjà que c’est un peu le cas… D’ailleurs, nombre de grands spécialistes émigrent outre-Atlantique où leurs talents sont bien plus lucrativement valorisés. Le système hospitalier français ne fonctionne même que grâce à une exploitation éhontée des internes. Comment reprocher, alors que la formation gratuite que leur dispense la société n’est même pas assortie d’une clause de dédit-formation, que certains soient tentés de rentabiliser l’investissement de toutes ces années d’études et d’exploitation en partant dans des pays leur offrant plus de reconnaissance ? Et il en va de même pour les infirmières, sages-femmes, etc., qui travaillent dans des conditions que l’administration fustigerait sévèrement dans des entreprises d’un autre secteur et peuvent facilement trouver mieux dans d’autres pays où la formation médicale française est très appréciée. Quidam : Mais vous noircissez le tableau. Il y a aussi des pays où c’est bien pire. Et du coup, leurs médecins sont intéressés à venir chez nous. PG : Bien sûr. Dans de nombreux pays, mieux vaut avoir une vocation humanitaire, voire sacerdotale, pour se motiver à soigner quasi gratuitement les gens. Mais du point de vue de notre société, ça ne change rien. Et chercher à remplacer les compétences que nous perdons en en important d’autres, n’est pas franchement l’objectif. Les compétences formées doivent l’être pour les besoins de notre société en premier lieu. S’il y a du surplus qui profite au reste du monde, tant mieux. S’il y a déficit, il faut se donner les moyens d’en former davantage. Mais si ce déficit provient de la fuite des compétences que nous formons et qu’il faut recruter à l’étranger en compensation, ça ne peut pas aller. Alors il faut que le système de rémunération des médecins les motive, les incite à rester en France, à s’installer là où il y a besoin d’eux y compris si c’est dans la campagne profonde, mais aussi à dispenser des soins de qualité. Que le médecin passe une demi-heure avec vous ou dix minutes, c’est le même prix. N’est-ce pas totalement illogique ? Ne faut-il pas intégrer aussi dans sa rémunération, pour partie du moins, le temps qu’il vous consacre ? Une première visite pour établir le diagnostic d’un problème n’a-t-elle pas naturellement vocation à prendre plus de temps et justifier une meilleure rémunération que la suivante où cinq minutes suffisent pour constater qu’un médicament n’a pas l’effet escompté et le remplacer par un autre ? Actuellement, le médecin qui expédie les consultations à la chaîne est favorisé en gagnant plus, et est donc encouragé à bâcler son travail. Et puis lorsqu’il vous laisse poireauter plus d’une heure dans la salle d’attente parce qu’il est incapable de gérer son agenda et considère que votre temps ne vaut rien, si vous aviez davantage votre mot à dire sur sa rémunération, vous auriez un levier pour l’inciter à plus de considération pour sa clientèle. Si vous n’êtes pas satisfait du travail de votre plombier, vous le lui faites sentir au moment du paiement. Pourquoi pas là ? Quidam : Mais comment faire ça sans laisser à charge des gens une partie au moins de la consultation ? PG : Eh bien je ne vois pas tellement d’alternative à ce que vous venez de dire. Il faut mettre en place un système responsabilisant, et cela ne peut passer que par laisser à charge des patients une partie du coût de leurs soins, donc des consultations, examens et médicaments. Par exemple en limitant le remboursement à 50% du tarif de convention de la sécurité sociale, mais en instaurant un plafond annuel de non-remboursement. Au-delà de ce plafond, la prise en charge passe à 100%. En fait, pour s’éviter les problèmes d’ajustement éventuel de ce plafond, il faut l’indexer sur le minimum social que définira la société. Ce plafond annuel de non-remboursement peut alors être d’une fois le montant mensuel de ce minimum social pour un adulte, et de la moitié seulement pour un enfant. Un tel plafond est d’ailleurs bien inférieur à ce que ne dépensent bien des gens en futilités de type téléphonie portable, abonnement télé, ou cigarettes, et rendra au passage peu utile d’avoir une complémentaire santé puisque le risque financier annuel devient de facto plafonné. Et comme une telle complémentaire aurait pour effet d’annihiler les effets de cette mesure, il faut même prévoir d’exclure du plafonnement les gens choisissant néanmoins d’en souscrire une. Ce qui impliquera de développer un contrôle vis-à-vis de ceux qui seraient tentés d’en souscrire une à l’étranger, mais d’autres dispositions, allant de pair avec la lutte contre le travail au noir, rendront ça très aisé. Désolé si cette mesure coupe l’herbe sous le pied du business très lucratif que constituent ces mutuelles, mais au moins, avec un tel dispositif, tout un chacun sera davantage responsable de sa santé autant que de ses soins. Votre exigence de qualité et de résultat sera plus affirmée, simplement parce que vous en voudrez pour votre argent. Il est malheureux que l’aiguillon de stimulation de la conscience se situe pour beaucoup au niveau du portefeuille. Mais puisque c’est une réalité, il faut faire avec. Et à partir du moment où la société doit par ailleurs être organisée pour que nul citoyen ne soit laissé sans un minimum vital, le débat sur les gens qui n’ont pas les moyens de simplement contribuer au coût de leur consultation chez le médecin ne trouve pas à s’appliquer puisque tout le monde pourra, même si au besoin en se privant d’un peu de superflu, assumer ce plafond annuel laissé à leur charge. Il va de soi qu’il conviendra de faire des simulations plus précises pour valider les chiffres que je pose ici un peu au hasard, même si intuitivement ils me semblent assez proches de la réalité. Le but ici est avant tout de poser des pistes et des principes. Le gouvernement, toujours en manque d’imagination et nommant des ministres apparemment incapables de se pencher par eux-mêmes sur des solutions parce que plus politiciens qu’experts de leur domaine, a d’ailleurs récemment reçu sur le sujet un rapport, dont je préfère ne pas savoir le coût, qui fait état entre autres de certaines des pistes que j’évoque, comme de prendre en compte le temps de consultation dans la rémunération de celle-ci. Quelles mesures concrètes en découleront, nous verrons bien. Mais il est clair qu’il faut une réforme en profondeur du mode de rémunération des médecins, afin que celui-ci soit responsabilisant autant pour les praticiens que pour leurs patients. Quidam : Il me semble avoir entendu dire qu’en Chine a été mis en place un système où un médecin est responsable d’un certain nombre de patients et est rémunéré aussi en fonction de la bonne santé de ceux-ci. PG : J’ai souvenir d’avoir entendu quelque chose comme ça aussi. Mais cela ne peut s’appliquer que si les patients n’ont pas le choix de leur médecin et qu’un médecin n’a pas non plus le choix de ses patients, ni de la zone dont il est responsable. Impensable chez nous. Néanmoins ce principe constitue une piste à explorer. Car à quoi sert le principe du médecin traitant s’il n’a même aucune incitation à ce que ses patients soient en bonne santé ? Au contraire, notre système le récompense de la mauvaise santé des gens. Comment voulez-vous dès lors que les comptes de la sécu s’améliorent ? Mais en même temps, il ne peut être derrière chaque patient pour les empêcher de mal manger et de se rendre malade de diverses manières. C’est pourquoi aucune solution ne pourra être trouvée sans responsabilisation des patients vis-à-vis de leur propre santé. Par exemple, si vous passez votre temps à manger des chips et à boire des sodas puis développez un diabète, le médecin n’y pourra pas grand chose. La question est donc délicate. Quidam : Oui, se développerait inévitablement le problème de déterminer le degré de responsabilité du patient dans sa maladie. PG : Et comme le diabète, pour rester sur cet exemple, peut avoir des causes assez diverses, j’imagine déjà les procès avec bataille d’experts se contredisant, etc. Alors ce principe chinois est une fausse bonne idée chez nous. Mais je pense qu’il représente plutôt un axe de réflexion à adapter à notre situation. Cependant, il y a des cas bien plus évidents et sur lesquels nous pourrions déjà commencer à nous pencher. Lorsque vous vous rendez sciemment malade ou prenez un risque inconsidéré, il me semble anormal d’espérer que tout le monde se cotise ensuite pour vous prendre en charge. Si vous avez passé votre vie à fumer et développez un jour un cancer de la trachée ou des poumons, je suis désolé, mais je n’ai pas envie de payer pour vous. Si vous n’avez pas su vous abstenir d’abuser de l’alcool et finissez avec une cirrhose du foie, je n’ai pas non plus envie de payer pour vous. La responsabilisation, c’est aussi apprendre à récolter ce que l’on sème. La parabole du fils prodigue nous enjoint d’ouvrir la porte au repentant, pas de payer ses dettes à sa place. Mais à aujourd’hui, tout est fait pour effacer votre responsabilité. Qu’est-ce que ça enseigne aux individus sinon l’irresponsabilité et l’inconséquence ? Quidam : Vous parliez tout à l’heure du droit aux soins, mais là vous le bafouez. Et puis peut-on accepter que ceux qui en ont les moyens puissent se soigner, tandis que d’autres ne le pourront pas ? PG : Ah, encore l’éternel débat sur l’injustice sociale. Et oui, le monde est injuste. Car le monde n’est pas égalitaire. Il faut s’y faire car c’est la diversité qui en fait la richesse, même s’il ne s’agit pas là de richesse financière. Pourquoi devrais-je avoir pitié de celui qui n’a pas les moyens de se payer des traitements à deux mille euros par jour dans les centres anticancéreux alors qu’il a, sa vie durant, dépensé son argent à enrichir des empoisonneurs ? Il n’avait qu’à économiser. Et ça lui aurait aussi économisé son cancer. Vous vous souvenez de La Fontaine ? « Vous chantiez ? Eh bien dansez maintenant ! » C’est trop facile de faire tout et n’importe quoi en comptant sur les autres pour compenser vos bêtises. Alors qu’en parallèle, ceux qui ont besoin de lunettes, d’une prothèse auditive ou d’implants dentaires, ce qui est le cas de beaucoup de gens qui n’ont ni sciemment dégradé leur vue en regardant la télé à vingt centimètres de l’écran pendant toute leur enfance, ni fusillé leurs tympans à coups de concerts rocks ou de baladeurs trop puissants, ni bousillé leurs dents à grands renforts d’excès de sucreries, eh bien ces membres-là de la société constatent, au vu des misérables remboursements qui leur sont proposés, que la solidarité sociale n’est pas si évidente que ça, car teintée d’une sélectivité qui défie la logique et qu’il importe de rectifier rapidement. La société existe pour que ses membres s’aident les uns les autres à faire face à l’adversité. Mais mettre à charge obligatoire de tous les bêtises de certains, là, c’est biaiser le contrat initial et créer de l’injustice. Protéger ses membres, c’est aussi les protéger contre les errements d’autrui. Et donc y compris contre les conséquences financières de leurs errements volontaires. Et puis, il y a aussi les considérations éducatives : si le but de l’humain est d’évoluer vers son accomplissement, cela nécessite qu’il apprenne le sens de la responsabilité de ses actes. En favorisant cet apprentissage, la société favorise l’évolution personnelle de ses membres. En s’apitoyant, elle y contrevient. « Qui aime bien châtie bien », dit-on. C’est une formulation courante du principe que l’amour doit savoir être cruel lorsque c’est pour le bien de l’autre. Et ce n’est pas le lionceau chassé de la mamelle maternelle à coups de griffes et de crocs une fois sevré qui va attester du contraire. L’apparente cruauté de sa mère à ce moment précis est nécessaire pour qu’il passe de l’enfance à l’adolescence. 11 : alcool, tabac et drogues Quidam : Je comprends votre point de vue. Mais est-il vraiment compatible avec le fait qu’alcool et tabac soient en vente libre ? PG : La question est : jusqu’à quel point peut-on protéger les individus contre eux-mêmes ? Les Etats-Unis se sont essayés à la prohibition au début du siècle dernier, avec les résultats que l’on connaît. Ils ont dû renoncer. Pourtant, effectivement, on sait scientifiquement que l’alcool est un poison pour le corps. Malheureusement, c’est un poison lent. Et encore plus malheureusement, il est culturellement valorisé dans beaucoup de pays à commencer par le nôtre. Boire de l’alcool, c’est supposé être convivial. C’est supposé afficher une liberté, refléter une maturité, voire une virilité. Bref, rien que des conditionnements culturels sans aucun fondement et amplement propagés par l’industrie cinématographique que financent ces puissantes corporations. Vous n’êtes pas plus convivial en buvant de l’alcool que de l’eau ou du jus de fruit, vous êtes certainement beaucoup moins libre parce que l’alcool est un des produits les plus addictifs qui soit, et au final, se laisser berner ainsi reflète tout sauf de la maturité. Mais les idées fausses ont la vie dure. Qui ne connaît pas un vieux devenu centenaire en buvant son verre de rosé à chaque repas ? Alors la nuisance pour la santé est niée bien qu’elle soit prouvée même par la science officielle, pourtant bien étroite d’esprit et trop souvent au service des industries qui la financent. Et puis, dans un pays qui a érigé l’œnologie comme science suprême de la dégustation et du développement des sens, ce snobisme de salon qui entretient la consommation d’alcool est aussi important que les intérêts économiques qui en bénéficient. Les vendeurs de pinard et de bière s’efforcent de développer leur business, forcément au détriment du bien-être des consommateurs et de leur santé. Et que dire du champagne, symbole mondial de luxe, un must de toute grande occasion ? Comment voulez-vous lutter contre l’alcoolisme dans une société qui le valorise ? Quidam : Vous exagérez quand même. Boire une petite bière n’a jamais tué personne. PG : Une non. Et j’irais même jusqu’à dire qu’un petit verre entre amis de temps en temps, ou une coupe de champagne lors d’une fête, sera même globalement positif. Simplement parce que les bienfaits apportés par la convivialité de ce moment chaleureux contrebalanceront positivement les effets physiques néfastes de l’alcool, et même si ce dernier n’est nullement indispensable pour que de tels bons moments existent. Mais bref. Ce n’est pas parce que les gaz d’échappement des voitures sont nuisibles pour votre santé que vous n’allez plus sortir de chez vous. Ce serait un plus sûr moyen de dépérir que d’affronter la pollution ambiante. C’est le même principe. Mais bière après bière, ou verre de vin après verre de vin, sur la durée d’une vie, et sans même jamais abuser au point de vous saouler, vos neurones en prennent un sacré coup. Et malgré toutes les études faites sur le sujet, vous-même en êtes encore à dire que ce n’est pas bien grave. Vous êtes-vous jamais posé la question de savoir pourquoi on conserve toute sorte de choses dans l’alcool, des cerises à l’eau de vie à des organes ou des animaux entiers ? Pourquoi sinon parce que l’alcool bloque les processus vitaux de décomposition ? Seulement il bloque aussi de la même façon ceux de la composition. Alors chaque fois que vous buvez de l’alcool, non seulement vous interférez avec la décomposition naturelle des cellules mortes et favorisez donc l’encrassement de votre organisme, mais de surcroît vous donnez plus de force au frein à main empêchant le renouvellement cellulaire de vos organes. Vous renforcez donc l’emprise du vieillissement. Et que dire de l’effet aseptisant ? On sait que notre corps compte d’innombrables micro-organismes, notamment des bactéries intestinales indispensables à une bonne digestion. A chaque fois que vous leur balancez de l’aseptisant sur le nez, vous les affaiblissez. Et vous affaiblissez corrélativement votre capacité digestive, donc votre capacité à récupérer dans les aliments tout ce qui est bon pour renforcer votre corps. Alors non, effectivement, une consommation modérée d’alcool aura peu de chance d’être la cause de votre décès. Il y a bien d’autres causes qui peuvent avoir votre peau avant. Mais pour autant, ne pas consommer d’alcool contribuera à limiter le vieillissement et la dégradation des neurones, comme de vos cellules, de vos organes et de votre corps en général. Mais encore une fois, qui se soucie de l’effet de l’alcool sur ses neurones alors qu’Alzheimer risque de passer par là bien avant que la dégradation ne devienne perceptible ? Quidam : C’est le même raisonnement qui rend beaucoup d’africains peu réceptifs au discours de prévention du SIDA : pourquoi se soucier de quelque chose qui peut vous tuer dans vingt ans si votre espérance de vie en temps normal n’est de toute façon que de quarante ans ? PG : Dans une société qui n’offre que des impasses comme futur, se préoccuper de sa bonne santé au quotidien n’est pas la première préoccupation de la majorité des gens. Tandis que s’ils commençaient par cette conscience et ce respect de soi dans le présent, ils s’apercevraient à terme que le futur offre bien plus de possibilité qu’ils ne le soupçonnent. Mais parler de bon sens à des jeunes perdus dans une société qu’ils considèrent sans futur, n’est-il pas aussi efficace que de cracher en l’air pour arroser son jardin ? Les jeunes cherchent une fuite dans l’alcool. Et si vous leur dites que ce n’est pas bien, vous ne faites que les motiver davantage. Car dans notre société aseptisée contre laquelle ils se rebellent, l’interdit a bien meilleur goût. Et pourtant, on sait très officiellement que c’est la consommation d’alcool à l’adolescence, pendant que le corps se développe et que les circuits nerveux se mettent en place, qui est la plus nocive. Comment lutter contre cette volonté d’autodestruction si présente dans l’espèce humaine en général et chez les jeunes d’aujourd’hui en particulier ? La solution ne peut passer que par une remise en cause globale de la société, pour qu’elle devienne à nouveau attractive au lieu d’être répulsive. Mais en attendant, il ne me paraîtrait pas superflu de rendre l’accès à l’alcool un peu moins facile. N’importe quel jeune peut aller au supermarché acheter des packs de bière ou des bouteilles de whisky pour se beurrer avec ses copains ensuite. C’est illégal, puisque la vente d’alcool aux mineurs est interdite, mais il ne faut pas trop compter sur les caissières de supermarché, qui n’ont aucune envie de se voir attendues à la sortie par des instincts punitifs, pour leur demander un justificatif d’âge lors du passage en caisse. Au Québec, par exemple, ce n’est pas possible. Simplement parce qu’il existe un réseau de distribution spécialisée, la SAQ, Société des Alcools du Québec, à qui est confié le monopole de la vente d’alcool. Et un adolescent ne peut rien y acheter. Alors évidemment, il y a aura toujours des moyens de contournement. Il est facile pour des gamins de faire acheter leur alcool par un clochard ivrogne moyennant un petit billet ou en lui laissant une bière. Ou même d’en piquer dans la réserve de leurs parents de temps en temps. Mais si l’accès à l’alcool est déjà réduit, ce sera une excellente chose pour la société en général. Si certains jeunes démontrent une volonté de contourner la barrière pour s’autodétruire malgré tout, on ne peut aller contre. L’autodestruction, même à l’âge bête, fait partie des libertés fondamentales de l’être humain. Pour autant, il appartient à la société de ne pas l’encourager, tant en la rendant moins facile qu’en faisant évoluer ses valeurs. Quidam : En fait, cette SAQ, ce serait un peu comme le réseau de débit de tabac. PG : Et ça peut même être ce réseau des tabacs puisqu’il a le mérite d’exister. Ils protestent à chaque hausse des taxes sur le tabac que ça impacte leur chiffre d’affaires en leur faisant perdre des clients. Ils trouveraient là un débouché supplémentaire qui les réjouirait sans aucun doute. Avant que de recommencer à se plaindre, au fil de l’évolution de la société, que la consommation d’alcool et de tabac diminue et qu’ils n’arrivent plus à vivre de la vente de poisons… On a coutume de dire qu’il n’y a pas de sot métier, eh bien si, il y en a. Ouvrier dans une usine de fabrication de mines antipersonnelles, c’est un sot métier. Tout comme dealer de cocaïne, ou vendeur de tabac et d’alcool, puisque ce sont des poisons avérés nuisant à la santé et créant des charges et des problèmes humains qu’une société saine ne devrait pas connaître. Vendre des produits nocifs à des gens qui demandent eux-mêmes à les acheter, alors que rien ne les force à consommer, rend certes coupable de complicité dans une certaine mesure. Mais pour autant, avoir un sot métier n’implique ni d’être sot ni d’être une mauvaise personne. Et ça ne préjuge en rien non plus de ses qualités de cœur. Par contre, ça demande clairement d’ouvrir les yeux sur les implications de son gagne-pain, et d’accepter que son déclin soit un bienfait pour la société. Surtout si un contrôle effectif des frontières assure qu’il ne s’agit pas d’un simple transfert au profit de la contrebande ou des ventes frontalières. Il appartiendra donc aux buralistes de savoir se remettre en question et se reconvertir le moment venu pour suivre les évolutions de la société, c'est-à-dire lorsque les gens seront plus préoccupés de bien vivre plutôt que d’entretenir le marché des produits d’autodestruction lente. Quidam : Ca se défend. Mais dans l’immédiat, ce sont les grandes surfaces qui vont récriminer si vous leur enlevez leurs rayons de vente d’alcool au profit des buralistes. C’est une partie non négligeable de leur chiffre d’affaire et de leurs profits. PG : Qui a dit que je souhaitais les leur enlever ? Attribuer un monopole de distribution à un réseau de type buraliste veut avant tout dire que les rayons alcool des grandes surfaces devront être réorganisés pour ne plus être d’accès libre par tout un chacun. Il s’agit en fait de créer au sein des super ou hypermarchés des espaces fermés, à accès contrôlé, afin de répondre aux mêmes critères que ceux imposés à un point de vente indépendant de type buraliste. Quidam : Mais là, ce sont les buralistes qui risquent de se trouver lésés. En juin 2009, la loi d’interdiction de vente de tabac aux mineurs a été votée, et son décret d’application est passé en juillet 2010. Depuis, les buralistes s’inquiètent de la difficulté à l’appliquer. Lorsqu’ils sont seuls face à trois ou quatre mineurs, tous plus grands qu’eux pour avoir été nourris au bœuf à l’hormone de croissance et avoir bu du lait issu de vaches similairement dopées, faire les gros yeux en leur opposant l’interdiction de leur vendre des clopes peut poser quelques petits problèmes de sécurité personnelle. PG : Je le comprends. Il est clair qu’une grande surface avec ses vigiles a un avantage. Mais je doute que ce problème ne puisse trouver de solution. Comme par exemple moins de points de vente mais un peu plus importants pour qu’ils n’y soient pas seuls ? Ou des implantations à côté des commissariats ? Je crois qu’il est suffisamment facile d’imaginer des solutions pour ne pas retenir cette objection. Et en tout cas, c’est certainement un argument en faveur d’un réseau de distribution spécialisé et adapté dont j’appelle la création rapide de mes vœux. Par contre, je retiens quand même de ce que vous avez dit qu’il a fallu un an pour promulguer le décret d’application de cette loi contre la vente de tabac aux mineurs. Ce n’est pas signe d’une réelle volonté gouvernementale de s’attaquer à ce problème. Pire, c’est même symptomatique d’une lacune dans notre fonctionnement démocratique. Comment peut-on accepter qu’une loi votée par le Parlement puisse mettre un an ou plus à devenir applicable, simplement parce qu’elle dépend d’un décret d’application ? Sauf à ce que la loi n’intègre dans son texte même une date à partir de laquelle elle doit devenir applicable, par exemple si une période préalable de préparation ou d’adaptation est nécessaire, tout délai de promulgation supérieur à un mois est en fait assimilable à un délit d’entrave. Alors il faut intégrer dans la Constitution le fait qu’une loi votée, sauf stipulation expresse d’une date d’application, entre en vigueur automatiquement le 1er du mois suivant si elle a été entérinée pendant la première quinzaine, ou le 16 si c’était au cours de la deuxième quinzaine. Et fini de traîner inutilement les pieds pour en promulguer le décret d’application. Surtout si, ainsi que nous en avons parlé tout à l’heure, la lettre de la loi fait l’effort nécessaire pour redevenir intelligible par tout un chacun sans nécessité de circulaire d’interprétation. Mais pour continuer à parler du tabac, enfin, j’ai pu recommencer ces dernières années, depuis qu’il est interdit d’y fumer, à apprécier d’aller au restaurant. Mon dieu qu’il en a fallu du temps pour faire reconnaître un droit aussi basique que celui à respirer sans se faire enfumer ! Comme si la section non-fumeur d’un restaurant à salle unique pouvait être autre chose qu’une section non-pisseur dans une piscine. Mais le fumeur, à de trop rares exceptions près, se refuse à admettre qu’il pue et que sa fumée gêne… jusqu’au jour où il décide enfin d’arrêter, découvre le point de vue des non-fumeurs et devient encore plus véhément qu’eux contre les enfumeurs. Incroyable étroitesse d’esprit que celle des gens aveuglés par leur ego ! Quidam : Ceci dit, il faut aussi reconnaître le droit à fumer. PG : Bien sûr. Du moment que c’est sans enfumer. Libre de s’autodétruire avec un produit officiellement nocif, libre de renoncer à sa liberté en s’enchaînant à un produit officiellement addictif, mais pas libre de l’imposer à autrui. Il est écrit sur les paquets de cigarette : « fumer tue ». Il est tellement évident que « vivre tue » que les fumeurs s’en moquent bien. Mais s’ils voyaient que la société refuse de prendre en charge leur cancer et que certains se trouvent alors dans des situations humaines dramatiques, peut-être que ça les interpellerait davantage. Quidam : Alcool et tabac sont lourdement taxés. Les buveurs d’alcool et les fumeurs contribuent donc davantage au budget collectif. Et vous, vous voudriez restreindre l’aide que la société pourrait leur apporter ? Ce n’est pas juste. Ou alors il faut réduire les taxes. PG : Et pourquoi ne pas carrément détaxer pendant qu’on y est ! Il ne faut pas considérer ces taxes comme une contribution supplémentaire, compensatoire, à la sécurité sociale. Il faut y voir une taxe dissuasive pour nocivité avérée, qui devrait d’ailleurs s’étendre à d’autres produits tels que les sodas, afin d’encourager à réduire, voire à supprimer, leur consommation. Et ce, uniquement parce que l’interdiction pure et simple serait vouée à l’échec de par la volonté farouche de l’humain à défendre bec et ongle son droit inaliénable à s’autodétruire. Alors la société, tout en étant forcée d’autoriser, s’adapte et cherche à dissuader. C’est son rôle éducatif qu’elle assume là. Et la taxation est un outil financier pour ce faire. Les nuisances de l’alcool et du tabac ne sont pas limitées au budget de cancérologie du foie et des voies respiratoires, tout comme elles n’en sont pas l’unique cause. Il y a tous les dérivés médicaux indirects : toutes ces allergies, dont on ne sait pas bien les causes, mais dont on constate que les enfants exposés à la cigarette de leurs parents sont davantage victimes que les autres. L’asthme est également plus fréquent. Etc. Si vous voyez une femme enceinte en train de fumer et ne faites rien, ne dites rien, vous êtes juridiquement coupable de non assistance à personne en danger. Et coupable de complicité d’empoisonnement de fœtus. Y aviez-vous jamais pensé ? Qui n’a jamais vu un adulte, cigarette en main, exhalant sa fumée, penché au dessus d’un berceau : « oh, tu tousses mon bébé, tu as pris froid » ? Les campagnes de prévention contre le tabac ont au moins réussi à sensibiliser certains parents pour que ce genre de scène lamentable devienne moins fréquent. Mais l’égoïsme aveugle de nombre de fumeurs les perpétue malheureusement encore de trop. J’attends le jour où un enfant fera un procès à ses parents pour empoisonnement ! Peut-être d’ailleurs cela est-il déjà arrivé mais sans bénéficier de la publicité qu’il faudrait y réserver ? La société a le devoir de protéger ses membres, y compris les mineurs, et y compris de leurs propres parents lorsque nécessaire. Si nous décrétons légitime de protéger leurs voies génitales de la pédophilie, il me parait totalement illogique de ne pas aussi protéger leurs voies respiratoires du viol par enfumage. Alors sanctionner de tels comportements irresponsables me parait une nécessité. Et tout particulièrement les fumeuses enceintes, car le fœtus n’a même pas la possibilité de changer de pièce pour échapper à cet égoïsme maternel inconséquent. Quidam : Tout en vous comprenant, il m’apparaît un tantinet contradictoire de proclamer le droit à l’avortement, donc le droit de la mère à disposer de la vie du fœtus, mais de prétendre la sanctionner si elle l’empoisonne par sa fumée. PG : Ce n’est nullement contradictoire. Paradoxal tout au plus, ce qui veut dire que la contradiction n’est qu’apparente et non réelle. Car c’est une chose très différente de reconnaître le droit de refuser d’avoir un enfant, que d’accorder le droit de lui pourrir la vie avant même sa naissance. Vous êtes libre d’avoir ou pas un enfant. Mais si vous choisissez d’en avoir un, vous avez le devoir de lui offrir les meilleures conditions possibles pour son existence. L’enfant n’est pas une chose dont vous pouvez disposer à loisir. Il a droit au respect de sa personne. Alors les mères qui décident d’accueillir la vie doivent prendre conscience de leur devoir de ne pas lui transmettre d’emblée des handicaps de santé en fumant, ni d’ailleurs en buvant de l’alcool. Cette prise de conscience est d’autant plus importante que si les hommes, progressivement, ont tendance à moins fumer, les femmes au contraire, probablement pour ne pas laisser aux hommes le monopole de la bêtise, s’y mettent davantage, au point que leur espérance de vie s’est mise à diminuer. Comment peut-on voir un symbole de liberté et d’affranchissement dans le fait de fumer ? Ca me dépasse. Mais c’est leur droit. A chacun de vivre selon son niveau de conscience. Quidam : Mais si se détruire par le tabac et l’alcool est un droit, quelle logique y a-t-il à interdire la drogue ? PG : Aucune. Du moins pour les drogues douces. Le cannabis, de l’avis des experts de la science officielle, ou du moins de certains car je suis bien sûr qu’on pourrait en trouver d’autres tout aussi officiels pour affirmer le contraire, est moins addictif que l’alcool. Pour la nocivité par contre, c’est en débat entre ceux qui disent qu’elle est moindre et ceux qui la considèrent pire. Mais moindre, équivalente ou légèrement pire, à quoi rime d’interdire l’un pendant qu’on autorise l’autre ? A rien. Je suis donc favorable à la légalisation de la vente et de la consommation du cannabis et autres appellations associées. Non seulement parce que c’est dans la logique de la légalité de l’alcool et du tabac, mais aussi parce que ça résout plus de problème que ça n’en crée. Il y aura une diminution de la petite délinquance liée au deal de shit puisque remplacée par des ventes officielles qui en plus généreront des recettes fiscales. Pareto, notre théoricien de l’amélioration, s’en frottera les mains dans sa tombe. Car il n’y aura pas plus de problèmes pour autant. L’accidentologie routière demeurera, mais en restant bien moins fréquente que celle engendrée par l’alcool, les dégâts pulmonaires sont parait-il même moindres que ceux engendrés par le tabac, tandis que pour les dégâts sur les neurones, le débat ne semble pas encore tranché. Alors, clairement, même si, à titre personnel, je suis contre l’usage de ce genre de produits, tout comme je suis contre le fait de fumer ou de boire de l’alcool, je suis résigné à ce que la légalisation soit inévitable. Et on voit bien que la France est sur un chemin qui l’en rapproche doucement. Mais ce qui est vrai pour les drogues dites douces, ne l’est pas pour les drogues dites dures. Je défends le droit à s’autodétruire doucement, comme d’ailleurs le droit au suicide immédiat, mais dans la limite où ça ne nuit pas à autrui. Or les drogues dures sont bien davantage enclines à entraîner des nuisances pour autrui. Bien que cela puisse aussi s’appliquer à l’alcool, les consommateurs peuvent perdent le contrôle réel d’eux-mêmes et donc être amenés à faire n’importe quoi, y compris tuer ou blesser quelqu’un sans même en avoir conscience. On pourrait toutefois débattre de la possibilité d’autoriser des établissements spécialisés de consommation, à l’instar des fumeries d’opium d’antan en orient, avec obligation de garder le consommateur tant qu’il n’a pas digéré et dépassé son trip, tant qu’il n’a pas recouvré tous ses moyens pour pouvoir retourner dans les espaces publics sans risques pour autrui. Pourquoi pas ? Ce serait une option. Par contre, il semble que ces drogues dures engendrent des dépendances plus sévères qui font que la consommation régulière devient nécessaire et que la déchéance physique et psychique se développe plus rapidement. Ces cocktails chimiques sont également beaucoup plus nocifs, avec des effets sur la santé plus aigus qu’il n’est pas question que la société ait à prendre en charge. Encore une fois, le droit à l’autodestruction ne doit pas devenir une charge pour la collectivité. Donc au final, non, je ne crois pas qu’il faille autoriser les drogues dures, même dans des établissements spécialisés. Et si jamais le choix collectif penchait en faveur de cette pratique, ce serait forcément avec exclusion de la prise en charge des effets de santé, si tant est qu’on puisse les identifier avec une suffisante certitude… Quidam : Et que faire contre cette nouvelle drogue, celle des paradis virtuels, si en vogue chez ces jeunes parmi lesquels s’est développé le phénomène des no-life ? PG : On pourrait envisager d’imposer aux fournisseurs d’accès Internet une déconnexion de ces sites de jeux en ligne d’au moins trois heures toutes les trois heures pour lutter contre la cyberdépendance, mais au final se développeraient les mêmes parades que celles que l’on voit se mettre en place pour déjouer la lutte contre le piratage, et notamment la connexion via serveur proxy et la multiplication des profils utilisateurs. Alors l’action serait essentiellement inefficace. Et de toute façon, nous nous butterions de nouveau sur la question du droit à interférer avec la liberté d’autodestruction d’un individu. S’il s’agit d’une personne majeure, c’est son problème. S’il s’agit d’un mineur, c’est celui de ses responsables légaux. La société n’a à intervenir que si elle constate l’incapacité de ceux-ci à tenir leur rôle éducatif. Par exemple lorsque le comportement d’un élève à l’école démontre qu’il y a un malaise suffisamment sérieux pour que s’en inquiètent les services sociaux. Et ça doit alors pouvoir aller jusqu’à retirer le jeune de sa famille pour le placer soit en famille d’accueil soit en foyer éducatif. Bref, rien qui soit bien satisfaisant humainement, mais si ça peut permettre de limiter les dégâts que peut engendrer une démission parentale, il faut s’y résoudre. Alors mieux vaut donner envie aux jeunes de vivre dans le présent plutôt que de le fuir, en construisant une société attractive plutôt que répulsive. Au final, quel que soit l’âge de la personne et quelle que soit la drogue, c’est la meilleure des solutions. En attendant, on peut déjà alléger les problèmes sociaux de la question du trafic de cannabis, et on peut agir auprès des jeunes cyberdépendants. Par contre, sauf à décider d’encadrer l’usage des drogues dures pour en couper le trafic, la justice et la police auront malheureusement encore du travail pendant un certain temps. 12 : sexe et prostitution Quidam : Il est un autre domaine qui donne souvent du souci à la police, c’est celui de la prostitution. La solution n’est-elle pas dans l’interdiction de cet avilissement de la femme ? PG : Que d’étroitesse formulée en une seule question ! D’abord la prostitution ne concerne pas que les femmes, car il y a aussi des hommes prostitués. Ensuite avant de parler d’avilissement, ce qui est un jugement de valeur, il serait bon de s’assurer que le sujet est abordé libre des conditionnements moraux martelés par certains courants de pensée. Et enfin avant d’envisager d’interdire, il faut commencer par analyser les conséquences sociales de cette pratique. Quidam : Alors par où commence-t-on ? PG : Par le sexe, bien sûr. Les religions chrétiennes, mais aussi la musulmane, ont propagé un fort conditionnement visant à diaboliser le sexe. Alors que, au fond, qu’y a-t-il de plus naturel ? Il est omniprésent dans la nature. Il est capital dans la reproduction puisque nous en sommes tous le fruit. Les études scientifiques démontrent qu’il est très favorable à la santé en général, et ce sous bien des aspects différents allant du purement physique au purement psychologique. Et pourtant, le sexe reste un tabou dans la société. Et les églises continuent de prêcher leurs principes d’un autre âge afin d’entretenir ce tabou. Les jeunes qui sont, à la puberté, naturellement travaillés par la curiosité sur ce sujet en sont réduits à le découvrir par l’entremise de magazines ou de vidéos pornographiques encore plus facilement accessibles depuis l’avènement d’Internet, et qui favorise le développement d’une conception erronée de la sexualité. Je considère tout cela comme très néfaste. J’ai souvenir d’avoir vu sur Arte, un jour, un documentaire filmant en détail, et cela allait jusqu’au in vagino, un couple faisant l’amour. Ce documentaire remarquable présentait cet acte de la façon la plus naturelle qui soit, expliquant tout ce qu’il y a à en savoir, de la première stimulation des zones érogènes jusqu’à l’orgasme féminin et au coït masculin. C’était hautement pédagogique. Je regrette que ce documentaire ne soit pas systématiquement projeté dans les lycées dans le cadre de l’étude de la sexualité, car ce serait extrêmement positif et éviterait biens des dérives liées à une découverte via la pornographie. Il est symptomatique, dans certaines émissions médicales de vulgarisation, de voir surgir des questions de téléspectateurs s’inquiétant par exemple d’avoir un éjaculat de petite quantité. Voilà bien une question que nul ne se poserait spontanément s’il n’était marqué par ces lâchés de béchamel dignes de compresseur haute pression que l’on peut voir dans les vidéos porno. Ce qui donne d’ailleurs lieu a un juteux business générant l’essentiel des spams en circulation sur le mail : augmenter la taille de son pénis ou éjaculer comme un acteur de porno. Le porc a un éjaculat de l’ordre d’un quart de litre. Messieurs, si vous voulez de grosses éjaculations, faites-vous greffer des testicules de porc. Mais ne vous étonnez pas si vous vous retrouvez durablement célibataire faute de partenaire férue de telles douches vaginales. Un gros phallus ? Rencontrez une petite madame aux organes génitaux en rapport avec sa menue constitution et vous vous trouverez bien embarrassé au moment de l’entrée en matière. La bonne taille d’un phallus ne peut se déterminer que de façon relative, par rapport à ce qui est adapté à sa, ou son, partenaire. Le reste relève du niveau de qui pisse le plus loin. Mais cette réalité est totalement occultée par la pornographie où le besoin de sensationnel établit le règne des gros membres. Une approche pédagogique adaptée de ce sujet est nécessaire pour effacer cette source de complexe qui n’a pas lieu d’être. Quidam : Donc vous souhaitez renforcer la pédagogie de la sexualité dans les écoles ? PG : Bien sûr. C’est le moment où les jeunes sont titillés par la question, et c’est le lieu le plus propice pour leur en donner une présentation objective. La découverte pratique dépendra ensuite de chacun, n’allez pas me prêter des propos que je n’ai pas dits et que je ne pense pas non plus. Je parle de théorie. La pratique doit rester du domaine de l’intimité de chacun et de son expérience de vie propre. Il me semble évident que si le sexe retrouvait la place naturelle qu’il aurait toujours dû avoir, la société se libèrerait d’une quantité formidable de frustrations et de dérives qui lui sont très néfastes. Entre le puritanisme castrateur et le libertinage, il y a une juste mesure à retrouver : celle de la nature. Prenons l’exemple de nos proches cousins les singes. Les bonobos s’envoient en l’air à tout va, avec n’importe qui, dans n’importe quelle position. Résultat : pas de conflits, pas de violence dans leur société. A l’inverse, les babouins hamadryas ont une société d’exclusivité sexuelle au profit du mâle dominant, et leurs relations sont hyper-violentes. A choisir, je préfère une société de bonobos à celle des babouins. Non pour la débauche sexuelle, mais pour l’absence de violence. « Faites l’amour, pas la guerre », disait le slogan hippie des sixties. Tout l’enjeu est là. Une sexualité bien vécue participe de manière très conséquente à l’équilibre de l’individu. Alors que la frustration découlant d’une sexualité mal vécue va générer, selon les cas, des déviances sexuelles genre viol et pédophilie, ou de la violence, voire de l’autodestruction pour ceux qui auront la pudeur de retourner cette violence contre eux-mêmes plutôt que d’en faire « profiter » autrui. L’enjeu de la normalisation de la sexualité pour la société est majeur. Ce n’est pas une simple question de valeurs morales plutôt que d’autres. Ne croyez-vous pas qu’il y a un problème lorsque montrer une pénétration à l’écran est considéré obscène et sera interdit aux moins de 18 ans, alors qu’une cervelle qui explose sous l’impact d’une batte de baseball sera juste considéré un peu violent et au mieux déconseillé au moins de 12 ans ? Le second est pourtant certainement plus nocif que le premier, ne pensez-vous pas ? Mais notre société prône la violence, et l’entretient au moyen de la frustration sexuelle. Libérons-nous de cette frustration, vivons notre sexualité de façon plus naturelle, et notre monde deviendra moins violent et imperméable à la pornographie. Quidam : Je comprends bien votre approche. Mais par où commencer ? Inciter les gens à pratiquer le sexe à tout va comme chez les bonobos ? PG : Non. Ce serait là passer d’un extrême à l’autre. Certaines communautés prêchent l’amour libre. Libre à eux. Certains groupes à prétentions spirituelles organisent des partouzes qu’ils rebaptisent méditations sensuelles. Libre à eux également. Qu’ils vivent les expériences qu’ils souhaitent vivre. Quidam : Mais alors, où situez-vous la limite ? PG : Tout ce qui se passe entre adultes consentants est respectable. Là est la limite. Le reste n’est que jugement de valeur des uns ou des autres et n’a pas de relevance vis-à-vis de l’intimité d’autrui. Quidam : Mais quand même, cela ressemble à encourager une sexualité très libre. Ne serait-ce pas favoriser la fin des couples, de la famille, qui reste un pilier de la société ? PG : Que voilà encore une question empreinte de conditionnements étroits. La famille, du moins celle où il y a une progéniture parce que sinon ce n’est qu’un couple, a été la cellule sociale de base jusque dans le courant du siècle passé, le 20ème donc, mais a montré toutes ses limites depuis des décennies. Aujourd’hui, elle se fragmente, se décompose, se recompose, se délite à nouveau, bref fluctue et surtout vacille avec la multiplication des divorces, des familles monoparentales, des familles recomposées, etc. Elle a aussi démontré toutes ses limites avec le nombre croissant d’enfants dont les géniteurs, parents incompétents, ne s’occupent pas, se contentant de les nourrir et de les héberger, mais laissant la rue leur transmettre une éducation qui n’est pas forcément la meilleure. Et encore le divorce limite-t-il les dégâts. Qu’y a-t-il de pire pour élever un enfant qu’un couple qui se déchire en permanence parce qu’il s’est précipité à se reproduire avant de s’assurer d’être capable de vivre ensemble ? La violence physique ou verbale remplace l’amour dans le quotidien, l’adultère éventuel favorise le secret, le non-dit, la fermeture. Alors la famille pilier de la société, voilà qui relève de valeurs totalement obsolètes, surtout dédiées à institutionnaliser le règne patriarcal du tout puissant chef de famille. Or ce règne est caduc. L’éclatement de l’institution familiale met l’individu face à lui-même et en prise directe avec la société, sans le cocon protecteur ou castrateur qu’elle représentait. Cela se fait donc au profit de l’individu qui arrive au devant de la scène et doit s’y comporter en adulte responsable. Cette évolution naturelle appelle à urgemment migrer du droit du sperme au droit du cœur. Car c’est aussi ça que nous enseigne le jugement de Salomon rapporté dans l’Ancien Testament : qu’importe la mère biologique, l’enfant est donné à celle qui l’aime. L’individu ne doit donc plus s’effacer derrière la famille-carcan de ces derniers millénaires. Il doit vivre, aimer, et se réaliser, chose qu’aucune famille ne pourra faire pour lui. Quidam : Secret, non-dit, fermeture, ce sont là des mots assez négatifs du point de vue psychologique. J’en conclus que vous n’êtes pas favorable à l’adultère ? PG : « Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire », comme disait un célèbre humoriste. Je considère que l’adultère n’est pas une fin en soi. On ne se marie pas dans le but de pouvoir avoir des relations adultères. Mais quand cela se passe, je pense qu’il n’y a pas matière à jeter la pierre. Cela ne regarde que les personnes concernées. Et dans les personnes concernées, je ne suis même pas sûr qu’il y ait lieu d’inclure le ou les conjoints supposément trompés. Le ferment d’un couple, c’est l’amour, pas le sexe. Et il faut cesser de confondre les deux. Parfois ils se rejoignent, parfois non. Imaginez deux personnes qui s’aiment, mais ont des besoins très différents au niveau sexuel. L’un a besoin de sexe fréquent et intense, l’autre au contraire se sent débordé par cette demande qui ne correspond pas à ses aspirations. Alors celui qui a de gros besoins sexuels va chercher à les satisfaire hors de son couple. Est-ce « tromper » son conjoint ? Où simplement reconnaître la réalité d’une différence entre eux à ce niveau particulier de fonctionnement de leurs êtres respectifs ? Car il faut bien reconnaître cette réalité : nous ne sommes pas égaux non plus face à la sexualité. Tromper, ce n’est pas s’autoriser du sexe hors mariage, mais rester en couple avec quelqu’un qu’on n’aime pas ou plus. Là oui, il y a mensonge. Il y a tromperie. Satisfaire des besoins physiques hors de son couple alors que l’amour demeure, est-ce réellement tromper ? Considérez-vous que vous trompiez votre conjoint lorsque vous allez faire une partie de tennis avec quelqu’un d’autre ? Quidam : Enfin il y a quand même une différence entre le sport et le sexe. PG : Partie de tennis ou partie de pénis, je crois surtout que la différence est dans votre tête. Du moins tant qu’une contraception efficace est assurée, c’est une activité physique comme une autre, à la croisée des sports de contact et des activités de massages et de bien-être. Je retrouve dans votre réflexion tout le conditionnement moral et religieux que véhicule notre éduction au sein de cette société. Changez l’éducation et vous changerez le conditionnement. Changez le conditionnement et vous changerez votre point de vue sur bien des sujets. Prenez conscience que la justesse de votre appréciation est toujours limitée par la distance que vous êtes capable de prendre par rapport à votre subjectivité. Dans l’absolu, ce qui compte, ce n’est pas l’exclusivité sexuelle, mais la vérité des sentiments. Si vous avez besoin d’assouvir des pulsions sexuelles hors de votre couple, la seule vraie question est : « comment vivre ce que j’aspire à vivre sans faire souffrir mon conjoint » ? Si le conjoint a les idées larges et ouvertes, peut-être que vous pourrez le vivre ouvertement sans que ça ne pose de problème. Certains n’ont même aucun problème à vivre à plusieurs, que ce soit en polygamie, en polyandrie car ça existe aussi, ou en communauté très libre de plusieurs couples. Le cœur n’est pas limité à aimer une seule personne : il a vocation à aimer le monde entier. Ce sentiment peut s’accompagner de sexe comme il peut le transcender. L’exclusivité sexuelle n’est qu’une option. L’acte sexuel et le sentiment amoureux sont deux choses bien distinctes dont la pratique nous confirme qu’il est plus épanouissant de les réunir, mais qui peuvent aussi avoir chacun leur existence propre. Encore une fois, tout est respectable et il faut se garder de juger. Par contre, ce qui est le cas le plus fréquent dans notre culture, si les idées de votre conjoint officiel ne sont pas aussi larges que ça, peut-être devrez-vous vous assurez de demeurer discret, non dans l’objectif de tromper, mais dans celui de ne pas faire souffrir. Et si vous vous apercevez avec le temps que vos sentiments pour votre conjoint s’étiolent, alors vous prendrez simplement conscience que votre amour n’était que passager et que vous n’êtes pas le complément idéal l’un de l’autre. La question sexuelle n’aura servi que de révélateur. Quidam : Le fameux mythe de l’âme sœur. PG : En quelque sorte. Dans l’absolu, je pense que quand une personne rencontre celui ou celle qui le complète suffisamment adéquatement, même sans aller jusqu’à la béatitude du concept d’âme sœur, la question sexuelle se vit naturellement sans problème et sans besoin d’aller voir ailleurs. Si la relation n’est pas aussi complémentaire que ça et qu’il demeure des inadéquations au niveau sexuel, dans l’absolu, je considère que la voie spirituelle doit inciter à chercher à transcender ces besoins pour vivre l’amour au niveau du cœur plutôt qu’au niveau de la culotte. C’est le principe des vœux d’abstinence, comme l’avait fait Gandhi alors même qu’il était marié. Mais cela n’est pas donné à tout le monde et ne doit résulter que d’un choix volontaire. En fonction de ses aspirations propres, chacun doit suivre la voie qui lui convient. Certains voudront œuvrer à sublimer leur sexualité, d’autres simplement à l’équilibrer, et d’autres encore à y satisfaire sans se poser plus de questions que ça. Encore une fois, tout est respectable, du moment que ça n’entraîne rien de néfaste pour autrui. Donc, très clairement, si je comprends fort bien le principe sous-jacent dans l’exigence de célibat et d’abstinence des prêtres catholiques, je considère qu’il est profondément malsain de l’imposer comme le fait le Vatican. L’attitude d’autres églises sur ce point, comme les protestants, les bouddhistes, les musulmans, et bien d’autres, qui autorisent le mariage de leurs prêtres, me parait autrement plus constructive. Non seulement cela évite aux prêtres qui n’arrivent pas à transcender leurs pulsions sexuelles de fantasmer sur les enfants-de-cœur, mais en plus ils peuvent ensuite parler à leurs ouailles à partir d’une expérience vécue de la vie de famille, donc être bien plus proches d’eux et mieux les comprendre. Alors le sexe, il faut cesser de le charger de restrictions morales et simplement le vivre selon sa nature et ses aspirations propres, au risque que ne se développent des frustrations génératrices de déviances et de violences. C’est une réalité de l’être humain qu’une société ne peut se permettre de nier, sous peine de favoriser les problèmes de criminalité sexuelle que nous constatons aujourd’hui. Et c’est là que la prostitution prend tout son rôle au niveau social. Car si vous êtes travaillé par des pulsions sexuelles que vous ne pouvez satisfaire au sein de votre couple, que vous ne parvenez pas non plus à transcender, mais que vous n’êtes pas suffisamment dragueur pour trouver un amant ou une maîtresse en complément, ou encore que vous considérez le paiement comme l’assurance de préserver vos sentiments pour votre conjoint, diminuant donc la culpabilité inculquée par le conditionnement contre l’adultère, la prostitution vous offre l’exutoire qui vous permettra d’assouvir vos besoins sans que ceux-ci ne se transforment en nuisance pour autrui. Et c’est encore plus vrai pour un célibataire ayant des difficultés à trouver des aventures amoureuses pour satisfaire ses besoins sexuels. Quidam : Pourtant, ne peut-on considérer la prostitution comme une nuisance pour ceux qui sont forcés de la pratiquer ? Positiver ainsi la prostitution comme vous le faites n’est-ce pas la porte ouverte à l’exploitation de la pauvreté ? PG : Ne mélangeons pas tout. Pour ce qui est de l’exploitation de la pauvreté, elle est omniprésente dans ce monde. Mais vous le savez et je pense que vous pensiez en fait à « exploitation sexuelle » de celle-ci. Et là encore, vous faites une différence vis-à-vis du caractère sexuel de cette exploitation, du fait de votre conditionnement culturel. Il faut cesser de considérer les prostituées et prostitués comme des victimes. La plupart, du moins dans notre pays, le font parce qu’ils veulent bien le faire. Certains parce que leurs pulsions sexuelles correspondent à cette activité qui leur permet alors de joindre l’utile à l’agréable. D’autres parce qu’ils considèrent que c’est un moindre mal par rapport à un travail à la chaîne en usine. D’autres encore parce que c’est une activité à temps partiel qui peut avoir un rapport suffisant pour financer une autre vie à côté, que ce soient des études, des tentatives artistiques, etc. On peut trouver tous les cas. Et effectivement, on trouvera aussi le cas de personnes exploitées de force. Mais cela n’est pas l’apanage du travail sexuel. On trouve ça aussi dans les ateliers clandestins où sont exploités des semi-esclaves, et ce n’est en rien moins critiquable. Alors la question n’est pas pour ou contre la prostitution, mais de traquer de façon effective le proxénétisme. Voilà ce qui n’est pas acceptable : que certains exploitent ainsi le travail d’autrui. Mais être proxénète ou patron esclavagiste d’un atelier clandestin, j’avoue que je ne fais guère de différence. Quidam : Admettons. Mais pour ce problème spécifique de la prostitution, quelle solution verriez-vous ? PG : La solution est relativement évidente et est la même que pour le cannabis dont nous venons de discuter : légaliser ! Alors ici, ce n’est pas tant que la prostitution soit interdite, mais plutôt que lui sont imposées des conditions favorisant la clandestinité et donc qui en augmentent les dangers. Or les personnes qui se prostituent sont des citoyens comme les autres et ont droit à ce titre de choisir le métier qu’elles veulent pratiquer autant que de le pratiquer dans de bonnes conditions de sécurité. J’approuve l’interdiction du racolage dans la rue, que ce soit pour la prostitution comme pour tout autre démarchage commercial. Mais quand sous prétexte de cette interdiction, la prostitution est repoussée vers des zones à risque, telles des terrains vagues, des bords de route isolés, des bois sombres, etc., forcément se mettent en place des contextes favorables au développement de la criminalité, que ce soit de la part de clients dérangés et dangereux ou que ce soit de la part de proxénètes. Et dans le système actuel, il ne faut pas négliger le fait que le proxénète certes exploite, mais aussi qu’il apporte une certaine protection vis-à-vis des clients dangereux. Alors force est de reconnaître que la position de la société, dans sa volonté encore une fois de faire l’autruche, crée le problème et légitime en partie le proxénétisme. La solution est donc de rouvrir les maisons closes. D’accord, je connais la boutade pointant la contradiction qu’il y a à vouloir rouvrir des maisons qui ont vocation à être closes plutôt qu’ouvertes. Mais les paradoxes linguistiques, pour amusants qu’ils puissent être, ne doivent pas faire obstacle au bon sens. La réouverture des maisons closes, c’est la possibilité pour les travailleurs du sexe d’exercer dans de biens meilleures conditions, tout en assurant une bien meilleure lutte contre le proxénétisme qui n’a alors plus aucune raison d’être. A ce titre, d’ailleurs, il faut aussi bien accepter le fait que le conjoint d’une personne qui se prostitue n’est pas pour autant nécessairement un proxénète. Pourquoi un ou une prostitué(e) n’aurait-il ou n’aurait-elle pas droit à une vie de famille comme tout un chacun ? La nuance proviendra de ce que le conjoint force à la prostitution pour son intérêt propre ou que c’est librement choisi par la personne qui la pratique. La prostitution doit donc devenir une activité professionnelle comme une autre, et les maisons closes des établissements entrepreneuriaux comme les autres. D’ailleurs cela rendra plus facile aussi pour les clients d’éviter la confusion des genres : ils iront au salon de massage pour les papouilles, et à la maison close pour les bisouilles. Quidam : Mais certains pensent que la réouverture des maisons closes est avant tout une façon de mieux surveiller les prostituées pour mieux taxer leurs revenus. Qu’en pensez-vous ? PG : Qu’il y a bien mieux que ça pour lutter contre le travail au noir dont la prostitution n’est qu’une petite partie. D’ailleurs, rouvrir les maisons closes ne veut pas dire interdire la prostitution en dehors de celles-ci. Certains préfèreront recevoir chez eux, ou se déplacer chez leur client, ou rester au bord d’une route. Libre à eux. La sécurité y sera moindre, et je ne parle évidemment pas de la sécurité relative aux maladies sexuellement transmissibles qui relève dans cette profession essentiellement de l’usage du préservatif, mais de la sécurité contre la violence physique. Autre que les prestations demandées et consenties de jeux sado-maso évidemment. Eh oui, il y a de tout dans ce monde, mais tant que c’est entre adultes consentants, cela ne concerne personne d’autre. Quidam : La lutte contre le proxénétisme ne sera pas résolue pour autant par la simple réouverture des maisons closes, vous en êtes bien conscient, je pense. D’ailleurs, en assurant la taxation des revenus de la prostitution, l’Etat ne deviendrait-il pas le premier maquereau de France ? PG : Dans la mesure où je ne fais guère de différence entre la prostitution et une autre activité libérale de services à la personne, engranger les contributions liées à ces revenus ne fait pas plus de l’Etat un proxénète que lorsqu’il taxe les médecins ou les jardiniers. C’est la simple collecte de la contribution de chacun au fonctionnement commun. Pour ce qui est de la lutte contre le proxénétisme, favoriser des ateliers légaux ne signifient pas que les illégaux vont disparaître. De même, les maisons closes n’empêcheront pas des gens sans scrupules de tabasser une fille, peut-être enlevée à l’étranger, pour la mettre dans une cabane de chantier où des ouvriers, peut-être immigrés clandestins travaillant au noir et en manque de vie familiale autant que de relations féminines, vont s’y vider les burnes à la chaîne. L’horreur n’a de limite en ce monde que dans les limites de l’imagination des humains. Et comme celle-ci est très développée, il faut aussi se donner les moyens de la contrer. Des mesures de contrôle financier pour lutter contre le travail au noir seront aussi de nature à réduire voire à supprimer ce genre de situation. Mais il ne faut pas être naïf : dans notre société, que ce soit contre les trafiquants ou contre les proxénètes, qui ne sont jamais que des trafiquants de chair fraîche, la lutte contre ces dérives criminelles passera forcément et encore pour longtemps par des institutions policières et judiciaires performantes. 13 : justice et procédure judiciaire Quidam : Alors si c’est la justice qui doit régler le problème, ces trafiquants de chair fraîche sont tranquilles pour encore un bon moment. Car s’il est une institution qui fonctionne mal dans ce pays, c’est bien celle-là. PG : Effectivement. Si tout français se dit officiellement confiant dans la justice de son pays, parce qu’il est vrai que ce sont des principes de justice qui servent de base à notre droit, ils disent aussi officieusement qu’il vaut mieux ne jamais avoir affaire à elle, tant tout le monde est conscient de la grande inefficacité de notre institution judiciaire, à commencer par ceux qui ont des choses à se reprocher et pour qui c’est tout bénéfice. Même s’ils commencent à dater un peu, les résultats d’une enquête disaient même que neuf personnes sur dix n’avaient pas confiance en la justice, « surtout si on est innocent ». Il est vrai que les reproches qu’on peut lui adresser sont nombreux et amènent la plupart des gens à préférer un mauvais arrangement plutôt que de rechercher le bon arbitrage de la justice. Cette situation donne donc un inacceptable avantage aux magouilleurs sur les honnêtes gens. Mais est-ce la faute des juges ? Ils s’efforcent de faire leur travail du mieux possible. Ils ne sont pas responsables des lois votées par le parlement et dont ils sont seulement chargés de juger la bonne application. Ils ne sont pas responsables non plus de la lourdeur des procédures de la justice. Et ils sont les premiers à dénoncer toutes les inefficiences de leur institution, notamment en matière de manque de moyens. Alors le problème, c’est qu’il y a beaucoup de problèmes. Réformer la justice est un vaste chantier auquel il faut s’attaquer le plus tôt possible. Sans justice performante, pas de réel état de droit. Quidam : Déjà, il serait bien de commencer par rendre la loi plus claire. PG : C’est indispensable. Le roi Babylonien Hammourabi est resté célèbre dans l’Antiquité pour avoir fait graver sur une stèle les 282 articles du code de loi qui régissaient son royaume. La loi ainsi gravée dans la pierre était à la disposition de tous, ou du moins de ceux qui savaient lire, et était donc la même pour tous. On ne peut clairement pas espérer réduire nos codes de loi à 282 articles, sauf à ce qu’ils n’aient chacun la longueur d’une encyclopédie, mais il est certainement possible les de simplifier et de les clarifier. En ce début de 21ème siècle, la France compte plus de vingt mille textes législatifs, auxquels se rajoutent quelques cinq cent mille textes règlementaires, ordonnances, décrets, arrêtés, et j’en passe, ainsi que le droit communautaire européen qui va s’accroissant, et sans même parler du droit international. Alors la prochaine fois que vous rencontrerez un petit rigolo qui vous sert le fameux principe « nul n’est censé ignorer la loi » demandez lui donc qu’il vous cite ce plus d’un demi million de textes qui s’appliquent à nous tous pour le meilleur comme pour le pire. Ce principe, de bon sens au départ, est devenu inapplicable dans notre jungle législative. Et ce d’autant plus que la loi ne fait pas grand-chose pour se mettre à la portée de tous. C’est même plutôt l’inverse. Il y a donc urgence à réformer la lettre de la loi. Quand des textes abscons nécessitent des instructions administratives pour les interpréter ou des décrets pour en préciser les modalités d’application, que les avocats sont quant à eux maîtres dans l’art de la contre-interprétation, et qu’au final l’esprit de la loi se perd dans cette lettre hermétique, eh bien chacun comprend ce qu’il veut et la règle se discrédite d’elle-même. Il faut donc réécrire tous ces textes de loi de façon claire et précise, ne nécessitant pas d’interprétation, afin que tout un chacun, les lisant, puisse comprendre quelle est la loi. Et puisse donc ensuite agir en conséquence, en pleine connaissance de cause. Si la loi prétend illuminer de sa guidance les concitoyens qu’elle protège, encore faut-il que la lettre qui l’exprime commence par avoir la limpidité nécessaire. Une fois clarifiée, elle doit ensuite être mise à la portée de tous en profitant des outils modernes, notamment Internet, afin que chacun puisse facilement y trouver les textes s’appliquant à telle ou telle situation sans nécessité de devoir aller consulter un avocat. Quand l’accès à la connaissance approfondie de la loi est de facto payant, comment s’étonner que tant de gens n’en tiennent pas compte ? Quidam : Je ne peux vous donner tort. Il existe d’ailleurs déjà un site Internet dédié à cette fonction, mais je dois bien avouer, pour l’avoir consulté, qu’il ne m’a guère éclairé. Il y a matière à l’améliorer. Par contre, re-rédiger tous les codes de lois est un énorme travail. PG : Si on se laisse effrayer dès le départ par l’ampleur de la tâche, alors résignons-nous à ne pas faire grand-chose. Ca prendra du temps, mais c’est tout à fait faisable. D’ailleurs, en quelques années à peine, Napoléon a fait un travail colossal d’organisation de la législation et de l’administration française. Et il ne s’y penchait pas à plein temps. Il avait, ainsi que vous le savez certainement, quelques autres hobbies relativement envahissants. Mais depuis deux siècles, le monde a évolué, et il sera bon de rafraîchir nos codes de lois. Ce sera plus constructif que de voir nos députés et sénateurs, en bons stakhanovistes d’une industrie si productive qu’elle en devient assimilable à une diarrhée frénétique, en voter sans cesse de nouvelles mais sans jamais faire le ménage de celles qui sont obsolètes et trouvent pourtant encore à s’appliquer, faute d’avoir été abrogées. Et on s’étonne ensuite que certains textes se contredisent les uns les autres, probablement dans un souci de promouvoir la laïcité puisque le citoyen en vient alors à ne plus savoir à quel saint se vouer. Faut-il couper votre arbre parce qu’il menace de s’effondrer sur le toit de votre voisin ? Ou au contraire le laisser parce qu’il est habité par un obscur coléoptère bénéficiant du statut d’espèce protégée ? Mais les deux, mon bon Monsieur, les deux. Pris entre le marteau et l’enclume, l’administré devient marteau à force d’être pris pour une enclume. Comment faire avancer une société si les règles qui la régissent se partagent entre l’incompréhensible, l’obsolète et le contradictoire ? Quidam : Il faut bien avouer que le fameux adage « trop de loi tue la loi » trouve ici à s’appliquer. PG : Que voilà une citation de bon aloi ! Il me semble qu’un pays doit avoir une constitution qui définisse le fonctionnement des institutions de l’Etat, et un ensemble de lois fondamentales posant les principes de droit, les valeurs, sur lesquels construire la société. La France mélange les deux dans sa constitution, les anglais dans leurs lois fondamentales. Considérant que ce sont là deux choses très différentes, la séparation en constitution et en lois fondamentales me semble préférable et de nature à apporter davantage de clarté. De plus, cela facilitera l’évolution de la constitution, les institutions et leur fonctionnement pouvant être amenés à évoluer au fil du temps, alors que les principes fondamentaux du droit ont vocation à plus de stabilité et d’universalité. Ensuite, le reste, lois, ordonnances, décrets, règlements, etc., ne doivent être que la déclinaison des principes d’équité et de bon sens posés par ces lois fondamentales. La jurisprudence, elle, les complète pour tout ce qui n’est pas précisé par un texte spécifique et en offrant de surcroît plus de souplesse pour s’adapter aux évolutions de la société. La lettre de la loi doit guider, mais l’accent doit demeurer sur l’esprit de la loi. Ce me semble une façon plus efficace de faire vivre la loi et d’en limiter l’obsolescence. Si vous manquez de bon sens, apprenez par cœur toutes les lois. Si vous êtes suffisamment imprégné de l’esprit de justice, d’équité, de respect d’autrui, alors connaître les lois fondamentales suffit. Et argumenter sur ces bases, même si une loi mal conçue dit le contraire, doit vous permettre d’obtenir justice sans avoir à faire révoquer telle ou telle disposition pondue par un ministre ou même par l’Assemblée. Dès lors, on pourra valablement dire « nul n’est censé ignorer les Lois Fondamentales ». Quidam : Et la Constitution. PG : Même pas besoin. Connaître les règles de fonctionnement des élections locales, ou les relations entre le parlement et la présidence, n’ont d’intérêt que pour ces domaines-là. Et vous pouvez parfaitement vivre, et obtenir justice, sans le savoir. Bon, bien sûr, si vous ne savez pas que le président est élu au suffrage universel direct, là, il est clair que certains rouages de la société risquent de vous échapper. Mais à la limite, c’est votre droit de ne pas comprendre et de ne pas vous intéresser à ces choses-là. Elles ne sont pas indispensables pour déterminer la conduite juste permettant de vivre ensemble en société. Ces valeurs-là doivent relever des seules lois fondamentales. Dès lors, à chaque fois qu’un tribunal sera amené à contredire une loi, ou autre disposition règlementaire, sur la base des Lois Fondamentales, celle-ci se trouvera automatiquement renvoyée à l’autorité qui l’a promulguée, Assemblée, Gouvernement ou administration, afin d’être révisée. Mais ce sera indépendant de la conduite du procès et justice pourra être rendue sans devoir attendre cette révision. Et évidemment, ça n’empêchera nullement les recours en cas de désaccord d’une des parties. Nous aurons alors progressivement une mise à jour des codes de lois pour que les dispositions obsolètes disparaissent. Et en plus nous en finissons avec ces cas insupportables où les tribunaux de première instance condamnent une personne pour tort sur la forme tout en reconnaissant qu’elle a raison sur le fond, la forçant à aller jusqu’en cassation pour, peut-être, enfin obtenir justice. On dit que la cour de cassation est le juge du fond. Pourquoi faut-il attendre des années de procès, et engager des dizaines de milliers d’Euros de frais divers, pour que la justice accepte de sortir de la forme et enfin juger le fond ? La prédominance de l’esprit sur la lettre ne doit-elle pas être un principe de base du droit ? On ne doit plus pouvoir dire qu’il vaut mieux avoir un bon avocat que d’avoir raison ! Quidam : Mais ça ne désengorgerait pas les tribunaux pour autant. Au contraire même. En facilitant l’accès à la justice, de nombreuses personnes qui, s’abstiennent actuellement de demander justice sur des choses secondaires, tenteraient leur chance. Il y aurait un afflux de nouveaux dossiers. PG : Eh bien qu’il en soit ainsi. Quand la lourdeur de fonctionnement de l’institution judiciaire dissuade les citoyens de demander justice, alors autant renoncer à prétendre être dans une société de droit et d’équité. Ce n’est donc pas un argument recevable. Ensuite, si le droit et l’équité sont un fondement de la société, les faire respecter est parmi les toutes premières, sinon la première, des priorités. Ne pas y consacrer les moyens nécessaires ne peut qu’indiquer la place relative de ces valeurs dans notre système social. Normal, dès lors, que les choses dérivent. Vous voulez le règne de la justice ? Alors il faut s’en donner les moyens. A quoi sert d’entretenir une police si c’est pour faire prévaloir l’iniquité ? A quoi sert d’entraîner une armée si la société qu’elle défend est moralement indéfendable ? La justice est primordiale. L’alternative, c’est le chaos. Alors évidemment, le temps que la société prenne le pli, que les gens s’aperçoivent que les choses ont changé et que tricher ou nuire ne fera que leur amener de gros ennuis, le temps que les mentalités évoluent, et les consciences avec, effectivement, les tribunaux en auront lourd à traiter. Certaines évolutions toutefois peuvent aussi être très rapides. Dès que les gens constateront que la loi les laisse aussi face à leurs propres responsabilités, les cas de poursuites lancées par des personnes irresponsables se raréfieront rapidement. Celui qui n’a pas fait attention à la bouche d’égout ouverte dans laquelle il est tombé malgré les cônes de signalisation et le ruban de sécurité ne s’en prendra plus qu’à lui-même au lieu de rechercher un jackpot en demandant une indemnité à la municipalité ou à l’entrepreneur en charge des travaux. Et on peut même envisager qu’il soit condamné à payer une amende pour négligence ayant nécessité le déploiement de moyens de secours et de soins. Pareillement, les plaintes assimilables au cas bien connu de cette dame qui avait mis son chien à sécher dans le micro-onde, parce qu’elle avait l’habitude de le sécher dans son four mais n’avait pas compris les nuances de fonctionnement entre ces deux appareils, ne contribueront plus à encombrer les tribunaux. Que les industriels soient responsables de leurs négligences de conception ou de fabrication, oui, mais de la bêtise de leurs clients, non. Cette déresponsabilisation croissante des gens vis-à-vis des événements de leur vie courante va même beaucoup plus loin. Qu’un enfant déprimé demande à aller faire pipi pendant la classe et en profite pour se pendre avec l’essuie-mains, et voilà que les parents accusent l’institutrice de négligence ! Faut-il condamner Météo France de n’avoir pas prévu qu’un arbre s’abattrait précisément sur la tente où des gens faisaient la fête malgré l’avis de tempête qui avait été émis ? Cette manie du besoin d’un bouc-émissaire n’aboutit qu’à encourager l’infantilisation des individus en plus de décourager toute initiative des maires et des organisateurs de fêtes, randonnées et assimilés. Comment faire d’un monde un monde morne ? Et bien comme ça justement. Puisqu’il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne risquent pas de faire des bêtises, ne faites plus rien, vous aurez moins d’ennuis… mais vous vous ennuierez à mourir. Alors l’institution judiciaire doit cesser de faire la part belle à ce genre de recours et assumer un rôle pédagogique vis-à-vis des citoyens, autant pour les responsabiliser et contribuer ainsi à ce qu’ils mûrissent que pour réduire le nombre d’affaires visant uniquement à mettre une tête à la place de la fatalité ou de leur propre irresponsabilité. Quidam : Les fumeurs qui font un procès aux cigarettiers une fois un cancer déclaré ne pourront donc clairement pas compter sur votre soutien. PG : Effectivement, et c’est un excellent exemple de cette dérive. Si, en plus de leur jugement, les juges émettaient, à chaque fois qu’ils déboutent un plaignant, un avis sur le degré de bonne foi de la requête, et que les cas estimés de mauvaise foi soient sanctionnés, ça calmerait aussi les mauvais coucheurs procéduriers qui font des procès à leurs voisins juste pour le plaisir de leur nuire. Mais quoiqu’il en soit, rapidement ou pas, il faudra passer ce cap. Donc mettre davantage de moyens, davantage de juges, de tribunaux, de greffiers, etc., pour que la justice soit omniprésente dans la société. Vivre avec le sentiment que l’injustice peut nous frapper n’importe quand et qu’il sera bien difficile de s’en défendre n’est pas acceptable au regard du besoin de sécurité que l’on recherche en vivant ensemble. Et avoir confiance qu’on finira par obtenir justice mais dans dix ans n’est pas non plus satisfaisant. Pour être crédible, et à défaut de pouvoir être immédiate, la justice doit avoir les moyens nécessaires pour être rapide. Ce n’est pas là qu’on peut faire des économies budgétaires. Si nous ne sommes pas prêts à payer ce qu’il faut pour avoir une institution judiciaire de qualité, alors rétablissons officiellement la loi de la jungle pour au moins nous économiser ce simulacre d’état de droit. Quidam : Mettre plus de juges, ce n’est pas si simple. Ca prend du temps pour former un juge. PG : Oh que oui. Mais redresser la société des dérives actuelles ne se fera pas en un clin d’œil. C’est un travail de longue haleine. « Rome ne s’est pas faite en un jour », dit l’adage. C’est pourquoi elle fut relativement durable, contrairement à l’empire éclair d’Alexandre le Grand. Ce qui se construit en une journée, se détruit tout aussi rapidement. Alors il faut investir dans la formation de juges qualifiés. Par contre, il y a des mesures rapides qui peuvent être prises pour déjà au moins améliorer l’efficacité des tribunaux et augmenter leur capacité de traitement. Déjà, il faut sanctionner dissuasivement les manœuvres dilatoires. Par exemple, il n’est pas acceptable que des avocats professionnels attendent d’arriver à l’audience pour demander un renvoi, prétextant n’avoir pas eu le temps d’étudier leur dossier. Le juge, lui, l’a étudié ce dossier, afin d’être prêt pour l’audience. Il devra au minimum le réviser pour la prochaine fois, et ça, ce sera du temps perdu qu’il aurait pu consacrer à une autre affaire. De même, que la justice se donne davantage les moyens de combattre le mensonge au lieu de l’instituer comme un droit, et les débats avanceront certainement plus rapidement. Dans les faits, les parties ont le droit au mensonge jusqu’à ce que la partie adverse n’arrive à le prouver. Mais comment ? Au moyen d’un document ou d’un témoignage. Et qui pour être recevable dans le dossier doit préalablement être communiqué à la partie adverse. Donc, en fonction des éléments du dossier au départ, les accusés savent à l’avance dans quelle mesure et sur quels points ils peuvent mentir. Il est considéré que la communication du dossier à égalité aux deux parties est une garantie des droits de la défense. Il me semble que le mis en examen doit savoir ce qu’il a fait ou pas fait. Et je ne vois pas en quoi le fait de lui fournir à l’avance des éléments pour nier l’accusation fait avancer la justice. Si chacune des parties donne d’abord spontanément sa version des faits, et qu’on examine les éléments du dossier après, à charge comme à décharge, il y aura davantage de vérité spontanée parce que le risque d’être pris en flagrant délit de mensonge sera bien supérieur. A trop vouloir favoriser la défense, c’est le droit qui en pâtit. Il me semble qu’il y a là un manque de juste mesure préjudiciable à l’efficacité de la justice. Reste à décider du châtiment à appliquer au mensonge. En fiscalité, la fraude entraîne une pénalité de 80% du montant du redressement. Ca peut être une piste. Doubler la peine d’un menteur me semble une juste sanction. Quidam : En tout cas, ce serait cohérent avec le principe « faute avouée, à moitié pardonnée ». Sauf qu’ici ce serait « faute niée, punition doublée ». PG : Un autre vecteur évident d’amélioration de l’efficacité des tribunaux est le plaider-coupable à l’américaine. Il faut que cela puisse se faire soit entre avocats, soit, pour les simples infractions ou les petits délits, directement entre les parties sous l’égide d’un médiateur. Si cela se fait entre avocats, il ne me semble pas aberrant d’accepter qu’ils négocient entre eux la peine, du moment qu’elle est validée au final par un juge et non simplement entérinée par un procureur. Le juge aura certes à étudier le dossier pour apprécier la justesse de la peine convenue, mais ce sera infiniment plus rapide que de devoir présider des débats contradictoires à la recherche de la vérité. Si ce plaider-coupable se fait sans avocat mais devant un médiateur, nommé en fonction par exemple de son expertise d’un domaine sans qu’il soit particulièrement formé au droit, seule la détermination des faits et des torts sur lesquels les parties s’accordent peut être ainsi menée à bien. La sanction relève ensuite d’un juge, qui là aussi gagne beaucoup de temps en disposant d’un dossier tout ficelé, même s’il doit alors le réviser plus en profondeur pour s’assurer qu’il n’y a pas de distorsion du droit, que ce soit par naïveté, faiblesse, méconnaissance, ou quelque autre raison. La sanction peut alors être prononcée par le juge selon le principe « faute avouée, à moitié pardonnée » que vous rappeliez, donc une sanction plus légère que s’il y avait eu à auditionner tout le dossier à la recherche d’une vérité qu’une partie, voire les deux, cherche à déformer ou dissimuler. D’ailleurs, pour encourager encore plus le plaider-coupable, on peut envisager que les parties qui y ont recours et trouvent à s’entendre ainsi n’aient à subir que des dépens de justice modérés, à répartir selon la part de torts de chacun. Au contraire, les parties fautives de mauvaise volonté qui refusent de reconnaître leurs torts et obligent la justice à enquêter en profondeur pour déterminer les éléments du dossier, sont, elles, passibles de dépens très complets et donc assez lourds. Cela aura en plus l’intérêt d’abonder le budget de la justice pour permettre de renforcer les moyens dont elle a besoin pour accomplir correctement sa mission. Au passage, à défaut de pouvoir former instantanément suffisamment de juges, il me semble utile de considérer la piste des médiateurs et conciliateurs issus de la société pour préparer les dossiers lorsque c’est possible. Il ne s’agit pas de mettre en place de nouvelles juridictions sur le modèle du tribunal des prud’hommes, mais uniquement de faire avancer, avant que le juge ne s’en saisisse, le démêlement des dossiers dans des affaires de gravité limitée, relevant essentiellement du civil, et où les parties, sans se reconnaître de torts, démontrent assez de bonne volonté pour éclaircir les faits. Comme de mini-procureurs en quelque sorte. Et enfin, encore une autre piste : de toute évidence, il faut aussi généraliser l’action de groupe. Cela concerne particulièrement tout le domaine de la consommation, de biens comme de services. Il n’y a pas besoin de faire de longues analyses pour conclure que juger mille recours en une fois est plus efficace que de juger à travers la France, dans différents tribunaux, mille fois le même cas. Quidam : Mais alors ce ne serait pas forcément dans le tribunal du ressort de votre domicile comme le prévoit la loi dans son souci de protéger le consommateur. PG : Non, effectivement, ce sera au tribunal où le plaignant le plus diligent, donc le premier qui dépose plainte, aura fait initier le dossier. Mais comme rien ne force quelqu’un à se joindre à une action de groupe, libre à lui de déposer sa propre plainte dans son tribunal local s’il préfère. Je ne suis pas sûr qu’il y gagne, mais c’est un droit qu’il faut préserver. Et puis rien n’empêche de prévoir qu’un dépôt de plainte dans un tribunal donné, du ressort de son domicile par exemple, ne puisse être rattaché au jugement du même cas déjà à l’étude dans un autre tribunal. Un simple service relais offert par le greffe en somme, afin de réduire les frais à engager par le justiciable autant que par la justice. A l’heure de l’informatique, intégrer ainsi les greffes des diverses juridictions pour qu’ils puissent proposer un tel service ne me semble pas du tout inconcevable. Et puis un peu dans le même esprit, une autre façon de réduire le nombre de dossiers à traiter par les tribunaux est aussi de traiter ensemble les affaires liées l’une à l’autre. Prenons l’exemple d’un ex de mauvaise foi qui décide d’accuser de maltraitance, voire de pédophilie, son ancienne conjointe et son nouveau compagnon. Dring, les services sociaux débarquent, trop souvent pleins d’arrogance et de présomption de culpabilité, enquêtent, mettent leur vie à nue, ce qui forcément est relativement traumatisant pour les enfants pris dans ce mauvais jeu. Et au final, il s’avère que l’accusation était fausse, le juge déboute le mauvais coucheur, et voilà. Il a mis le bordel dans leur vie, mais ça ne lui a rien coûté. Il faut ensuite une plainte spécifique en diffamation pour essayer d’obtenir un semblant de réparation, donc un nouveau cas à traiter. Et pourquoi n’est-ce pas traité directement ? Pourquoi un faux témoignage ou une accusation mensongère ne donne-t-elle pas directement lieu à une sanction, plutôt que d’obliger une nouvelle affaire, un nouveau jugement, plus tard, un jour… Pourquoi s’accrocher à des dispositions uniquement propices à multiplier les dossiers à juger, en plus d’engraisser les fruits tropicaux au détriment des justiciables ? Quidam : Evidemment. Et le problème du mensonge en justice n’est pas si rare. Une fois que celui-ci est établi, effectivement, pourquoi ne pas le juger à chaud ? Mais sur un tout autre sujet, vous qui recommandiez de recourir à des conciliateurs et médiateurs de la société civile pour en quelque sorte pré-instruire un dossier, que pensez-vous alors de la question de la suppression ou pas du juge d’instruction qui fait tant débat ? Certains considèrent cette fonction inutile car redondante avec celle des procureurs, le monde juridique estimant au contraire que la supprimer équivaudrait à une mise aux ordres de la justice par le pouvoir exécutif qui dirige déjà les procureurs. PG : Je suis d’accord avec le monde juridique. L’existence des juges d’instruction, non pour se mêler de tout à la place des procureurs, car effectivement, ce serait là un doublon inutile, mais pour surveiller spécifiquement toutes les questions susceptibles de relever d’un conflit d’intérêt avec le pouvoir nommé ou élu, améliore la garantie d’équité dans la société. Si personne n’a vraiment de pouvoir de justice pour enquêter sur des histoires mafieuses impliquant des élus locaux, sur des magouilles financières impliquant des ministres, sur des dérives totalitaires impliquant les forces de l’ordre, sur la corruption, etc., comment prétendre garantir la même justice pour tous ? Déjà, malgré les juges d’instruction, il vaut mieux être riche et avec un bon avocat, que pauvre et seul, alors sans, vous imaginez bien. La question de la juste mesure se pose forcément aussi en matière de moyens de l’institution judiciaire et de l’organisation de celle-ci. Trop n’est pas nécessaire. Mais je ne crois pas que les juges d’instruction soient en trop. Sauf à ce qu’on en vienne à avoir « trop » de juges d’instructions… mais c’est là une question de dimensionnement de la fonction, pas de l’utilité de celle-ci. Quidam : Vous mentionniez à l’instant le déséquilibre existant entre celui qui a un bon avocat et celui qui n’en a pas. Quelle réponse apporter à ça ? PG : Je ne suis pas sûr qu’il y en ait une. On ne peut nier la réalité selon laquelle certains sont plus malins que d’autres ni que certains parlent mieux que d’autres. L’égalité est une vaste fumisterie. Personne n’est égal avec personne. Et heureusement car c’est cette diversité qui fait l’intérêt du monde. Tout ce que la société peut faire, c’est chercher à favoriser l’équité. C’est très différent de l’égalité, puisque ce n’est que l’égalité en droit. C’est la seule qui soit possible. La société vous donne la possibilité d’avoir un avocat, quitte à vous en commettre un d’office si vous n’avez pas les moyens de le payer. Malheureusement, ce sera alors souvent un débutant, ou un juriste peu motivé par votre cas vu le peu d’argent que ça lui rapporte. Alors une solution est déjà d’augmenter la rémunération des avocats commis d’office à un niveau plus en rapport avec ce qu’ils sont en droit d’espérer. Mais également de s’assurer qu’un conseiller fiscal, qui a titre d’avocat et est inscrit en tant que tel au barreau, ne soit pas commis d’office sur une affaire criminelle à laquelle il n’apportera pas grand chose faute d’expérience et d’expertise dans ce domaine pénal. Si l’institution juridique elle-même n’est pas capable de reconnaître les différences fondamentales existant entre les différents domaines du droit, comment reprocher au citoyen lambda de se mélanger aussi ? Par contre, on peut envisager de changer certaines choses au niveau des avocats. Par exemple, on distingue, en droit, le fond et la forme. Pour interjeter appel, ce qui en bon français veut simplement dire faire appel, vous n’avez pas obligation d’avoir un avocat. Mais vous avez l’obligation d’avoir un avoué. L’avoué est le garant de la forme, c'est-à-dire qu’il doit s’assurer de la régularité de la procédure. L’avocat, lui, est une aide pour argumenter sur le fond, c’est à dire qu’il peut parler à la cour à votre place si vous n’êtes pas à l’aise pour le faire et qu’il est censé apporter une capacité d’analyse sur les éléments du dossier, que ce soit pour accuser ou pour défendre. Très clairement, tout un chacun peut être son propre avocat, et réfléchir et argumenter avec son propre bon sens, même si certains domaines très techniques peuvent être très piégeux. Alors qu’être avoué demande une formation juridique aux procédures des tribunaux. Dans les faits, les avocats servent souvent d’avoués, et rien n’empêche l’avoué de vous conseiller aussi sur le fond. Et pourtant, en première instance, dans certains cas l’avocat est obligatoire, dans d’autres il ne l’est pas, en appel il ne l’est pas non plus mais il faut un avoué. Bref, dans certains cas vous pouvez vous armer de votre bonne foi, dans d’autres il faut commencer par vous armer de votre chéquier. Il me semble tout à fait envisageable de considérer que la fonction d’avoué, puisqu’elle est censée garantir le respect des procédures, soit fonctionnarisée et intégrée au fonctionnement de toute juridiction, quelle que soit l’instance, où la forme peut poser un problème. Chaque partie se voit attribuer un avoué rémunéré par la société et qui, en plus de veiller à la forme, peut éventuellement donner ses conseils sur le fond comme un avocat commis d’office pourrait le faire. Du coup, tout un chacun a accès gratuitement à la justice. A contrario, l’avocat doit être optionnel en toute circonstance. Quelqu’un qui souhaite s’adjoindre les capacités et les conseils d’un avocat professionnel doit pouvoir le faire, celui qui estime pouvoir se débrouiller tout seul aussi. La question des honoraires d’avocat n’est alors plus un facteur de dissuasion pour accéder à la justice. Et dans la même ligne d’idée, pourquoi ne pas autoriser tout individu qui le souhaite d’assister un ami ou un parent au tribunal comme le ferait un avocat ? Faut-il nécessairement un diplôme pour avoir le sens de l’analyse et de la justice ? Quidam : Les avocats risquent de ne pas être d’accord pour perdre leur monopole de la plaidoirie. PG : Personne n’est jamais d’accord pour perdre un privilège, et cette attitude nombriliste contribue grandement à l’impasse dans laquelle se trouve la société dans son ensemble. Et ce n’est pas lorsqu’ils ont fait grève pour protester contre la perte d’honoraires que leur cause la possibilité d’enregistrer les divorces à l’amiable directement devant le notaire qu’ils sont remontés dans l’estime des justiciables. Mais il faut parfois savoir se passer de l’accord des gens. Et peut-être que ça rappellera aux ténors du barreau que leur fonction est de servir la justice et non de s’engraisser à coups d’effets de manches, de manœuvres dilatoires, de mensonges, de calomnies et de diffamation. Car la profession d’avocat s’est autorisée des dérives fumeuses qui nuisent gravement à la bonne santé de la justice. Pour rétablir celle-ci, il faudra nécessairement les bousculer. En les mettant un peu de côté. Car clairement, dans ce que je propose, le titre d’avocat n’est plus que l’apanage d’un diplôme de droit adéquat, sans aucune prérogative spéciale auprès du tribunal. De ce fait, seule leur habileté analytique et rhétorique leur permettra de trouver des clients, comme c’est le cas dans tous les métiers du conseil. Fini la rente de situation, à piéger des citoyens en quête de justice grâce à leur titre, à les facturer au prix fort, mais à envoyer ensuite une assistante balbutiante au tribunal à leur place. Et puis, s’ils ne sont plus obligatoires, le justiciable pourra aussi mieux se prémunir contre le racket de leurs honoraires. Actuellement, tort ou raison, vous devez les payer. Dès lors, pour eux, tout se plaide. Et on s’étonne après de l’encombrement des tribunaux par des dossiers d’une mauvaise foi patente ! Alors qu’en négociant un paiement au résultat, ce sera très différent. C’est une pratique courante dans le monde anglo-saxon où ça s’appelle les « contingency fees ». Payé au résultat, l’avocat n’acceptera de s’occuper de votre dossier que s’il croit en vos chances de succès. Et s’il n’y croit pas, il refusera ce mode de rémunération, et vous saurez alors à quoi vous en tenir. Quidam : Ca les motiverait un peu plus, il est vrai. Mais n’y a-t-il pas un risque que les juges n’assimilent ensuite l’absence d’avocat à une incapacité à convaincre un professionnel de la rhétorique de vous prêter son concours plutôt qu’à une volonté de vous passer de leur aide ? La tentation peut devenir non négligeable pour les juges de commencer à considérer que celui qui a un avocat a raison, tandis que celui qui se présente sans a tort. PG : On ne peut totalement exclure ce risque de dérive. Seule la qualité humaine et professionnelle des juges peut y apporter une parade. Car la logique de la chose est que les avocats se doivent d’apporter une valeur ajoutée au niveau de la réflexion et non simplement de déclamer des arguments en lieu et place de leur client, souvent sans même savoir si ce qu’ils disent est vrai ou pas. A moins que celui-ci ait trop peu de maîtrise de ses émotions pour argumenter correctement sur des points le touchant de très près, si bien que la présence de l’avocat sert à offrir un recul plus propice à des débats constructifs. C’est donc très différent que de considérer qu’ils rendent un pré-jugement en acceptant ou pas de se charger d’une affaire. Si bien que je doute que le corps des magistrats du siège ne tombe dans ce travers. Et pour les rares cas où cela serait, il restera les instances d’appel et de cassation, en plus d’un monitoring des jugements rendus, par une autorité professionnelle indépendante à mettre en place, permettant de surveiller statistiquement qu’aucun juge ne dérive sur ce point ni sur aucun autre biais systématique. Mais bon, il ne faut pas non plus stigmatiser les avocats. C’est une profession qui connaît certes des dérives préjudiciables, mais ce n’est pas pour autant qu’ils soient tous à mettre dans le même sac. Comme toujours, les dérives de quelques uns discréditent les autres et il faut se garder de généraliser. Nombre d’avocats ont à cœur leur mission d’aider à ce que prévale la justice. Et ce seront les premiers à applaudir l’assainissement de la pratique de leur profession. Quidam : Vous avez mentionné la question de la sanction dans les jugements. Pensez-vous qu’il y ait là aussi matière à changer certaines choses ? PG : Comment y échapper ? A quoi sert la justice sinon à « éduquer » la société ? L’éduquer à la liberté consciente et respectueuse sans laquelle la liberté de tous ne peut exister ? Alors comme en matière d’éducation, l’adaptation de la sanction à la faute est primordiale pour la pédagogie. Si elle est inadaptée, le message pédagogique ne passera pas. Trop faible, le fautif se gausse et peut même y trouver un encouragement à fauter ; trop forte, elle génère un sentiment d’excessive sévérité qui risque d’être assimilée à de l’injustice et donc stimuler des envies de révolte. Le droit français passe complètement à côté de cette fonction pédagogique d’éducation du citoyen. Du fait de ce stupide principe d’égalité, il est considéré juste qu’une même faute vaille la même peine à deux individus pourtant très différents. En fait, on considère qu’une faute a un tarif, et que vous devez simplement en payer le prix comme vous payez le prix d’un paquet de chewing-gum en passant à la caisse. Je ne vois pas ce que ça a de pédagogique. Prenons le cas des chewing-gums justement. Supposons qu’enfin les autorités se décident à sanctionner l’incivilité qui consiste à les jeter par terre ou les coller sous les tables, histoire d’inculquer à ceux qui en manque les notions de propreté et de respect nécessaire à une bonne vie en commun. Comment faut-il sanctionner cette faute ? Une amende ? Une peine de travaux d’intérêt général, les TIG ? L’amende sera dissuasive pour un chômeur vivant des minima sociaux, mais passera inaperçue pour un PDG gagnant très bien sa vie. A l’inverse, les TIG seront peu dissuasifs pour le chômeur qui sera limite content de retrouver une activité même très temporaire, mais très dissuasifs pour le PDG. Une semaine à gratter des chewing-gums écrasés sur les trottoirs, je vous garantis que la prochaine fois il s’abstiendra ! Alors abandonnons ce principe très contreproductif et profondément injuste qu’à une faute doive correspondre une peine. A une faute doivent correspondre autant de peines qu’il y a de fautifs. Parce que, pour conserver ses vertus pédagogiques, chaque peine doit être adaptée au fautif. En Suisse, par exemple, les excès de vitesse sont punis d’une amende proportionnelle aux revenus. Quoi de plus normal ? Si vous êtes multimillionnaire, vous vous moquez bien de payer une petite amende. Même régulièrement. La fortune doit-elle donner les moyens d’acheter le droit de rouler plus vite que les autres ? Voilà un concept qui serait certainement profitable au budget de l’Etat, mais pas à l’équité et à la vie en société en bonne intelligence. Dès lors, l’adaptation à la personne de la sanction est la condition sine qua non de la pédagogie. Quidam : Et que pensez-vous d’une sanction qui n’en est pas une : la condamnation au sursis ? PG : Pour beaucoup d’enfants, la sanction suffisante dans bien des cas est simplement une bonne réprimande. Mais s’ils recommencent, alors c’est que la réprimande ne suffisait pas et qu’il faut sanctionner. Le pédagogue a le droit à l’erreur lui aussi. Comme tout ce qui est humain, l’éducation n’est pas une science exacte. Le droit français transpose cela assez directement avec le principe du sursis. Trois mois de prison avec sursis, c’est rien. Sauf si vous recommencez, car alors vous aurez en plus ces trois mois. L’idée peut se défendre… dans une société saine. Mais dans notre système social miné par tant de dérives, le sursis apparaît plus comme un laxisme supplémentaire de la justice et un certain niveau d’impunité pour les petits magouilleurs. Ce qu’ils en retiennent, ce n’est pas la condamnation au sursis mais le rien. Si la faute n’est pas suffisamment grave pour une peine ferme, notamment dans le cas où le fautif semble peu susceptible de recommencer et que donc la réprimande paternaliste du juge peut paraître suffisamment éducative, il n’est pas difficile de trouver une peine légère, voire symbolique, afin de marquer le coup en toute bienveillance. S’il récidive malgré cela par la suite, il sera temps alors d’être notablement plus sévère. A l’heure où la société a besoin de se redresser et rectifier ses dérives, la tendance doit malheureusement être à la sévérité. Le principe du sursis n’est pas compatible, me semble-t-il, avec ce besoin pédagogique actuel. Notamment du fait du développement de l’incivilité, de la petite délinquance, et des crimes commis par des mineurs parfaitement responsables de leurs actes. Même lorsque ces derniers sont pilotés par des personnes majeures désireuses d’exploiter la prétendue impunité du mineur pour châtier la sœur rebelle qui refuse de porter le tchador ou d’accepter l’époux que lui destine son père. Il y a vraiment besoin d’une reprise en main ferme. Mais attention : la sévérité n’est acceptable que si les gens ont les moyens de vivre correctement en restant honnêtes. Elle est donc indissociable d’une véritable politique de solidarité sociale, de plein emploi et d’intégration de tous. A défaut, ce ne serait que le règne du groupe dominant de nantis en croisade pour faire taire les marginaux dérangeants. Et ça, ce ne serait pas acceptable dans une société vouée à satisfaire les aspirations de tous. Quidam : Effectivement, il est utile de le préciser. PG : De même, il me semble qu’il y a un autre domaine où trop de dérives passées requièrent une sévérité accrue : l’abus de confiance publique. Et je pense qu’il faut en faire un crime, plutôt qu’un simple délit, donc avec des sanctions bien plus lourdes. A l’heure où la société doit affronter le défit de redresser la barre pour se relancer et éviter de sombrer, les combines et abus de politiciens et de fonctionnaires corrompus, comme de dirigeants d’association ou d’ONG véreux, doivent appeler des sanctions exemplaires et fortement dissuasives. Encore une fois, ce qui est dissuasif varie d’un individu à l’autre, et la sanction doit donc être ciblée au cas par cas. Mais la déchéance à vie des droits civiques et donc du droit à être investi d’un quelconque mandat public ou assimilé, fusse au sein d’une association, me semble un minimum. Le mensonge est condamnable en soi, mais le mensonge sous serment dans l’exercice de fonctions publiques, ce qui est le cas des élus et fonctionnaires assermentés, est une circonstance très aggravante. Un policier peut faire une erreur. « Errare humanum est », dit l’adage selon lequel l’erreur est humaine. Mais mentir pour se couvrir, couvrir un collègue, ou accabler quelqu’un d’autre, doit relever de cette notion de crime d’abus de confiance publique à réprimer très sévèrement. Car « perseverare diabolicum est », complète aussi ce même adage selon lequel la persévérance dans son erreur, ou la récidive, est diabolique ! Et il est inutile d’espérer redresser la société sans commencer par se donner les moyens de moraliser ses dirigeants, représentants et organes divers d’administrations et de fonctionnements. Quidam : Mais au delà du contexte actuel et d’un besoin de sévérité temporaire pour remettre les choses en place, n’y a-t-il pas des cas qui justifient la sévérité la plus extrême en toute circonstance ? PG : Bien sûr, même dans un contexte social sain, les fautes demeurent des fautes, et certaines sont inexcusables. Je ne dirai pas l’homicide, parce qu’il existe parfois des circonstances qui, si elles n’excusent pas, du moins atténuent. Par exemple, celui qui commet un crime passionnel n’est pas excusable, mais est peu susceptible de recommencer parce que sa faute a découlé d’un contexte psychoaffectif spécifique. Son manque de maîtrise de lui-même est évidemment condamnable puisque les conséquences furent fatales à quelqu’un, mais le danger pour autrui n’est pas forcément si grand. Il est alors normal que la sanction ne soit pas la même que celle qui serait appliquée, par exemple, à un criminel froid et dépassionné, qui tue pour simplement voler, et qui est beaucoup plus susceptible de recommencer et de devenir, si ce n’est déjà le cas, un serial killer. Une société, même bien portante, n’a pas d’indulgence à démontrer envers un serial killer. Il semble que la psychopathie ne soit pas une maladie mais une simple caractéristique consistant à être incapable d’empathie. Une sorte de handicap psychique, rendant incapable d’émotion et de sentiment vis-à-vis d’autrui. Dès lors, ce ne serait pas guérissable, puisque, contrairement à une prothèse de main, nous ne savons pas créer de prothèse d’empathie. Ce n’est pas forcément irréversible puisque toute conscience peut évoluer, mais ce n’est pas guérissable en l’état actuel de nos connaissances. Le besoin de sécurité, deuxième niveau de la pyramide de Maslow, exclut donc de se montrer laxiste vis-à-vis de ce genre d’individus, même sous prétexte qu’ils seraient marginaux ou distrayant pour les lecteurs de magazines à sensation. Car ce laxisme n’est en fait rien d’autre qu’une mise en danger collective de la vie d’autrui, au même titre que de lâcher volontairement un lion affamé au milieu d’une foule. Je plaide à ce titre pour la définition d’une notion de « crimes impardonnables » qui soient automatiquement passibles de la sévérité la plus extrême. J’y mets notamment, et ce n’est pas limitatif, le viol pédophile, ce qui est différent des simples attouchements, le viol avec meurtre, le meurtre sous démence, ou la récidive de meurtre ou de viol. Pour les psychopathes sexuels et pervers assimilés, qu’ils rentrent ou pas dans un cas de crime défini comme impardonnable, la castration chimique définitive semble une nécessité supplémentaire. Non à titre de punition, mais parce que, en l’état de nos connaissances, ça semble pour le moment le meilleur moyen de diminuer la pression pulsionnelle qu’ils peuvent ressentir. C’est donc leur apporter un soulagement. Il est à noter que cette notion d’impardonnabilité ne peut s’appliquer qu’au niveau de la gestion sociale de la criminalité. Au niveau personnel, le pardon est au contraire toujours fortement à encourager, non par gentillesse mièvre envers un coupable, mais simplement parce qu’il est le seul moyen pour une victime de réellement se libérer intérieurement de ce qu’elle a subi. Quidam : Mais que considérez-vous comme étant la sévérité la plus extrême ? PG : C’est tout un problème pour une société que de situer le niveau maximum de sévérité qu’elle s’autorise. Peut-on aller jusqu’à la peine de mort ? Lacenaire, ce célèbre criminel du 19ème siècle, invoquait un désir de se suicider par la guillotine pour justifier ses nombreux crimes. Dans son cas, la peine de mort était incitative au lieu d’être dissuasive. Faut-il se contenter de la prison à perpétuité ? En 2010 en France, un clochard a tué un inconnu au hasard juste pour pouvoir aller en prison et y être nourri et logé. Alors où est la solution ? Une peine de mort par très lente immersion dans un bain d’acide, afin que ce soit tellement horrible que Lacenaire ne souhaite plus y trouver une solution de suicide et que le clochard soit dissuadé de risquer un tel supplice en cherchant le gîte et le couvert ? Ce pourrait être une solution. Une autre consisterait à ce que la société assure un minimum aux clochards afin qu’ils n’en arrivent pas à de telles extrémités, et à se refuser à appliquer la peine de mort pour déjouer les motivations de Lacenaire. Quelle est la bonne solution ? Sur une telle question, le point de vue collectif et le point de vue personnel s’affrontent. Une personne qui, de par sa nature et donc sans perspective sérieuse de s’amender, représente un danger avéré pour autrui doit être neutralisée définitivement. Du point de vue collectif, s’il faut l’enfermer à vie faute d’espoir de pouvoir lui rendre la liberté un jour sans risque, alors autant s’économiser les frais d’enfermement et appliquer la peine de mort pour régler le problème une fois pour toute. Mais du point de vue individuel, et sauf à être un matérialiste forcené, force est de reconnaître que nous sommes encore très ignorants des mystères insondables de l’âme humaine. Et doit alors s’appliquer le principe de prudence. Pouvons-nous accepter d’éventuellement priver une âme du reste de sa vie terrestre, ce qui peut représenter le temps nécessaire pour prendre conscience et se repentir, et donc évoluer ? Pour quelqu’un qui, comme moi, croit à la vie intérieure, à la vie après la mort et à un parcours d’évolution de l’âme, la réponse s’impose : non, on ne peut pas tuer quelqu’un en pareil cas. Que la société le neutralise, si besoin à perpétuité, c’est normal, mais l’éliminer et le priver de sa chance de prendre conscience et de se repentir intérieurement, non. Toutefois, histoire d’être clair, donner aux grands criminels leur chance de se repentir n’implique pas que cette repentance puisse permettre de les faire sortir de prison. Simuler la repentance ne changera donc rien. S’ils sont condamnés à perpète, ils feront perpète ! L’intérêt de leur repentance, lorsqu’elle est sincère, ne sera que pour l’au-delà éventuel, voire une prochaine vie pour ceux qui croient à la réincarnation. Car dans celle-ci, s’ils ont grillé leur joker, ils assumeront jusqu’au bout. Notez toutefois, que je puis imaginer des circonstances exceptionnelles où j’approuverai l’usage de la peine de mort. Quidam : Pour les pédophiles peut-être ? PG : Non, je pensais plutôt à une situation où le nombre de grands criminels deviendraient trop important pour que leur neutralisation durable par emprisonnement demeure supportable par la société en termes d’utilisation de ressources. C’est un peu le même principe que ce que je disais concernant les personnes en grande dépendance. Tant qu’il y en a suffisamment peu pour qu’on ait les moyens de s’en occuper, parfait, mais s’il y en a trop et que les prendre en charge commence à se faire au détriment de la qualité de vie des autres membres de la société, il faut envisager d’euthanasier. Concernant, les crimes sexuels, que ce soit un viol d’adulte ou d’enfants, certes ils requièrent la plus grande sévérité. Mais pas pour autant la peine de mort. Il faut laisser au criminel, violeur ou pédophile, la possibilité de se guérir. Car, et encore plus pour la pédophilie, ces pulsions sexuelles incontrôlées sont avant tout symptômes d’un déséquilibre de l’individu. La société se doit, tant qu’elle le peut, de donner le temps à ce type de criminel de trouver la voie de sa propre guérison. Au gniouf donc, et pour longtemps, et avec suivi psychologique et thérapeutique, mais pas à l’échafaud. Quidam : Considérez-vous que les pédophiles soient irresponsables au sens psychiatrique ? Cette question de la « responsabilité » psychiatrique des criminels sonne souvent comme une arnaque envers la justice. PG : D’abord, nombres de pédophiles le sont avant tout parce qu’ils ont été eux-mêmes victimes. Ils reproduisent à l’âge adulte ce qu’ils ont subi et deviennent prédateurs à leur tour. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils sont irresponsables, au sens d’inconscients de leurs actes. Certains pédophiles sont tellement conscients et tourmentés par leur lutte contre leurs pulsions qu’ils en viennent à se suicider pour éliminer la menace qu’ils représentent pour autrui tout autant que pour se libérer d’un combat qu’ils ne parviennent pas à gagner. C’est tout sauf de l’irresponsabilité. Cette question de l’irresponsabilité s’arrête pour moi aux actes commis. Les fous qui sont enfermés quelques années, supposés guéris, relâchés, et qui parfois récidivent, ça m’a toujours fait bondir au plafond. Le trouble psychiatrique est généralement considéré comme une circonstance atténuante. Pour moi, c’est tout le contraire, c’est une circonstance aggravante. Un malade mental a bien plus de chance de récidiver qu’un individu normalement conscient, capable de se maîtriser et de comprendre les conséquences de ses actes. Il représente donc un danger bien plus grand pour les membres de la société. Alors on ne va pas enfermer préventivement tous les gens un peu bizarres, vu que la plupart sont inoffensifs et que la bizarrerie est très subjective, mais ceux qui commettent des crimes, doivent l’être. Et définitivement, vu l’incapacité actuelle de la psychiatrie à maîtriser son sujet et donc à pouvoir juger d’une guérison réelle. Les accusés ne plaideront plus la démence pour tenter de s’exonérer de leur responsabilité humaine et alléger leur sanction. 14 : prison Quidam : Voilà qui mène naturellement à se pencher sur une autre institution régulièrement décriée dans notre pays : l’institution carcérale. PG : Oui, on trouve toujours des gens pour se plaindre de tout. Rien n’est jamais assez bien, et il y a toujours des bien-pensants qui pensent devoir militer pour offrir des prisons dorées aux pauvres prisonniers. En 2010, l’Etat a pris livraison de la nouvelle prison de Nancy. Ses gymnases et salles de lecture ou d’informatique ont fait bien des envieux parmi les collèges et lycées de France. Croyez-vous que ce soit normal ? Des établissements scolaires miteux mais des prisons tout confort ? Signe d’une société qui a perdu le Nord et ne sait plus mettre les bonnes priorités à la bonne place… Et après, on s’étonne qu’un clochard tue pour aller en prison ! J’ai même vu une boutade circulant sur Internet enjoignant de mettre les vieux en prison plutôt que dans des maisons de retraite car au moins ils seraient surveillés en permanence, ils auraient une douche par jour, de l’exercice quotidien, etc. C’était évidemment caricatural, mais ce n’était pas pour autant totalement hors de propos. A l’inverse, il semble qu’un sheriff texan soit régulièrement réélu dans son comté car très populaire auprès de ses administrés, notamment pour sa politique carcérale : des tentes exposées aux intempéries et aux variations sévères de température de cette région très aride ; travail obligatoire pour tous et sans rémunération ; pas de salle de gym ou de musculation, car, dit-il, ils ne sont pas là pour se faire des muscles pour mieux braquer les honnêtes gens une fois dehors. Mes chers amis les bien-pensants le trouveront sûrement inhumain, mais pour ma part, je trouve qu’il est emprunt d’un certain bon sens cet homme. Sévère, certes, mais, ainsi qu’il le dit, la prison est faite pour payer sa dette envers la société et avoir envie de ne pas y revenir. Toutefois, je ne souscris pas totalement à sa philosophie, car la prison n’est pas, selon moi, juste un endroit pour payer sa dette. C’est aussi un endroit pour évoluer intérieurement. D’abord, la notion de « payer sa dette » envers la société. S’il s’agit d’un vol, ou de dégradation matérielle, on peut effectivement envisager de payer sa dette. Mais encore faut-il que les détenus travaillent entièrement au bénéfice d’un fond d’indemnisation des victimes et non pour leur propre bénéfice salarial. Dans la pratique, le travail carcéral en vigueur en France, et qui n’est basé que sur le volontariat, répartit le salaire carcéral entre un tel fonds d’indemnisation et la poche du détenu. Je n’adhère pas à cette pratique. Ne serait-ce que parce que je considère que le travail carcéral doit être une obligation et non basé sur le volontariat. Les détenus doivent être au service de la société, tant pour générer des fonds d’indemnisation des victimes que pour compenser ce qu’ils coûtent à mettre en prison. Quidam : Mais supprimer le bénéfice des revenus de leur travail, n’est-ce pas établir une différence entre ceux qui pourront se payer des extras grâce à des fonds venant de l’extérieur, de leur propre fortune personnelle ou de leurs proches par exemple, et ceux qui ne le pourront pas ? PG : Encore le vieux débat des deux vitesses et de la sélection par l’argent. Non, je ne vois pas pourquoi il serait applicable ici parce que je ne vois pourquoi une prison serait un établissement à option. Il faut le même régime carcéral pour tous les prisonniers. Du moins pour tous ceux correspondant à une catégorie donnée de détenus, parce qu’il n’y a rien de choquant à ce que les grands criminels aient des conditions de détention plus dures que les petits délinquants. Cela passe par le même régime alimentaire, végétarien pour s’accorder à toutes les religions, et frugal mais sain parce qu’il n’est pas acceptable d’y attraper la gale du pain ou de tomber autrement malade du fait d’une gastronomie à la mode Cuirassé Potemkine impropre à la consommation. Quant à celui qui refuse de travailler, on ne va pas le fouetter jusqu’à ce qu’il s’y mette, mais il doit être soumis à des conditions de détentions très différentes, dénuées du plus élémentaire confort et avec un régime équivalent « pain sec et eau ». Le détenu a le droit de faire la grève de la faim comme du travail, mais qu’il ne s’étonne pas que l’institution ait aussi le droit de le mettre au régime sec s’il s’oppose à la règle en vigueur. D’ailleurs, permettre des remises de peine pour très bonne conduite n’est pas à exclure, mais de façon bien moins systématique qu’actuellement. La simple bonne conduite n’est que normale et n’est pas en soi un motif suffisant pour justifier une réduction de peine. Par contre, la mauvaise conduite est certainement un motif légitime de son allongement, outre le régime sec éventuel. Quidam : Voilà qui fait écho à ce que vous disiez concernant le sursis. PG : Eh oui. Il faut que la parole de la société retrouve sa valeur. Sept ans, ça veut dire sept ans. Pas cinq ou quatre selon le jeu des remises de peine. Mais pour poursuivre sur le sujet de l’égalité de traitement, elle doit évidemment aussi s’appliquer au travers des mêmes conditions spartiates d’hébergement. Et devoir mettre de côté sa pudeur parce que la cellule de quatre personnes a des WC ouverts ne me semble pas plus choquant que ça alors que dans bien des pays sous-équipés en toilettes publiques, ça se fait carrément dans la rue au vu et au su de tout le monde. Bien entendu, pas de cigarettes, et encore moins d’alcool ou de drogues. Pas non plus de petits cadeaux venant de l’extérieur, et certainement pas de téléphones portables, déjà interdits mais qui ne sont pourtant pas aussi rares qu’ils le devraient. Juste des visites donc, ainsi bien sûr que des messages de proches et d’amis sous pli ouvert contrôlable, donc en français uniquement. Accès limité à la télévision et uniquement pour des programmes sélectionnés : pas de séries policières, ni films violents ou coquins ou d’horreurs, ni tout autre programme du petit écran qui conditionne négativement le psychisme. Diffusion essentiellement de documentaires pour promouvoir le contact avec la réalité, quelques comédies pour soutenir la bonne humeur, ou encore des films ayant une valeur humaine forte pour promouvoir des valeurs positives. Et bien sûr des livres, également sélectionnés selon leur capacité à éduquer et promouvoir les valeurs du bien vivre en société, ainsi qu’à faire progresser leur recherche intérieure. A ça peuvent se rajouter des cours, sans accès Internet, qu’ils soient de culture générale pour favoriser l’ouverture d’esprit et la remise en question ou qu’ils visent à préparer à un métier en vue de la réinsertion une fois dehors, ainsi que certaines activités favorisant l’équilibre et l’éveil. A ce titre, les programmes d’évaluation de la pratique de la médiation en prison démontrent que celle-ci a des résultats très positifs sur les détenus. Le contraire aurait d’ailleurs été étonnant. Voilà donc ce que devrait être le programme pour un prisonnier : payer autant que possible sa dette par son travail obligatoire, mais tout en se rééduquant pour rectifier les lacunes personnelles l’ayant amené à se retrouver en prison. Quidam : Visiblement, vous ne concevez pas la prison comme un camp de vacances. PG : Comme vous dites. C’est une antichambre de la société destinée à se reprendre après avoir fauté. Mais pour cela, évidemment, il faut un accompagnement humain de qualité. Notamment pour assurer la qualité de la sécurité des détenus, et ce tant pour se prémunir contre les tentatives d’évasion que pour les préserver les uns des autres. Le cliché des prisons où des caïds font leur loi et sodomisent d’autres détenus sous la douche doit définitivement n’appartenir qu’au passé. Inévitablement, cette qualité humaine de l’encadrement ne peut être garantie à tous les coups, et il peut toujours y avoir, parmi les surveillants de prison, des individus malsains qui favorisent ce type de dérives, au mieux par leur passivité, au pire par leur complicité active. Mais les mettre à l’abri des pressions et chantage divers en s’assurant, peut-être simplement par l’anonymat, que leur famille soit à l’abri des complices non emprisonnés est évidemment un volet essentiel pour garantir leur impartialité et leur efficacité. Ensuite, avec suffisamment de gardiens, de la surveillance vidéo et des locaux adaptés, il sera très improbable que de telles dérives trouvent à s’installer. Qualité sécuritaire donc, mais aussi qualité de l’accompagnement dédié à la reconstruction personnelle avec des éducateurs spécialisés tant pour le social que pour le psychologique et, si le détenu le souhaite, le spirituel. La sévérité n’est pas tout et ne suffit pas. Elle est nécessaire uniquement pour permettre une mise en œuvre efficace du volet de rééducation de l’individu : par le travail et par l’introspection, pour trouver sa valeur sociale autant que sa valeur d’humain. Car le but, encore une fois, n’est pas juste de payer sa dette lorsque c’est possible, mais aussi et surtout de préparer la sortie. Et à la sortie, on ne veut pas avoir un méga-frustré devenu hyper-violent et bien musclé, ce qui constituerait un danger certain pour les citoyens. On a beaucoup parlé de ces prisons qui sont des usines à transformer un petit délinquant en criminel endurci. Ce n’est pas acceptable. Autant rétablir la peine de mort à ce compte-là. Non, ce sont des humains améliorés qui doivent sortir des prisons. Nombre d’entre eux y sont arrivés par manque de repères sociaux et humains où se sont engouffrés divers travers de personnalité. Si l’emprisonnement ne permettait pas de rectifier ces lacunes, au moins dans une certaine mesure, alors la prison serait un échec. Et si elle était un échec, alors il faudrait trouver autre chose. Quidam : Il n’y a guère que la potence ou le fouet en place publique comme alternative. PG : Il peut aussi y avoir l’exil ou le bannissement. Aujourd’hui, on appellerait ça plutôt une interdiction d’entrée sur le territoire national. Mais, appliquée à un criminel, ce serait simplement déplacer le problème d’un pays vers un autre, ce qui n’est évidemment pas une solution acceptable. Si nous n’avons pas envie de récupérer leurs criminels, il n’est pas envisageable de leur envoyer les nôtres. L’exil n’est une peine utile que dans le cas précis d’une personne refusant de s’intégrer tout en agissant contre la société. Sans être une criminelle, elle n’y a alors pas sa place et doit être fermement invitée à aller voir ailleurs. Une telle peine ne peut qu’être complémentaire d’une déchéance de la nationalité ou d’une annulation du droit de séjour. Quidam : Vous mentionniez tout à l’heure que le principe de payer sa dette ne peut s’appliquer à tous les crimes. PG : Bien sûr. Comment « payer sa dette » si cette dette est la vie d’un autre ? Peut-on l’évaluer financièrement ? La mesurer en nombres d’années d’emprisonnement ? Bien sûr que non. Les années d’emprisonnement constituent la punition qui doit marquer la gravité de l’acte. Mais ce n’est pas un paiement. Le travail carcéral peut générer une compensation financière pour la famille de la victime, notamment si celle-ci était soutien de famille. Mais ça ne remplace pas sa présence. Un meurtre ne peut se compenser que par beaucoup d’amour. Et une peine de prison ne peut en être équivalente. Par contre, si les années d’emprisonnement sont bien mises à profit et permettent que le criminel prenne pleinement conscience de son acte, de toutes les répercussions humaines qu’il implique, pour que se développe l’empathie qui lui avait manqué pour prévenir le meurtre, alors ce sera tout bénéfice. Parce que le prisonnier ressortira meilleur qu’il n’était en entrant, ce qui est bien l’objectif. Et qu’il ne sera plus un risque pour ses semblables. N’est-il pas mieux de combattre le crime en éliminant l’envie de meurtre plutôt qu’en comptant sur la répression pour faire suffisamment peur aux criminels potentiels ? Même si clairement, l’un n’exclut pas l’autre… Quidam : Alors pour les prisonniers coupables des crimes impardonnables que vous évoquiez et qui ne peuvent avoir l’espoir de ressortir qu’en s’évadant, ce qui, souhaitons-le, sera très exceptionnel, un tel raisonnement n’est-il pas hors de propos ? PG : Je ne pense pas. Simplement parce qu’on peut se tromper. Il est parfaitement envisageable qu’une personne soit maintenue toute sa vie sous les verrous du fait d’un crime qu’elle a commis et qui a amené la société à l’estimer irrécupérable alors que ce n’est pas le cas. Nous ne savons jamais à l’avance comment va évoluer une conscience individuelle. Et même ceux qui semblent ne guère en avoir peuvent arriver à nous surprendre. Ces criminels coupables de crimes impardonnables doivent donc bénéficier de la possibilité de cultiver leur richesse intérieure à défaut de jamais être autorisés à ressortir de prison. La société les estime durablement dangereux et les enferme pour protéger les citoyens, mais ils n’en restent par moins des citoyens eux-mêmes. Et à défaut de bénéficier de leur liberté physique, la société leur doit au minimum de leur permettre de continuer à bénéficier de leur liberté intérieure. Ne serait-ce que pour mieux se préparer à l’existence post-mortem, des fois qu’il y ait effectivement une vie après la vie. Quidam : Et vous qui êtes favorable à disposer de sa mort également par le suicide, l’autoriseriez-vous en prison ? PG : Bien sûr. Si un détenu n’arrive pas à supporter sa condition, ou bien prend conscience de ses errements sans pour autant parvenir à se pardonner et en arrive à ne plus se souffrir, ou encore qu’il a le sentiment d’avoir atteint l’ouverture de conscience qu’il pouvait espérer et d’être en paix avec lui-même mais qu’il ne voit pas l’intérêt de s’attarder dans cette expérience de vie carcérale, il doit avoir le droit de décider de son départ pour le grand inconnu. Tout comme il doit avoir le droit de choisir de participer ou pas à des expériences de recherche scientifique, par exemple si sa conscience le pousse à vouloir compenser de cette manière l’erreur qu’il a commise. Ce serait aussi une voie de don de soi très respectable. Et très utile pour la société. Quidam : Certes, mais tout cela n’est-il pas un peu utopique ? PG : Je ne vois pas pourquoi ça le serait. L’aspect le plus incertain de tout ça est la capacité de la société à juger sans erreur. Toute la difficulté est de parvenir à punir de façon pédagogique, en laissant à chacun la chance de se remettre dans le droit chemin, mais tout en évitant de laisser en liberté les cas pathologiques irrécupérables. Cela implique d’évaluer le degré de psychopathologie ou de démence de chacun pour essayer d’estimer s’il est amendable ou pas. Le principe du « tu ne dois pas juger » ne peut s’appliquer qu’au niveau personnel. Au niveau collectif, la société est dans l’obligation de juger, et de condamner. Avec tous les risques d’erreurs inhérents à cet exercice. Dans le traitement des grands nombres, il est inévitable qu’il y ait parfois des loupés, et qu’un criminel endurci ne soit relâché et récidive, tandis qu’un fautif malencontreux et repenti, voire un innocent, sera maintenu sous les verrous. Mauvais karma, diront les orientaux. C’est malheureux, mais quelques erreurs judiciaires en défaveur d’une personne méritante me semblent moins critiquables que le laxisme actuel exposant la vie des citoyens. Ce qu’il faut, c’est s’appliquer à ce que ces exceptions qui confirment, parait-il, la bonne règle soient aussi rares que possible. Ensuite, compte tenu du nombre malheureusement important de cas autant que de leur grande diversité, la société ne peut toujours avoir un système parfaitement adapté à chacun d’eux. Alors parfois le résultat de la sanction ne sera pas aussi favorable qu’on peut l’espérer. Mais ce n’est pas parce que certains seront d’indécrottables délinquants ou criminels qu’il faut sacrifier d’emblée tous ceux qui fautent. Car au jeu de « que celui qui est sans pêché jette la première pierre », on risque de manquer de lanceurs. La gestion collective doit accepter le risque d’erreur, car il est inévitable sur la masse des cas à traiter, du moins en l’état actuel de nos consciences limitées. Par contre, les citoyens jugeront en retour la société sur résultat. Plus la marge d’erreur sera faible et plus ils auront confiance dans leur système de justice, plus ils ressentiront la satisfaction de leur besoin de sécurité, et plus ils pourront se consacrer à celle de leurs besoins supérieurs, afin d’approcher le bonheur d’être. Et plus ce sera le cas, plus la société aura démontré son efficacité à tenir son rôle. 15 : ordre public Quidam : Bon, une justice plus efficace, des prisons plus éducatives, certes, mais ça repose avant tout sur un bon maintien de l’ordre. Or cette question de l’ordre public fait aussi débat tant elle est loin de satisfaire nos concitoyens. Comment faire évoluer les choses ? PG : Qu’est-ce qui ne fait pas débat de nos jours, on se le demande. Quand la société se délite, ce ne sont pas les motifs de mécontentements qui manquent. Mais il est vrai que c’est là encore un sujet essentiel. L’ordre public répond au besoin de sécurité de l’être humain. C’est le deuxième niveau de la pyramide de Maslow juste après les besoins physiologiques. C’est dire s’il est fondamental. Car ce qu’on appelle communément maintien de l’ordre, ce n’est pas que tout soit bien rangé et propre avec chacun à la bonne place et bien coiffé, pour faire plaisir aux maniaques du rangement et de l’organisation, dont je confesse d’ailleurs avoir parfois tendance à faire partie. C’est avant tout empêcher que les débordements d’autrui ne nuisent à tout un chacun et n’empêchent les citoyens de poursuivre leurs propres objectifs personnels. Maintenir l’ordre, c’est en fait assurer le respect entre les individus, respect de leur intégrité physique et morale, respect de leurs biens, respect de leurs idées et de leurs droits, tout en s’assurant qu’eux-mêmes respectent leurs devoirs envers la collectivité et autrui. Alors sans ordre public, il n’y a pas de société, simplement parce qu’il est indispensable pour garantir à chacun la possibilité de rechercher la satisfaction de ses différents niveaux de besoins. Et faute de constater qu’il s’instaure spontanément comme on pourrait l’espérer dans une société idéale, il faut se doter des moyens de le garantir autrement. Ce préambule étant posé pour expliquer que cette question n’est pas négociable, je traiterais l’ordre public le plus simplement du monde : en assurant son maintien. Quidam : C’est facile à dire, ça. Ca fait des décennies que les politiciens rivalisent de déclarations plus fermes les unes que les autres, en tentant de se glorifier à l’aide de quelques chiffres à la fiabilité douteuse, mais que la situation, de l’avis des citoyens, se dégrade de plus en plus. Alors concrètement, que pensez-vous qu’il faut faire ? PG : Concrètement, ainsi que je l’ai dit, simplement assurer le maintien de l’ordre. Car ce n’est pas le cas aujourd’hui. Donc, concrètement, simplement s’en donner les moyens. Ce n’est pas non plus le cas aujourd’hui. Ainsi que vous le dites, les politiciens brassent de l’air, mais sans que les résultats ne soient à la hauteur de leurs discours parce que ceux-ci ne s’appuient pas sur des actions. Donc pour maintenir l’ordre, il suffit de cesser de parler, de laisser tomber les formules rhétoriques diverses et d’agir. S’en donner les moyens, c’est d’abord au niveau de la police. Aujourd’hui, on constate que l’ordre public est de plus en plus troublé. Non par le développement du grand banditisme, car ce n’est pas le braquage d’un camion de transporteur de fonds ou d’une bijouterie qui fait frémir les gens. Non, il l’est surtout par la propagation de la petite délinquance. Toutes ces incivilités au quotidien, les petits larcins, la banalisation de la violence qui dérape trop souvent vers de grands effets, passage à tabac en public, viols, meurtres. Et la police est dépassée. Les citoyens s’en plaignent, mais pour autant ils conspuent les forces de l’ordre. Que ce soit pour l’impression de se faire racketter à force de PV, que ce soit parce qu’ils voient et revoient aux infos la police assister sans broncher aux saccages de magasins ou de voitures, que ce soit parce qu’ils se font envoyer paître quand ils appellent le 17 pour du tapage nocturne, ou que ce soit parce qu’ils se font traiter comme des criminels s’ils se font prendre à 60 en ville au lieu de 50 tandis que les voyous des cités demeurent intouchables. Les griefs de la population à l’égard de sa police sont légion et pas forcément injustifiés. Mais force est de reconnaître que le français aime fondamentalement cracher sur sa police. Réminiscence de l’esprit rebelle gaulois, je suppose. Astérix, c’est un régal de bande dessinée, mais comme conditionnement social des enfants, c’est une catastrophe. Car la police, si on peut s’en passer dans un village sauvage au sein de la jungle, dans une société d’aussi grande taille que la société française, c’est fondamental. Tous les citoyens aiment à la critiquer, mais implore son secours dès qu’il leur arrive un problème. Qui sont les héros des séries télévisées ? Principalement des policiers. Les nouveaux justiciers modernes, qui souvent d’ailleurs, pour protéger le citoyen, doivent outrepasser des lois dont on a déjà vu qu’il fallait les faire évoluer. Mais en attendant, là non plus, ce n’est pas terrible comme conditionnement de la population. Reste qu’à force de se faire cracher dessus par tout le monde, y compris par sa propre hiérarchie, voire par ses vétérans retraités dont on attendrait plutôt davantage d’empathie et de soutien, la police française est malade, ne sait plus assumer sa responsabilité et du coup la société déraille. Et le maintien de l’ordre n’est plus vraiment assuré. Mais pourquoi le serait-il puisque les policiers se font sanctionner pour des broutilles lorsqu’ils interviennent, voire se font reprocher d’être intervenus au lieu de « jouer l’apaisement » selon la formule consacrée ? Rien que se protéger eux-mêmes dans les cas de légitime défense est suspect. Il y a un moment où, tel le chien de Pavlov, le policier enregistre la leçon et en tire les conclusions : tout ce qu’il fera pourra être retenu contre lui. Il aimerait remplir sa mission, mais la volonté politique fait défaut. Alors il souffre de dissonance cognitive aiguë. Résultat : une cinquantaine de policiers se suicident chaque année dans un étourdissant silence, bien qu’en majorité ce soit accompagné de la détonation de leur arme de service. Qu’un salarié de Renault ou de France Telecom se donne la mort, là par contre, tous les journaux en parlent, les politiciens s’agitent pour critiquer les rythmes de travail, les syndicats se mobilisent contre la pression et le stress, etc. Mais un poulet qui euthanasie son désespoir, qui s’en soucie ? Quidam : C’est sûr qu’il ne fait pas bon être flic dans ce pays. Ils s’engagent plein d’enthousiasme pour servir la société et maintenir la paix, mais rapidement, la fierté de protéger les gens disparaît et ils en viennent à ne plus oser dire quel est leur métier. PG : La vie du policier n’est franchement pas terrible. Et puis je vous dis pas pour leurs enfants ! Ils se font dérouiller à l’école dès que les petits caïds apprennent qu’ils sont fils de flic, si bien que ces gamins deviennent les premiers opposants au métier de leur parent. Quelle vie de famille ! Comment s’étonner que le taux de divorce des policiers soit si élevé. Pour arranger le tout, le policier a la malchance d’être soumis aux aberrations du fonctionnement de la fonction publique. Plus ils ont d’ancienneté, donc davantage d’expérience et de maturité pour faire face aux situations tendues, et plus ils ont de possibilité d’obtenir une mutation dans une ville tranquille. Par contre, quand ils sortent de l’école de police, plein d’enthousiasme mais encore en rodage, ils ont au contraire de bonnes chances d’être envoyés sur les postes sensibles des quartiers difficiles, pour lesquels ils s’aperçoivent, mais un peu tard, qu’ils n’ont pas du tout été préparés. On retrouve exactement la même problématique dans l’Education Nationale. Comment s’étonner qu’ils pètent les plombs et explosent parfois par des écarts de langages ou des abus de pouvoir au détriment du citoyen ordinaire, exutoire facile parce qu’il n’ose pas trop la ramener ? Il n’y a aucune sérénité dans leur travail, et bien peu d’équilibre dans leur vie personnelle. Il faudrait des surhommes, d’une force intérieure peu commune, pour réussir à maintenir une bonne qualité de service à la société. Mais ces pétages de plombs, pour compréhensibles qu’ils soient, restent inexcusables et ne font qu’augmenter encore le gouffre entre la police et la population qu’elle est censée servir. Quidam : Alors que faire pour réconcilier le peuple avec sa police ? PG : Pour ça il faudra que le bon peuple change d’attitude vis-à-vis de l’autorité. En Allemagne ou en Angleterre, la relation du peuple avec la police est différente parce que l’attitude culturelle est différente. En France, c’est plus proche de l’Omerta. Et pas qu’en Corse. Si les citoyens veulent que la police puisse faire efficacement son travail, il va falloir qu’ils commencent par l’aider au lieu de lui mettre des bâtons dans les roues et lui opposer le silence. C’est un changement de mentalité en profondeur qu’il importe d’encourager. Alors ça risque de prendre pas mal de temps. Mais en attendant que ce miracle culturel se produise, on peut déjà y contribuer en restituant à la police les moyens de faire correctement son travail. Les policiers sont pour le moment émasculés, au point que quand ils se font tirer dessus, ils n’osent même pas répliquer de peur de se le faire reprocher et d’être sanctionnés. Pendant les émeutes de Villiers-le-Bel fin 2007, plus de 150 policiers ont été blessés dont plus de la moitié par balle. Mais pour autant, même en voyant un jeune qui leur tirait dessus avec un fusil à pompe et qui dégommait leurs collègues les uns après les autres, ils n’ont pas tiré. Sens aigu du sacrifice ou bien naufrage d’un humain dépassé par une situation ubuesque ? Non seulement ils auraient dû tirer par légitime défense, mais ils auraient dû tirer par devoir de protection de personnes en danger : leurs collègues ! Comment voulez-vous que les voyous respectent la police si ils peuvent sans risque s’en servir de cibles même pas émouvantes ? Comment voulez-vous maintenir l’ordre si les voyous savent qu’ils sont les plus forts ? Comment voulez-vous que la population respecte sa police si celle-ci n’est ni respectée ni crainte par ces voyous qui pourrissent la vie des citoyens ? C’est un cercle vicieux qu’il faut briser en redonnant simplement à la police le pouvoir d’agir. Ce n’est pas ici une question de manque de moyens, c’est une question d’utilisation des moyens existants. Les policiers sont armés, ça ne doit pas être juste pour leur défense. Ca doit aussi être pour leur donner la force nécessaire à s’imposer dans leur mission de maintien de l’ordre. Si on prend l’exemple d’une manifestation que la police encadre normalement, tant qu’elle reste pacifique il n’y a pas grand-chose à rajouter parce qu’il n’y a aucune raison d’empêcher des citoyens français de manifester pacifiquement leurs points de vue, fusse au déplaisir du président chinois en visite à Paris et à qui le Gouvernement aimerait vendre des airbus, des TGV ou des centrales nucléaires. Si le fonctionnement démocratique de notre pays le dérange, qu’il réserve ses déplacements aux dictatures du globe ; il y en a suffisamment pour se balader. Par contre, si des casseurs se mettent à saccager des magasins, au lieu d’attendre l’arrivée tardive des renforts une fois le magasin détruit et pillé et les excités envolés, les quelques policiers présents doivent intervenir, même en sous-nombre, forts de leurs armes pour s’imposer. « Faire usage de leur arme » est l’expression consacrée. Mais je préfère appeler un chat un chat et ici, ça s’appelle tirer ! D’abord en l’air, à titre de sommation, dès le début de la dérive destructrice, mais ensuite directement sur les fauteurs de trouble si nécessaire. Quidam : Vous voulez des bataillons de Judge Dredd ? PG : Les œuvres d’anticipation qui regorgent dans la culture Nord-Américaine, bien plus tournée vers le futur faute de passé que notre culture française à tendance passablement passéiste, ont l’avantage de nous permettre d’approfondir notre réflexion concernant les éventualités que nous réserve l’avenir. Mais du coup, il y a une certaine tendance à stigmatiser, pour caricaturer et discréditer, tout ce qui peut, de près ou de loin, se rapprocher d’un scénario exploré par le cinéma ou par des écrivains. Or ici, l’analogie est assez limitée. D’abord parce qu’il ne s’agit nullement de juger, mais de stopper un comportement néfaste pour autrui ou leurs biens, et ensuite parce qu’il ne s’agit nullement d’exécuter, mais d’arrêter en flagrant délit un contrevenant afin qu’il soit ensuite, justement, jugé par le système judiciaire en bonne application des lois. Donc quand je dis tirer sur quelqu’un, il faut se départir des images vues des centaines de fois dans les films et séries diverses : il ne s’agit pas de leur mettre une balle dans la tête, mais de viser les jambes. Certes, un tir aux conséquences malheureuses est toujours possible, mais c’est un risque à prendre. Ceux qui ne veulent pas le prendre n’ont qu’à s’abstenir de jouer à ce jeu et obéir aux injonctions de la police. Donc cesser leurs exactions et accepter d’être arrêté. Car partir en courant ne peut que rendre le tir moins précis et augmenter le risque pour celui qui se désigne ainsi comme cible. Le délit de fuite est un motif légitime pour ouvrir le feu. Qu’on se le dise ! Quidam : Les manifestants vont regretter le débat sur le Taser… « Dura lex, sed lex », n’est-ce pas ? PG : Comme vous dites : la loi est dure, mais c’est la loi. Et assister sans rien faire à la dégradation des biens d’autrui qu’ils sont chargés de protéger ne me parait pas acceptable, en plus de renforcer l’incitation au désordre en consacrant l’impuissance de la police. Il est tellement facile, avec les technologies actuelles, d’équiper les forces de l’ordre de mini-caméras permettant de filmer les événements, pour contrôler a posteriori si besoin leurs décisions du moment et sanctionner les abus et bavures. Et il est même tout aussi facile d’en avoir la retransmission en temps réel vers les postes de commandement pour contrôle en direct par des responsables à même de guider l’action des policiers de terrain et de les coordonner. Plus de pouvoir pour agir, forcément, ça ne peut aller qu’avec plus de responsabilité et de contrôle de l’utilisation de ce pouvoir. Mais il est impératif, pour le bon accomplissement de ses missions, que la police retrouve la possibilité d’utiliser dans l’instant le pouvoir qui lui est confié. Quidam : N’est-ce pas un peu fasciste ça comme discours ? PG : Tout de suite les grands mots ! Je sais bien que ça commence par la même lettre, mais fermeté égal fascisme, c’est assez simpliste comme raccourci en plus d’être très faux, mot qui commence aussi par un f. Le fascisme, c’est une idéologie politique, basée sur le corporatisme et le nationalisme. Pas une question de fermeté. Staline ou Mao étaient encore plus fermes que Mussolini, sans être fascistes pour autant. Très dictatoriaux par contre. Et de toute façon, la fermeté n’est pas non plus le monopole des dictatures. Les démocraties aussi se doivent de l’être. Mais pour défendre des valeurs différentes, comme le bien commun plutôt que l’intérêt de quelques uns. Toutefois, et comme pour de nombreux autres sujets, c’est à chacun d’apprécier selon son point de vue. Pour ma part, je me refuse à me préoccuper d’étiquettes partisanes ou dogmatiques. Je suis un pragmatique et l’objectif humain compte bien plus que les tergiversations intellectuelles. Alors cette fermeté, je lui vois surtout une vertu éducative. Si vous voyez votre enfant en train de faire une bêtise, que vous lui demandez d’arrêter, mais qu’il continue, qu’est-ce que vous faites ? Pour beaucoup de parents, la réaction sera simplement de lever les yeux au ciel en disant « ah, tu es impossible ! » Et le gamin en sort renforcé dans la conviction qu’il domine ses parents et peut faire ce qu’il veut. Une autre possibilité est que vous ne lâchiez pas le morceau, insistiez, jusqu’à intervenir pour le prendre au besoin par le bras et l’empêcher de continuer : il ne fera pas la bêtise, mais au fond de lui, il saura aussi qu’il n’y a pas grand risque à ne pas vous écouter et à attendre que vous interveniez. Mais il y a encore une autre possibilité : vous le dites une fois, deux fois, mais à la troisième fois, voyant qu’il continue, vous vous déplacez pour lui mettre, calmement mais fermement, une fessée. Non seulement il ne fera pas la bêtise puisque vous l’avez arrêté, mais il apprendra que ne pas écouter peut avoir des conséquences désagréables. Alors la fois suivante, lorsque vous lui direz qu’il est en train de faire une bêtise et qu’il doit arrêter, il y aura de bonnes chances qu’il vous écoute sans attendre que ne tombe la sanction. Est-ce que c’est fasciste comme attitude ou bien est-ce simplement pédagogique ? Quidam : Mais c’est sévère quand même. PG : « Qui aime bien, châtie bien ». Si vous aimez votre enfant, vous lui devez de ne pas le laisser faire n’importe quoi sans prendre conscience des conséquences de ses actes. Certains enfants turbulents requièrent une sévérité accrue pour trouver leurs marques et grandir ensuite sainement. Si vous êtes trop laxiste ou pas assez affirmé pour leurs apporter ces repères, ils risquent de mal tourner. Et vous en serez en partie responsable. Beaucoup d’enfants ne nécessitent pas une telle sévérité, et grandiront sainement avec simplement l’amour patient. Pour d’autres, quelques rares fessées au cours de la petite enfance sont tout ce dont il y a besoin pour recadrer les choses et qu’ensuite cela se passe naturellement bien, sans plus besoin d’y recourir. Mais ceux qui ont besoin d’amour durablement sévère doivent l’avoir. Et si leurs parents ne sont pas en mesure de le leur donner, que ce soit parce qu’ils sont incapables de comprendre ce que c’est que d’éduquer un enfant, ou que ce soit parce qu’ils ne veulent pas s’en préoccuper faute d’être capables de l’aimer, ou encore que ce soit parce qu’ils manquent de l’affirmation nécessaire pour dompter une progéniture à personnalité très rebelle, alors il faut que la société prenne le relais pour éviter que cette rébellion ne devienne un problème pour autrui autant que pour eux-mêmes. Dans une cour de récréation ou sur une aire de jeu, quand un enfant pique sa crise, est-ce que vous le laissez devenir une nuisance pour les autres ? Non. Eh bien c’est pareil dans la rue. Alors pour les jeunes, comme pour les moins jeunes d’ailleurs, qui sont en manque de repères et ont besoin d’apprendre les limites de ce qu’il est acceptable de faire quand on vit ensemble en société, l’Etat se doit de pouvoir proposer aussi l’amour sévère. Quidam : J’imagine déjà le résultat. Quand une patrouille de police poursuit deux jeunes sur une moto volée, qu’ils se plantent tous seuls dans leur tentative de fuite et se blessent ou se tuent, les banlieues s’enflamment, les policiers sont suspendus et soumis à enquête de l’IGPN, etc. PG : Effectivement. C’est le monde à l’envers n’est-ce pas ? Quidam : Alors si on tire sur un jeune, même casseur en flagrant délit, là, c’est l’éclatement de la guerre civile ! PG : A force de laisser dériver ce genre de problèmes, il est maintenant devenu très explosif. Est-ce une raison pour laisser les banlieues aux mains des gangs ? Et laisser aux mains de ces gangs toute une population de citoyens qui ont droit, eux aussi, à la satisfaction de leur besoin de sécurité par la société ? Eux aussi ont le droit de vivre paisiblement. Par quelle lâcheté le Gouvernement leur refuse-t-il ce droit ? La société est actuellement collectivement coupable de non-assistance à personnes en danger vis-à-vis des populations vivant en banlieue. Alors oui, s’il faut quelques morts pour rétablir l’ordre dans les banlieues, qu’il y ait quelques morts. Que la bombe explose une bonne fois, avec les dégâts qu’il y aura, mais que le problème soit réglé en profondeur et qu’ensuite la paix revienne durablement pour tous dans la société. Si vous laissez la gangrène s’installer, ne vous étonnez pas qu’un jour il faille amputer. Désolé s’il est considéré comme fasciste de faire référence à des métaphores biologiques pour parler de la société, mais cette image convient précisément au problème. Quidam : Je ne suis pas sûr que la police soit en mesure de correctement maîtriser une telle explosion sociale. PG : J’en doute un peu également. Au jour d’aujourd’hui, les policiers sont tellement à cran que si on leur redonne trop brusquement les pouvoirs coercitifs qui auraient toujours dû être les leurs, ça fera des catastrophes. Quidam : Mais alors qui ? La gendarmerie ? PG : Gendarmerie, police, ce n’est encore qu’une querelle d’étiquettes… même si j’ai souvenir dans ma jeunesse que les fils de gendarme se faisaient moins dérouiller par les voyous que les fils de flics. Cette différence d’image provient surtout de la répartition des compétences entre les deux par rapport au seuil communal de 10’000 habitants. Les gendarmes sont mieux perçus essentiellement parce qu’ils sont absents des zones les plus sensibles qui se trouvent dans les grandes métropoles où ils n’interviennent pas. Mais la mission reste la même. Non, ce n’est pas la gendarmerie qui me semble la mieux indiquée. Vous dites que ça ferait exploser une guerre civile ? Je dis que nous y sommes déjà. Une voiture de police se fait systématiquement caillasser dans les cités chaudes de banlieues. Quand ils s’ennuient les voyous mettent le feu quelque part pour attirer les pompiers et s’en prendre à eux, ce qui souvent amène ensuite la police pour prendre le relais comme cibles des projectiles. Et pour varier les plaisirs, de temps en temps, ils se font un bus. La guerre est latente depuis le début du siècle et les tirs à balles réelles sur les forces de l’ordre. Alors pour la guerre, il faut des gens entraînés à la guerre. La police ne l’est pas, malgré ses unités d’intervention spécialisées mais dont les effectifs ne pourront suffire à une opération d’ensemble. Alors puisque cette situation de guerre civile larvée menace la société que l’armée a comme devoir de protéger, je pense que l’armée est le corps de défense approprié pour nettoyer les banlieues de leurs éléments antisociaux une bonne fois pour toute. L’exemple du Brésil dont les troupes d’élite nettoient progressivement depuis 2010 les diverses favelas pour en chasser les gangs de narcotrafiquants afin que la vie des habitants y reprenne sereinement démontre la validité de la méthode. Quidam : Nos banlieues n’en sont tout de même pas à la même extrémité que les favelas brésiliennes. PG : Pas encore tout à fait, mais ça s’en rapproche. Alors je ne vois pas bien l’intérêt d’attendre d’en arriver là pour réagir. Et une vaste opération de nettoyage conduite par l’armée se fera d’autant mieux que nous cesserons de repousser toujours plus la résolution de ce problème inacceptable, non tant pour la société que pour tous les citoyens de ces quartiers. Evidemment, cela ne pourra se faire qu’en collaboration avec la police, parce que c’est elle qui sait ce qui se passe dans ces quartiers, quels sont les fauteurs de troubles à évincer et où les trouver. Il ne faut pas croire notre police incompétente. Castrée par nos politiciens, oui, mais certainement pas incompétente. Mais je dis que la force, et les effectifs, nécessaire pour mener à bien cette grande opération de nettoyage requiert la mobilisation de l’armée. Après cette pacification, la police, au fur et à mesure de sa reconstruction après toutes ces années de castration, pourra y retrouver pleinement sa place pour y conduire dans de bonnes conditions ses missions normales de maintien de la paix. Et ce d’autant mieux que les éventuels débordements sanglants n’auront pas été de leur fait mais de celui de l’armée. Et d’autant mieux aussi que ce changement de ton dans le maintien de l’ordre s’accompagnera d’un renouveau global de la société afin que les jeunes de banlieues y retrouvent un futur. Quidam : Aucun politique ne fera ça ! Ils sont tous à se souvenir de mai 68 en se félicitant de l’excellente gestion de la crise qui n’avait fait aucun mort. PG : Pas les politiques que nous avons depuis ces dernières décennies en tout cas. Ils ont laissé s’installer le désespoir dans la société faute d’être capables de proposer une vision du futur à tous les citoyens. Ils ont laissé ce désespoir se ghettoïser et s’exprimer dans une violence de plus en plus affirmée sans être capables de l’endiguer. Ils ont contaminé la police avec leur impuissance. Et maintenant l’affrontement est inévitable. Alors je doute que ceux qui ont été incapables d’empêcher qu’on en arrive là soient qualifiés pour maintenant résoudre un problème qui n’a rien à voir avec mai 68 et ses benoîtes revendications d’assouplissement d’une société trop rigide. Ce ne sont pas à des étudiants exaltés que nous avons affaire dans les banlieues mais à des gangs organisés, armés et entraînés. Si nous voulons redresser la barre, il faudra trouver d’autres capitaines que ceux que nous avons l’habitude de voir encombrer nos écrans télé de leurs déclarations creuses. Ce bon Monsieur de la Fontaine nous l’a dit voici fort longtemps : « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Or les plus forts, ce sont les dizaines de millions de gens décidés à former ensemble une société où il fait bon vivre… sauf à ce que, par lâcheté, ils ne baissent les bras, laissant croire à des petits groupes d’excités, quels qu’ils soient, qu’ils peuvent être plus forts que tout le reste de la population et imposer leur volonté au mépris des principes fondamentaux du vivre ensemble. Quidam : Effectivement, les banlieues sont un problème majeur que la société se révèle incapable de gérer. Mais les problèmes de sécurité et de maintien de l’ordre ne se résument pas à ça non plus. PG : Vous avez entièrement raison. Parce qu’on parle des banlieues, mais des groupes qui prétendent imposer leur point de vue par la force, il y en a d’autres. Il y a d’autres dérives inacceptables qu’il faut mentionner en matière d’ordre public. Il ne faut pas manquer de conscience au point de laisser l’arbre cacher la forêt. Lorsque des salariés, sous prétexte de revendications sociales, séquestrent leur PDG pour faire pression sur les négociations, n’est-ce pas comparable à une prise d’otage ? Pourquoi l’accepte-t-on ? Lorsque des salariés menacent de faire sauter leur usine s’ils n’obtiennent tel montant d’indemnité de licenciement ou des garanties de reclassement, n’est-ce pas tout simplement du terrorisme ? Comment peut-on le tolérer ? Vraiment quel beau pays que la France ! Totale liberté d’action dès lors qu’il y a le prétexte de revendications sociales. On fait des barrages sur les routes dont on en profite pour massacrer le bitume avec des feux de pneus, et au revoir à la liberté de circulation. On bloque des usines avec des piquets de grève pour empêcher les salariés non grévistes de bosser, et adieu la liberté de travailler. On déverse des cargaisons de tomates importées sur les routes, et bye bye le respect de la propriété d’autrui. On badigeonne de lisier les murs de la préfecture, et bonjour les impôts de tout le monde pour ensuite nettoyer. Les exemples sont nombreux. Et pour moi, je ne vois pas de différence de traitement à appliquer. Si des syndicalistes qui menacent de faire exploser leur usine prennent une balle de tireur d’élite sans prévenir, qu’ils ne viennent pas se plaindre. Qui veut jouer au terroriste doit s’attendre à recevoir le traitement du terroriste. Et je n’y vois pas là une enfreinte à mon opposition à la peine de mort car il s’agit en pareil cas de neutraliser sur le vif une menace avérée, non de juger quelqu’un. Je ne préjuge nullement du bien-fondé ou pas de leur revendication, j’en condamne simplement mais clairement le moyen d’expression. Nous avons le droit, dans notre société, de ne pas être contents et de manifester notre opinion. Mais pas de n’importe quelle manière. Chaque fois que la société autorise que cette expression de mécontentement empiète sur le respect des droits d’autrui, elle trahit l’attente de ses citoyens… et génère davantage de mécontentement. Quidam : Mais, vous qui semblez aimer citer Gandhi, ne pensez-vous pas qu’il y a parfois des obligations d’agir ? Le maintien de l’ordre rigide et aveugle peut alors ne pas être approprié. PG : Gandhi prônait la résistance non-violente et la désobéissance civile. Jamais l’action violente. Il affirmait la force de la détermination pacifique de la majorité. Pas celle d’excités vindicatifs. Mais vous avez raison. Il peut y avoir des cas où la rébellion d’une partie de la société soit utile pour indiquer à celle-ci qu’elle fait fausse route. Indiquer à ses dirigeants qu’ils se trompent. Et il peut alors être plus approprié de dialoguer pour apaiser les choses que de réprimer aveuglément. Simplement parce qu’aucun gouvernant n’est immunisé contre l’erreur d’appréciation et que le pouvoir de sévérité doit se manipuler avec discernement. Nous avons mentionné le mouvement étudiant de mai 68 par exemple. Mais je peux aussi appliquer ça à certaines actions de la bande à Bové. Autant je condamne le démontage du Mc Donald’s de Millau comme une inacceptable atteinte à la propriété privée, autant j’aurais volontiers fauché les champs d’OGM avec eux au nom du droit à se préserver du risque de contamination que représentent ces cultures OGM en plein air. C’est par rapport à leur capacité à discerner ce genre de nuances que des dirigeants démontreront qu’ils sont en phase avec les aspirations de leur population. Mais s’ils le sont vraiment, s’ils sont à l’écoute des citoyens plutôt que d’intérêts privées spécifiques, et s’ils ont su rester ouverts et en contact avec la vraie vie des vrais gens pour éviter que ne s’installe cette distance génératrice de l’usure du pouvoir, ce genre de cas sera rarissime, voire inexistant. Et la manifestation pacifique d’opinion doit toujours être suffisante pour faire constructivement évoluer les choses. Quand ce n’est pas le cas, c’est avant tout révélateur que la société s’est montrée incapable de se doter de dirigeants adéquats. Et alors, les citoyens, responsables de leurs élus, peuvent aussi s’en prendre à eux-mêmes. Car après tout, si nous commençons à considérer que tout est permis en la matière, le problème des banlieues n’est-il pas simplement un problème de revendication sociale ? Les gangs ne défendent-ils pas simplement leur travail, certes illégal, de dealers et de racketteurs ? S’ils chassent la police, n’est-ce pas simplement pour éloigner la concurrence d’un territoire où ils revendiquent le droit de faire appliquer eux-mêmes une loi, leur loi ? Quidam : Enfin là, vous poussez le bouchon un peu loin. PG : L’analogie vous choque, mais elle est fondée. J’ai eu la chance, merci papa, d’aller à l’université et d’y faire quelques études, dont certaines intéressantes. J’ai souvenir notamment d’un cours de science politique qui expliquait comment, sur la faillite de l’administration italienne du 19ème siècle, s’est développée la mafia. Au début, c’était pour organiser la société face à l’incapacité de l’administration à le faire. Ca n’avait pas de but criminel mais un objectif de cohésion sociale. Et puis, rapidement, ça a dévié. C’est devenu clientéliste, avide de profits, ça s’est tourné vers les activités interdites, les familles se sont mises en concurrence et parfois combattues ouvertement à la mitraillette. Et lorsque l’état italien a tenté de reprendre la main, c’était trop tard et les gêneurs, juges ou policiers trop intègres, étaient éliminés. On voit bien actuellement les difficultés qu’a encore l’Italie à résoudre son problème mafieux et ce d’autant plus que le crime organisé s’est mondialisé bien plus vite et depuis bien plus longtemps que les états. Nos voisins transalpins sont confrontés à un véritable défi culturel. Ils ne viendront à bout de la mafia que si la population dans son ensemble sait faire évoluer ses mentalités et son comportement en ce sens. Tout comme les français doivent maintenant faire évoluer leur relation avec leur police. Alors il faut faire un choix. Voulons-nous, oui ou non, que la société réponde à nos besoins, notamment celui de sécurité et de respect de notre liberté de recherche de notre accomplissement ? Si la réponse est non, alors il n’y a plus de problème. On laisse les choses continuer en l’état encore seulement quelques années, car nous ne sommes pas si loin que ça de la déliquescence totale, et chacun pourra alors s’essayer à une carrière de parrain sur les ruines de feu la société. Mais il faut savoir, dans ce domaine, que s’il y a beaucoup d’appelés il y a surtout peu d’élus… Au contraire, si la réponse est oui, alors il faut s’en donner les moyens avec un état fort, à même de faire respecter la loi et l’ordre, pour que chacun y trouve la possibilité de satisfaire ses besoins et d’avancer vers sa réalisation personnelle. Le besoin de s’accomplir dans une carrière de gangster demeure toujours possible, simplement il se heurtera au besoin de se réaliser de policiers dévoués à protéger leurs concitoyens. Et ces policiers-là seront fiers de leurs responsabilités et feront efficacement barrage aux rêves de jouer les pirates modernes, ce qui est bien moins romantique que ne le laissent croire les histoires pour enfants. Quidam : Ca fait rêver. Mais nous en sommes tellement loin… PG : Pas forcément si loin que ça. Il en faut parfois peu pour redresser la barre. Surtout si la population est prête pour ça. Quand on se fixe un objectif, chaque pas que l’on fait ensuite dans sa direction nous en rapproche. Difficile de savoir à l’avance combien de pas il faudra pour l’atteindre, mais avec de la persévérance, si on le veut vraiment, on finit par y arriver. A condition de commencer un jour par un premier pas. Aujourd’hui, avec la mentalité française, nous partons d’une situation où les gens critiquent l’impuissance de la police mais s’insurgent contre l’installation de caméras de surveillance. Ont-ils donc la conscience si peu sereine ? Si je n’ai rien à me reprocher, que m’importe d’être filmé dans la rue par une vidéosurveillance ? Au contraire, ce serait plutôt un pas dans le sens d’assurer la sécurité publique et donc de protéger mon droit à me promener tranquillement. Seulement pour le moment, les gens voient surtout les caméras fleurir pour verbaliser davantage, qui un petit excès de vitesse, qui un feu orange trop foncé. Alors ils voient dans ces caméras davantage de répression que d’amélioration de leur sécurité. Difficile de le leur reprocher. Quand le Gouvernement et la hiérarchie de l’administration policière imposent à ses fonctionnaires de faire des quotas de PV, non seulement les gens ressentent davantage de répression pas très constructive mais en plus ils voient clairement que ce sont des ressources humaines en moins pour régler les vrais problèmes de sécurité comme dans les banlieues. Et je ne vous parle pas du gâchis : combien d’année d’études et de formation spécifique en école de police pour lire un chiffre affiché à l’écran d’un radar ? Il suffit de savoir lire pour ça. Au passage, il me parait légitime de s’interroger sur comment motiver un policier qui aime le terrain s’il doit rester des demi-journées entières dans un bureau à taper l’enregistrement d’une succession de plaintes pour vols de portable qui seront classées sans suite faute d’éléments permettant de retrouver les voleurs ? Gaspillage de compétences pour le seul besoin des procédures d’assurance. Alors que le même policier, sur le terrain, aurait peut-être par sa présence dissuadé certains vols ? Ou alors, abordé par une victime tout près du lieu des événements, il aurait peut-être tout de suite pu trouver trace du voleur ? Peut-être, peut-être pas. Mais deux heures après, dans un bureau, à des hectomètres de l’endroit du vol, ce n’est plus peut-être mais sûrement pas. Alors n’y a-t-il pas assez de secrétaires au chômage, et qui ne demandent pas mieux que de travailler, pour dactylographier les dépôts de plainte ? En attendant, ce que les gens voient, ce sont des fonctionnaires armés au bureau mais pas dans la rue lorsqu’ils se font agresser. Alors ils ne sont pas satisfaits. Quidam : Il est clair que la question du bon emploi des compétences des policiers se pose. Il y a certainement matière à organiser les choses différemment pour permettre plus d’efficacité, dont le manque est souvent aussi ce que les gens reprochent à notre police. PG : Comment s’étonner après que la police ne soit pas populaire : le Gouvernement qui la dirige fait tout ce qu’il faut pour ! Et le principal problème de la police, c’est lui. Mais s’il l’est, c’est aussi et avant tout parce qu’il sait que ses électeurs conspuent les gardiens de la paix. C’est un cercle vicieux. Toutefois, au départ de ce cercle, il y a nous tous et notre attitude pour le moins très contrastée vis-à-vis du maintien de l’ordre. A croire qu’il faudrait que ça se fasse tout seul. Dans le même ordre d’idée, dès qu’est mentionnée le projet d’un fichier informatique centralisé pour faciliter le travail des services de police et de renseignement, c’est la levée de bouclier des rebelles gaulois qui ne supportent pas l’idée d’être fichés. Visiblement, le gaulois revendique le droit de pouvoir trafiquer ce qu’il veut dans son coin, mais tout en exigeant la protection de la police à qui il ne veut pour autant accorder aucun moyen d’être efficace. Si ce n’est pas de la contradiction ça ! A croire que pour qu’un policier soit efficace dans ses enquêtes, il faudrait commencer par une formation chez Madame Soleil ! Quidam : Je comprends bien ce que vous voulez dire, mais dans la pratique la dérive vers la dictature est très facile. On commence par ficher les gens, on donne plus de pouvoir à la police, et un jour on se réveille sans liberté. PG : Et oui, voilà bien la vieille méfiance gauloise qui ressurgit. Je reste toujours stupéfait de constater que la capacité de mes concitoyens à se mobiliser pour s’opposer et refuser, n’a d’égal que leur incapacité à se mobiliser pour construire et résoudre les problèmes. Le problème n’est pas qu’un tel fichier existe. C’est à l’évidence une nécessité d’avoir un fichier central de l’intégralité de la population française, ainsi que des étrangers résidant sur le territoire national. Il devra être en recensement permanent avec obligation pour chacun, une fois l’an, de se présenter en personne devant un officier d’état civil en mairie, voire au consulat pour les expatriés, pour confirmation de son existence afin, par exemple, qu’on cesse de payer à des gens supposés résider à l’étranger mais décédés depuis longtemps des pensions qui profitent bien à ceux ayant accès au compte bancaire où elles sont virées. Et ce sera aussi une très bonne façon de favoriser au moins une fois par an un contact personnel et confidentiel afin de permettre, par exemple, aux femmes battues enfermées chez elle par un mari indigne de pouvoir faire part de leur situation. Un tel fichier doit comprendre pour chacun : état civil et familial complet, adresse(s) principale et secondaire(s), emploi, situation familiale, dossier médical, opposition éventuelle aux vaccinations, transfusions sanguines ou greffes d’organes, accord éventuel pour le don post-mortem de certains ou tous ses organes, comptes bancaires, endettement en cours et impayés éventuels, casier judiciaire, fichier de police, permis de conduire et historique des infractions, assurances vies souscrites, et toutes informations auxquelles je ne pense pas dans l’instant mais qui sont utiles pour gérer adéquatement la population de la nation et ses intérêts. L’accès à ce fichier se doit d’être compartimenté selon les habilitations de chacun, par exemple pour qu’un médecin puisse accéder à votre dossier médical mais pas à votre compte bancaire. Et l’utilité en est multiple, comme pour simplifier le travail de recherche d’héritiers lors d’une succession. Ou encore simplement pour s’assurer que les sociétés d’assurance sont bien informées du décès de leurs assurés afin que les capitaux soient bien versés aux bénéficiaires prévus. Car les assurances-vie souscrites en secret et jamais versées, ça existe aussi. Il faut aussi voir le bon côté des choses. On peut même imaginer qu’il permette également de certifier les profils utilisateurs des divers sites Internet, tout en préservant l’anonymat permis par l’usage de pseudonymes. Les plaintes se développent contre les usurpations d’identité sur les sites sociaux ou de rencontre Internet, notamment avec des gens qui se font passer pour des célébrités. Plus grave encore les pédophiles qui chassent sur les réseaux de tchat des jeunes en masquant leur âge, voire leur sexe. Avec une fonction permettant à tout site Internet d’exiger que le profil utilisateur créé soit certifié en relation avec ce fichier central, non seulement le site donnera confiance à ses utilisateurs, mais nous, nous serons bien mieux armés pour solutionner tous ces problèmes. Une telle certification peut parfaitement se faire sans dévoiler l’identité de ceux qui veulent rester anonymes, comme c’est souvent le cas sur Internet, se limitant à contrôler que le pseudonyme choisi n’usurpe pas le vrai nom de quelqu’un d’autre, ainsi que la véracité des données telles que l’âge ou le sexe pour les sites où celles-ci sont sensibles. Et on peut aussi inclure la facilitation de la lutte contre les faux avis utilisateurs sur les sites marchands, et qui sont en fait de vrais plébiscites publicitaires destinés à tromper les acheteurs potentiels. Avec une procédure de certification qui permette au fichier central de conserver trace du profil créé sur le site, pour y associer une personne physique, remonter les abus devient nettement plus facile. Un tel fichier permet donc de nombreuses améliorations dans l’administration au quotidien de tout un tas de questions diverses. Mais il est clair que toutes ces informations permettront aussi un travail de police plus efficace, pour le plus grand bénéfice des citoyens et afin que l’inefficacité administrative actuelle de la société cesse de bénéficier avant tout aux malhonnêtes. Quidam : Les comptes bancaires, c’est presque un sujet plus sensible que le dossier médical. PG : Eh oui, toujours ce besoin du gaulois de se cacher, de ne pas s’assumer. Et pourtant, la Banque de France dispose déjà de la liste de tous les comptes bancaires ouverts au nom de chacun de nous dans toutes les banques du pays, avec les états d’incidents de paiement ou d’interdiction bancaire. Cette information, ou pour un compte bancaire au moins, est également déjà recensée dans le fichier d’un organisme ou d’un autre pour quasiment toutes les personnes percevant des remboursements de sécurité sociale, des allocations familiales ou logement, des allocations chômage ou retraite, sans même parler des salaires. Alors prenons simplement le cas d’une personne qui doit de l’argent et ne paye pas. Un huissier, chargé pourtant d’appliquer la loi en matière de recouvrement, n’a même pas accès à ces informations ! Que doit-il faire ? Faire le tour des banques de la ville où habite le débiteur indélicat, et voir avec chacune si un compte au nom souhaité est ouvert et dispose d’argent saisissable. Les gros cabinets d’huissiers peuvent rationaliser un peu la démarche sur le nombre de dossiers, mais globalement, il suffit au petit escroc qui ne veut pas payer une facture, une pension alimentaire ou ses impôts, d’avoir un compte bancaire dans une banque régionale voisine de la région où il habite et jamais l’huissier ne trouvera son compte ni n’y saisira rien du tout. Un peu facile non ? Quant à la saisie sur salaire, si personne ne dit à l’huissier où travaille le débiteur, il ne saura jamais où envoyer un avis à tiers détenteur quelconque. Alors moi, citoyen honnête, je ne peux que constater que notre organisation sociale a pour volonté de préserver les mauvais payeurs et les escrocs à mon détriment. « Vous trouvez ça normal, vous ? », vous demanderait Caliméro. N’est-ce pas un réel encouragement à l’irresponsabilité financière ? Alors qu’avec ce simple fichier central nous remédions à cette situation insensée et facilitons la lutte contre les fraudeurs, escrocs et mauvais payeurs en tout genre dont tout le monde pâtit au final. Nous sommes fichés de partout pour traquer nos habitudes de consommation et nous balancer de la pub, mais quand c’est pour les besoins de notre sécurité, de l’application de la loi, du maintien de l’ordre public et de la bonne gestion de l’Etat, bref pour plus d’efficacité des services publics, là le gaulois moyen s’inquiète. N’est-ce pas quand même assez invraisemblable ? Alors le problème, encore une fois, n’est pas qu’un tel fichier soit mis en place. Il est évident qu’il en faut un. C’est ce qu’on va en faire qui inquiète. Et ça, ça dépend effectivement complètement de qui le contrôle. Donc ça dépend de qui gouverne ce pays. Si vous avez peur de l’existence d’un tel fichier parce qu’il pourrait en être fait un mauvais usage, c’est que vous n’avez aucune confiance dans les dirigeants que vous avez élus. Et donc en fait que vous n’avez aucune confiance en votre jugement d’électeur et que c’est avant tout de vous-même que vous vous méfiez. Alors, il serait beaucoup plus constructif de se mobiliser pour résoudre ce problème-là qui est bien plus fondamental. Car si la tête est pourrie, comment voulez-vous que les choses aillent dans le bon sens ? Prenons donc les choses par le bon bout et le reste se mettra bien plus naturellement en place. Et ne nous privons pas des outils nécessaires pour répondre à l’aspiration des citoyens à la sécurité et à une gestion publique efficiente sous prétexte que les gens ont peur d’eux-mêmes ! 16 : incivilité et sécurité routière Quidam : Je suis quand même assez réservé vis-à-vis de ce tout sécuritaire. PG : Ah, mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je ne suis pas du tout pour ce que vous appelez le « tout sécuritaire ». Je pense que ce serait le meilleur moyen de créer de nouvelles explosions sociales. Non. Je parle d’augmenter la transparence et de donner les moyens physiques et informatifs à la police pour bien faire son travail, pas pour brider notre vie. Le tout sécuritaire, c’est la dictature des bien-pensants qui vous empêche de vivre les expériences que vous souhaitez vivre. Rappelez-vous ce que je disais à ce sujet lorsque nous parlions de la mort. Oui, la société a le devoir de protéger ses membres contre les menaces qu’ils peuvent représenter les uns pour les autres, mais non, elle ne doit pas les empêcher d’être une menace pour eux-mêmes si c’est ce qu’ils souhaitent. C’est leur liberté inaliénable de se mettre en danger, du moment que cela n’entraîne pas de danger pour autrui. Prenons un exemple : l’adolescence. C’est un âge difficile où les jeunes ont besoin, pour se trouver, de tester certaines limites. C’est un processus normal et nécessaire de construction de soi. Ils s’opposent d’abord à leurs parents, puisque ce sont leurs premiers repères, mais ont aussi besoin de se mesurer les uns aux autres pour se situer dans le groupe, tout en se mesurant avant tout à eux-mêmes pour découvrir leurs propres limites. Alors faut-il, sous prétexte que quelques uns resteront effectivement sur le carreau, interdire tout ce qui leur permet de franchir cette étape essentielle de l’existence ? A vouloir aseptiser la société, on voit le résultat. Certains jeunes, notamment dans les banlieues, se groupent en hordes de hyènes prédatrices, tandis que d’autres, moins portés à la violence, s’essayent à l’ivrognerie ou aux paradis virtuels jusqu’à devenir des zombies décérébrés, et j’en passe. Bravo, beau résultat ! Jusqu’où faudra-t-il pousser l’expérience pour s’apercevoir que c’est un non-sens humain et social ? En passant, il faut quand même noter la contradiction patente de notre société qui prétend protéger les individus, y compris contre eux-mêmes, mais leur laisse le soin de se détruire avec nombre de substances très officiellement reconnues comme addictives et destructrices mais parfaitement légales et en vente libre. Mais nous en avons déjà parlé et n’allons pas y revenir ici. Dans les sociétés dites primitives, il existait des rites de passage à l’âge adulte, et qui n’avaient rien à voir avec de dégradants bizutages. Aujourd’hui, au contraire, tout est fait pour proposer à nos jeunes une existence terne et lisse. Allez vous étonnez après qu’ils fuient la vie et s’opposent à la société. Elle les empêche de devenir adultes ! Et ne leur laisse d’autres choix que de se chercher eux-mêmes des rites de passage autrement plus destructeurs. Il fut un temps où le service militaire avait plus ou moins cette fonction de transition entre l’âge adolescent et l’âge adulte. Si dans la pratique on pouvait émettre de nombreuses critiques sur cette institution souvent abêtissante, sur le fond, elle avait aussi son intérêt et de nombreux aspects positifs. Maintenant qu’elle a été supprimée, on s’en rend encore plus compte. Donc le tout sécuritaire, clairement non ! Mais une politique de maintien de l’ordre ferme et à visée éducative, oui. Quidam : Qu’entendez-vous par « éducative » ? Comme ce que vous expliquiez sur le côté pédagogique d’une fessée ? PG : Absolument. Un trop grand nombre de gens n’ont pas appris une valeur de base de la vie avec autrui : le respect. Ils ne l’ont pas apprise parce que leurs parents ne la connaissaient pas et ne pouvaient donc la leur transmettre. Alors à leur tour, ils ne pourront non plus la transmettre à leurs enfants. Et l’irrespect de notre espace commun, de notre cadre de vie, se perpétue de générations en générations, voire se développe, chaque génération allant plus loin que la précédente. S’il faut attendre suffisamment d’éclosions spontanées de conscience pour que les choses s’arrangent, il risque de se passer quelques siècles. Alors je suis d’avis que lorsque l’éducation parentale est défaillante, la société, pour le bien de tous, prenne le relais. Ici, cet irrespect de notre espace partagé est ce que l’on nomme couramment les incivilités. La crotte du chien dont le maître ne fait pas l’effort de ramasser les besoins naturels. Le chewing-gum jeté sur le trottoir qui va ensuite se coller sous la semelle de quelqu’un en plus de pourrir l’effort fait par une ville d’offrir un beau dallage à ses habitants en guise de trottoir. Le mégot de cigarette, lui, ne colle pas sous la semelle, mais a une très forte propension à se retrouver jeté n’importe où et à s’accumuler parmi d’autres détritus, quand il n’est pas jeté par la fenêtre de la voiture pour aller déclencher un incendie dans les herbes sèches du bas-côté. Certes les cendriers sont maintenant en option dans beaucoup de voitures, mais les véhicules qui en sont équipés n’ont pas souvent besoin de les vider pour autant. Pourquoi faire puisque le monde n’est qu’un vaste cendrier qui vous tend les bras ! Et puis, le paquet de cigarette… Ah, lui, il est redoutable. Non content de générer un nombre considérable de stationnements en double file fort gênants, il contient d’abord un film plastique qui va assez systématiquement par terre dès la sortie du bureau de tabac, puis encore un petit bout de papier aluminisé, qui suit le même chemin tout aussi rapidement. Ce n’est pourtant pas faute de poubelles : il y en a un peu partout dans les villes et villages. Et de toute façon, on constate trop souvent que même à deux pas d’une poubelle, trop de gens ne considèrent même pas cette alternative. Ce n’est pas par flemme, c’est juste parce que ça ne leur traverse même pas l’esprit. Si tant est qu’esprit soit le mot approprié… Eh bien ce manque de conscience, cet irrespect des lieux publics, ça me choque. D’abord pour la saleté engendrée et au milieu de laquelle il est moins agréable de vivre, mais aussi parce que ça étale au grand jour toute la limitation de conscience de trop nombreuses personnes. Alors j’aimerais voir développer des brigades civiles, en civil, pour patrouiller rues, boulevards, plages, sites touristiques, etc., et verbaliser sur le vif ces incivilités. Je sais que certaines villes ont commencé à mettre en place de telles brigades pour lutter contre leur saleté généralisée, mais je doute qu’elles soient en civil. Quidam : Bref, encore plus de racket et de répression. PG : Sauf à ce que vous ne trouviez normal de tout jeter par terre, pas du tout. C’est juste de l’éducation. Quand un enfant ne veut pas écouter, s’entête à refuser de comprendre, il y a un moment où il faut arrêter de discuter et punir. La punition est éducative, du moment qu’elle est juste. Et le portefeuille peut être un moyen de faire passer le message éducatif. Mais il n’est pas le seul et pas forcément le plus approprié. Une journée de corvées, à ramasser les mégots ou les crottes de chien, ou à décoller les chewing-gums du trottoir, peut être beaucoup plus efficace à stimuler la prise de conscience souhaitée que de ponctionner le porte-monnaie. Pour être éducative, la punition doit être adaptée à celui à qui elle s’applique, nous en avons déjà parlé. Sinon, effectivement, n’en est retenu que le côté répressif qui, forcément, génère du mécontentement. Mais au final, on sait bien que certains resteront indécrotablement obtus et ne se pénètreront jamais des notions de respect souhaitées. Alors pour ceux-là, afin qu’ils ne pourrissent pas impunément l’espace que nous devons partager avec autrui, qu’ils soient au moins aiguillonnés par la crainte du gendarme, ou plutôt dans ce cas du brigadier. Il est un dicton qui dit que c’est le début de la sagesse ! Quidam : Mais quand même, si vous dites que ces brigades civiles devraient être en civil, c’est bien pour piéger les gens. C’est quand même sournois. PG : Voilà encore un vieux réflexe gaulois : vouloir savoir quand vous êtes surveillé et quand vous ne l’êtes pas, pour savoir quand vous devez faire attention et quand vous pouvez faire n’importe quoi. Non. Si le but est d’éduquer la population au respect de l’espace commun, il faut que celui qui ne marche qu’à la peur du gendarme ne sache jamais s’il est surveillé ou pas. Car alors, ça l’oblige à se poser la question. Trop facile de ne le faire que quand on voit un uniforme. Mais avec des brigadiers en civils, ne pas voir d’uniforme n’est plus significatif d’impunité. Donc il faut faire attention tout le temps, partout. C’est ça la conscience : être attentif à soi comme à son environnement, à tout moment, en tout lieu. Ce n’est d’ailleurs pas si terrible que ça en a l’air. Ca ne représente un effort d’attention que le temps nécessaire à intégrer le réflexe du respect. Après, on n’y pense même plus, c’est naturel. C’est comme ça que s’ancreront petit à petit de meilleures manières dans l’art du vivre ensemble. Et tant pis pour ceux qui considèrent que c’est de la répression. C’est leur droit de demeurer butés. Quidam : Mais en même temps, une fois que vos brigadiers auraient attrapé quelqu’un, ils seraient repérés et n’auraient plus qu’à changer de coin. PG : Pas forcément non plus. Là ce serait un raisonnement dicté par la course à la prune, pour satisfaire des quotas totalement déplacés dans ce domaine qui n’a rien à voir avec une course au chiffre d’affaires. Si les brigadiers habituels sont repérés par les habitués d’un endroit, qu’importe. Ces habitués auront probablement intégré qu’il faut respecter ce lieu. Et puis encore une fois, si avant de jeter son chewing-gum ou son mégot, la personne se met à regarder autour d’elle pour voir si elle détecte ou pas des visages connus de brigadiers en civil, eh bien ce sera déjà au moins la moitié du chemin éducatif de fait parce qu’elle aura eu conscience de ce qu’elle s’apprêtait à faire et du fait que ce n’est pas correct. Mais pour autant, ces brigades civiles, allant au moins par deux, non armées, rattachées à la police municipale, ont pour vocation de se déplacer pour couvrir la ville. Pas de rester toujours au même endroit. Et puisque faire dresser des PV pour défaut de ticket d’horodateur est un gâchis de ressources humaines si on le fait faire par des policiers dans lesquels on a investi plusieurs années de formation spécifique, ces brigades civiles me semblent toutes indiquées pour s’occuper de cette tâche. De même qu’elles peuvent s’occuper aussi de toutes ces incivilités routières typiques des agglomérations et qui ne demandent ni une formation juridique poussée ni un entraînement à la sécurité particulier : les stationnements en double file, les gens qui s’arrêtent au milieu des carrefours en bloquant la circulation, et j’en passe. Sans chercher le racket ni imposer de quota aux agents, je suis certain que de telles brigades civiles s’autofinanceront largement. Et au moins ce sera de la création d’emploi utile puisque ça améliorera la vie de la collectivité. Quidam : Par contre, avec une formation trop basique et des moyens minimaux, ces brigades trouveraient vite leurs limites. PG : C’est clair. Mais elles auront suffisamment à faire au sein de ces limites pour s’occuper utilement. Et pendant ce temps, les policiers, avec leur formation plus poussée, eux, seront libérés pour s’occuper de questions plus essentielles. Comme par exemple les vraies questions de prévention routière. Vous n’êtes pas partisan du tout répressif ? Aujourd’hui pourtant, il se développe de façon aveugle et non constructive contre la vitesse au volant. D’abord par le déploiement des radars automatiques, puis bientôt de ces radars tronçons, destinés surtout aux autoroutes, alors pourtant que ce sont les voies les plus sûres et où les tarifs de péages, prétendument temporaires à l’origine, ne baissent jamais maintenant que l’Etat les a vendus à des intérêts privés pour tenter de compenser son incapacité de longue date à équilibrer un budget. Quidam : C’est là une question bien différente et qui fait effectivement aussi grincer des dents bon nombre de nos concitoyens. Mais nous n’y pouvons plus grand-chose. PG : Bien sûr que si. A partir du moment où nous considérons qu’un service public monopolistique n’a pas à engraisser des intérêts privés sauf à ce qu’il ne soit démontré qu’ils puissent le gérer mieux que l’Etat et donc à moindre coût pour les usagers, ce qui n’est pas ce que nous constatons au vu de la hausse régulière des péages malgré la disparition progressive des péagistes, il y a lieu de renationaliser ces portions de notre réseau routier. Et pas forcément pour supprimer les péages, ça c’est ouvert à débat. Mais au moins pour que ceux-ci bénéficient aux ressources collectives et servent à financer de nouvelles infrastructures plutôt qu’à verser des dividendes. En plus, les péages créent de toute pièce des bouchons en période de forte affluence, alors même que le télépéage qui permettrait au moins de les minimiser est rendu payant. Si on ne supprime pas les péages, au minimum il faut la gratuité de l’abonnement au télépéage pour le généraliser et fluidifier la circulation. Quidam : C’est une idée. Mais vous feriez racheter à l’Etat toutes les actions vendues voici plusieurs années lors de la privatisation des sociétés d’autoroute ? Je doute que nos finances publiques en aient les moyens actuellement. PG : Elles les auront. Et puis c’est question d’en déterminer les conditions de rachat. Faut-il racheter au cours actuel ? Ou simplement annuler les transactions de la privatisation et donc rembourser sur la base du prix d’introduction en bourse ? Faut-il tout rembourser d’un coup ? Ou capitaliser la dette pour la rembourser sur dix ans, selon l’ordre d’ancienneté de détention de titres par les actionnaires ? Il y a matière à réfléchir à la meilleure façon de procéder. Mais ce ne sont pas les solutions qui manquent ? Quidam : Enfin, racheter au cours d’introduction des actions qui valent peut-être deux fois plus maintenant, c’est un peu du vol. PG : Il est un principe en politique qui dit que « nulle vie ni aucun bien ne sont en sécurité pendant que le Parlement est en session ». Si la collectivité décide que c’est ce qu’il est bon de faire, certains intérêts privés pourraient effectivement se trouver un peu lésés. Mais lesquels ? Pas les investisseurs ayant acheté à l’origine pour conserver les titres sur le long terme, puisque eux ne perdraient qu’une plus-value latente, c'est-à-dire rien. Ce sont les spéculateurs qui ont acheté plus cher ensuite en jouant la hausse du titre qui y perdraient. Et ceux-là, je dois l’avouer, ça ne me chagrine pas s’ils sont pris à contre-pied par des décisions de la société. Toutefois, par principe, le but n’est pas de voler mais de trouver ce qui est le plus juste. Comme lorsqu’on exproprie un propriétaire privé pour détruire sa maison au profit d’un aménagement bénéficiant à tous. Et puis, si les sociétés privées sont libres d’augmenter leur tarif, ce sont les utilisateurs, pris en otage par ce monopole, qui sont lésés. Si au contraire ce sont les pouvoirs publics qui autorisent ou pas les augmentations de tarif, les refuser peut aussi léser les actionnaires en obérant la rentabilité des entreprises autoroutières, entraîner une baisse à terme du titre et permettre de racheter à meilleur compte plus tard. Alors c’est quand même déjà un système qui ressemble à un marché de dupe, non ? C’est pourquoi il est malsain et qu’il faut y remédier. Quidam : Soit. Mais pour revenir à notre sujet, privées ou pas, les autoroutes ne sont pas exemptes de problème de sécurité routière. PG : Il faut quand même savoir que les autoroutes représentent seulement 2% du nombre de morts sur la route mais l’essentiel des radars. Ce qui d’ailleurs, dans le cadre d’une recherche de diminution de la mortalité routière devrait inciter à en ouvrir financièrement l’accès plutôt que l’inverse. Alors comment ne pas comprendre les gens qui parlent de répression aveugle et de racket ? Alors même que les morts sur la route sont trois fois moins nombreux que les suicidés et quatre fois moins que les victimes d’accidents domestiques ? Mais c’est tellement plus facile de culpabiliser les gens sur la vitesse, vu qu’elle est si facile à réprimer. Quidam : Attendez. Il y a quand même des résultats dans cette politique. Le nombre de morts sur la route a diminué depuis ces dernières décennies. Il y a quand même autre chose que de la répression et du racket derrière tout ça : il y a la protection des personnes. PG : Oui et non. D’abord, le vrai bilan de la route, je ne le connais pas. On nous annonce toujours le nombre de morts, mais en mettant dans le même panier ceux qui se sont tués sur la route et ceux qui y ont été tués. Or ce n’est pas du tout la même chose. Ceux qui se tuent, donc sous leur propre responsabilité et de leur propre fait, du moins lorsqu’il s’agit de fautes inexcusables, ne font que récolter les fruits de leur incompétence comme conducteur ou de leur imprudence caractérisée. Ca ne concerne donc vraiment qu’eux-mêmes. La société, elle, n’est réellement concernée par le problème qu’au titre du besoin de sécurité, besoin qui ne s’applique qu’à ceux qui sont tués sur la route suite à errements d’autrui ou erreurs excusables de leur part. Celui qui décède parce qu’il a été surpris dans un virage à allure raisonnable par une plaque de verglas est responsable en tant que conducteur mais pas pour autant coupable d’une faute inexcusable. Le coupable en premier ressort, c’est le verglas. De cette mort-là, il est légitime que la société se préoccupe, tout en constatant qu’aucun radar automatique ne peut prévenir ce genre de problème qui relève des seuls moyens accordés ou pas à la DDE pour identifier et éliminer la présence de ce danger. Par contre, celui qui se tue dans le même virage, par beau temps, sans verglas, parce qu’il est en vitesse très excessive est, lui, non seulement responsable, mais également coupable de sa propre mort. Ses éventuels passagers, ou les occupants d’autres véhicules subissant cet accident, sont des victimes de la route, mais pas lui. Sa mort à lui peut éventuellement relever des statistiques sur le suicide et l’autodestruction, mais pas de celles de la violence routière. Par ailleurs, je déplore aussi le silence sur le nombre de grands brûlés, de tétraplégiques, et autres handicapés ayant survécu mais non sans dommage à un accident de la route. Or depuis ces dernières décennies, les voitures ont pris un embonpoint considérable, de l’ordre de trois cents kilos au moins pour les citadines compactes, de par la multiplication des équipements de sécurité, et notamment, pour ce qui nous concerne ici, ceux de sécurité passive, celle qui renforce la carlingue et prévoit des zones de déformation programmée pour donner beaucoup d’étoiles au crash test. Alors est-ce la répression accrue des excès de vitesse qui permet la diminution du nombre de morts ou l’amélioration de la sécurité passive des véhicules ? Et, de par ces progrès techniques automobiles, combien de morts d’avant sont transformés en handicapés de maintenant ? Je n’en sais rien. Alors dire si cette politique est efficace ou pas, je n’en sais rien non plus. Et je ne parle même pas des accidents que les progrès en matière de sécurité active permettent carrément d’éviter… Parce que si tous ces développements techniques ne servaient à rien et n’impactaient pas positivement le bilan routier, alors il y aurait urgence à revenir en arrière et faire baisser le prix des voitures en les économisant plutôt qu’en les rendant de plus en plus obligatoire. Par contre, il est certain que cette politique génère du chiffre d’affaires de PV. Dès que le nombre de morts cesse de baisser malgré l’augmentation régulière de la population, nous avons droit à un nouveau déchaînement répressif pour faire croire aux citoyens que le Gouvernement s’occupe bien d’eux. Avec pour conséquence que de plus en plus de gens se retrouvent sans permis de conduire. Il est clair que dans certains cas, c’est justifié. Celui qui perd son permis pour récidive de très grand excès de vitesse, je ne vais pas le plaindre. Un très grand excès de vitesse, on le fait difficilement autrement qu’avec l’intention tout à fait volontaire de rouler excessivement vite. A contrario, celui qui perd son permis parce qu’il habite une grande agglomération avec beaucoup de radars automatiques, et qu’il perd ses points un par un, par accumulation de petits excès de vitesse de moins de 10 km/h, est victime d’une politique de répression routière aveugle. Et j’accuse cette répression d’être aveugle, parce qu’elle ne fait aucune différence entre excès de vitesse et vitesse excessive. Quidam : J’avoue ne pas vraiment la faire non plus. Quelle est la nuance ? PG : Si vous êtes sur autoroute, par beau temps, avec un faible trafic, et que vous roulez à 150 km/h, vous êtes en excès de vitesse, mais votre vitesse n’est pas franchement excessive au vu de l’excellence des conditions de circulation. A l’inverse, si vous êtes en ville, dans une ruelle étroite avec des voitures garées des deux côtés qui limitent votre visibilité, et que vous roulez à 50 km/h, vous n’êtes pas en excès de vitesse, mais votre vitesse est manifestement excessive à cet endroit-là. Et sur une route, par brouillard dense, même à 50 km/h au lieu des 90 autorisés en temps normal, vous êtes peut-être encore en vitesse excessive bien que très loin de l’excès de vitesse. D’ailleurs, si 90 km/h est une vitesse très sûre pour passer un virage donné avec votre voiture récente à pneus de 195 de largeur, ce sera peut-être très excessif pour faire de même avec la voiture de votre jeunesse et ses pneus de 135 seulement. Alors voilà la différence entre les deux. La vitesse excessive est celle qui n’est pas adaptée au véhicule utilisé ni aux conditions de circulation du moment et de l’endroit. L’excès de vitesse est le simple dépassement d’une limite générale pas forcément pertinente en tout temps ni en tout lieu ni pour tout véhicule. Le code de la route dit qu’il faut adapter sa vitesse aux circonstances de la route. Mais en pratique, la loi marche à sens unique : l’adaptation n’a le droit d’aller que dans le sens de la réduction. Certes, la limitation de vitesse existe et il faut la respecter car autrement ça devient ingérable. OK, le conducteur fautif a un PV à chaque fois pour le lui rappeler. Mais le retrait de permis est-il justifié ? Qui va me faire croire que cette personne est très dangereuse en roulant à 55 au lieu de 50 sur un grand boulevard à quatre voies ? Excès de vitesse, mais pas forcément vitesse excessive. Et rouler avec le nez sur son compteur par peur du radar au lieu de regarder autour de soi est autrement plus dangereux que de se laisser emporter peut-être un simple instant à dépasser légèrement la limite légale mais en regardant bien la route. C’est l’exemple typique qui montre que ce système est mal pensé. Comment fait-on, en France, pour avoir autant de politiciens et de fonctionnaires qui semblent incapables de réfléchir correctement à ce qu’est la vraie vie dans la vraie société et aboutissent à des mesures inadaptées avec des effets secondaires très critiquables ? Il semble qu’à chaque nouvelle mesure, qu’elle soit décrétée ou votée, il se crée un déséquilibre ou une aberration supplémentaire ! Cette incapacité à se projeter dans les effets concrets d’une mesure ou d’une loi est bien symptomatique du gouffre existant entre notre société et le pouvoir qui la dirige. Citoyens et gouvernants ne semblent pas vivre dans le même monde. Mais je digresse… Quidam : Alors que feriez-vous ? Supprimer les radars automatiques ? Supprimer le permis à point ? Ce serait encourager les gens à recommencer à rouler sans mesure. PG : D’abord pour cette question de permis à point. Le système, en soi, ne me parait pas mauvais. Celui qui accumule les infractions démontre qu’il n’a pas forcément une bonne maîtrise des règles de circulation sur un domaine routier partagé ou manque de volonté pour les appliquer. Qu’on lui retire son permis, pourquoi pas. Mais je trouve sa mise en œuvre pratique très critiquable. Jusqu’à 2010, les pertes de points nécessitaient trois ans sans infraction pour les retrouver, ou un an si ce n’était une perte que d’un point. La législation a récemment réduit ces délais qui varient de deux ans à six mois selon les cas. Mais dans une grande agglomération avec beaucoup de radars, il demeure facile de perdre au moins un point tous les six mois. Et du coup, le capital ne se reconstitue jamais, les pertes s’accumulent et, sans avoir jamais été vraiment dangereux, on peut perdre son permis. Réduire le délai de récupération réduit forcément le problème, mais ce n’est pas tant de là qu’il découle que de la nécessité de s’abstenir de toute infraction même très mineure pendant cette période. Si au contraire on dit qu’un point perdu se récupère au bout d’un an, qu’il y ait ou pas d’infraction pendant cette période, qu’une infraction à deux points s’annule au bout de deux ans, à trois points au bout de trois ans, et ainsi de suite, toujours indépendamment des retraits de points subséquents éventuels, le conducteur dispose alors d’une espèce de fonds de roulement qui permet mieux de faire la différence entre les fous dangereux et monsieur tout le monde, qui roule sans excès particulier mais à qui il arrive de dépasser un peu temporairement la limitation. Et en fait, comme les petites infractions entraînant un retrait d’un point seulement ne me semblent pas constituer un danger réel pour autrui, je suis même d’avis de les limiter à la seule amende, sans retrait de point. Quidam : Vous allez vous faire des amis avec une telle proposition. PG : Je crois qu’il y a suffisamment l’occasion que ce soit l’inverse pour ne pas bouder mon plaisir. La question des radars automatiques, maintenant. Nous ne sommes pas égaux devant cet instrument. Grâce à l’automatisation, les amendes arrivent assez rapidement au domicile, ce qui est une nette amélioration par rapport au fait de les recevoir 6 mois plus tard. Vous disposez alors d’un délai de deux semaines pour payer spontanément en bénéficiant d’une minoration de l’amende. Mais si vous recevez le PV juste après être parti pour trois semaines de vacances, vous aurez l’insigne privilège de payer plein tarif à votre retour. Dans notre société de loisirs qui accorde au moins cinq semaines de congés payés et où faire un voyage de trois, voire quatre, semaines est banal, la loi n’a toujours pas intégré le droit de s’absenter de chez soi plus de deux. Cela ne vous semble-t-il pas un peu incohérent, pour ne pas dire carrément injuste ? Ce même trop court délai s’applique d’ailleurs également aux envois recommandés, alors que leurs effets légaux courent de toute façon à compter de leur première présentation et que le délai de conservation est donc sans conséquence juridique… Alors pourquoi seulement deux semaines ? Clairement, il faut étendre ces délais à un mois. Mais l’inégalité face aux radars automatiques ne s’arrête pas à ces considérations financières. Ceux qui ont un GPS ou appareil assimilé en indiquant la position n’ont aucune raison de se faire prendre, alors que ceux qui n’en ont pas… n’en ont pas. Certes, les pouvoirs publics ont pris soin de signaler aux automobilistes les zones où se trouvent ces radars, ce que je trouve d’ailleurs plutôt cocasse car symptomatique de la tendance à prendre des mesures à moitié faute de les assumer vraiment. Quidam : Ces panneaux ont au moins le mérite de rétablir un certain équilibre avec ceux qui bénéficient d’un copilotage par GPS ou avec les habitants du coin qui savent bien, à force, où ils sont implantés. PG : Ce n’est pas faux. Toujours est-il que la majorité des gens freinent à l’approche du radar automatique, puis réaccélèrent ensuite. Et voilà que certains responsables s’émeuvent de ce que cette pratique du freinage préventif risque de créer davantage d’accidents ! Ca laisse rêveur. Donc globalement, les radars automatiques, tels qu’ils sont implémentés à l’heure actuelle, ça me laisse mitigé. Et puis il y a aussi une question à soulever dont je n’ai pas encore entendu parler alors pourtant qu’elle est bien réelle. On entend le gouvernement menacer bien légitimement ceux qui se livrent à un trafic de points de permis. Mais peut-on empêcher un mari et sa femme de déclarer les points perdus pendant un an sur le permis de l’un, puis ensuite de basculer sur celui de l’autre pendant un an, le temps que le premier récupère ses points, et ainsi de suite ? Et qui se soucie de ceux qui échappent tout simplement aux retraits de points ? Car il faut savoir que nous ne sommes pas égaux non plus face à ces retraits selon que l’on conduit une voiture de particulier ou un véhicule d’entreprise. En effet, l’entreprise peut facilement payer l’amende, même en la répercutant au salarié, mais prétendre officiellement que, s’agissant d’un véhicule utilisé par plusieurs personnes, elle ne sait pas qui conduisait le véhicule à ce moment-là. Alors, aucun point n’est retiré à personne. Et il est surprenant de voir combien de grosses berlines de fonction de dirigeants d’entreprise sont officiellement des véhicules utilisés par plusieurs personnes et dont on ne sait déterminer le conducteur au moment d’une infraction… S’il y avait dans toute entreprise une personne, par défaut le dirigeant mais libre à lui de déléguer, qui soit responsable à titre personnel de l’utilisation des véhicules de la boite, et perde lui-même les points sur son propre permis s’il ne peut dire qui conduisait au moment d’une infraction, ce genre d’échappatoire n’existerait pas. Quidam : Et une fois que cette personne n’a plus de points ? PG : D’abord ce sera qu’elle fait mal son boulot en perdant des points à la place d’autrui, ou qu’elle roule elle-même comme une sauvage. Ensuite, libre à l’entreprise de désigner quelqu’un d’autre pour cette fonction, si elle en trouve qui accepte les risques de cette responsabilité. Et s’il n’y en a pas, comme dans le cas d’un artisan travaillant seul et ayant perdu tous ses points, eh bien il embauche un conducteur ou son entreprise ne roule plus. Quidam : Il est clair que la nécessité professionnelle du permis ne doit pas donner le droit d’être dangereux pour autant. Mais il est aussi vrai que plus on roule, comme un représentant de commerce qui peut faire jusqu’à cent mille kilomètres par an, et plus on est exposé à la petite erreur qui fait perdre des points. PG : On peut très bien envisager que le retrait de permis ne soit jamais automatique, mais uniquement prononcé par un tribunal de police en charge de moduler sa sanction aussi en fonction de ces éléments. Un historique de petites fautes pourra inciter à la clémence, la récidive de grosses fautes l’inverse. Il faut mentionner que le monde de l’entreprise a parfois aussi une autre parade. J’ai également connu certains groupes internationaux qui s’efforçaient de jouer honnêtement le jeu en prévoyant l’obligation de fournir un permis de conduire avec tout paiement d’amende. Mais alors je ne vous raconte pas le nombre d’infractions attribuées à des salariés japonais qui avaient eu la gentillesse de fournir une copie de leur permis à leurs collègues français puisqu’ils n’étaient pas, eux, soumis au retrait de point. A noter que cette technique fonctionne aussi chez les particuliers… Comme quoi, l’ouverture internationale peut apporter des avantages insoupçonnés. Quidam : Je n’aurai pas pensé à ça. Il faut parfois savoir se résigner à ce que l’imagination ne l’emporte. PG : Certes, mais au concours de l’imagination, bien malin qui peut dire qui aura le dernier mot. Car on peut aussi imaginer une parade à cette pratique imaginative, sinon pour l’empêcher, du moins pour la dissuader. Il suffit par exemple de décréter que les conducteurs étrangers non soumis au retrait de point sur leur permis sont passibles d’une amende doublée. Mais rien de tout cela n’est pris en compte. Donc clairement, les mesures qui ouvrent la voie à autant de problèmes d’applications pratiques et offrant tant d’échappatoires, je n’adhère pas. La loi française en est truffée, et au final, ça ne fait que piétiner le soi-disant principe d’égalité des citoyens devant la loi. Comme disait l’excellent George Orwell dans sa République des Animaux : « Tous les citoyens sont libres et égaux mais certains sont plus libres et plus égaux que d’autres » ! Ces histoires de radars automatiques et de permis à points ne font que donner matière à illustrer à nouveau la grande créativité du peuple français pour ce qui est de trouver les failles de toutes ces lois mal conçues. Et puis surtout, ce qui est particulièrement mal vécu par la population, c’est de subir cette pression répressive alors même que tout un chacun voit bien la faillite de la police face aux banlieues. Ca donne vraiment l’impression de faire du cache-misère sécuritaire. Quidam : Alors que préconiseriez-vous en matière de sécurité routière ? PG : Je ne dis certainement pas qu’il faille jeter tout ce qui est fait actuellement. Loin de là. Par contre, il faut adapter un peu les choses, ainsi que nous venons d’en discuter. Mais je crois qu’il faut surtout faire une différence entre la sanction automatisée dont la photo ne permet pas d’identifier avec certitude le conducteur, et les cas où celui-ci l’est sans ambiguïté par une photo de face de qualité suffisante ou que ce soit parce qu’il a été intercepté sur le fait. Dans tous les cas d’ailleurs, ces photos doivent être consultables par Internet, ou depuis n’importe quel commissariat ou gendarmerie, à partir du simple numéro de PV, afin de permettre à la personne concernée, conducteur ou propriétaire, de constater qu’il s’agit bien de son véhicule et pouvoir vérifier si nécessaire qui conduisait. Pour les conducteurs clairement identifiables, il faut rétablir le passage systématique devant le tribunal de police afin que, en plus du retrait de points, la sanction forfaitaire soit remplacée par une sanction sur mesure pour chacun, selon le principe d’adaptation pédagogique dont je vous ai déjà parlé. Et pour ceux qui ne le sont pas, on ne peut guère faire autrement que d’en rester à la sanction financière forfaitaire, sur un principe similaire à ce qui se fait aujourd’hui mais sans retrait de points. Car même si le propriétaire du véhicule ne conteste pas l’infraction, son acceptation de la sanction n’est pas preuve de culpabilité. Et il faut aussi éviter que de nombreuses voitures soient mises, par exemple, au nom de la grand-mère ne touchant plus que le minimum vieillesse, ce qui minimiserait la sanction variable. Voyez, avec un peu d’imagination, on peut aussi prendre la peine de réfléchir pour anticiper les dérives que peut induire une mesure. C’est d’autant plus facile à faire quand on est capable de s’identifier au commun des gens dont on fait partie, plutôt que de se focaliser à faire briller son nombril en vue d’une réélection. Il est clair qu’une telle adaptation du dispositif rendra plus pédagogiques, et donc plus constructifs, les flashs par l’avant et les interceptions sur le vif sur le terrain, car ils permettront l’identification irréfragable du conducteur et son passage devant le tribunal de police pour une sanction adaptée. Quidam : Mais cela reviendrait à encourager les motards à plus d’excès puisqu’ils ne seraient, dès lors, plus vulnérables qu’aux interceptions sur le fait. PG : Donner plus d’importance aux flashs par l’avant ne signifie pas pour autant supprimer les flashs par l’arrière. Les deux peuvent cohabiter. Et les fonctionnaires en charge de la gestion des radars fixes savent très bien les retourner régulièrement afin qu’on ne sache jamais dans quel sens ils flashent. Du coup, pour les motos, ce ne sera pas tellement différent de maintenant. Ils sont déjà immunisés contre les flashs par l’avant et peuvent déjà fournir l’identité du pilote qu’ils veulent en cas de flash par l’arrière. Cependant, il y a quand même moins de personnes possédant le permis moto, donc les possibilités de trafic de points sont aussi réduites. Mais le problème motard n’est-il pas un peu différent ? Ils sont stigmatisés comme étant des sauvages alors que ce n’est que rarement le cas. Ne serait-ce que par conscience qu’ils sont bien plus exposés. Ils sont d’ailleurs bien plus souvent victimes de l’inattention des voitures que de leurs propres bêtises. Alors évidemment qu’il faut les autoriser à se garer sur les trottoirs, du moment que ceux-ci sont suffisamment larges pour que ça ne gêne pas le passage des piétons. Et la politique de verbalisation aveugle de nombre de municipalités, dont celle de Paris, est à ce titre assez scandaleuse. Evidemment aussi qu’il faut les autoriser à remonter les files dans les bouchons. Mais à vitesse mesurée, et pas aux péages. Encore qu’ils pourraient être dispensés de ces derniers, au moyen d’un portail spécifique de passage, compte tenu qu’ils n’usent pas la chaussée avec le faible poids de leurs véhicules, contrairement à une voiture ou un camion. Et je ne dis pas ça juste pour me refaire des amis. Quidam : J’entends bien votre point de vue. Mais ce qui leur est surtout reproché, c’est plutôt d’avoir le poignet un peu trop en coin. PG : Je vois que vous connaissez les expressions du milieu motard. Se faire flasher de dos à 200 km/h sur autoroute, ça relève du très grand excès de vitesse exposant au minimum le propriétaire de la moto à la confiscation de sa machine, même si le pilote ne peut être identifié avec certitude. Et si ce n’était pas lui, vous pouvez parier sur la fin d’une belle amitié avec le pilote concerné. Car c’est déjà une sanction assez dissuasive quand on connaît l’attachement des motards à leurs engins et le prix de ceux-ci. Après, sauf à s’interroger sur la pertinence de laisser en libre circulation des engins taillés pour la piste et la course, il faut aussi savoir accepter les limites de son action. Certes, une moto de 200 kg qui s’encastre dans une voiture, ça fait du dégât aussi pour les occupants de la voiture que la société a le devoir de protéger. Cependant, le risque maximal est pour le motard. Alors n’y a-t-il pas un moment où, au lieu de se heurter aux limites inhérentes à la répression, il serait plus judicieux de responsabiliser ? Si un motard se prend un arbre dans un virage à 150 sur une route limitée normalement à 90, et que son très grand excès de vitesse est clairement établi, pourquoi, s’il y survit, lui faire bénéficier de la solidarité de la société en lui offrant une prise en charge de ses soins ? Si un conducteur de voiture traverse son pare-brise parce qu’il n’a pas mis sa ceinture, pourquoi faut-il que toute la société paye pour sa chirurgie faciale ? Quidam : J’entends déjà les hurlements de vos amis les bien-pensants : « comment, mais c’est un scandale, on ne peut pas laisser les accidentés sans soins comme ça ! » PG : Eh bien si, on le peut. La solidarité de la société doit être là pour prémunir contre les erreurs inopinées générant des accidents pour soi ou autrui. Mais quand on se met sciemment en danger, que ce soit par négligence coupable comme dans le cas du non port de la ceinture de sécurité, ou que ce soit par inconséquence inexcusable comme dans le cas d’un grand excès de vitesse manifeste, je ne vois pas au nom de quel principe il faudrait en plus leur offrir le coussin de déresponsabilisation que constitue la prise en charge médicale par la société de leurs dégâts physiques. Evidemment, cela créera parfois des situations humaines dramatiques, mais elles feront aussi réfléchir les autres. C’est là que me parait approprié de rappeler un adage célèbre : « apprenez des bêtises d’autrui, la vie est trop courte pour pouvoir toutes les faire soi-même ». Surtout quand certaines bêtises contribuent considérablement à la raccourcir… Et puis rien n’empêche tous ces gens choqués par ma suggestion de réagir à titre privé en créant une association d’aide aux soins de ces cas responsables et coupables. C’est facile de clamer haut et fort de beaux principes tout en voulant en répartir le poids sur tous. Il y a aussi un moment où il faut être en cohérence financière avec ses propres convictions. Et, navré, mais la mienne est que je n’ai pas envie de payer pour soigner tous les fous que la vie a mis face à leur inconséquence. Quidam : Je ne peux m’étonner de votre position car c’est tout à fait dans la lignée des arguments que vous avez développés contre la prise en charge collective des cancers liés au tabac ou à l’alcool. Mais je ne sais pas si ce serait si dissuasif que ça. Les grands handicapés dont on médiatise les images ne semblent pas servir de contre-exemple suffisant pour calmer les fous de la route. PG : Rien ne peut calmer un vrai fou, puisque sa folie est précisément ce qui l’empêche d’apprendre et d’évoluer en conscience et raison. Mais il y a aussi les fous temporaires : les jeunes. Et ceux-là, on peut continuer à les sensibiliser comme on le fait actuellement, mais en sachant que le propre de la jeunesse est de n’écouter que d’une oreille et de n’être pas réceptif à tout un tas de discours sur le risque qui semblent pourtant effrayants pour les vieillards craintifs que nous tendons tous à devenir dans une mesure ou une autre. Il n’y a pas de solution absolue à tous les problèmes humains. Il faut savoir accepter que certains s’y cassent les dents et qu’il puisse y avoir des dégâts. Encore une fois, le principe de la satisfaction du second besoin, le besoin de sécurité, est de veiller à ce que les erreurs d’une personne ne débordent pas sur autrui. Pas de l’empêcher de vivre, même si sa façon de vivre peut lui causer bien du tort. C’est son choix, sa liberté. Et c’est aussi en partie de la sélection naturelle. Quidam : Ca sonne quand même un peu comme un encouragement à la vitesse votre discours. PG : Forcément, quand le conditionnement martelé par la propagande officielle est que la vitesse est la cause de tous les maux, je comprends que vous puissiez ressentir ainsi la remise en cause que j’en fais. Pour autant, il faut aussi arrêter de se voiler la face : il n’est pas si fréquent que la vitesse soit « la » cause d’un accident. C’est toujours un facteur aggravant, c’est vrai, mais dans de nombreux cas, la cause est autre : alcool ou autres drogues, endormissement ou autres défauts d’attention ce qui inclut l’hypovigilance engendrée par une circulation à une limitation de vitesse trop soporifique, non signalement d’une chaussée glissante ou en mauvais état, nid de poule inopiné ou gravillon dans un virage, etc. Une étude sur les causes d’accidents sur autoroute a établi qu’un mort sur dix seulement était dû à la vitesse excessive, un sur six à l’alcool, alors que un sur trois était dû à l’endormissement. Et la monotonie d’un trajet à 130 km/h sur une autoroute droite et quasi vide fait clairement partie des facteurs soporifiques. Alors la vitesse est certes un des éléments de l’insécurité routière, mais il faut arrêter de la diaboliser et lui faire porter le chapeau de tous les problèmes sous prétexte qu’elle est facile à contrôler et à réprimer pour une politique tape à l’œil… et lucrative ! Car, il y a des problèmes qui semblent passer complètement au travers de la bienveillance de la prévention routière. J’aimerais bien savoir combien d’accidents proviennent du non respect d’une priorité à droite. Vous roulez sur la rue centrale, toute droite d’un village, une ruelle y débouche par la droite au détour du coin d’une maison, vous ne la voyez qu’en arrivant dessus, mais elle a priorité. C’est ridicule, antinaturel, et, forcément, ça crée des accidents. La priorité à droite doit être abolie et remplacée à chaque intersection par une vraie signalisation adaptée à la logique de la situation. Et dans ce cas-ci, la logique est que la grande rue du village conserve la priorité sur la petite ruelle. Quidam : C’est vrai, mais ce problème se trouve surtout dans les villages, où les accrochages ne sont pas bien méchants. PG : Oui, et ça fait travailler les carrossiers et augmenter les primes d’assurance, autant de choses qui contribuent à la croissance du PIB. Alors même si c’est un vrai problème pour les citoyens, qui s’en soucie au gouvernement ? Un autre problème est que le permis de conduire est accordé à vie… sauf suspension ou annulation pour perte de son capital de points. Combien de personnes, essentiellement âgées, sont des dangers publics parce qu’elles n’y voient plus clair, ou ont le cou trop coincé pour simplement tourner la tête, ou autres problèmes physiques réduisant considérablement la capacité à conduire une voiture en respectant la sécurité d’autrui ? On entend de timides voix, parfois, demandant l’instauration d’une visite médicale au-delà d’un certain âge. Oui, absolument ! C’est une nécessité. Quidam : Il est quand même délicat d’empêcher les personnes âgées de rouler. PG : Pourquoi donc ? Deux poids, deux mesures ? En quel honneur ? Si on parle de sécurité routière, on parle de la même chose pour tous. Et si certaines personnes âgées deviennent dangereuses, la société a le devoir de prémunir ses citoyens contre ce risque. Quidam : Il est vrai que si le permis est annulé pour raison médicale, il leur reste encore la voiturette sans permis. PG : Quand on n’y voit pas clair, surtout la nuit ou quand il pleut, on reste un danger en voiturette comme en voiture normale. Les personnes concernées par ces problèmes d’incapacité physique à conduire vont rarement vite de toute façon même avec une voiture normale. Les limiter aux voiturettes ne résout par franchement le problème. Des visites médicales tous les cinq ans à partir de soixante ans, puis tous les deux ans à partir de soixante-dix, doivent déterminer l’aptitude, l’inaptitude ou l’aptitude partielle de chacun à conduire pour valider la reconduction du permis pour une nouvelle période. L’aptitude partielle permet la conduite de voiturettes sans permis tandis que l’inaptitude ne le permet pas. Si les véhicules sont soumis à un contrôle technique, n’est-il pas logique que les conducteurs le soient aussi ? D’ailleurs, je vous mentionne le fait que la vue des personnes âgées tend à se dégrader, ce qui leur pose des problèmes de vision notamment la nuit et quand il pleut. Mais il faut bien reconnaître que même pour quelqu’un avec une vision normale, les bordures grises de trottoirs, de nuit, et lorsqu’il pleut, ne sont pas toujours très clairement perceptibles. C’est rarement plus méchant qu’un frottage de roue même si ça peut parfois vous foirer la direction, mais améliorer le marquage à ce niveau-là serait certainement apprécié de beaucoup de gens. Et une autre amélioration appréciable du marquage à mettre en œuvre concerne l’identification claire des zones à limitation de vitesse spécifique. Qui ne s’est jamais retrouvé en situation de ne plus être bien sûr de la limitation applicable à un endroit donné ? Les portions d’autoroute limitées à 110 km/h voire à moins, les zones urbaines à 70 ou à 30, les portions de route à 70, etc. Certes il y a des panneaux en début et fin de zones. Mais il y a aussi des tas de raison qui peuvent rendre très excusable de les manquer. Ne serait-ce que parce que nous ne sommes pas des machines infaillibles. Quidam : C’est vrai. Parfois le doute vient simplement de la longueur de la zone en question et de la rareté des rappels. On en vient à se demander si on a manqué le panneau de fin de limitation et on ne sait plus si on peut réaccélérer ou pas. PG : Exactement. Etre sévère sur le respect de la vitesse, ça passe mieux si les pouvoirs publics s’assurent d’abord qu’il n’y a pas de doute sur la limitation à respecter à l’endroit où nous nous trouvons. Dans cet esprit, dans le nord de l’Aveyron, a été conduite une expérience de marquage au sol identifiant clairement toute la longueur des zones de traversée des villages limitées à 50 km/h, ainsi que les zones en entrée et en sortie où la limite est de 70. Aucun doute possible. L’idée est bonne et mérite d’être généralisée même si avec une mise en œuvre un peu différente et moins consommatrice de peinture que la débauche de marquages à laquelle a donné lieu cette expérimentation et qui rend la chaussée dangereuse pour les deux-roues. Une fois dans un village, avec des maisons tout autour, il n’y a guère de doute et marquer le 50 au sol me parait superflu. Seules les zones de limitation différentes de la normale, par exemple 70 ou 30 km/h, nécessitent un marquage spécifique. Ainsi que les zones d’entrée et de sortie, lorsque les maisons se font plus rares et que le doute d’avoir manqué le panneau de fin d’agglomération commence à s’installer. Il n’est d’ailleurs nullement besoin de bandes de couleurs en continu sur toute la longueur de la zone comme cela a été fait en Aveyron. Un marquage limité mais visible, comme l’est, tous les 50 ou 100 mètres selon les besoins, un simple rappel au sol au milieu de la chaussée de la limite de vitesse applicable à cet endroit, est suffisant. Et pareil sur les routes pour les portions à limitation autre que 90 km/h ou sur les autoroutes pour les portions à vitesse réduite. Quidam : Ce n’est pas une mauvaise idée. En plus, ça éviterait aussi les doutes que font naître les GPS indiquant des limitations de vitesse parfois erronées pour certaines zones, ce qui crée facilement de la confusion. PG : Le but n’est pas de compenser les erreurs cartographiques des GPS, mais bien d’éviter l’incertitude et le flou pour tout un chacun, ce qui me semble un préalable indispensable avant de s’autoriser à être sévère. Mais il y a aussi bien d’autres problèmes récurrents sur la route que les problèmes de vitesse et qui méritent qu’on s’en préoccupe. Par exemple, il y a simplement ceux qui ont oublié le code de la route, voire ne se sont jamais préoccupés d’intégrer ses évolutions. Combien de conducteurs savent utiliser correctement ces grands ronds-points à doubles voies et priorité au véhicule qui est à l’intérieur, donc venant de gauche, contrairement à la règle habituelle de priorité à droite ? Plus d’un conducteur s’est fait piéger par une voiture qui pique soudainement de la voie intérieure vers la sortie qui l’intéresse, généralement sans clignotant, et sans se soucier une minute du fait qu’il aurait fallu changer de voie avant. C’est souvent juste agaçant, mais parfois ça collisionne. Et que dire de toutes les incivilités routières ? J’ai déjà mentionné ces gens qui s’engagent dans un carrefour sans se préoccuper de savoir s’ils pourront le traverser, et y restent coincés, bloquant les véhicules venant des autres voies alors que ceux-ci devraient normalement pouvoir traverser. Ca créé des bouchons qui ne devraient pas exister pour peu que ces gens aient un peu plus conscience de partager la route avec autrui. On peut aussi mentionner ceux qui restent scotchés à la file de gauche sur l’autoroute ou les voies rapides, ce qui est proscrit par le code de la route même s’ils roulent à la vitesse limite autorisée. Souvent d’ailleurs ce n’est pas le cas. Et alors peut-on vraiment blâmer celui qui finit par doubler à droite ? D’ailleurs, rouler normalement sur la voie de droite et dépasser ainsi un véhicule plus lent qui reste, lui, sur la voie de gauche ne me semble pas être la même chose que de doubler par la droite. Mais je ne suis pas sûr que ce soit l’interprétation qu’en fait la maréchaussée. Quidam : Ouais, c’est sûr, tout ça, c’est agaçant, mais ce n’est pas bien méchant non plus. PG : Non, ce n’est pas bien méchant, effectivement. Mais doit-on, sous prétexte d’avoir la syphilis, négliger d’enlever l’écharde qu’on a dans le derrière ? Ce n’est pas parce que ce ne sont pas des questions graves et essentielles qu’il faut ignorer les petites mesures pas du tout révolutionnaires qui permettent d’améliorer notre existence au quotidien. Car pour relativement anodines qu’elles soient, ces questions restent symptomatiques du manque de conscience d’autrui d’une trop grande partie de la population. Pour respecter les autres, il faut commencer par prendre conscience qu’ils existent. Nous ne sommes pas seuls au monde, surtout au train où va l’expansion démographique. C’est ce manque de conscience global qui est problématique pour un fonctionnement social harmonieux. Pas une petite incivilité ici ou là, que même les personnes les mieux intentionnées commettent parfois par mégarde. Ca m’arrive aussi de temps en temps. Alors en agissant contre la trop grande généralisation de ces incivilités, le but est bien de stimuler la prise de conscience, de stimuler le sens du respect. Encore une fois, c’est un rôle éducatif que doivent assumer les autorités. Quidam : Bon, certes. Mais pour ce qui est des problèmes plus graves comme l’alcoolisme, il faut bien poursuivre la lutte et les contrôles. PG : Totalement d’accord. Les contrôles d’alcoolémie sont nécessaires et il faut les poursuivre, voire les renforcer dans la mesure du possible. Là où je suis plus réservé, c’est sur l’éventualité de mettre un système d’éthylotest couplé au démarreur de la voiture. Sur le fond, on peut se dire que ça apporte plus de sécurité. Comme l’ABS, comme les airbags, comme les prétensionneurs de ceinture de sécurité, comme beaucoup de choses qui se sont progressivement rajoutées au standard de nos voitures et dont certaines mêmes sont obligatoires pour l’homologation. Certains voudraient mettre le permis de conduire sur une carte à puce à enfoncer dans un lecteur rajouté au véhicule pour vérifier le solde de point et la validité du permis, comme devait le faire Bruce Willis dans le Cinquième Elément. Pourquoi pas ? Ce ne sont pas les idées qui manquent. Les équipementiers automobiles s’en frottent les mains d’avance et sont d’ailleurs souvent à l’origine de ces suggestions forts rentables pour eux. Car il y a un moment où tous ces équipements de sécurité, sous prétexte de nous protéger, servent surtout à augmenter le prix des voitures. Ca génère du business, des lobbies s’engagent dans la brèche pour pousser au tout sécuritaire automobile qui leur fera vendre plus de matériel, et les choses dérapent. La sécurité devient instrumentalisée et la réaction de rejet commence à naître au sein de la population. Car nous en sommes là. Beaucoup de gens, et moi le premier, en avons ras-le-bol d’entendre ce mot à toutes les sauces, particulièrement la sauce financière, celle qui nous présente l’addition ensuite. La meilleure des sécurités restera toujours la qualité du conducteur. Et ça, ça dépend beaucoup de la qualité de la formation. La conduite accompagnée, c’est un excellent système. Mais le processus d’obtention du permis de conduire dans son ensemble, c’est plus critiquable. Sa dernière mouture mise en place en 2010 a enfin compris qu’on pouvait être un conducteur tout à fait sûr mais être irrémédiablement nul en créneau. Bel effort des pouvoirs publics, mais franchement, il leur en a fallu du temps pour comprendre cette évidence. L’examen du code de la route, lui, inclut un certain nombre de sujets dont la pertinence avec le respect des règles de circulation et la sécurité des autres usagers m’échappe. Encore une fois, il me semble qu’il y a eu un excès de zèle de la part de fonctionnaires du ministère des transports. Il me semble normal d’aborder des domaines divers dans une formation à la conduite, mais tous les sujets ne peuvent pas être mis au même rang. Il ne faut pas dépasser cinq fautes sur les quarante questions de l’examen du code. Mais est-ce vraiment la même chose de répondre qu’il n’est pas obligatoire de s’arrêter à un stop que de se tromper sur une question mécanique du fonctionnement d’une voiture ? Dans le premier cas, cette seule erreur doit être éliminatoire, car il n’est pas acceptable de passer son code en se trompant sur le panneau stop. Dans le second cas, même avec plusieurs erreurs de ce type, je ne vois pas en quoi ça doit empêcher de conduire. C’est comme pour le créneau dans l’épreuve pratique. Si on ne sait pas se garer en créneau, c’est tant pis pour nous mais pas dangereux pour les autres. Nombre de conducteurs se débrouillent pour ne jamais faire de créneau, quitte à devoir aller se garer bien plus loin. Mais ce n’est pas pour ça qu’ils génèrent des accidents. Quidam : Ce que vous dites est ma foi vrai. Et un gros reproche qu’on peut ajouter et que tous les gens sentent bien, c’est que passer le permis coûte cher ! PG : Ah, ça oui. Pour peu que vous ne soyez pas doué, vous avez vite fait d’y laisser plusieurs milliers d’euros. Comment se fait-il, à l’heure des télés en 3D, des jeux vidéo hyper réalistes, des simulateurs divers sur le moindre champ de foire ou dans la moindre salle de jeu, que le ministère concerné n’ait pas encore lancé un appel d’offre pour homologuer des simulateurs de conduite ? Et je ne parle pas de machines à sensations avec vérins pour vous secouer la pulpe, mais de simulateurs basés sur le visuel, avec des écrans tout autour de vous pour reproduire l’environnement de la conduite en voiture, voire, pour prendre moins de place, des lunettes écrans captant les mouvements de la tête pour adapter la vue à la direction où vous regardez. Avec les technologies actuelles, ce n’est nullement de la science fiction mais du basique banal. Lorsque toutes les auto-écoles seront équipées d’un ou plusieurs simulateurs, les apprentis conducteurs pourront faire beaucoup plus d’heures à bien moindre coût et avec des situations bien plus diverses que lorsqu’il faut rouler avec une vraie voiture et un moniteur. Ils pourront développer une bien meilleure expérience. Et puis je suis bien certain que diverses salles de jeux électroniques seront candidates pour également proposer ce service, puisqu’un bon simulateur doit pouvoir fonctionner en autoformation et que le recours au moniteur professionnel n’est nécessaire qu’ensuite, pour passer à la vraie voiture. Quidam : Mais je me suis laissé dire qu’il existe déjà quelque chose du genre, et qui est utilisé par certaines compagnies d’assurance pour proposer des stages de rafraîchissement de conduite à leurs adhérents. PG : Super. Reste alors juste à développer et généraliser ces systèmes. En attendant, le Gouvernement entend bien la préoccupation de la population par rapport au prix du permis dont il comprend bien que c’est un sésame précieux pour se lancer dans la vie active, notamment quand on n’habite pas une grande agglomération bien desservie en transports en commun. Alors que fait-il ? Au lieu de chercher des solutions pour réduire ce coût tout en améliorant la formation, il met en place une facilité de crédit pour que vous payiez quand même. Comment se fait-il que nos gouvernements successifs se montrent aussi incapables d’être des usines à solutions ? Savent-ils vraiment ce qu’est la vie de la population et ses vraies préoccupations ? On les voit surtout affairés à renforcer les dispositions pour vous le faire sauter dès que possible, votre permis si chèrement acquis, histoire que vous ayez le privilège de repayer à nouveau. Il y a pléthore de jeux de conduite pour faire du rallye sur toutes sortes de routes, pour faire de la Formule 1 sur tous les circuits du championnats du monde, pour faire des runs sauvages dans des villes en écrasant les piétons pour marquer des points, etc., mais un vrai bon simulateur de conduite qui vous entraîne à devenir un bon conducteur, que dalle ! Etonnez-vous après que les jeunes veuillent jouer aux as du volant dès leur permis obtenu. Non seulement c’est une tendance naturelle de la jeunesse que de rechercher les sensations, mais en plus ils sont conditionnés par les contre-exemples de ce qu’il convient de faire. Quidam : L’idée me plait, mais, comme pour beaucoup de choses, jouer à la vraie vie n’est pas très attractif. Alors les jeux de conduite sauvage se multiplient mais pas ceux de conduite réaliste, simplement parce que les joueurs n’en demandent pas et qu’il n’y a donc pas de débouché commercial. PG : D’où la nécessité pour l’Etat d’être moteur dans ce projet. C’est le rôle de l’Etat d’intervenir pour compenser les lacunes de la société privée. Le marché n’incite pas naturellement au développement de cet outil positif ? Alors il faut motiver les choses par intervention volontaire et lancer un appel d’offres. Ou, mieux encore, mobiliser certaines ressources universitaires dans le cadre d’un projet national pour le développer via la recherche publique. Quidam : Mais avec de tels simulateurs, l’apprentissage de la conduite pourrait commencer beaucoup plus jeune. Seriez-vous favorable au permis de conduire dès 16 ans ? PG : Non. Les statistiques américaines en la matière sont tout à fait claires : non ! Les jeunes ont déjà du mal à faire la part des choses et à être responsables à 18 ans, alors leur mettre un volant entre les mains en plein âge bête, au plus fort de leur période de rébellion, ce serait criminel. La France n’est pas un pays immense avec de grandes zones rurales à très faible densité de population où laisser conduire un jeune de 16 ans inexpérimenté comporte moins de risques. Il est vrai que dans nos campagnes, la plupart des jeunes savent conduire bien avant 18 ans et n’ont nul besoin du minimum de vingt heures de leçon de conduite actuellement imposé et qui pourra d’ailleurs baisser utilement grâce aux simulateurs. Mais conduire le tracteur ou la camionnette dans les champs ou sur les chemins et petites routes rurales, même s’ils n’en ont pas le droit, reste différent d’une autorisation de partir pour de longs trajets, dans les grandes villes, sur les routes nationales… Quidam : Ou ce qu’il en reste, vu qu’il n’y a plus de nationales ! PG : Oui, c’est vrai. Quelle bêtise encore que cette mesure-là. Dire qu’on va probablement bientôt supprimer les départements. Vont-ils encore renommer toutes les routes puisqu’elles ne pourront plus alors être des départementales ? Vont-elles devenir des régionales ? Ou recevoir le nom du responsable local de l’Equipement peut-être ? Ce n’est malheureusement qu’un énième exemple démontrant que la fonction publique a encore de gros efforts à faire pour intégrer ce que c’est que le sens du service à une société dont, au risque de me répéter, on se demande s’ils font partie. La numérotation des routes, c’est pour les retrouver sur un plan et trouver son chemin. Alors si elles gardent le même numéro d’un département à l’autre comme c’était le cas lorsqu’elles étaient des nationales, c’est beaucoup plus pratique. Qui les entretient n’est vraiment pas le problème des administrés. Enfin bref. On ne chantera plus la Nationale 7… 17 : transports Quidam : Il y a aussi un gros point noir à ne pas oublier en matière de circulation, c’est celui relatif à tous ces camions. Ils génèrent régulièrement des accidents, des coupures d’autoroute, aggravent les problèmes à la moindre neige, contribuent largement à l’engorgement des grands axes… et je vous dis pas la pollution ! PG : Ah oui, les camions ! Vaste sujet. L’abaissement de la limitation de vitesse sur autoroute pour cause de pic de pollution est devenue monnaie courante sur certains tronçons et régions. De même, on entend de plus en plus fréquemment le Gouvernement parler de rendre permanente une telle mesure pour réduire la consommation en carburant du pays et donc réduire sa dépendance pétrolière. Mais pour ce qui est d’ôter des camions de sur les routes alors que ce sont, et de loin, les plus gros pollueurs et les plus gros consommateurs de carburant, là, silence total. Clairement, pour tout ce qui est transport régional, il n’y a pas beaucoup d’alternatives et les poids-lourds sont nécessaires. Mais pour le fret national ou international, les alternatives sont réelles. Le ferroutage en est une, le transport fluvial en est une autre. Ca fait des décennies qu’on en parle mais que rien ne se fait. Pourquoi ? D’abord parce que la TIPP sur le gasoil utilisé par les routiers est une manne que le gouvernement craint de perdre. Et ensuite parce que les routiers font partie de ces corporations puissantes, disposant d’un réel pouvoir de nuisance dont ils ont démontré la portée lorsqu’ils ont bloqué le pays au début des années 90. Alors depuis, les autorités serrent les fesses et évitent de trop les bousculer. Je vous mentionnais plus tôt mon étonnement à constater la capacité des français à se mobiliser pour refuser mais leur incapacité à s’unir pour construire. Les transporteurs routiers en sont un excellent exemple. Capables de s’unir pour bloquer le pays et forcer le gouvernement à prendre des mesures imposant une hausse des tarifs de transports aux donneurs d’ordre, mais incapables de s’unir pour faire bloc dans leur négociation directe avec ces mêmes donneurs d’ordre. Ce sont pourtant des négociations entre des entreprises privées où l’Etat ne devrait rien avoir à faire. Ou tout au plus une médiation. Et si les tarifs baissent jusqu’à poser des problèmes de survie à certains transporteurs, c’est bien à cause de la concurrence acharnée qu’ils se livrent les uns les autres, non ? Pas à cause de l’Etat. Mais non, les français, dès qu’ils ont un problème, réclament l’intervention de l’Etat paternaliste pour les sauver, alors même qu’en temps normal ils le fustigent de trop se mêler de leurs affaires. Nos compatriotes sont tellement pleins de contradictions que j’ai parfois du mal à déterminer si leur nain préféré est Simplet ou Grincheux ! Quidam : Mais il y a quand même le problème de la concurrence venue de ces pays à très bas coûts de main d’œuvre, où les chauffeurs sont payés au lance-pierre et viennent librement charger en France. Ils ne peuvent pas lutter contre ça. PG : Mais c’est là un tout autre problème. Comment voulez-vous construire une Europe de libre concurrence si les règles ne sont pas les mêmes pour tous ? Forcément, il y a des joueurs qui sont très avantagés. Ca fait un certain temps que les politiciens en parlent, histoire de vous dire qu’ils savent. Mais pour autant, qu’est-ce qu’ils font ? Ils semblent plus mus par une urgence à étendre les frontières de la Communauté Européenne qu’à s’assurer d’un équilibre sain entre les membres actuels. Or une concurrence libre, quand les conditions fiscales et sociales sont aussi déséquilibrées, n’est pas à armes égales. Alors forcément, ça engendre de gros problèmes pour certains secteurs, comme le transport. Une société qui se laisse envahir par de tels déséquilibres ne peut espérer répondre aux besoins de ces citoyens. Il faut des barrières pour rétablir l’équilibre lorsque celui-ci ne s’établit pas naturellement. C’est là que se situe le rôle de pilote économique de l’Etat. Le laisser-faire actuel n’est qu’une démission de ses responsabilités. Que peut-on attendre d’un combat de boxe, qui n’a d’ailleurs rien d’un noble art, entre un poids lourd et un poids plume ? Alors une solution peut être de légiférer pour instituer les barrières nécessaires pour rétablir une cohérence au sein du marché. Une autre solution peut être de résoudre plusieurs problèmes d’un coup : développer le ferroutage. Ce n’est pas sur les transports régionaux ou les services de messagerie que pèse l’inéquité de la concurrence des pays de l’est. C’est sur l’international. Alors pour ces grands trajets, mettons les marchandises dans des containers, les containers sur des trains, et on résoudra à la fois ce problème de concurrence peu loyale, l’encombrement des routes, et la surpollution liée à la trop grande prolifération des poids-lourds. Et Renault Trucks vendra moins de tracteurs routiers, et il y aura moins de chauffeurs et d’entreprises de transport, et le budget national devra s’accommoder d’une baisse des recettes de la TIPP, mais au final, tout le monde s’en portera mieux. Quidam : Il ne faut quand même pas négliger la réactivité que permet le transport routier. Le ferroutage ne le serait pas autant. PG : C’est vrai. Le juste-à-temps en vigueur dans nombre d’entreprises très soucieuses de réduire les stocks à tous les niveaux repose beaucoup sur la noria des camions très réactifs pour amener les matériaux et produits intermédiaires d’une usine à l’autre au fur et à mesure des besoins. Mais force est de constater que ces méthodes de flux tendus, pour efficients qu’ils soient dans le principe, posent aussi quelques petits soucis lorsqu’ils sont développés à l’extrême. Et à commencer par la pression permanente qu’ils entretiennent sur les employés. Si le ferroutage force certaines entreprises un peu trop jusqu’au-boutistes en la matière à réintroduire davantage de jeu entre leurs divers rouages, et que les humains s’en retrouvent un peu moins coincés par les processus, je tends à penser que ça contribuera, ainsi que je le disais, à ce que tout le monde s’en porte mieux. Quidam : Et puis leurs activités seraient aussi moins exposées aux problèmes routiers liés aux aléas climatiques. PG : C’est tout à fait vrai. Un peu de neige à Noël, ça n’a rien d’exceptionnel, mais ça suffit à mettre la pagaille dans les transports qui trouvent moins coûteux d’accuser la DDE et Météo France que de s’équiper en pneus-neiges adéquats ou en chaînes. Ils feraient mieux de s’organiser une caisse intempéries, à l’instar des travaux publics, pour faire face à certaines interdictions de circuler nécessaires en pareil cas, et qu’il faut forcément prendre préventivement avec le risque toujours possible que la météo soit finalement plus clémente qu’annoncée. Il est assez incroyable de voir à quel point les gens se déresponsabilisent de tout, jusqu’à la météo. Du coup, cette imprévoyance met aussi à mal des stocks insuffisamment préparés à un raté en cette période de fêtes dont la consommation traditionnellement accrue est pourtant encore moins exceptionnelle que de la neige en hiver. Il va bien falloir que les entreprises réintroduisent un peu de mou dans leurs flux pour que ceux-ci soient moins tendus et moins exposés au moindre grain de sable qui puisse gripper la machine logistique. Ou à défaut qu’elles cessent de se plaindre d’un manque-à-gagner au moindre flocon. Seulement, encore faut-il que les pouvoirs publics aient le courage d’engager une politique volontaire vis-à-vis du transport, ce qui implique d’avoir le courage de bousculer une corporation puissante qui a le même défaut que la grande majorité des français, pour ne pas dire des humains en général : un manque d’enthousiasme certain à se remettre en question et à évoluer. Mais quand cela se fera, il y aura aussi deux autres avantages pour la société. Le premier c’est que moins de poids-lourds sur les routes, c’est évidemment une circulation fluidifiée, je l’ai déjà mentionné, mais aussi une moindre dégradation des chaussées et donc des économies sur les budgets d’entretien des routes. L’usure générée par un 36 tonnes n’a aucune commune mesure avec celle engendrée par le passage d’une voiture. Elle n’est absolument pas simplement proportionnelle au poids, mais exponentielle ! Au point qu’en hiver, il est parfois nécessaire de mettre en place des barrières de dégel pour interdire la circulation des camions pendant ce moment où les chaussées sont fragilisées. Vous savez, le moment juste avant que les nids de poule ne commencent à fleurir sur les routes… Et puis un deuxième avantage sera que l’augmentation du transport de marchandise par train permettra un bien meilleur amortissement du réseau ferroviaire et donc des tarifs de transports par rail plus avantageux. Et là, ça bénéficiera non seulement aux marchandises, mais aussi aux voyageurs. Quidam : C’est sûr, le train est beaucoup trop cher. Même seul on se demande s’il est plus avantageux que de prendre la voiture. Alors en famille, on ne se pose plus que rarement la question. Et comme on ne sait jamais combien va nous coûter le billet avec cette jungle tarifaire de la SNCF, on ne peut pas trop compter dessus. Il faut vraiment ne pas avoir de voiture ou aller du cœur de Paris au cœur de Marseille ou de Lyon pour trouver le train plus avantageux. Ou avoir droit à une des diverses cartes de réduction ou prendre un abonnement pour un trajet régulier. PG : Il est bien clair que les tarifs de train sont tout sauf clairs justement. Des multitudes de cartes différentes donnant droit à des réductions différentes, mais pas forcément de la même manière sur tous les trains, ni sur toutes les dates ou tous les horaires, sachant que de toute façon le tarif des billets évolue en permanence en fonction du taux de remplissage du dit train, etc. On vous dit que plus vous prenez votre billet à l’avance moins vous payez cher, mais ce n’est pas forcément vrai. Si vous prenez un billet au moment où les places réduites sont épuisées, donc au tarif normal, et que le gestionnaire en charge de surveiller le taux de remplissage de ce train s’alarme ensuite que ça stagne, il va remettre des billets à tarif réduit en circulation et les gens qui achèteront à ce moment-là auront payé moins que vous. Quidam : Et vous voyagez à côté de quelqu’un qui a payé son billet deux fois moins que vous, et vous avez la furieuse impression de vous être fait intravaser le fondement ! PG : Et qui peut y voir là une réponse satisfaisante à ses besoins de membre d’une société ayant vocation à apporter de la satisfaction plutôt que du mécontentement ? Alors le train, si vous avez la chance d’avoir un billet peu cher, ça peut valoir le coup. Et le coût. Mais si on se base sur le tarif normal officiel qui est quand même celui que payent nombre de voyageurs, il y a matière à y réfléchir à deux fois. Admettons que je veuille aller de Valence à Lyon. Sur la base des données de juin 2010, avec les tarifs normaux, j’ai le choix entre 35 minutes de TGV à 22.50 Euros, ou 1h15 en TER à 15,80 Euros, ou encore une heure en voiture pour environ 100 kms. La voiture me coûtera les 6.90 Euros de péage plus environ autant en gasoil. Même par rapport au TER, ça me laisse un peu de rab pour couvrir en partie l’usure de la voiture. Et par rapport au TGV il n’y a clairement pas photo. Il faut vraiment habiter à côté de la gare de Valence et aller à côté d’une des gares de Lyon pour que le train l’emporte sur la commodité de la voiture et la liberté d’horaire qu’elle offre. Si je prends l’exemple d’un Valence-Paris, j’en ai pour près de 93 Euros de train, contre 37,80 de péages plus une quarantaine d’Euros de gasoil pour les 560 km, soit environ 80 Euros. Là aussi il reste un peu de marge pour le coût d’usure de la voiture, même si là encore, ça ne la couvre pas totalement. Alors la différence se fera surtout par rapport au fait qu’il faut trois fois moins de temps en TGV qu’en voiture, et au fait que se garer dans Paris est très galère. Mais pour peu que j’aille en banlieue, rajouter le temps passé dans les RER et son coût risque fort de faire pencher la balance en faveur de la voiture. Alors pourquoi voulez-vous que les gens laissent leur véhicule au garage ? Juste par conscience écologique ? Et puis, encore s’agit-il là d’un trajet desservi par une ligne TGV et des autoroutes. Pas la peine de vous faire un dessin quand il n’y a pas de desserte TGV, qu’il faut changer de train, voire de gare si vous connectez via Paris, ce qui est l’horreur quand vous avez des bagages un peu lourds ou de jeunes enfants, et qu’il n’y a pas d’autoroute de toute façon sur tout ou partie du trajet, donc que vous économisez en plus, bon gré mal gré, le péage. Si on veut faire préférer les transports en commun, il faut commencer par les rendre économiquement attractifs, et ce dès la première personne voyageant seule. Ce n’est pas le cas. Il semble que le gouvernement ne cherche pas à inciter au train en le rendant compétitif, mais à dissuader de la voiture en limitant toujours plus la vitesse et en laissant augmenter régulièrement les péages malgré la disparition des emplois de péagistes et l’amortissement de longue date de nombreux tronçons. Mais maintenant que ces services publics autoroutiers ont été privatisés, il faut bien offrir une rentabilité aux actionnaires, n’est-ce pas ? Or les actionnaires des sociétés d’autoroute sont-ils les seuls à vouloir que nous continuions à utiliser nos voitures plutôt que le train ? A qui de nous faire préférer le train ? Qui prétend qu’il faut rouler moins mais évite de prendre les mesures qui le permettraient par crainte de voir baisser la consommation de carburant et donc les recettes de TIPP ? Quand on n’est pas capable d’équilibrer un budget toujours plus déficitaire, ce genre de considération, bien que peu mise en avant, devient une vraie motivation à la lâcheté politique. Et ce n’est pas avec la paranoïa sécuritaire et une organisation des aéroports qui vous garantit une perte de temps maximum que les avions vont pouvoir offrir une vraie alternative aux déplacements intra-nationaux. C’est vrai, les tarifs sont parfois très agressifs, donc intéressant pour les consommateurs. Notamment pour les hommes d’affaires qui voyagent avec une simple valisette de cabine et louent une voiture à l’arrivée, histoire de limiter les pertes de temps. Quidam : Mais malgré ça, la SNCF enregistre des pertes, supprime la desserte de petites gares, abandonne complètement certains tronçons et donc certaines parties du pays. PG : Effectivement, mais il faut aussi être réaliste. De nombreux petits tronçons, bâtis à l’époque où la voiture demeurait un luxe de privilégié et où le train était le seul moyen de transport dès lors que c’était trop loin pour y aller en charrette, sont devenus un non-sens économique au fur et à mesure de l’évolution des choses. Les délaisser pour les remplacer par des dessertes en autocar, voire par rien du tout lorsque ces villages se désertifient du fait de l’exode rural, se justifie aussi. Le monde évolue. Il faut savoir faire de même plutôt que de se recroqueviller sur un passé qui n’existe plus et manifester à chaque fermeture de bureau postal ou de gare. Il faut bien comprendre que le temps où SNCF était synonyme de train est révolu. Aujourd’hui, le train, nécessite au moins deux acteurs. D’un côté RFF, responsable du réseau ferré français où circulent les trains, et de l’autre la SNCF qui affrète et commercialise les places à bord de ses trains. Cette scission a été mise en place sous la pression de Bruxelles et au motif de la sacro-sainte ouverture à la concurrence. Il serait ridicule d’envisager un réseau ferré concurrent en parallèle avec celui de RFF, mais il est tout à fait logique d’envisager une concurrence entre les affréteurs de trains. C’est pourquoi la SNCF aura à terme des concurrents, comme en ont les autocaristes sur les routes, les compagnies aériennes dans les airs, ou les compagnies maritimes sur mer. Ca semble logique. Quidam : Sauf qu’il y a une différence majeure : la route, les airs, la mer, ce sont des voies de circulation gratuites. Pour le rail, il faut payer le droit de circuler. Et donc le prix que pourront proposer les opérateurs de trains, que ce soit la SNCF ou ses concurrents, sera tributaire du tarif exigé par RFF. PG : D’accord pour les airs et la mer, même si les ports et aéroports qui permettent d’y accéder ne sont pas gratuits, eux. Et leurs coûts, via les taxes portuaires ou aéroportuaires, influent aussi sur le coût total et donc sur les tarifs pratiqués par les compagnies. Mais la route, elle, n’est pas gratuite du tout. Ca coûte, et ça coûte cher, d’en faire et de les entretenir. On voit le coût du péage sur les autoroutes, mais les routes ont un coût aussi. C’est seulement qu’il a été mutualisé entre tous les français, dans les budgets de fonctionnements de la société. L’accès à la route est gratuit. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle est gratuite. Nous la payons tous, tous les jours, par nos taxes et impôts divers qui pourraient être allégés si elle était réellement gratuite. En fait, c’est plutôt comme si nous payions un forfait obligatoire sans y prendre garde. Or rien ne s’oppose à appliquer le même principe au réseau ferré et à y prélever sur les trains un coût de circulation variant selon qu’on veut favoriser ou pas le rail par rapport à la route. Mais concernant le train, effectivement, le droit d’accès au réseau et aux gares pèse plus directement sur la capacité des opérateurs à faire baisser le prix des billets ou le tarif de transport des marchandises. Ainsi que je le disais, davantage de trafic sur lequel répartir l’amortissement de la construction et de l’entretien du réseau ferré grâce au développement du ferroutage, contribuera forcément à rendre ce moyen de transport plus attractif économiquement. Et, le succès appelant le succès, ce qui pourrait être une autre formulation de la règle d’élasticité-prix des économistes, une baisse des tarifs attirera plus de clients, qui a leur tour génèreront une augmentation du trafic permettant encore d’améliorer les prix. Bon, ce n’est pas non plus une spirale vertueuse infinie, car il existe aussi la loi des rendements décroissants qui dit en quelque sorte qu’à un moment le trafic saturera et commencera à générer des surcoûts et de l’inefficacité. Mais il y a encore de la marge avant d’en arriver là. Quidam : Les syndicats de cheminots prétendent que les retards régulièrement reprochés à la SNCF proviennent essentiellement du fait que le réseau est déjà saturé. PG : Oh, sur les grandes lignes, probablement. Mais pas sur tout le réseau. Et que fait-on quand un axe routier est saturé ? On l’élargit, non ? Alors si on peut faire des routes à quatre voies, qu’est-ce qui nous empêche de doubler les tronçons ferrés saturés afin de permettre le développement du trafic que j’évoquais ? Rien. Toutefois, il ne suffit pas d’un certain volume de trafic pour permettre une gestion efficace. Il faut aussi une efficacité humaine. Et là, le problème est social. RFF a malheureusement hérité de l’histoire syndicale de la SNCF avec tous les prétendus « acquis sociaux » qui pèsent lourds tant sur la motivation à travailler que sur le coût de ce travail. Comme pour tout service public monopolistique, dont RFF n’est qu’un exemple parmi d’autres, où le pouvoir de nuisance a permis d’obtenir l’octroi d’avantages trop déséquilibrés par rapport au reste de la population, il s’est créé un système problématique de caste privilégiée sur lequel il sera forcément nécessaire que la société se penche un jour et surtout qu’elle le résolve. Comment répondre aux aspirations collectives de ses membres si la société en autorise certains à bénéficier de privilèges injustifiés que les autres doivent prendre en charge, compenser, financer ? Plus libres et plus égaux, disait Orwell. Parasitisme, diraient les biologistes. Mais là encore, c’est un chantier social explosif qui demandera bien du courage au gouvernement qui s’y attaquera. Car si, comme je le disais déjà pour les routiers, la volonté de se remettre en question et de changer est naturellement fort peu présente chez l’être humain, il s’agit en plus ici de remettre en cause des privilèges, ce à quoi tout un chacun tend naturellement à s’accrocher comme un morpion à un poil pubien. Faire accepter la nécessité de lâcher un peu de la couverture afin qu’elle soit répartie plus équitablement entre tous n’est jamais facile. Car en pareil cas, le bien collectif, qui sert pourtant de justification à nombre d’actions sociales, passe bien après son avantage personnel. Chacun voit midi à sa porte… Problème de conscience. Quidam : Mais c’est pareil pour la SNCF. PG : Avec une petite nuance : que les pouvoirs publics peuvent se permettre de laisser le jeu de la concurrence faire le travail à sa place. La SNCF va prochainement commencer à subir la pression de la concurrence comme c’est déjà le cas, par exemple, pour France Télécom, EDF ou GDF. Et si l’entreprise ne sait pas se remettre en cause, les mêmes causes produisant les mêmes effets, elle subira le même sort que sa consœur France Télécom : la perte progressive de son activité au profit des nouveaux entrants, plus performants, qui ne souffrent pas, eux, du choc culturel de la productivité et n’ont pas des employés qui se mettent à se suicider dès lors qu’ils doivent faire preuve d’adaptabilité et de performance. A l’extrême, cela peut conduire à la disparition de ces entreprises historiques, comme disparurent les dinosaures. Faute de s’être suffisamment remis en cause dans leurs petits privilèges et leur façon de travailler, faute pour les syndicats d’avoir renoncé à leur clientélisme protégeant contre toute raison des salariés inadaptés quelque soit leur niveau d’incompétence, ou encore faute d’avoir accepté que les poids morts passant leurs journées sur Internet à préparer leurs vacances ou montrer leurs photos à leurs collègues ne soient remis manu militari au travail ou licenciés plutôt que compensés par des tarifs majorés et par l’efficacité de ceux qui se défoncent à faire du bon boulot sans pour autant en avoir plus de récompense ni financière ni humaine, les travailleurs de cette entreprise risquent d’être un jour contraints de remettre plus profondément en cause leur mode de vie dans son ensemble en devant chercher une nouvelle activité pour gagner leur vie. Le changement accepté est toujours beaucoup plus constructif et moins douloureux que le changement subi. Et plus on s’arc-boute pour essayer d’empêcher ce changement inéluctable, plus il se fera dans la douleur. Encore une fois, c’est la peur qui incite les gens à se figer. C’est pourquoi il est primordial que la société puisse ôter la crainte relative à la survie, puisse couper l’herbe sous le pied de cette peur, pour redonner de la fluidité aux individus autant qu’à elle-même dans son ensemble. La société ne pourra jamais enlever la crainte de devoir se séparer de sa maison, de son abonnement au câble ou à Canal, etc., car cela relève d’un travail de détachement du matériel qui ne peut être que personnel. Elle peut l’encourager par l’enseignement qu’elle dispense et les valeurs qu’elle met en avant, mais elle ne peut faire ce travail à la place de l’individu. En revanche, elle peut lui assurer que s’il tombe, elle l’aidera à se relever. S’il perd tout, il ne sera pas pour autant à la rue, au froid, et sans manger. Il aura la possibilité de se reconstruire, la possibilité d’un nouveau départ. Alors mettons-là en place cette société qui nous permette de cesser d’avoir peur. Et alors nous souhaiterons la bienvenue au changement. 18 : collectivités territoriales et services publics Quidam : Vous avez mentionné la problématique du déploiement inégal des services publics de par le pays et j’entends bien ce que vous dites quant à la nécessité de s’adapter à une réalité en évolution. Mais pour autant, le sentiment qu’il y a mieux à faire est très répandu parmi nos concitoyens. PG : Bien sûr qu’il y a mieux à faire. A commencer par réinstaurer davantage de cohérence fonctionnelle entre les différentes régions du pays. La loi de décentralisation du début des années 80 a créé de toute pièce un regroupement des départements en régions. Les compétences de gestion des services publics et d’aménagement du territoire ont donc été éclatées entre les différentes strates allant de la commune à la nation, avec cette strate régionale en plus. Chaque strate a ses élus, qui ont leurs projets propres, leurs objectifs électoralistes propres, et qui sont en quelque sorte en concurrence les uns avec les autres, tant pour faire briller leur ville, que pour créer leur rond-point ou avoir leur aéroport. Je trouve qu’il y a une perte de cohérence qui s’est installée et les gaspillages qui en résultent sont régulièrement pointés du doigt dans les rapports annuels de la Cour des Comptes. Il y a matière à se pencher sur une réorganisation de tout ça. Commençons peut-être par rétablir davantage d’efficacité entre les différentes strates en charge de la gestion du territoire. La plus haute, l’Etat, est inamovible. Du moins tant qu’il existe et n’est pas absorbé par une fédéralisation de l’Union Européenne. Et je pense que l’administration d’Etat doit avoir davantage de contrôle sur les politiques et mesures prises par les strates inférieures, ne serait-ce qu’à titre de coordination. Quand deux régions proches l’une de l’autre veulent toutes les deux leur aéroport pseudo-international pour attirer les touristes grâce à des compagnies low-cost, il y a matière à arbitrer pour éviter le gaspillage de deniers publics qu’engendrent ces concurrences irréfléchies. Surtout quand on sait ce que coûte le fonctionnement d’un aéroport que les exigences des compagnies low-cost rendent structurellement déficitaire. Quidam : Donc vous prônez un certain degré de recentralisation ? PG : Absolument. La Communauté Européenne a mis à l’honneur le principe de subsidiarité. Celui-ci trouve à s’appliquer de la même façon au niveau d’un pays. Il y a des domaines qui sont mieux gérés par une coordination au niveau national qu’en les déléguant aux divers niveaux de territorialité. Et inversement, il en est d’autres que les collectivités territoriales, plus proches de la problématique du terrain, sauront traiter avec davantage d’à-propos. Mais encore faut-il que ces strates territoriales soient en mesure de bien le faire. Certains critiquent le découpage des régions. D’aucuns les trouvent trop petites pour avoir un poids suffisant face aux grandes régions allemandes comme le Baden-Wurttemberg, ou à la puissance économique de la Catalogne Espagnole. Il me semble que ce débat n’a d’intérêt qu’en cas de disparition de l’Etat français et intégration de nos régions directement au sein d’un super-état paneuropéen, genre Etats-Unis d’Europe. Tant que l’Etat demeure au niveau national français, cette question de la taille économique critique des régions françaises par rapport à leurs homologues européennes est un faux problème. Ce qui importe, c’est qu’elles aient une cohésion économique et humaine qui en fasse une unité légitime pour gérer un ou plusieurs bassins de population. Est-ce le cas actuellement ? Je n’en suis pas suffisamment expert pour avoir un avis. Je me contente de savoir que c’est un sujet qui mérite d’être examiné en profondeur. Ne serait-ce que parce que la plupart des entrepreneurs du territoire de Belfort sont très critiques de leur rattachement à la région Franche-Comté alors que l’essentiel de leur activité va vers l’Alsace toute proche. Mais il y aura toujours, dans une mesure ou une autre, des zones de jonctions pour lesquelles il sera difficile de trancher. Par contre, pas besoin d’être expert ès territorialité pour constater que les départements et les régions se marchent sur les pieds. Les départements datent de l’organisation administrative du pays mise en place par Napoléon. L’idée de base que leur taille devait permettre à tout lieu du département de ne pas être à plus d’une journée de cheval de la préfecture me semble très dépassée de nos jours. La ville de Paris est un département à elle toute seule. Quel intérêt y a-t-il à avoir la commune et le département dans le même périmètre ? L’Ile de La Réunion est à la fois un unique département et une région. Tout comme les autres départements d’Outremer, Guadeloupe, Martinique et Guyane, et Mayotte qui s’y rajoute depuis 2011. Quel intérêt y a-t-il, là aussi, à avoir dans le même périmètre, ces deux strates de territorialités ? Mais les élus des conseils régional et général ont voté en 2003 pour le maintien de ce distinguo. A part offrir plus de sièges à remplir pour les ambitions électoralistes personnelles des uns et des autres, je n’y vois guère d’intérêt. Par contre, j’imagine très facilement le coût, et donc le gaspillage, engendré par ce doublon inutile, avec chacun leur assemblée, leurs bâtiments, leur bureaucratie, etc. Heureusement, à compter de 2014, entrera en vigueur une réforme visant non pas à rassembler les conseils général et régional mais au moins à ce que les mêmes élus territoriaux siègent aux deux. C’est déjà une amélioration, mais n’est-ce pas au contraire une raison de plus pour fusionner ces deux strates ? La pratique politique défie encore une fois la logique. Le cas des régions monodépartementales des DOM illustre particulièrement bien l’aberration de cette situation. Mais prenons la région Alsace. Deux départements, certes très actifs, mais pas bien grand géographiquement. Quel intérêt un tel échelon de scission représente-t-il en matière de gestion territoriale ? Et même pour les régions qui comptent jusqu’à huit départements comme Midi-Pyrénées, je n’y vois guère d’avantages alors que j’en perçois nettement la gabegie résultante. Alors clairement, je considère qu’en matière d’organisation territoriale comme dans bien d’autres domaines, il est temps de liquider l’héritage napoléonien. Quidam : Là, clairement, vous parlez de supprimer les départements. Et ça fait quelques années que certaines voix s’élèvent en ce sens. Mais quand on voit l’émoi provoqué par la simple suppression du numéro de département de la plaque minéralogique au point qu’il a fallu la réintroduire dans un coin, ce n’est pas gagné. PG : Faire évoluer les gens n’est jamais simple ni gagné d’avance. Que nous disent-ils avec leur attachement à leur numéro de département sur leur plaque ? Qu’ils ne se sentent pas à leur aise au sein de l’ensemble constitué par le pays France et qu’ils ont encore besoin de se raccrocher à un esprit de clocher pour se rassurer sur leur identité. C’est une expression typique du troisième niveau de besoin de la pyramide de Maslow : le besoin d’appartenance, comme béquille vers l’affirmation de son identité propre d’individu. Lorsque les gens en seront en majorité à se préoccuper de leur valorisation, voire, mieux, de leur réalisation, ce genre de récrimination n’aura plus cours, car l’étroitesse d’esprit qui l’engendre sera dépassée. Et pourtant, si vous demandez à un Quimpérois ce qu’il est, il vous répondra qu’il est breton. Pas Finistérien. Alors si dans leur tête les gens ont déjà dépassé cette identité départementale, s’opposer à cette évolution est aussi la marque d’une société sclérosée qui sent bien que ça ne va pas, mais s’oppose par principe, par crainte, à tout changement. Comme si les gens cherchaient leur valeur dans l’opposition, faute de parvenir à se réaliser dans la construction. Quidam : Effectivement, cette analyse par la psychologie de groupe explique bien ce que l’on constate. C’est bien pour ça que vous avez raison de dire que faire avancer les choses n’est jamais simple ni gagné d’avance. Il y a toujours des forces réactionnaires. PG : Et il y en aura d’autant plus que la perspective de l’ouverture et des possibilités nouvelles que va leur permettre cette évolution leur échappera. C’est pourquoi un gouvernement, s’il se doit de répondre aux aspirations de son peuple, doit aussi savoir les anticiper et user de pédagogie pour lui en faire prendre conscience. Quidam : Mais revenons à nos collectivités territoriales. Donc exit les départements. Mais alors n’y a-t-il pas un gouffre entre les régions et les communes ? PG : C’est là que doit se développer l’intercommunalité. Une commune a une piscine avec un tarif pour ses habitants, mais un autre pour ceux des communes voisines ? C’est assez agaçant. Mais si une seule commune finance la piscine en question, ça se comprend. Car ça se compense en impôts locaux. Pareil pour une médiathèque. Ou pour des lignes de bus, etc. Tous ces services et équipements collectifs doivent se gérer non selon la limite communale, mais selon des bassins de populations. Il faut cesser de faire une différence entre la grande ville centrale et les petites communes qui la cernent. Et surtout, il ne faut plus laisser à l’humeur des politiciens le soin de décider de la forme et de l’étendue de l’intercommunalité. Pour peu que les élus n’aient pas le même bord politique et hop, ils s’opposent, et tous leurs administrés en font les frais. C’est pourquoi cette strate d’intercommunalité doit être réfléchie au niveau régional et instaurée d’office. Quidam : Voilà qui réduirait le pouvoir des maires. PG : Les maires ont trop de pouvoir de toute façon. Et il n’est qu’à connaître la vie des villages pour constater que les modifications du PLU, ce fameux plan local d’urbanisme, successeur du bon vieux POS, qui peut enrichir d’un coup quelqu’un en faisant passer son champ de terrain agricole à zone constructible, reflète parfois les intérêts directs du maire et de ses co-élus. La moindre des choses est que les révisions de PLU relèvent des préfectures et non plus des conseils municipaux, même si leurs propositions peuvent utilement guider les services de l’Etat dans leurs décisions. Et les plus ou moins-values foncières en découlant doivent évidemment bénéficier à, ou être assumées par, la collectivité, en procédant au besoin à des expropriations préalables. Mais, de toute façon, vu ce que je vous ai dit concernant la nécessité de cesser d’étendre toujours plus les zones construites, il faut sérieusement envisager de geler les zones constructibles pour limiter les révisions de PLU à la seule restitution de terres à la nature. Quitte à nous serrer si nous ne savons pas réduire notre pression démographique. La question des plus-values engendrées par ces modifications ne doit donc plus se poser. Les maires et ses conseillers ne seront plus motivés à se faire élire pour s’enrichir ainsi à bon compte. Quidam : Mais même quand ça ne les enrichit pas, on entend parfois des histoires de permis de construire qu’un maire refusera s’il estime que ça entache la vue dont il jouit depuis sa fenêtre alors pourtant que le demandeur est parfaitement en droit de l’obtenir. C’est aussi une autre façon d’abuser de son pouvoir. PG : Et voilà comment générer de la procédure judiciaire à la durée très incertaine. Là aussi, ce pouvoir de délivrance des permis de construire doit relever de services autres que de l’arbitraire du maire. Mais il y a également l’autre côté de la médaille. Les maires portent aussi la responsabilité de tout et n’importe quoi, telle que celle d’un panneau de basket sur un terrain municipal s’effondrant sur les gamins qui s’amusaient à s’y suspendre à plusieurs. Qu’il tombe tout seul sur celui qui passe en dessous, je veux bien qu’on parle de négligence de la municipalité dans l’entretien des équipements publics. Mais quand tout est fait pour qu’il y a ait un problème, il faut cesser de déresponsabiliser les idiots qui s’y accrochaient et cesser aussi de faire porter le chapeau au maire comme coupable tout désigné de tout événement un tant soit peu dramatique. Alors il faut mettre un terme à cette toute puissance du maire, tant pour les décisions trop arbitraires que comme bouc-émissaire de tout problème. Quidam : Mais il faut bien que quelqu’un porte la responsabilité et le pouvoir de décision qui va avec. PG : Effectivement. Mais est-ce réaliste d’attendre ça de la part d’un agriculteur local, certes sympathique et bien connu, mais nullement expert en droit public, en sécurité, en urbanisme, etc. ? Alors pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui se passe dans d’autres domaines de la société pour envisager les choses autrement ? Considérez une commune comme une entreprise dont le produit est le bien-être de ses habitants. Alors pourquoi le conseil municipal, agissant comme un conseil d’administration, ne confierait-il pas à un expert de la fonction la responsabilité de l’opérationnel quotidien ainsi que le pouvoir exécutif nécessaire pour mettre en place la politique décidée par les élus du conseil ? Actuellement, nous avons un maire, souvent débordé par l’étendue de sa fonction, et qui selon l’importance de sa commune pourra ou ne pourra pas se payer un directeur général des services. Ce système doit être aménagé de sorte que le conseil municipal s’élise un président pour diriger ses débats, mais que le pouvoir exécutif effectif et la responsabilité afférente soient transférés à un directeur général communal. La fonction actuelle de maire se retrouve donc éclatée entre un président du conseil municipal qui a beaucoup moins de pouvoir et un directeur général communal qui en a beaucoup plus et devient une obligation pour toutes les communes. Quant à savoir qui retient le titre effectif de maire, je dois dire que cela m’est égal, même s’il semble logique que ce soit le président élu du conseil municipal. Ce qui m’importe, c’est que la gestion soit entre des mains compétentes et que la responsabilité repose sur des épaules formées pour l’assumer. Evidemment, les petites communes n’auront pas les moyens de s’offrir un tel expert de l’exécutif communal à temps plein. Et c’est dans le regroupement intercommunal que réside la solution afin que le candidat retenu puisse se partager entre plusieurs petites communes regroupées pour lui proposer un mandat partagé. Car cet expert ne doit pas être un élu mais un salarié des communes, embauché par le ou les conseils municipaux pour exécuter la politique qu’ils décident, et qui soit responsable devant eux de sa bonne gestion. Il se créera donc un marché du travail pour cette fonction, comme il y en a déjà pour les fonctionnaires territoriaux. Et un candidat de valeur pourra progressivement faire valoir ses qualités et postuler, s’il y aspire, à la responsabilité de communes plus importantes, comme peuvent le faire les chefs d’entreprise salariés. Quidam : C’est effectivement une alternative possible. On pourrait alors s’attendre à plus d’impartialité dans les décisions de la mairie, tout comme on pourrait s’attendre à une meilleure gestion des petites communes qui n’ont actuellement pas les moyens de s’offrir les services de ce type de spécialiste. PG : Et si on veut que les communes soient bien gérées, il faut que ce dépositaire de l’exécutif communal soit responsable de l’équilibre financier de la commune sur ses propres deniers comme peut l’être un trésorier payeur général de ses comptes. Cela érigera donc une barrière modératrice à l’enthousiasme dépensier de certains élus dont le directeur général communal devient le garde-fou. Les règles de gestion d’une commune doivent d’ailleurs être les mêmes que pour les autres collectivités territoriales : accumulation de déficit interdit, endettement uniquement pour financer des infrastructures durables et soumis à l’autorisation du niveau territorial au dessus. L’Etat n’ayant pas d’autorité au-dessus de lui pour autoriser un endettement ne doit donc simplement pas avoir le droit de s’endetter. En faisant évoluer ainsi l’organisation de la gestion territoriale, on pourra s’attendre à une meilleure gestion des finances publiques dans leur ensemble et à plus de professionnalisme aussi dans la gestion des services publics, qu’ils soient gérés directement par les collectivités ou qu’ils soient sous-traités à des entreprises privées. Quidam : Oui, il est clair que nos concitoyens aspirent à une amélioration de ces services. Nous entendons souvent manifester pour maintenir un bureau de poste, une petite école, ou un service hospitalier. Mais il y en a bien d’autres, plus discrets, dont la mauvaise gestion impacte directement nos portes-monnaies. PG : Peut-être pensez-vous à la distribution d’eau en disant cela ? Car voilà un secteur de service public où la transparence est loin d’être au niveau du produit délivré à nos robinets. Des reportages montrent régulièrement la différence de tarif entre deux communes voisines dépendant du même bassin hydrographique et ayant le même prestataire. Mauvaise négociation ? Ou plutôt arrangement occulte, type reversement d’une ristourne au parti politique de l’élu octroyant le marché, ou, maintenant que les personnes morales n’ont plus le droit de contribuer au financement de la vie politique, avantages personnels à des élus ou à leurs proches ? Comment savoir ? Et quand ces mêmes reportages vous donnent des exemples concrets de communes ayant fait baisser le tarif du mètre cube d’eau de 20 ou 30% simplement en reprenant directement la gestion du syndicat des eaux plutôt que de le laisser aux géants du secteur, il n’est pas difficile de comprendre que, avec ou sans arrangements louches, la délégation de service public à des entreprises privées doit être effectuée avec circonspection et non de manière dogmatique et systématique. C’est une simple question d’optimum de Pareto. Tant qu’une entreprise privée n’est pas en mesure de proposer plus d’efficacité que la gestion publique, ce qui doit se traduire par une amélioration du tarif au robinet avec une qualité au moins égale, il n’y a aucune raison d’y recourir. N’en déplaise aux chantres de la libéralisation à tout va. 19 : grève, syndicats et fonctionnariat Quidam : A l’inverse, nous avons vu que de grandes entreprises de services publics, EDF, France Telecom, SNCF, La Poste, et j’en passe, pouvaient devenir des foyers de gaspillage de par l’incapacité de l’Etat à en assurer une administration efficiente PG : Oui, l’Etat s’est révélé de longue date être un très mauvais patron. Le « faites ce que je dis mais pas ce que je fais » est une règle qu’il faut voir disparaître. Montrer l’exemple est bien plus constructif. Pendant combien d’années, alors que l’administration faisait la chasse au travail au noir, les primes des collaborateurs de ministres ont-elles été payées par des enveloppes en liquide ? J’ose croire cette pratique caduque à ce jour, mais n’en ai aucune certitude. Alors pour ce qui est de gérer de grandes entreprises, il n’y a aucune raison qu’il se découvre tout à coup les compétences qui lui manquent pour bien gérer la Nation. A se demander si tous ces ministres ont jamais mis les pieds dans des entreprises et y ont jamais exercé de fonctions réellement opérationnelles. En tout cas, une fois aux affaires, ils semblent surtout soucieux d’acheter la paix sociale en cédant au pouvoir de nuisance que confère la détention d’un monopole de fait de services publics par certaines catégories professionnelles. Et ce sont tous les français qui se retrouvent ensuite, par exemple, à payer dans leur facture d’électricité le formidable avantage que représente ce versement de 1% du chiffre d’affaire au comité d’entreprise d’EDF. Cela équivaut tout de même à une cotisation de l’ordre de 8% de la masse salariale, là où la loi n’instaure une obligation que de 0,5%. Soit une bagatelle de seize fois le taux en vigueur dans les entreprises privées. Ils peuvent bien avoir de beaux centres de vacances après ça. Ah, oui, clairement, dans notre pays, mieux vaut être enfant d’employé d’EDF qu’enfant de flic. Sans parler de l’avantage en nature que représente le non-paiement de l’électricité consommée par leurs salariés… On comprend que ce soient là des avantages que les personnes en bénéficiant ne veuillent pas lâcher. Mais il le faudra bien, car il ne saurait y avoir de remise à plat de la société sans rééquilibrage des privilèges des uns et des autres. Et surtout, pour éviter d’en arriver de nouveau là avec le temps, il faut prendre conscience que le droit de grève ne doit pas pouvoir être une arme pour tirer la couverture à soi, ainsi qu’il l’a été dans ces grandes entreprises publiques pendant des décennies. Quidam : Pour ça, il va falloir arriver à faire évoluer les syndicats. PG : Et oui, eux aussi doivent participer au renouveau de la société. Mais il est vrai que le chemin sera plus ardu car nous partons de points de vue assez différents. Ils prônent le nivellement collectif alors que je prêche l’accomplissement individuel. Comment pouvez-vous espérer satisfaire votre besoin de reconnaissance si votre patron donne la même prime à tout le monde indépendamment des efforts et des mérites de chacun ? Alors vous finissez par ne plus faire d’efforts qui ne vous profitent pas vraiment, voir qui vous font traiter de lèche-cul par certains collègues immatures. Et le seul nivellement qui se fait est le nivellement par le bas. Ce n’est pas une attitude ni un combat social compatible avec ma philosophie de favoriser l’accomplissement individuel et la qualité humaine. Historiquement, les syndicats ont eu leur temps d’utilité et ont constructivement fait avancer les choses dans le monde du travail. Je ne vais certainement pas l’oublier ni le leur enlever. Mais leur combat n’est simplement plus d’actualité. Les temps ont changé, eux non. Et ils défendent maintenant des intérêts corporatistes parasitaires avec des méthodes inacceptables dans un état de droit. Par contre, si le peuple le décide, il est facile de les ramener à plus de raison. Et je crois que nos concitoyens en ont suffisamment assez de subir les caprices de ces salariés privilégiés, métro, trains, dockers, certains fonctionnaires, etc., pour pouvoir prendre conscience de la nécessité de limiter le droit de grève dans tous les services publics monopolistiques, qu’ils soient assurés par des régies d’Etat, des entreprises semi-publiques, ou des sociétés privées. Quidam : Mais où mettre la limite ? Car il y a tout de même des motifs légitimes de grève. PG : Où, en effet, telle est la question. De mon point de vue, il n’y a pas de motif de grève légitime. Si nous ne sommes pas contents, nous partons et cherchons autre chose ailleurs. Ce qui sera d’autant plus facile dans une situation de plein emploi et où le parachute social vous garantit de toute façon de ne pas vous retrouver à la rue quoiqu’il arrive. Il faut en finir avec cette mentalité qui consiste à croire que les salariés ont droit à ceci ou à cela. Le seul droit qu’ils ont, outre d’être traités avec respect, c’est celui de disposer de leur liberté, donc de partir si ça ne leur convient pas. Toutefois, il me parait néanmoins légitime que les salariés puissent aussi réclamer le droit de ne pas être oubliés de leurs patrons au moment de répartir les bénéfices issus de leur travail. Mais pourquoi toujours par la grève ? Il y a d’autres moyens de s’exprimer. Notamment par les urnes, en portant au pouvoir un Chef d’Etat et des représentants qui entendent cette demande et légifèrent en conséquence afin d’automatiser ce principe plutôt que de le laisser en motif de conflit permanent. Mais quand ça semble enfin être le cas, on s’aperçoit que ce n’est pas en améliorant l’existant mais en créant une nouvelle ligne de prime, à assujettissement fiscal et social spécifique, sur des bulletins de paye déjà très largement surchargés. Forcément, quand la motivation profonde est davantage de faire parler de soi à l’approche des élections que de bien faire, il faut créer quelque chose de différent à tout prix. Mais ce n’est pas pour autant que c’est la meilleure façon de répondre à la problématique posée. Au lieu de rajouter encore et toujours de nouvelles dispositions spécifiques tarabiscotées, commençons plutôt par améliorer l’existant : la participation des salariés aux bénéfices de l’entreprise. Ce qui existe est assez timide et avec une formule un peu alambiquée. On peut faire mieux. Et de nombreuses entreprises, mais pas toutes, le font en rajoutant un accord d’intéressement en plus. Simplifions, fusionnons ces deux mesures, et améliorons le lien entre la rémunération des salariés et les bénéfices de l’entreprise. Il y aura alors déjà un peu moins de récriminations salariales. Car réclamer des primes en périodes grasses pour qu’elles se transforment en acquis dès lors qu’elles sont versées plusieurs années de suite et deviennent donc alors obligatoires même en périodes de vaches maigres, contribue à couler les entreprises connaissant des difficultés. Et c’est franchement inconséquent car l’avantage soit disant acquis disparaît malgré tout lors de la faillite, faute d’avoir conservé la souplesse nécessaire pour s’adapter à des situations changeantes. Un mécanisme de participation aux bénéfices plus développé est très préférable à des primes de fin d’année obligatoires ou à des augmentations systématiques. Mais cela n’exclut nullement d’accorder également des primes au mérite aux salariés qui le justifient, à la discrétion du dirigeant. Cela récompensera et encouragera les efforts individuels tout en donnant l’occasion aux jaloux de méditer sur la parabole de l’ouvrier de la dernière heure. Quidam : Ca vient des Evangiles, non ? PG : De l’Evangile de Matthieu. Indépendamment de ce en quoi on croit, de nombreux textes de religions et traditions spirituelles différentes véhiculent une sagesse philosophique très utile pour développer sa qualité humaine. Le principe de laïcité ne doit pas nous en priver. Mais nous digressons. Pour en revenir à notre sujet, il me semble également impératif de réformer les institutions représentatives du personnel au sein des entreprises. Dans la mesure où une entreprise ne peut être qu’une aventure conjointe entre des investisseurs apportant un capital et des salariés fournissant le travail, leur donner des sièges au conseil d’administration m’apparaît fortement désirable. Peut-être un tiers des sièges, par exemple ? Les employés auront alors un meilleur moyen de faire entendre leurs voix, sans pour autant déposséder les propriétaires légitimes du contrôle de leur entreprise. Mais surtout, une telle mesure les mettra plus en contact avec les réalités auxquelles sont confrontés les dirigeants, stimulant ainsi davantage de sens des responsabilités de la part des salariés. Cela se rapproche de ce qui existe en Allemagne, où le comité d’entreprise n’est pas une simple cagnotte à cadeaux de Noël pour le personnel, mais un véritable organe participant aux décisions de la direction. Impossible évidemment avec des syndicats aussi anachroniquement enracinés dans la lutte des classes que les nôtres. Alors commençons par réformer aussi le mode de scrutin désignant ces représentants. Pourquoi seuls les syndicats ont-ils le droit de proposer des candidats aux premiers tours des élections des délégués du personnel et du comité d’entreprise ? Pour que les non-syndiqués se partagent ensuite les miettes ? Combien d’entreprises, notamment dans les PME, font systématiquement des procès-verbaux de carence à ce premier tour, faute de candidats syndicaux ? Logique d’ailleurs vu que ceux-ci n’ont aucune présence dans de nombreux établissements. Alors à quel titre les syndicats auraient-ils le droit souverain de désigner d’office un ou plusieurs représentants syndicaux au sein d’une entreprise de plus de 20 salariés, alors même qu’ils n’y ont aucune représentativité ? Cette façon d’imposer des syndicats dont les salariés eux-mêmes ne veulent pas me parait assez ubuesque. Quidam : Vous n’aimez pas les syndicats, on dirait. Ce sont pourtant des acteurs incontoounrables de la vie politique du pays. PG : Personne n’est incontournable. Et surtout pas des organismes qui usurpent certaines prérogatives, débordent de leur rôle et survivent essentiellement parce que des lois obsolètes leur ont octroyé une présomption de représentativité. Les citoyens élisent à la majorité du suffrage universel direct un président et des députés sur la base de leurs programmes respectifs, mais quand le gouvernement qui en découle le met en place, certains syndicats décident qu’ils sont contre et organisent des grèves en s’appuyant sur leurs troupes de privilégiés au fort pouvoir de nuisance, tout en prétendant très hypocritement défendre les intérêts des électeurs qui ont pourtant majoritairement voté le contraire. Mais qui sont-ils pour remettre ainsi en cause le libre choix des électeurs ? Et par quelle formidable hypocrisie ont-ils le front de dire que le Gouvernement refuse le dialogue au simple prétexte qu’il ne leur a pas donné raison lorsqu’il les a rencontrés ? Ils devraient s’estimer heureux d’avoir simplement été reçus et écoutés. Car il n’y a aucune obligation légale, constitutionnelle, voire simplement démocratique, de les consulter concernant des mesures de politique nationale, même lorsqu’elles ont trait à l’organisation du travail. Ca fait des décennies que la présence syndicale recule, à l’exception de leurs bastions de privilégiés où le clientélisme leur assure une certaine présence. Mais jamais on ne se pose la question de leur légitimité au niveau national. Alors je vous le dis, pour moi, ils n’en ont aucune. Pas plus que je ne leur en reconnais pour se poser en « partenaires sociaux » associés à la gestion de diverses institutions allant de Pôle Emploi aux multiples caisses de retraite en passant par les diverses caisses maladie, qui doivent d’ailleurs toutes être fusionnées sous la seule direction de l’Etat puisque c’est lui qui est responsable de l’application du principe de solidarité répondant aux deux premiers niveaux de besoin de la pyramide de Maslow. Mais il est vrai qu’avec notre système déséquilibré et à la dérive, associer les syndicats à la gestion de ces caisses permet de les mouiller dans la gestion du déficit et la fixation des taux de cotisations. Pourtant, ce n’est pas, ou plus, leur rôle. Leur place est au sein du monde du travail. Qu’ils s’organisent pour apporter un soutien aux représentants du personnel dans les entreprises, oui, mais cela ne leur donne pas pour autant un droit de regard sur la politique nationale du Gouvernement. Ca c’est le rôle du Parlement. Pas de groupes aux pratiques parfois mi-mafieuses mi-terroristes. La grève, c’est le droit de cesser le travail. Pas de bloquer ceux qui veulent travailler, ni de prendre des dirigeants d’entreprise en otages, ni même des usagers des transports publics, et pas non plus de dégrader les chaussées et l’atmosphère en faisant brûler des pneus. S’ils ont des revendications nationales à faire valoir, qu’ils fassent du lobbying auprès des parlementaires, voire des ministres, ou qu’ils se présentent devant les électeurs. Car c’est de là que vient la légitimité pour décider des questions nationales. Pas d’une élection professionnelle dont les modalités aussi fortement biaisées horrifieraient les observateurs internationaux s’il s’agissait de l’élection d’un chef d’état africain. Alors le droit de grève, parce qu’ils en ont usé et largement abusé, et parce qu’ils ne donnent aucun motif de croire qu’ils ne continueront pas, il faut le limiter. Et l’obligation de service minimum, si c’est déjà mieux que rien, ce n’est pas assez. D’abord aucune grève dans un service public monopolistique ne doit être légale sans qu’une médiation gouvernementale préalable n’ait eu lieu. Ensuite, si la négociation échoue malgré la médiation, la grève doit être soumise à autorisation par un conseil des sages, de type Conseil Constitutionnel ou Conseil d’Etat. Avec de telles mesures, il n’y aura plus de grève que pour des motifs vraiment légitimes et publiquement reconnus. Et du coup, on peut espérer que cela sera très rare, l’essentiel des problèmes étant alors résolu par la négociation directe entre les partis concernés. Quidam : Il y a toutefois un problème dans un tel système : en cas de conflits social chez les fonctionnaires, l’Etat serait juge et partie de la négociation. PG : C’est vrai. Et cela nous invite aussi à nous interroger sur le statut de fonctionnaire. Il a été attribué d’office à la plupart des employés de l’Etat, des collectivités territoriales et des régies de services publics. Mais les avantages qu’il comporte justifient-ils qu’il soit attribué aussi indistinctement ? La garantie de l’emploi par exemple. Est-il justifié qu’un fonctionnaire en charge de délivrer des passeports aux services de l’état civil de la préfecture bénéficie de cette garantie d’emploi ? Clairement oui. Parce que cet employé fait partie d’un processus sensible dans la gestion du pays, l’état civil, et qu’il est important d’éviter les risques de conflit d’intérêt en sécurisant la situation de l’employé en question. Peut-on appliquer le même raisonnement au jardinier du palais du Luxembourg ? Entretenir un beau gazon pour les promenades des sénateurs est-il un processus sensible du fonctionnement de l’Etat et de l’administration publique ? Clairement non. Le statut de fonctionnaire n’a donc aucune justification. Et un simple statut de contractuel est amplement suffisant. Pourtant, ce jardinier est fonctionnaire. Et avec attribution automatique de la prime de nuit, comme à tous les fonctionnaires du Sénat, bien qu’il n’ait probablement jamais la nécessité de jardiner de nuit. Nouvelle démonstration que l’Etat employeur est le patron le plus inefficace qui soit. Mais ça peut changer facilement. De même, un enseignant est-il partie prenante d’un processus sensible de l’exercice des fonctions régaliennes de l’Etat ? Enseigner est certes une fonction essentielle pour l’avenir du pays, mais le statut de fonctionnaire n’a strictement aucune raison d’être. Au contraire même, il offre une protection très clairement contreproductive. Le supprimer pour que tous les enseignants soient de simples contractuels est une urgente nécessité. Quidam : Mais bien entendu, il faudrait aussi que l’Etat cesse de faire ce qu’il interdit aux autres employeurs, à savoir faire des contrats à répétition d’un an renouvelable par tacite reconduction mais susceptibles de s’arrêter chaque année. PG : Nous sommes bien d’accord. Le statut de contractuel doit se faire sous les mêmes règles que celles s’appliquant à la société privée. Donc séparons maintenant le cas des revendications sociales impliquant des contractuels de celles impliquant des fonctionnaires. Et commençons par les premiers, les contractuels. Si l’administration nationale dépendant de l’Etat assure la médiation, il n’y a pas de problème juge et partie au niveau des collectivités territoriales. Il n’existe qu’au niveau de l’Etat lui-même. Mais puisque le Conseil Constitutionnel est un organe réunissant des sages espérés relativement indépendants de l’exécutif étatique, il demeure en mesure de décider de façon espérée impartiale d’autoriser ou pas une grève. Donc on peut espérer qu’il n’y ait pas de problème de confusion des genres à ce niveau. Par contre, je ne conçois pas que l’on puisse bénéficier à la fois de la garantie de l’emploi et du droit de grève. Je ne conçois donc pas qu’un fonctionnaire, statut alors réservé, je vous le rappelle, aux fonctions sensibles du pouvoir régalien de l’Etat et des collectivités territoriales, puisse se mettre en grève. Les policiers n’ont pas le droit de grève. L’Etat étant actuellement un si mauvais patron, ce n’est pas franchement à leur avantage ainsi que nous en avons déjà discuté. Mais il me semble logique que celui qui s’engage ainsi à accepter une délégation de pouvoir de l’Etat à un niveau ou à un autre renonce à son droit de grève. Et c’est donc sans faire grève que l’on voit les policiers manifester leur mécontentement croissant. Comme quoi la grève n’est pas un préalable obligatoire pour manifester et s’exprimer. Et on peut voir au Japon des salariés portant un brassard rouge pour marquer un mécontentement tout en travaillant normalement. La grève ne doit se poser qu’en dernier recours, au lieu d’être aussi systématique qu’elle ne l’est devenue chez nous où le préavis de grève se pose quasiment dès le démarrage des négociations ! Les militaires n’ont pas non plus, on le comprend bien, le droit de grève. Et il doit en être de même des juges et des greffiers des tribunaux, de toutes les secrétaires de ministère, préfecture ou de mairie amenées à manipuler des documents sensibles, et bien d’autres. Mais la longue liste des fonctions relevant du statut de fonctionnaire, avec les avantages et inconvénients afférents, ne doit absolument pas inclure les enseignants, jardiniers, cuisiniers, et j’en passe, qui doivent en rester au statut de contractuel. Il faut cesser de confondre les fonctions régaliennes de l’Etat et des collectivités publiques avec les simples fonctions support. L’engagement demandé à leurs employés respectifs est fondamentalement différent, la responsabilité aussi. Il n’est que très normal que les statuts le soient également. Quidam : Voilà qui va encore demander un gros effort d’évolution de conscience de la part de nos concitoyens. PG : Comme d’habitude, dirai-je. Une société est le reflet du niveau de conscience de ses citoyens. La recherche de l’amélioration de la société doit sans arrêt nous amener à nous interroger sur nous-mêmes pour y traquer nos rigidités, nos conditionnements inadaptés, nos peurs. Nous ne l’améliorerons guère sans parvenir à en améliorer les citoyens. C’est une longue quête où l’individuel et le collectif s’entremêlent en permanence. 20 : économie, entreprise Quidam : Bien des problèmes sociaux trouvent avant tout leur source dans les difficultés économiques. On peut critiquer beaucoup de choses, et débattre longtemps de valeurs et d’éthique, mais ne faudrait-il pas avant tout trouver un moyen de dynamiser concrètement l’économie du pays ? PG : Difficulté économique est quelque chose de très relatif. Et de nombreux pays nous considèrent nantis alors que nous nous considérons en difficulté parce que notre mode de vie est actuellement menacé. Notre principale difficulté n’est peut être pas si économique que ça. Mais admettons. Alors concernant votre question, même si ça n’empêchera nullement des handicapés de la conscience de réclamer toujours plus, je vais vous répondre « certes ». Et dynamiser notre économie est même facile à faire. Le tout est de bien le faire pour cesser de déplacer les problèmes et, de mesures inadaptées en mesures inadaptées, créer toujours davantage de déséquilibres. Les gouvernements tendent à être champions pour prendre de telles mesures de stimulation économique à court terme, obnubilés qu’ils sont par le besoin d’un effet immédiat pour tenter de se faire réélire. Ils jettent un pavé dans la marre et ça fait des vagues, ils sont contents. Ils en jettent un deuxième, puis un troisième, etc., jusqu’à ce que l’eau soit tellement agitée dans tous les sens qu’il devient impossible de distinguer les vagues générées par le dernier caillou lancé ni même d’anticiper les effets qu’il aura au regard des effets encore en cours des précédents. Par contre, et c’est un phénomène bien connu des marins au long cours, ces vagues peuvent parfois entrer en synchronisation, se renforcer et devenir un front d’eau, une vague tueuse, qui traverse l’océan par beau temps allant parfois jusqu’à renverser le cargo qui a la malchance de se trouver sur son passage. Basiquement, c’est simplement ça une crise économique. Et les politiciens se cachent derrière cette crise, alors que ce sont toutes leurs mesures tordues qui les favorisent en agitant l’économie plutôt qu’en lui laissant suivre tranquillement et plus régulièrement son cours naturel. Les exemples sont légion. Dans les années 80, le gouvernement d’alors a voulu faire une relance de l’économie par la consommation, selon les principes keynésiens qui eurent leur heure de gloire au sortir de la crise de 1929. L’argent injecté sous forme d’augmentation d’allocations, de primes, de création d’emplois publics à l’utilité discutable, etc., a effectivement créé une augmentation de la consommation. Sauf que le monde avait changé depuis Keynes et l’entre-deux guerre. Et la demande n’a pas attendu que les capacités de production de nos entreprises soient en mesure de lui répondre. Les importations ont explosé, le déficit commercial aussi, les emplois ont été boostés à l’étranger plutôt qu’en France, et il n’y a pas eu le retour espéré en matière de recettes fiscales. Par contre le Franc a subi la pression de ce déséquilibre forçant le gouvernement à s’employer pour en maintenir la stabilité au sein du Système Monétaire Européen en vigueur à l’époque, et ce alors qu’il venait de se mettre en déficit et de s’endetter pour financer sa malencontreuse tentative de relance. Alors nos voisins se sont frottés les mains, et les français se sont appauvris. Il eût mieux valu ne rien faire. Un autre exemple ? Prenez la prime à la casse mise en place à plusieurs reprises par divers gouvernements pour favoriser le marché automobile, et encore tout récemment en 2010. Qu’est-ce que ça apporte ? D’un côté, le renouvellement des véhicules pendant une période donnée est dopé, engendrant donc un pic de vente durant ce temps, mais un creux équivalent ensuite puisque les gens qui ont anticipé leur achat ne vont pas racheter ensuite. Quand on veut générer une vague, il ne faut jamais négliger que se forme derrière un creux correspondant au pic obtenu. Simplement parce que ce n’est que du mouvement d’eau. Non une augmentation du volume d’eau. De plus, qui est concerné par ces mesures sinon les gens ayant de très vieilles voitures ? Et forcément, ce sont des gens au pouvoir d’achat plutôt limité et qui vont donc acheter des voitures à bas prix où les marges sont faibles pour les constructeurs. La majeure partie de ces voitures n’est d’ailleurs même pas fabriquée en France, pour mieux en contenir le prix grâce à un coût de main d’œuvre moindre. Leur succès commercial n’y créé donc pas de travail. Alors quel est l’intérêt de cette mesure ? Personnellement, ça m’échappe. Pouvoir dire ensuite que la France possède le parc voiture le plus propre d’Europe ? Quelle niaiserie ! Tant mieux pour ceux qui peuvent en profiter pour renouveler à bon compte leur vieux véhicule, mais l’intérêt économique global, au regard de la chute des ventes qui s’ensuit, m’échappe. Là encore, il vaudrait mieux ne rien faire. Car cette demande éphémère ne créé rien de durable. Les usines prennent des intérimaires, forcent un peu les cadences, en profitent pour écouler les surplus éventuels de stock, et, comme il ne faut pas prendre les industriels pour des idiots, anticipent le creux qui va s’ensuivre. C’est d’ailleurs pourquoi sont créés au mieux des emplois précaires, mais certainement jamais des emplois durables. Quidam : Et les soldes ? PG : C’est encore pire. Les soldes incitent en plus au trafic de prix et à la mise en place de marchandises spécifiques à la période pour proposer de vraies fausses bonnes affaires, tout en débordant de surcroît sur des secteurs qui ne sont pas soumis à la saisonnalité des collections et ne devraient rien avoir à faire avec cette mesure. Elles ont été détournées de leur fonction première pour devenir un événement commercial très artificiel et à l’honnêteté trop souvent douteuse. C’est vraiment une pratique à supprimer. Non tant parce qu’elle dérègle la demande normale que parce qu’elle pourrit le commerce. Si les remises légales qu’il peut faire quand et comme il veut ne suffisent pas à le débarrasser de fins de collection encombrantes, le commerçant doit les vendre à des déstockeurs, habilités à traiter les ventes à perte, et qui trouveront à écouler les marchandises concernées par divers biais allant des magasins spécialisés déstockage, aux friperies de marché, en passant par l’exportation. Le problème des soldes est donc différent de ces mesures spécifiques que je pointe du doigt parce qu’elles dérèglent la demande et perturbent au final l’économie au lieu de l’améliorer. Quidam : Pourtant on entend régulièrement des commerçants se réjouir d’avoir fait de bonnes affaires pendant les soldes. PG : Oui. C’est signe qu’ils n’ont pas soldé. Les soldes, c’est fait pour autoriser la vente à perte, interdite en temps normal, des marchandises qu’ils n’arrivent pas à écouler pendant la saison régulière. S’ils vendent à perte, ils ne se réjouissent pas. S’ils se réjouissent, c’est qu’ils ont conservé de la marge. Soit parce qu’ils ont mis en place de fausses bonnes affaires ainsi que je vous le disais, ce qui est à combattre fermement, soit parce qu’ils sont restés dans la limite de leur marge, et donc à des niveaux de remise qu’ils peuvent faire comme ils veulent tout au long de l’année, et qui ne leur font donc rien vendre de plus qu’ils n’auraient vendu sans les soldes. Donc suppression des soldes. Au mieux elles ne servent à rien, au pire elles enfument les clients. Quidam : Alors ne faut-il donc rien faire pour aider l’économie ? Faut-il juste laisser faire ? PG : Clairement, plutôt que de faire des choses comme ça, il vaut effectivement mieux ne rien faire. Ce qui est important en économie, c’est ce qui est stable et progressif. Aucun constructeur automobile ne va construire une nouvelle usine simplement parce qu’un politicien a décidé d’essayer de booster pendant six mois et le marché et sa popularité. Mais il le fera s’il y a une perspective de demande durable sur plusieurs années, voire plusieurs décennies. L’entrepreneur a besoin d’un horizon à long terme. Ce qui lui importe donc, ce ne sont pas les mesurettes changeantes des gouvernements successifs mais un contexte social, fiscal et légal durablement favorable à son bon fonctionnement. Quidam : Et aussi un contexte économique, non ? PG : Même pas. Qu’est-ce que l’économie ? C’est la vie. Dès que quelqu’un échange une botte de poireau contre des patates, l’économie est déjà en marche. La mort de l’économie, ce serait si chacun fonctionnait en autosuffisance et n’échangeait avec ses voisins que des bonjours ou des insultes. Dès lors qu’il y a échange de biens et de services, l’économie vit. Alors compte tenu de la nature humaine et de son souhait de profiter des multiples bienfaits de l’existence qu’ils ne sauraient connaître en s’enfermant dans l’autosuffisance, laissez vivre les gens et l’économie vivra. Naturellement. Sans rien forcer. Offrez lui un cadre stable et elle trouvera son équilibre toute seule, avec de menues fluctuations selon le sens du vent, c'est-à-dire le moral global des gens. La vie fonctionne par cycles. Il y a des phases d’expansion, et d’autres de contraction. Il y a l’inspir et il y a l’expir. C’est la vie, c’est naturel, c’est doux. Il y a donc des creux naturels, mais rien qui soit comparable aux tempêtes que génère l’interventionnisme maladroit des gouvernements. Quidam : Alors quelle est votre recette pour favoriser l’essor économique ? PG : Eh bien tout simplement, comme je vous l’ai dit : laissez vivre les gens. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Regardez votre vie, regardez votre quotidien, et interrogez-vous sur tout ce qui constitue un frein à votre envie de faire des choses, de créer, d’entreprendre, de vivre. Vous trouverez de très nombreuses mesures qui répondent à cette définition. Mais en y réfléchissant bien, vous constaterez que vous pouvez déjà en regrouper de nombreuses sous un seul chapitre : la complexité administrative. Si vous êtes entrepreneur, vous voulez utiliser votre énergie à créer. Pas à démêler des dossiers administratifs, à remplir des déclarations, etc. Alors pour libérer les forces entrepreneuriales du pays, il y a urgence à simplement décomplexifier les relations des entreprises avec l’administration. Rendez les obligations administratives simples, et vous verrez que l’économie fera un bond spectaculaire. Simplement parce que vous lui aurez donné de l’air par rapport à ce poids administratif qui l’étouffe. Quidam : Mais ce bond ne serait que le temps d’une stabilisation à un niveau différent. PG : Bien sûr. Vous ne voulez tout de même pas une croissance exponentielle après tout ce que je vous ai dit sur la stérilité de cette course au toujours plus ? Le bon niveau de fonctionnement de l’économie s’établira naturellement lorsque les gens auront chacun trouvé leur juste niveau d’activité et d’expression. Le problème actuel, c’est que ce n’est pas le cas et que donc l’économie n’est pas au niveau adéquat pour la population existante. Quidam : Mais alors concrètement, c’est quoi alléger le poids administratif ? Les entreprises ne semblent pas si gênées que ça pour le gérer. En tout cas, ma comptable semble bien s’en accommoder. PG : Oubliez votre expérience d’éditeur et de manager pour vous projeter dans la peau d’un français de base, ouvrier par exemple. Imaginez que vous ayez un savoir-faire particulier, disons en poterie, et que vous souhaitiez vous installer comme artisan potier plutôt que continuer à bosser à l’usine. Mais se pose déjà la question de votre statut. Faut-il se constituer en société ou rester en nom propre ? Quelles incidences sur les cotisations sociales, fiscales ? Quelles obligations déclaratives ensuite ? Quel niveau de protection sociale selon le choix fait ? Déjà, rien que pour obtenir ces informations, il vous faudra voir plusieurs conseillers parmi les divers organismes d’aide à la création d’entreprise, recouper ce qu’ils vous disent, s’apercevoir qu’ils ne disent pas tous la même chose, chercher encore pour démêler leurs contradictions, et enfin commencer à avoir une idée précise de comment ça se présente. Déjà, là, vous commencez à vous dire que ça vous emm… et que vous voulez faire de la poterie pas de la paperasserie. Vous vous rendez finalement compte que vous allez devoir recourir à un cabinet d’expertise comptable pour vous suivre dans votre gestion et vous aider pour les diverses déclarations fiscales et sociales que vous aurez à faire tout au long de votre activité. Et que cela est loin d’être gratuit. Vous continuez à vous dire que ça vous emm… et que vous voulez faire de la poterie pour vivre de votre créativité artistique et non pour payer des gens à vous aider à gérer la complexité administrative. Imaginons que vous sautiez le pas et vous lanciez dans votre activité. Et vous avez un bon karma alors ça marche au-delà de vos espérances. Vous n’arrivez plus à suivre la demande. Vous prenez un ouvrier. Déclarations sociales. Bulletin de paye. Et il n’est qu’à regarder un bulletin de paye français pour savoir que c’est loin d’être une partie de plaisir. Alors vous sous-traitez ça à votre cabinet comptable qui se réjouit de vous facturer ses services en la matière. Et votre affaire continue de se développer. Un importateur allemand adore vos motifs décoratifs et vous passe des commandes. Vous découvrez la DEB, la déclaration d’échange des biens entre pays de l’Union Européenne. Vous découvrez à quel point les fonctionnaires des douanes sont capables d’être tatillons dans leur codification des produits, sans qu’on comprenne bien pourquoi vu que de nombreuses personnes en finissent par utiliser les catégories « divers » pour se simplifier la vie. Puis, retour de karma, l’importateur allemand décède d’une saucisse avalée de travers à la Oktober Fest de Munich. Panne de vos exportations. Votre employé commence à se tourner les pouces. Vous vous renseignez et vous comprenez que ça va vous coûter le scrotum de le licencier. Vous le faites néanmoins, faute de commandes pour pouvoir assumer son salaire. Il vous attaque aux prud’hommes sous des prétextes divers, et obtient un juteux complément d’indemnisation parce que cette juridiction trustée par les syndicats est par principe plutôt favorable aux salariés. Et alors là vous vous jurez bien que jamais au grand jamais vous n’embaucherez plus personne. Le fils de votre importateur allemand, retardé dans son projet par la complexité bureaucratique allemande qui vaut largement la nôtre, finit par parvenir à reprendre l’affaire de son père. Il veut vous repasser des commandes. Il vous faudrait à nouveau embaucher pour les honorer. Mais, chat échaudé craignant l’eau froide, vous refusez. Et tant pis pour la création d’emploi, tant pis pour la balance commerciale du pays, tant pis pour la croissance économique. Vous en avez simplement ras-le-bol des emm… Quidam : Mais vous prenez là un exemple bien spécifique de micro-entreprise. La plupart des entreprises ont une taille suffisante pour avoir leurs propres comptables qui s’occupent de tout ça. PG : Alors imaginez que votre atelier de poterie se développe et que vous finissiez par embaucher votre propre comptable. Serez-vous content de constater qu’il passe une grosse partie de son temps à gérer la complexité administrative plutôt qu’à approfondir les données de gestion qui vous seraient nécessaires pour mieux conduire votre business ? Le problème est le même. Dans les deux cas, cela revient à détourner des forces créatrices et à les neutraliser pour que l’aventure entrepreneuriale devienne une course avec handicap. Quidam : Mais ne peut-on dire que cela créé aussi des emplois ? Plus de comptables, plus de fonctionnaires et de contrôleurs, grâce à ces obligations ? PG : Je l’attendais celle-là. Mais j’apprécie votre côté avocat du diable, car je le suis plus souvent qu’à mon tour aussi. Ca favorise le développement d’une réflexion plus approfondie. Alors effectivement, faire et défaire, c’est toujours travailler comme l’a démontré Pénélope. Sauf qu’elle était reine et avait du monde pour la nourrir pendant qu’elle perdait son temps à faire patienter ses prétendants, attendant le retour hypothétique d’Ulysse. Son espoir fut récompensé, mais d’un point de vue social, ce n’est guère constructif. Si vous considérez que l’économie c’est simplement s’agiter, alors il n’y a aucun problème à trouver des choses inutiles à faire pour occuper les gens. Nul doute que l’on trouvera des Shadocks à nommer au ministère de l’occupation du temps libre. Mais alors il ne faudra pas s’étonner que cette agitation inutile ne soit pas créatrice de bonheur. L’économie est à son meilleur, non quand certaines statistiques semblent au top, mais quand le bien-être de chacun est optimisé, et qu’il se réalise dans l’expression de sa nature la plus accomplie. Encore une fois, l’économie, c’est la vie. Pas des statistiques. Celles-ci aident à percevoir ce qui se passe au niveau macro-économique, mais elles ne sont nullement garantes du bonheur individuel. Si pour créer des emplois qui occupent les gens, il faut mettre en place des contrôleurs pour contrôler les contrôleurs, alors ne vous étonnez pas si les gens tentés d’exprimer leur esprit d’entreprise se découragent et laissent la société s’écrouler. Au contraire, si vous supprimez ces emplois de contrôle inutiles, ce qui ne veut pas dire tous, décomplexifier ne veut pas dire laisser faire n’importe quoi, vous libèrerez des forces vitales qui créeront bien plus d’emplois que ce que vous ne supprimerez. Au final le solde sera très positif. Quidam : Dans votre exemple du potier, vous présentiez la difficulté à licencier comme étant l’obstacle au recrutement. Mais faciliter les licenciements créerait surtout de la précarité. PG : Les Etats-Unis ont vécu longtemps avec un tel système où licencier est aussi facile qu’embaucher. Et les gens licenciés retrouvaient un autre emploi parce que leur économie florissante alors proche du plein emploi le permettait. Et ils faisaient de nouvelles expériences qui contribuaient à enrichir leur potentiel. Cette précarité socialement acceptée ne les empêchait pas d’avoir un crédit pour leur maison ou leur voiture. Mais il est vrai que les employeurs américains apprécient que leurs salariés aient eu des expériences diversifiées, alors que l’employeur français tend à s’en effrayer. Le problème qu’ont maintenant les américains, c’est qu’ils sont rattrapés par tous les déséquilibres qu’ils ont entretenus, non comme une grosse vague traversant une partie de l’océan, mais plutôt comme trois d’affilée, ces fameuses trois sœurs dont l’évocation fait frémir les capitaines au long cours. Toujours est-il que ce que vous appelez précarité, je l’appelle fluidité. Ce que vous appelez stabilité, je l’appelle sclérose. Notre société est figée. Figée par la peur de perdre son emploi, par la peur de manquer, par la peur de devoir s’adapter à une situation nouvelle. A partir du moment où la société met en place un filet de sécurité qui vous garantit que vous ne manquerez pas du nécessaire vital, et à partir du moment où est mis en place une vraie politique de plein emploi, perdre son job n’est plus du tout une catastrophe. Ca bousculera les gens trop empoussiérés, mais pour leur plus grand bien. Peut-être certains se diront-ils que c’est le moment de se lancer dans leur propre aventure de création d’entreprise. Peut-être d’autres préfèreront reprendre un autre travail. Certains déménageront pour profiter d’opportunités et ouvrir leurs horizons, d’autres préfèreront rester là où ils sont parce qu’ils privilégient les rapports humains, amis, famille, voire s’apercevront alors qu’ils en sont dépendants et que ça les limite. Dans tous les cas, chacun aura l’occasion d’approfondir sa découverte de soi et de la vie. Il faut donc changer les mentalités et arrêter de se figer sur le premier truc venu en se privant du reste de ce que l’existence a à offrir. Alors oui, il faut simplifier les licenciements. Si un patron ne veut plus de vous, que ce soit parce qu’il manque de travail pour vous employer ou que ce soit parce qu’un conflit s’est développé entre vous, au nom de quoi doit-on l’empêcher de mettre fin à votre contrat de travail ? C’est son entreprise, ou celle des actionnaires qu’il représente. Pas la vôtre. Si vous n’êtes pas content, créez votre propre entreprise. Si vous ne pouvez pas, ou ne savez pas, alors acceptez que celui qui a osé et s’est donné la peine de le faire ait en retour la liberté de gérer la sienne comme il l’entend. Et cherchez-en une autre où travailler. A chaque fois que la loi se met en travers d’un licenciement, j’ai le sentiment que l’entrepreneur se fait voler sa liberté de gérer ce qu’il a créé. S’il n’y a pas assez de travail pour justifier votre poste, il est normal qu’il soit supprimé. L’employeur ne vous « doit pas » un emploi. Accepteriez-vous que n’importe qui puisse taper à votre porte en exigeant que vous l’embauchiez, qui comme jardinier, qui comme personnel de maison, alors que vous n’en avez aucun besoin, sans même parler des moyens ? Quidam : Non, évidemment. Je n’avais pas envisagé les choses sous cet angle. PG : Eh bien la réciproque est toute aussi vraie : vous ne pouvez pas opposer à votre employeur un utopique droit à l’emploi si vous-même n’acceptez pas d’en devoir un au premier venu. Les entreprises n’ont pas vocation à prendre en charge la solidarité nationale en lieu et place de la société publique. Sauf à leur accorder des remises d’impôts correspondantes, ce qui deviendrait vite ingérable. Alors s’il n’a plus besoin de vous, acceptez d’allez voir ailleurs. Si au contraire, il y a toujours une charge de travail justifiant ce poste mais que c’est vous qui ne satisfaites plus votre patron et qu’il veut vous remplacer, eh bien c’est un autre qui aura sa chance. Et se battre avec syndicats et avocats aux prud’hommes pour faire valoir divers arguments cherchant soit à imposer votre présence, soit à ce que la réduction d’effectif touche quelqu’un d’autre plutôt que vous, soit encore à engranger une indemnité de licenciement maximisée, est très contreproductif collectivement car ça dissuade fortement d’embaucher. Dans un système de plein emploi avec un filet de solidarité vous garantissant la possibilité de rebondir, affirmer cette liberté tant de l’entrepreneur que du salarié n’a absolument rien de choquant même si ça bouscule nos habitudes culturelles. C’est au contraire responsabilisant pour chacun. Alors dites-moi : si se lancer comme entrepreneur devient très simple, si embaucher et licencier devient aussi simple, si gérer du personnel et établir leurs fiches de paye devient à la portée de tout le monde sans besoin d’enrichir des cabinets spécialisés, croyez-vous que les postulants à la création d’entreprise hésiteront encore longtemps à se lancer ? Croyez-vous que les entreprises existantes hésiteront encore à embaucher ? Croyez-vous qu’elles seront toujours aussi tentées de délocaliser ? Croyez-vous que les groupes étrangers seront toujours aussi réticents à s’implanter en France ? Croyez-vous que tout ça ne représente pas une dynamisation forte et naturelle de notre économie ? Il y a tout à gagner tant collectivement qu’individuellement. Il suffit de le faire. Les mentalités suivront et évolueront en conséquence vers la fluidité au lieu de rester recroquevillées dans la peur. Quidam : Il y a quand même des patrons qui sont de vraies enflures, du genre à licencier sur un coup de tête celui qui a les mains moites en lui disant bonjour le matin. On ne peut tout de même pas laisser faire n’importe quoi non plus. PG : Je n’envisageais pas la question de la simple mauvaise humeur du patron comme motif légitime de licenciement, mais réfléchissons-y un instant car effectivement, ce genre d’individu existe, j’ai eu l’occasion d’en rencontrer au cours de ma carrière. Pourquoi voudriez-vous travailler pour un « enfoiré », ainsi que vous le dites, qui voudrait vous licencier pour un prétexte aussi fallacieux que des mains moites ? Pourquoi voudriez-vous continuer à contribuer à son succès ? Quidam : Parce qu’il est utile d’avoir son salaire à la fin du mois pour nourrir sa famille et payer les factures. PG : Voilà. Votre réponse dit que vous n’avez pas intégré les autres paramètres du problème et réagissez toujours en fonction des conditionnements actuels. Vous n’avez pas intégré que je vous parle d’une situation de plein emploi où retrouver un travail est facile. Ni que perdre son emploi ne signifie pas pour autant se retrouver à la rue, même si ça peut entraîner de devoir déménager. Dès lors, pourquoi s’accrocher à un boulot où vous n’êtes pas apprécié ? Pour psychosomatiser et développer un cancer ? Ou finir par vous jeter par la fenêtre ? Alors que vous pourriez simplement en chercher un autre où vous seriez mieux reconnu et qui vous apporterait bien plus de satisfaction. N’est-il pas toujours préférable de quitter un travail qui ne nous convient pas et se donner au moins une chance de trouver mieux que de se défenestrer ? Quand vous en êtes là, vous n’avez rien à perdre à au moins vous donner une chance de changer. Car si vous vous accrochez à une situation qui nie votre besoin de valorisation, comment espérer arriver un jour à satisfaire votre besoin de réalisation ? Comment espérer jamais atteindre ce bonheur auquel vous aspirez ? Il ne faut pas perdre de vue que tout patron sensé sait que du bon personnel, ça vaut de l’or. Et qu’il faut se donner les moyens de le garder quand on en a. Ce raisonnement qui vaut déjà par les temps qui courent n’en sera qu’encore plus vrai en situation de rareté de personnes en recherche d’emploi. Alors si votre patron veut se débarrasser de vous pour cause de mains moites, soit ce n’est pas un patron respectable et ça ne vaut pas la peine de s’accrocher à ce poste, soit c’est vous qui n’êtes pas à la hauteur de ce que vous pensez pour votre fonction et ce prétexte bénin n’est que le déclencheur d’une décision qui mûrissait de toute façon. Et alors, ainsi que je le disais, c’est un autre qui s’essaiera à mieux remplir ce poste, tandis que vous, vous vous essaierez à autre chose ailleurs. Chacun doit trouver sa place. Si vous n’êtes pas reconnu dans un emploi, c’est probablement simplement que ce n’est pas votre juste place. Ou que ça ne l’est plus et que la vie vous invite à passer un cap d’évolution et faire de nouvelles expériences. Quidam : Il y a un côté assez fataliste dans votre discours. Je suis pour ma part habitué à une démarche plus volontaire pour diriger ma vie. On attribue à Sénèque d’avoir dit : « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ». PG : Oui, les cabinets de recrutement aiment bien afficher ce dicton pour faire sentir aux candidats que celui qui ne sait pas expliquer son parcours de façon volontaire est un nul. Mais que faites-vous en attendant que le vent soit favorable à vos projets ? Vous restez au port ? Ca peut durer très longtemps. Pour ma part, j’ai une autre philosophie de l’existence. On pourrait la résumer à « tous les vents sont favorables pour qui va où le vent le mène ». Si le vent ne souffle pas dans la bonne direction pour aller où je pensais, je m’adapte. La vie est fluidité. Si vous vous braquez contre le vent, vous ne gagnerez de toute façon pas et n’en obtiendrez que de la frustration. Mais il appartient à chacun de vivre ses expériences. Et certains œuvrent à développer leur fluidité comme d’autres travaillent leur volonté. Dans une optique plus spirituelle, on peut aussi dire que c’est un peu le débat entre celui qui profite de sa liberté pour poursuivre ses buts personnels, et celui qui l’utilise pour y renoncer et se mettre au service d’un dessein supérieur au sien, qu’il ne maîtrise pas mais auquel il collabore en se laissant guider par les événements et l’inspiration. Alors je ne vais pas encourager les patrons à se laisser aller à leurs humeurs, mais, si c’est le cas, est-il vraiment constructif humainement de chercher à s’y opposer ? Quand le vent change, je recommande de s’adapter. Ca permet de découvrir de multiples expériences, auxquelles vous n’auriez peut-être jamais pensé par vous-mêmes, ce qui les rend d’autant plus enrichissantes. C’est là toutes les limites de la volonté : elle ne peut vous mener qu’à ce que vous connaissez. Mais si vous préférez vous arc-bouter pour résister, libre à vous. Ne vous étonnez pas, par contre, si une bourrasque plus marquée vous fait subir un jour le sort du chêne de la fable de La Fontaine. Ce qui est d’ailleurs aussi une expérience de vie riche d’enseignements, en dépit des désagréments. Encore une fois, la société doit s’organiser pour vous libérer de la peur, et favoriser le développement d’une certaine confiance en la vie, en votre vie. Cela inclut se libérer de la peur de perdre son emploi et de se retrouver dans le besoin. En stimulant une situation de plein emploi, le rapport de force entre l’offre et la demande de travail s’équilibrera naturellement. Le salarié compétent ne sera plus demandeur d’emploi mais offreur de services. On a connu cette situation durant les trente glorieuses du fait de la croissance soutenue de cette époque de reconstruction, mais il est tout à fait possible de retrouver une situation similaire sans croissance. Quidam : Admettons. Mais il n’y a pas que le licenciement express qui puisse être abusif. Et parfois, ce n’est pas tant pour sauvegarder leur emploi que les salariés se battent, mais pour simplement préserver la présence d’emplois sur le sol français, que ce soit pour eux ou pour un autre ainsi que vous le disiez. Quand tout le monde est licencié parce que l’usine ferme pour cause de délocalisation sauvage, là, votre logique de libéraliser les licenciements tourne court. Vous leur facilitez la tâche. PG : Je n’ai pas constaté que les barrières au licenciement de la législation actuelle se soient montrées d’une quelconque utilité à ce niveau-là. La preuve : vous m’en parlez ! C’est bien que le problème existe déjà. Pourtant, il y a deux axes, complémentaires l’un de l’autre, qui offrent une parade possible. Le premier est évidemment de reprendre le contrôle de son espace économique pour permettre d’en réguler les barrières nécessaires au rétablissement d’une juste concurrence avec des pays à coût de main d’œuvre sans aucune comparaison avec le nôtre. Un gouvernement soucieux de défendre les intérêts de sa population ne peut accepter le nivellement par le bas que génère le libre commerce à la sauce OMC au niveau mondial. Evidemment, assurer une concurrence équitable entre les unités de production françaises et celles implantées à l’étranger ne vaut que pour les biens destinés au marché national. Pour une production destinée à des marchés extérieurs, il n’y a pas grand-chose à faire. Et il n’est de toute façon pas défendable moralement d’essayer de se préserver au-delà des limites géographiques de notre société. Ce type de mesure protectionniste fonctionnera d’autant mieux qu’elle concernera un marché étendu dont elle assurera une cohérence durable. Idéalement donc, elle sera plus efficace au niveau de l’Espace Economique Européen, et sous réserve que l’Europe se donne les moyens de gommer très rapidement les différences de protection sociale et de fiscalité qui induisent de vrais biais de compétitivité entre des pays de l’Union aux niveaux de vie encore très disparates. Car là non plus, un nivellement par le bas n’est pas acceptable et requiert le recours au principe de subsidiarité pour préserver l’économie française à un niveau de pouvoir d’achat apte à pérenniser notre société, ses principes et ses valeurs. Quidam : Les coûts de main d’œuvre d’un pays à l’autre de l’Europe sont encore très loin d’être comparables. Votre mesure de préservation demanderait donc des barrières à la libre circulation des biens au sein même de l’Union, ce qui est contraire aux traités sur lesquels elle est fondée. PG : Aucun traité n’est intouchable. Particulièrement lorsqu’il est mal conçu et devient une source de problème. Il y aura matière à bousculer un peu les choses à ce niveau. Mais du moment que c’est fait dans le respect de tous et pour le bien commun, le message doit pouvoir être acceptable pour nos partenaires. D’autant qu’ils connaissent, pour plusieurs d’entre eux, des problématiques parfaitement comparables. Quidam : Ca peut amener pas mal de complications dans les relations avec l’Europe, mais nous en reparlerons. Dans l’immédiat, quel est le deuxième axe que vous envisagez contre les délocalisations sauvages ? PG : Tout simplement la responsabilisation. Vous qui me disiez préférer les approches volontaristes, ça devrait vous plaire. Les salariés en lutte contre une délocalisation de leur usine contestent souvent les allégations des directions selon lesquelles leur unité de production ne serait pas, ou pas assez, rentable. Alors qu’ils le prouvent. Qu’ils reprennent l’exploitation de l’unité par eux-mêmes et montrent ce qu’ils savent faire. A eux de négocier avec le groupe les conditions de fourniture des produits qu’ils fabriquent. Si elles sont intéressantes, le groupe continuera certainement de leur donner du travail comme sous-traitant. Si ce n’est pas le cas, cette reprise d’entreprise par ses salariés devra trouver ses propres marchés pour vivre comme une entreprise autonome. Et si elle n’y arrive pas, alors elle disparaîtra ainsi que l’avait prévu le précédent propriétaire, lui donnant alors raison. C’est ça que j’appelle la responsabilisation. Vous n’êtes pas d’accord ? OK, mais ayez le courage d’assumer votre désaccord dans les faits. Car bien évidemment, un tel droit de préemption des salariés sur leur entreprise en cas de fermeture ne se fera pas gratuitement. Il ne s’agit pas de légaliser un vol. Il faudra que les salariés trouvent à financer leur rachat, donc se cotisent ou convainquent des partenaires financiers. Facile de critiquer les capitalistes et de contester leur décision tout en refusant d’assumer leur responsabilité. Facile de leur dire ce qu’ils devraient faire de leur argent. Mais là, ce ne sera plus le cas. Pas de juteuses primes de licenciement, mais la possibilité, si on y croit, de s’organiser pour conserver son emploi et démontrer aux vilains capitalistes que vous pouvez faire leur métier d’une façon qui vous convienne mieux à vous. Pour éviter toute contestation ou marchandage, un tel rachat doit se baser simplement sur la valeur nette comptable de l’entreprise, ou, s’il s’agit d’un simple établissement, sur celle des actifs concernés. Une VNC inférieure à la valeur vénale signifiera que l’entreprise a bénéficié d’un avantage fiscal dans le passé en amortissant ou en provisionnant de trop, ce qui aura donc compensé par avance le prix avantageux dont bénéficient les salariés pour cette reprise. L’inverse, qu’elle s’est désavantagée fiscalement, mais qu’en résulte une valeur de préemption moins attractive. Si les salariés estiment que la valeur de rachat n’est pas intéressante ou ne parviennent pas à mobiliser le financement nécessaire, l’Etat doit alors disposer d’un droit de préemption de second rang, à titre stratégique, et dans les mêmes conditions que pour une reprise par les salariés. Mais si aucun des deux ne préempte, alors le groupe peut effectivement fermer son unité, licencier tout le monde et en déménager les machines et stocks où bon lui semble. Evidemment, dans ce cas, il lui faudra rembourser les aides à l’implantation ou pour l’emploi qu’il aura éventuellement reçues pour l’unité concernée. Mais je suis suffisamment minimaliste sur ce type de stimulation de l’emploi si bien que ce problème là ne se posera plus. Le ratio du montant distribué par emploi créé ne démontre que trop le manque d’efficacité de ce genre de dilapidation des finances publiques. Une entreprise se construit sur des débouchés économiques, pas sur une chasse aux subventions. Quidam : L’idée n’est pas inintéressante. Par contre, il resterait le problème des déménagements sauvages de nuit ou pendant le week-end, pour tenter d’échapper à ces mesures de préemption de l’actif. PG : Il restera toujours le problème de ceux qui cherchent à échapper aux règles communes. C’est pour ça qu’il y a une police et des tribunaux. Si ce déménagement reste au sein du pays, le problème se résoudra. Si les machines et les stocks passent les frontières sans qu’on le sache, c’est que nous sommes très mal organisés et ne pourrons nous en prendre qu’à nous-mêmes. Je vous ai déjà parlé de la nécessité de reprendre le contrôle de nos frontières pour les personnes, et aussi pour les marchandises. Alors si des machines les passent illégalement, c’est qu’il faut urgemment penser à embaucher de nouveaux douaniers et améliorer les procédures de contrôle. Par contre, plus probable, sera la tentation de réduire progressivement la production de l’unité concernée pour que la fermeture le moment venu ne concerne presque plus rien. Mais là aussi, la sortie du territoire de matériel de production en provenance d’une unité peut facilement se contrôler et se bloquer si la justification semble fallacieuse. Bien sûr, c’est le genre de mesure qui tendra à effrayer certains investisseurs étrangers. Mais s’ils sont convaincus de la bonne volonté et de la droiture des autorités et qu’ils sont pareillement disposés, ça ne les arrêtera nullement dans leur projet de s’implanter dans notre pays. Les magouilleurs par contre hésiteront. Mais ceux-là ne nous manqueront pas. Quidam : C’est vrai. Et si le problème de l’employé n’est pas une question de licenciement ? Assez fréquemment, il y a diverses pressions, voire un harcèlement moral, pour pousser les salariés à en faire toujours plus, parfois dans des conditions d’hygiène et de sécurité pas forcément recommandables... PG : Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Simplifier ne veut pas dire donner liberté à l’employeur d’imposer tout et n’importe quoi à ses salariés. Je parle de simplifier la lourdeur administrative et la législation contreproductive en matière de licenciement parce qu’elle dissuade d’embaucher. Ce n’est même pas supprimer les préavis ni les indemnités légales de rupture de contrat. Alors c’est encore moins supprimer le droit du travail dans son ensemble. Mais même avec le droit du travail actuel, qui pourtant s’efforce de bien protéger les salariés, il y a des patrons imbuvables et des conditions abusives. Que dire sinon qu’il y a un moment où on ne peut défendre les salariés à leur place ? La législation leur donne les outils nécessaires pour ne pas se faire manger, mais s’ils ne les utilisent pas, il n’y aura guère de solution. Ils ont le code du travail, les représentants du personnel, l’inspection du travail, les prud’hommes. On peut même y rajouter les syndicats, car c’est précisément là qu’est leur utilité, même si je la subordonne à la fonction de représentation du personnel. Tout ce que la société peut faire, c’est inciter les gens à se départir de la peur qui les immobilise. Qu’ils cessent d’avoir peur de perdre leur emploi s’ils protestent, et ils se feront naturellement bien plus facilement respecter de leurs employeurs. C’est aux salariés de refuser ce qui leur apparaît anormal. Si le patron n’est pas content, il les vire, à moins que les salariés n’aient décidé de partir d’eux-mêmes. En supprimant le jeu du jackpot des primes exceptionnelles de licenciement ou des transactions, on mettra également fin à ces calculs profondément malsains de salariés qui veulent partir mais préfèrent attendre de se faire virer pour toucher plus, voire font ce qu’il faut pour être désagréables jusqu’à ce qu’ils obtiennent le licenciement attendu. Si le salarié n’est pas satisfait de son travail ou des conditions de celui-ci, il doit avoir le droit de quitter l’employeur avec la même simplicité et les mêmes droits que si l’employeur décidait de le licencier, à l’exception des primes légales de licenciement bien entendu, mais qui ne sont guère élevées. Donc avec droit aux bénéfices de la solidarité sociale, qu’on l’appelle allocation chômage ou autrement. Et si ce patron est vraiment trop pénible, sa réputation prendra de l’ampleur et personne ne voudra plus travailler pour lui. Il aura alors le choix de mettre la clé sous la porte ou de se remettre en question. Si par contre c’est le salarié qui a besoin de mettre de l’eau dans son vin, il se retrouvera rapidement confronté à la situation où se faire embaucher deviendra très compliqué et il aura alors lui aussi à choisir entre se remettre en question ou se débrouiller par lui-même pour faire autre chose. La liberté de se séparer doit aller dans les deux sens. Quand chacun sait que l’autre a la liberté de partir si ça se passe mal, chacun est davantage enclin à faire les efforts humains nécessaires pour que les relations soient satisfaisantes. Il ne faut jamais oublier qu’une entreprise est avant tout une aventure humaine. Quidam : C’est une façon assez différente d’envisager les relations au travail. Ce n’est pas l’habitude qu’on en a depuis ces dernières décennies en France. PG : C’est pourtant assez proche de ce qui a existé pendant les trente glorieuses où celui qui perdait son emploi le matin en avait trouvé un autre le soir. Mais c’est surtout l’affirmation de la liberté et de la responsabilité des individus, quel que soit le côté où il se trouve : employeur comme employé. Ce n’est finalement qu’une vision humaine des relations entre les individus. Il faut cesser de raisonner comme au Moyen-âge. La position hiérarchique n’est qu’une fonction sociale, pas l’affirmation d’une supériorité quelconque. Il n’y a plus ni seigneurs ni serfs. Chacun a son rôle à son niveau et le patron n’est ni plus ni moins respectable que l’employé. Il faut donc faire un peu évoluer les mentalités et la législation en ce sens. D’ailleurs, à propos d’évolution législative, et dans la droite ligne de la lutte contre les privilèges, je suis gêné par la multiplicité des conventions collectives qui accordent des avantages aux uns mais pas aux autres, selon la branche professionnelle dont vous dépendez, voire selon que vous êtes cadre, agent de maîtrise, technicien, employé, etc. Ce qui est justifié doit être intégré au code du travail, le reste doit disparaître. Comment estomper les castes corporatistes sans abolir ce type de privilèges sectoriels ? Quidam : C’est un nivellement que vous prônez. Certaines dispositions spécifiques à certaines professions sont pourtant parfois justifiées. PG : Pas un nivellement mais une équité. Et parfois effectivement, certaines dispositions sont justifiées. Mais raison de plus pour les intégrer au code du travail. Ce sont les députés qui font la loi. Pas des accords entre des syndicats divers. Lorsqu’ils identifient une lacune législative, qu’ils jouent leur rôle de lanceur d’alerte, proposent des solutions, mais laissent ensuite au pouvoir législatif le soin d’édicter les lois. Par exemple, il y a un domaine où je trouve que la législation fait défaut et dont les syndicats auraient pu se saisir s’ils étaient moins clientélistes : la recherche d’emploi. Prenez le cas du processus de recrutement. Une annonce parait, la candidature est envoyée, ce qui se fait de plus en plus par e-mail. Et boum, vous recevez en retour un lien vers le site du recruteur où il vous fait saisir dans sa base de données tout un tas d’informations déjà présentes sur le CV que vous avez envoyé. Ca agace. Alors qu’il leur suffit de lire votre CV. Et vous pouvez passer beaucoup de temps à faire ce type de secrétariat inutile. Si vous souhaitez contourner le problème en envoyant votre candidature par la poste, ce qui est plus long et plus coûteux, alors mieux vaut faire une croix sur tout un ensemble d’emplois pour lesquels le fait de ne pas avoir d’accès à Internet est considéré, bien que ça ne se dise pas, comme un critère rédhibitoire. Je pense judicieux, dans une société désireuse de favoriser l’accès au travail, que ce grand fichier central dont nous avons déjà parlé et dont j’appelle la création soit doté d’un chapitre emploi qui remplace, en les excluant, toutes les bases de données des divers recruteurs, cabinets, administrations ou entreprises. Toute personne en recherche d’emploi, qu’elle soit en poste ou pas d’ailleurs, y active son profil de candidat et complète toutes les informations nécessaires une fois pour toute, dont certaines, comme l’état civil et l’historique des employeurs, peuvent d’ailleurs être recoupées avec le reste du fichier pour en garantir la véracité. Le candidat peut alors faire acte de candidature avec son CV et sa lettre de motivation, sans plus avoir à remplir son profil sur chaque site spécifique de chaque recruteur, à qui il ne fournit plus que son matricule national permettant d’accéder à son profil centralisé. En contrepartie, le recruteur dispose d’une base plus exhaustive que la sienne pour faire de la recherche spontanée parmi les personnes au profil actif, donc ouvertes à proposition, tout en ayant davantage de fiabilité quant aux informations de bases sans besoins de réclamer divers certificats de travail très facilement falsifiables. A charge ensuite pour les recruteurs de gérer par leurs propres soins leur propre base complémentaire en correspondance avec ce fichier central, par exemple pour y inscrire le résultat d’entretiens divers. Et si ce fichier est bien fait, et il n’est pas bien compliqué quand même de faire la synthèse de ce qui se fait de mieux dans les divers sites de recherche actuels, toutes les annonces convergeront naturellement vers ce support pour plus d’efficacité des recrutements et des recherches d’emploi. Quidam : Je soupçonne que vous ne pensiez pas du tout vous inspirer du site actuel de Pôle Emploi ? PG : Mon dieu, non. A quoi ont-ils pensé en faisant ce site, on se le demande ! Mais poursuivons maintenant avec la phase suivante d’un recrutement. Le candidat envoie sa candidature. Le recruteur la trouve intéressante et le fait venir en entretien. Puis peut-être une deuxième fois avec quelqu’un d’autre, voire une troisième fois. Lorsqu’il s’agit d’un recrutement local, ça ne pose guère de problème. Mais lorsque les candidats viennent d’un peu partout dans le pays, ce n’est pas pareil. L’usage veut que le premier entretien soit à la charge du candidat, au motif que c’est lui qui demande à être reçu, mais que les suivants soient à la charge de l’entreprise au motif que c’est alors elle qui est demandeuse de l’entrevue. Mais ce n’est qu’un usage. Et tous les cas sont possibles en la matière. De l’entreprise qui prend en charge le coût de déplacement dès le premier rendez-vous à celle qui vous en colle trois sans rien prendre en charge. Il y a aussi le cas du candidat qui traverse la France à la demande d’un cabinet de recrutement pour se faire dire à l’arrivée que le poste est déjà pourvu mais que le consultant souhaitait quand même le voir pour d’éventuelles futures opportunités. Parfois ces futures opportunités sont bien réelles, parfois non. Mais traverser le pays à ses frais pour si peu, ça énerve sérieusement. En Allemagne, l’entreprise a obligation de prendre en charge le coût du déplacement dès le premier entretien. Et ça a du sens. Tout comme a du sens l’argument selon lequel, sur un dossier de candidature, le candidat peut bluffer pour se faire convoquer et que c’est alors un coup pour rien pour l’entreprise. Les abus peuvent aller dans les deux directions. Ce qui explique qu’un dossier de candidature en Allemagne requiert de joindre copies de tous ses diplômes et certificats de travail afin d’éviter ce genre de bluff. Ce problème disparaîtra évidemment avec notre fichier central validant le parcours du candidat, non en termes de contenu de poste, mais du moins en termes de réalité de ceux-ci, des employeurs et des périodes d’emploi. Alors le juste compromis me semble être de rendre obligatoire pour l’entreprise de prendre en charge la moitié du coût du premier déplacement et la totalité des éventuels suivants. Bien sûr, je parle des coûts normaux, pas de la lubie de se déplacer en avion ou en voiture de location alors que le train dessert la destination. Quidam : Voilà qui risque de défavoriser les candidats lointains par rapport aux candidats plus proches. PG : Si c’est le cas, les candidats locaux cherchant de préférence dans leur région s’en réjouiront. Mais je ne crois pas que ça importe vraiment lorsque vient le moment de choisir le meilleur candidat, ce qui est bien le souci des entreprises. Par contre, vous verrez les recruteurs, notamment les cabinets, changer leurs méthodes pour développer davantage les entretiens téléphoniques ou par webcam avant de faire déplacer un postulant. Il est assez lamentable de constater à quel point ils sont réfractaires à profiter des nouvelles technologies de communication. L’entretien physique me semble indispensable à un moment donné, mais pour un premier rendez-vous d’un processus de recrutement qui en prévoit plusieurs, comme c’est courant pour des postes comportant des responsabilités, il me semble très superflu. Et à l’heure où la mode est au bilan carbone des déplacements, les écologistes ne pourront qu’appuyer cette mesure. Quidam : Et quid de ces sujets récurrents sur les discriminations en tout genre, les questions raciales, l’âge, etc. Pour une embauche par exemple, pensez-vous qu’il faut imposer une procédure de recrutement à base de CV anonyme, sans âge ni photo ? PG : Ma position est assez simple sur ce point et vous devez la pressentir en fonction de ce que j’ai déjà dit. Si un patron ne veut pas de vous, je trouve très contreproductif de chercher à vous imposer à lui. Un CV sans photo pour masquer la couleur de peau ? Vous préférez vous déplacer, avec le coût afférent à votre charge, avant que le recruteur ne s’en rende compte et que le résultat ne soit le même que s’il y avait eu une photo ? Ridicule ! Et puis quand vous avez à choisir entre plusieurs candidats, seul un recruteur très imbécile dira clairement que telle personne a été écartée pour sa couleur de peau. Idem pour ce qui est de masquer votre âge ou un nom de famille trop marqué géographiquement. Aucune mesure de ce type ne résoudra ce genre de discrimination. Seule l’évolution des consciences apportera une solution. Et bien sûr le plein emploi qui réduira l’embarras du choix du recruteur et favorisera l’intégration de tous. Désolé pour la Halde et autres organismes de lutte contre les discriminations, mais ils ne servent pas à grand chose. Voire ils deviennent carrément contreproductifs lorsqu’ils cherchent à imposer une discrimination positive… alors précisément qu’ils sont là pour lutter contre toute discrimination. Mais ils voient malheureusement leur mission à sens unique, et ne perçoivent pas non plus à quel point ce type de mesure est dévalorisant pour les personnes qui en bénéficient et qui ne sont plus considérées pour leur compétence, mais traitées comme des handicapés recrutés par obligation de quota. Non, c’est vraiment nul comme principe. La solution ne viendra que de l’intégration et de l’évolution des mentalités. En France, il est interdit de tenir des fichiers comportant des références aux caractéristiques raciales ou d’origine géographique. En Angleterre, au contraire, ils cultivent cette diversité et en sont fiers tant ils sont conscients de s’enrichir mutuellement de ces différences. Alors cessons de jouer à l’autruche. Que les racistes restent avec leurs idées étroites, en attendant que ça leur passe. Et occupons-nous plutôt de favoriser l’intégration naturelle. Quidam : Inutile de vous interpeller sur la parité, je suppose que vous aller tenir le même discours que pour la discrimination positive. Par contre, pour la différence de rémunération entre hommes et femmes. C’est un problème différent. Comment résoudre ce problème ? PG : Pourquoi faudrait-il le résoudre à la place des femmes ? Il appartient à chaque femme de justifier de sa valeur au travail, tout comme chaque homme doit le faire également. Si une femme se trouve insuffisamment valorisée dans un emploi, alors qu’elle le prouve en trouvant un autre emploi mieux payé ou en créant sa propre activité professionnelle. Et si elle a accepté tel poste et tel salaire au départ, elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Il est une loi en économie qui stipule que « un bien n’a de valeur que ce que quelqu’un est prêt à en offrir ». En résumé, pas d’acheteur, pas de valeur. Si personne ne vous propose un meilleur emploi, c’est que vous ne valez pas autant aux yeux d’autrui que ce que vous imaginez. Mais il est clair que, là encore, une politique de plein emploi est un facteur fondamental pour faire évoluer les choses, tout comme les guerres mondiales en leur temps ont contribué à émanciper les femmes en leur faisant reprendre les rôles sociaux et professionnels des hommes partis au front. Et nous verrons bien dans le futur si, en tant que société, nous avons acquis la capacité à évoluer de notre propre volonté plutôt que sous le coup de guerres et autres situations de chaos. Quidam : Globalement, ce que vous évoquez à l’air plutôt plaisant à entendre, mais vous y mettez beaucoup de conditions qui ne sont pas actuellement réunies, à commencer par le plein emploi. PG : La vie d’une société est un tout. Aucune mesure, prise isolément, n’a la capacité à changer grand-chose. C’est l’ensemble des mesures qu’il faut considérer pour permettre la solution à un problème donné. C’est une remise à plat globale qu’il faut effectuer. Et sans avoir peur de se confronter aux sujets considérés comme sensibles, parce que souvent, ils sont primordiaux. Ce qui est d’ailleurs ce qui les rend sensibles. Ainsi en va-t-il de cette question du plein emploi qui n’est pas de celles qui se résolvent en une phrase. Elle implique d’aborder encore plusieurs sujets dont nous n’avons pas encore discutés : l’organisation du travail, le traitement du chômage, les retraites, la monnaie au niveau national et international, bref, le reste de la vie sociétale en général. Alors par quoi voulez-vous continuer ? 21 : retraite Quidam : Eh bien poursuivons avec les retraites. Car s'il est un sujet sensible dans la société et sur lequel s'affrontent régulièrement les gouvernements successifs, l’opposition du moment et les syndicats, c'est bien celui-là. Quelle solution proposeriez-vous à ce problème délicat ? PG : Le débat sur les retraites se borne à des oppositions quant à l'âge de départ et au comment financer les pensions. On peut schématiser les débats en les résumant à deux positions essentielles. D'abord la position des gestionnaires selon lesquels l'âge de départ en retraite doit se déterminer en fonction d’une équation reposant sur l'espérance de vie et la capacité de cotisation des actifs. L'objectif est de parvenir à trouver un équilibre entre les rentrées de cotisations et les pensions versées. Du coup sont faites des hypothèses de croissance, de taux de chômage, d'évolution de la démographie, etc., afin de sortir un chiffre magique du chapeau. Ensuite la position des profiteurs selon lesquels les statistiques doivent servir à déterminer l’âge à compter duquel les gens ne sont en moyenne plus en état de santé suffisant pour « profiter » de leur retraite, et donc réclamer que la date de départ soit fixée quelques années avant, ou en tout cas maintenue à son niveau actuel malgré l’allongement de la durée de vie et de l’espérance de bonne santé. C’est un prolongement direct de la logique dominante dans notre société de loisirs où les gens veulent pouvoir profiter de leur temps. Dans cette optique, l’âge de la retraite ne peut qu’être avancé, éventuellement maintenu, mais en aucun cas reculé. Et de fait, leur discours porte sur les seules sources de financement afin de trouver qui ils vont pouvoir voler pour pouvoir se payer leur statut de rentier. Quidam : Voler ? Le mot est ici particulièrement fort et semble donner votre opinion sur ce débat. Vous favorisez donc la logique gestionnaire ? PG : Absolument pas. Je considère que les deux points de vue ont des arguments à prendre en considération, mais qu’ils sont tous les deux à côté de la plaque et ne résoudront rien parce qu’ils ne posent pas les bonnes questions. Le point de vue des gestionnaires ne peut être ignoré. Il y a, à l’évidence, besoin d’un équilibre de gestion si nous voulons que le système soit pérenne et éviter de replâtrer les choses à chaque nouveau gouvernement tout en laissant toujours la grande remise à niveau au bon soin du suivant. Le système actuel des retraites a été basé sur le principe de répartition, mais surtout et avant tout sur le principe de la fuite en avant. Il se base sur une espérance de perpétuelle croissance, permettant aux cotisations des actifs de financer les pensions des retraités. Or la seule chose qui soit en perpétuelle croissance, c’est bien le déséquilibre introduit à l’origine. Il y a de moins en moins d’actifs du fait de l’augmentation du chômage, et de plus en plus de retraités du fait de l’augmentation de la longévité. Tout le monde reconnaît que ce n’est pas tenable et doit être modifié, sauf qu’ils ne sont pas d’accord sur le comment. Mais, pour un gouvernement, chef de file du camp des gestionnaires, faire de nouvelles hypothèses toujours aussi erronées car volontairement trop optimistes pour limiter les ajustements du système et les rendre politiquement acceptables est une vaste hypocrisie qui ne fera que reporter au lendemain de la prochaine élection le soin d’un énième ajustement et qui sera alors plus sévère. Face aux gestionnaires, les jeunes ne sont pas contents sous prétexte que repousser l’âge de départ en retraite augmente le chômage qui les touche. C’est une inquiétude légitime, mais qui est hors sujet ici car elle relève du traitement du chômage et de l’organisation du travail et non de celui des retraites. D’ailleurs on peut leur objecter qu’à peine un peu plus d’une personne sur cinq est encore en activité au moment de prendre sa retraite tant l’emploi des seniors est un problème aussi aigu que celui des jeunes. Si bien que la réduction des postes disponibles pour les jeunes qu’engendrerait un éventuel report de l’âge de départ en retraite ne serait pas si marquante que ça. Quidam : Mais alors, à l’inverse, cet argument vaut aussi contre le camp des gestionnaires, tant on peut s’interroger sur l’intérêt qu’il y a à repousser cet âge de départ en retraite si la grande majorité des personnes concernées sont déjà au chômage ou dans des mesures diverses de préretraite. PG : Absolument ! Ce n’est que transférer sur les caisses d’allocations chômage une partie du déficit des caisses de retraite. Mais pour revenir aux jeunes, curieusement d’ailleurs, je ne les entends jamais, dans leurs discours stéréotypés et simplistes faute de vécu pour savoir vraiment de quoi ils parlent, aborder le sujet de l’augmentation des cotisations qu’ils auront à supporter, si le système n’est pas modifié, lorsqu’ils auront enfin un travail. Evidemment, ils se joignent aux profiteurs pour réclamer de trouver « d’autres sources de financement », d’autant qu’ils ont été élevés dans la logique de cette société d’abondance et de loisirs et s’attendent donc à tout recevoir sans avoir à le mériter. Votez Papa Noël ! Les régimes spéciaux qui partent à la retraite bien avant les autres ne sont pas contents non plus, mais je les excuse : c’est une déformation syndicale. Ils ont obtenu leurs avantages grâce à leur force corporatiste de mobilisation et de nuisance, et ne peuvent résister à l’envie de le rappeler à la moindre occasion. Même quand ils bénéficient de privilèges éhontés au regard de l’évolution de leurs métiers qui ne justifient plus du tout les contreparties octroyées en un temps très différent. Il leur manque juste le sens des réalités pour ressentir la honte d’avoir tant de privilèges par rapport à ceux qu’ils prétendent aider en soutenant leurs revendications, revendications qui ne les concernent pas mais dont ils craignent qu’elles ne les concernent un jour. Et je rajouterais « à juste titre » car il faut bien de la lâcheté politique pour refuser de considérer globalement et tous travailleurs confondus le problème des retraites. La mentalité de cloisonnement et de privilèges corporatistes est encore très forte dans ce pays. Quidam : Il est clair qu’il est assez choquant de voir défiler pour la défense de la retraite à 65 ans, des gens qui la prennent à 55 voire à 50. PG : Je ne vous le fais pas dire ! Donc globalement, ce camp des profiteurs dit qu’il veut « profiter » de la vie. Et c’est une revendication légitime que de vouloir goûter le plaisir d’exister. Sauf que s’il faut attendre la retraite pour ce faire, c’est qu’il y a un gros problème. Toujours est-il qu’ils proposent de résoudre l’impasse des retraites en instituant des taxes nouvelles permettant d’étendre les sources de financement, comme par exemple établir des cotisations sur les profits financiers des marchés, des spéculateurs, des supposés riches, etc. Mais quand le camp des gestionnaires, par gouvernement interposé, leur propose de compléter le financement des retraites par des fonds de pension qui permettraient justement de capter une partie des profits du monde de la finance au bénéfice des retraités, là ils ne sont pas d’accord, au nom du dogmatique principe de la sacro-sainte retraite par répartition et ce malgré toutes les limites qu’il démontre depuis tant de temps. Evidemment, la rentabilité de fonds de pension est aléatoire, et ils peuvent même perdre leur capital en cas de crise financière et de mauvais placements comme l’ont constaté nombre d’américains en 2007 et 2008. Alors voilà le problème : les profiteurs veulent l’argent du beurre mais sans le risque de faire tourner le lait. Il n’est pas très cohérent de critiquer les profits du monde de la finance tout en refusant d’aller faire pareil sous prétexte que ça peut être risqué. Pourtant ce genre de contradiction n’arrête guère les profiteurs qui ont été élevés dans la mentalité Robin des Bois : prendre aux riches pour se croire riche aussi. Finalement, laissez tomber Papa Noël et votez plutôt Iznogoud : devenir rentier aux frais des rentiers. Un autre point contradictoire dans le discours des profiteurs est qu’ils prétendent que le problème de la baisse du nombre d’actifs par retraité est un faux problème parce que l’augmentation de la productivité des salariés permet de générer suffisamment de richesse pour le compenser. Bref, ils opposent une hypothèse de perpétuelle croissance de la productivité à celle de l’évolution future de la démographie, alors qu’il me semble pourtant que cette dernière est bien plus probable que la première. Mais en parallèle, ils réclament de partir en retraite plus tôt sous prétexte que le stress et la pression au travail leur devient trop pénible. Assez curieusement, ils ne font pas le lien entre l’augmentation de cette pression au travail qu’ils dénoncent et l’augmentation de la productivité dont ils prétendent devoir profiter. Comme si cette augmentation de la productivité individuelle découlait uniquement de l’automatisation de certains postes de travail en industrie. Non. Elle vient aussi de l’augmentation de la pression que subissent les salariés, parce qu’ils doivent compenser de plus en plus de charges supportées par les entreprises. Alors il faudrait arrêter de se mordre ainsi la queue, d’abord parce que ça doit faire mal pour les rares acrobates qui y parviennent, et ensuite parce que ça n’est aucunement constructif. Quidam : Bon, mais alors s’ils ont tous tort, quelle est votre solution ? PG : Le constat est simple : si les profiteurs sont aussi véhéments dans leur opposition aux gestionnaires, c’est parce qu’ils n’aiment pas ce qu’ils font tout au long de leur existence. Leur revendication est avant tout d’être libérés au plus tôt et dans les meilleures conditions possibles de cette astreinte à devoir, pour vivre ou survivre, exercer des métiers qu’ils n’aiment pas ou qui, sans être particulièrement déplaisants, n’ont aucun attrait, et ce au sein d’une société qui ne répond pas à leurs aspirations profondes et dont ils cherchent à s’extraire dès que possible. Et même dans le cas d’un métier que vous aimez, ne croyez-vous pas qu’au bout de quarante ans, vous en aurez aussi marre, et n’aurez pas envie de faire autre chose ? N’est-ce pas plutôt ça, le vrai problème ? N’est-ce pas plutôt là-dessus qu’il faut se pencher ? Alors reprenons le concept de retraite à l’origine de sa mise en place : c’était la reconnaissance du fait qu’à un certain âge, il devient difficile d’effectuer certains travaux et que la solidarité sociale se devait de proposer à ces travailleurs trop âgés des moyens de subsistances autres que de les mettre à la charge de leurs éventuels enfants. Puis les conditions de vie se sont améliorées, les métiers sont devenus de moins en moins difficiles et pénibles, la bonne santé de plus en plus durable malgré l’avancée de l’âge, mais la retraite est demeurée inchangée. Au fur et à mesure de ces évolutions, ce sont donc des gens de plus en plus en pleine capacité physique et à l’espérance de vie encore importante qui quittent la population active pour s’engager dans la perspective d’une longue retraite, au point qu’un livre a été dédié à cette « génération inoxydable ». Retraite longue mais aussi heureuse puisque beaucoup y jouissent de moyens leur permettant de voyager et d’avoir du bon temps. Si bien que s’est développée l’idée que la retraite serait une sorte de récompense en fin de carrière, une période bonus de quelques années pour service rendu à la cause du travail, et dont il faut « profiter » avant de réellement basculer dans la vieillesse et sa longue période de déclin pré-mortem. Mais cette conception actuelle n’est qu’une dérive du concept initial. Et une dérive que j’estime inappropriée, pour ne pas dire malsaine. D’abord je l’estime malsaine parce que j’estime toujours malsain de vivre aux dépends d’autrui quand on peut faire autrement. L’individu se doit, par respect de lui-même, de s’assumer de façon autonome autant qu’il le peut, tout comme il se doit, par respect d’autrui, d’éviter autant qu’il le peut de devenir un poids pas encore mort pour les autres. Quidam : Oui, j’ai bien en mémoire ce que vous avez dit à ce sujet lorsque nous avons parlé de la mort. PG : Ca se rejoint effectivement. Mais ce côté malsain de la conception actuelle de la retraite s’exprime aussi directement au niveau de la santé de nombre d’individus. Un élément que les profiteurs se gardent de mentionner en avançant leurs statistiques sur les années pendant lesquelles on peut encore profiter de son temps libre, c’est qu’il existe un pic de décès statistiquement anormal dans les quelques années qui suivent la prise de la retraite. Et l’explication la plus plausible est psychosomatique : pour nombre de gens qui n’ont jamais rien fait d’autre dans leur existence que de travailler, la retraite s’apparente à une plongée dans le néant. Quand leur travail s’arrête, elles se retrouvent désœuvrées, face à un grand vide, et dépérissent de façon accélérée, se déclenchent des maladies graves, cancers ou autres, et meurent. Elles meurent d’ennui. Elles meurent du sentiment de n’avoir plus d’utilité dans la société, du sentiment d’être devenu des rebuts. C’est particulièrement sensible dans les professions manuelles, qui ont moins de propension à développer des activités intellectuelles, culturelles ou associatives en marge d’un travail déjà fatigant, ou encore chez certains cadres très investis dans leur carrière. Ca l’est beaucoup moins chez les enseignants par exemple, qui représentent tant de ces fringants retraités de cette génération inoxydable et dont on se demande comment des gens si bien portant peuvent être mis à la retraite. S’ils sont engagés dans des activités associatives, encore, on peut se dire qu’ils continuent d’une autre façon de contribuer au dynamisme et au fonctionnement du pays. Mais quand ils vont carrément « profiter » de leur retraite en devenant résidents à l’étranger, notamment pour « profiter » de la différence de niveau de vie existant avec certaines régions du globe où ils peuvent se sentir comme des rois, et ce tout en se réservant de revenir « profiter » du système de santé du pays lorsque la leur va mal, c’est une perte sèche pour la société au niveau humain, au niveau du déficit de la balance des paiements, et au niveau du développement de la mentalité parasitaire qui menace tant d’institutions pourtant mises en place avec la meilleure des intentions. Alors oui, je pense que la conception actuelle de la retraite est malsaine. Quidam : Les gens ne vont quand même pas travailler jusqu’à leur mort. Il y a bien un moment où il faut pouvoir s’arrêter. PG : Certains meurent au travail… Quidam : Et cynique avec ça ! PG : Parfois, oui. Mais plaisanterie à part, vous avez raison, la mort n’est pas le terme normal du travail que j’envisage. Mon point de vue est plus simple : on s’arrête de travailler quand on ne le peut plus. La seule chose qui puisse, à mes yeux, justifier une retraite, c’est une insuffisance de santé. Dès lors, la retraite ne doit rien être de plus qu’une incapacité définitive de travail engendrée par la vieillesse et médicalement constatée, tout comme peut l’être une maladie ou un accident. Il ne doit de ce fait pas y avoir de différence entre une pension d’invalidité et une pension de vieillesse, puisque ce n’est qu’une différence de causes mais pas de conséquences. La mise à la retraite ne doit donc intervenir que sur décision médicale. Tant qu’un individu est en suffisamment bonne santé, il n’y a aucune raison de le mettre à la retraite ni de lui accorder le privilège d’être dispensé de travail. Il faut tourner la page de cette mentalité de parasite prétendant avoir acquis par l’âge le droit de vivre aux crochets d’autrui, que ce soient des supposés riches de maintenant ou que ce soient des générations futures dont nous hypothéquons gravement les perspectives d’existence par notre système social aussi déséquilibré qu’irresponsable. Les baby-boomers qui profitent maintenant d’une retraite dorée après avoir connu l’effervescence prospère des trente glorieuses doivent impérativement prendre conscience que si tant d’entre eux sont actuellement amenés à devoir aider leurs petits enfants dans la galère, c’est uniquement parce que le système qui leur profite si bien est totalement inique et qu’il importe de le réformer en profondeur au plus tôt. Dès lors, le débat sur l’âge de la retraite tombe, même si naît inévitablement alors un débat sur les critères de santé à prendre en compte pour décider d’une mise à la retraite ou pas. Mais je préfère ce débat-là, car il est moins dogmatique que celui qui consiste à chercher à déterminer l’âge à partir duquel il devient légal de se faire entretenir aux frais de la société. Quidam : Alors c’est ça votre solution ? Garder les gens au travail jusqu’au 4ème âge ? Effectivement, on peut dire qu’en supprimant la retraite, vous supprimez le problème qu’elle engendre. Plus de débat sur la durée de cotisations, plus de revendications de reconnaissance des études longues, bref, table rase. Ah pour simplifier, vous simplifiez ! Mais je doute que vous fassiez beaucoup d’adeptes avec ça. PG : C’est normal, puisque nous n’en sommes qu’à la moitié de la solution. Je vous disais que le problème réside essentiellement dans le fait que les gens n’aiment pas ce qu’ils font tout au long de leur vie. Alors maintenant, c’est là qu’il faut agir : dans l’organisation de la vie professionnelle. Et en agissant correctement dans ce domaine, l’envie de retraite disparaîtra chez la majorité de nos concitoyens. Il restera forcément toujours des gens désireux de devenir rentier afin de seulement profiter sans rien avoir à faire pour gagner leur vie. Mais au moins ces gens-là seront-ils renvoyés de facto nez-à-nez avec leur problématique personnelle par le simple fait qu’ils devront se créer eux-mêmes cette possibilité : que ce soit en s’efforçant de créer quelque chose de durablement rentable comme une entreprise générant des dividendes réguliers ou un patrimoine immobilier ou encore des droits de propriété intellectuelle divers, ou que ce soit simplement en épargnant suffisamment sur la base de prévisions de durée de vie et de rentabilité de l’épargne pour couvrir leurs prévisions de besoins financiers futurs. Car c’est aussi ce qu’on peut attendre d’une organisation sociale saine : qu’elle incite ses membres à assumer leurs aspirations personnelles en adultes autonomes, c’est à dire sans attendre qu’elle s’en charge à leur place. 22 : travail et chômage Quidam : Alors que préconisez-vous en matière d’organisation du travail pour que les gens n’aient plus autant envie de vivre sans travailler ? PG : Je vois deux problématiques distinctes sur ce sujet. Le rythme de travail et la mobilité interprofessionnelle. Commençons par le premier : le rythme de travail. Partant du principe qu’il vaut mieux profiter de l’existence un peu tout au long de celle-ci plutôt que seulement un peu avant sa fin, ce n’est pas profiter de la retraite qu’il faut promouvoir mais alléger le rythme de travail hebdomadaire pour dégager davantage de temps libre en marge de la vie professionnelle. Partant du principe que la pression excessive au travail est un élément clé de l’usure ressentie à la longue et donc un élément décisif dans l’envie d’arrêter de travailler, alléger la charge de travail hebdomadaire permet de réduire le stress et donc le désagrément engendré par ce travail. Accessoirement, mais pour effet secondaire que ce soit ce n’en est pas moins un effet capital, nous constaterons aussi une amélioration de la santé générale de la population française actuellement championne du monde de consommation d’antidépresseurs. Pour paraphraser le Dalai Lama, « il est quand même assez curieux de se rendre malade pour gagner de l’argent qu’il faut dépenser ensuite à se soigner ». Travaillons pour gagner de l’argent, et dépensons-le plutôt à nous épanouir qu’à essayer d’être moins malades. Partant du principe que le travail n’est pas assez abondant pour que tout le monde en ait, jeunes, seniors, et tranches d’âge intermédiaires trop souvent oubliées mais tout aussi concernées par ce problème, réduire la durée du travail permet de le répartir entre tous, comme il faut le faire d’une ressource limitée. C’était la logique avancée par le gouvernement qui a mis en œuvre le passage de la semaine de 39 heures à celle de 35. Et c’est une bonne logique, sauf que cela a été fait avec tant de maladresses et en avançant à reculons, pris entre le désir de ne pas braquer le patronat et celui de forcer la réimplantation des syndicats dans le monde du travail en leur octroyant le monopole de signature des accords d’entreprise sur la question, que le résultat a été très contreproductif. D’un côté, les entreprises n’ont pas davantage embauché puisque la diminution d’heures travaillées ne s’accompagnait pas d’une diminution concomitante de la masse salariale. De l’autre, seules les grandes entreprises pouvaient envisager de créer de nouveaux emplois en accolant plusieurs morceaux de 4 heures non travaillés ensemble dans une même fonction. Mais elles ne l’ont guère fait vu qu’elles se considéraient déjà plutôt en sureffectif. Alors parce que réduire de 4 heures n’était pas suffisant, et parce que la quasi-totalité des accords signés prévoyaient le maintien des salaires mensuels malgré cette baisse horaire, le chômage n’a pas diminué et la réduction des heures travaillées s’est compensée par une augmentation de la pression ressentie par les salariés. C’est une journée entière de travail qu’il aurait fallu supprimer ! Et avec diminution proportionnelle des salaires. Et là vous auriez vu le chômage fondre, et les salariés « profiter » de l’existence. Et comme les chômeurs aussi consomment des antidépresseurs, moins de chômage implique une meilleure santé globale. Bref, tous ces points aboutissent à la même conclusion : travaillons moins pour vivre mieux ! Et tant pis pour ceux qui prêchent le contraire. Quidam : Bon, je comprends bien que lorsque vous dites « travaillons moins », ça ne veut pas dire plus du tout. PG : Effectivement laissons aux humoristes le soin de déformer les propos et sortir de bons mots de type « si le travail c’est la santé, sois généreux, laisse-le aux autres ». Certains métiers ne sont pas particulièrement vecteurs de bonne santé, c’est vrai, mais l’oisiveté, par contre, est certainement mère de biens des maux sinon de tous les vices. Et puis aussi, travaillons moins pour travailler mieux. C’est une chose reconnue que le travailleur à temps partiel est plus productif et globalement en meilleure forme, voire plus agréable et de meilleure humeur, que le travailleur à temps plein. Et ça tombe sous le sens. Les Pays-Bas l’ont bien compris qui ont fait un réel effort pour promouvoir le travail à temps partiel. Quidam : Pourtant, malgré tout ce qui se dit sur la cherté du travail dans notre pays, une étude a établi que les cadres français sont parmi les plus productifs au monde. Et il est précisé qu’ils sont parmi ceux qui quittent le bureau le plus tard le soir, souvent aux environ de 19 heures, contre 18 pour leurs homologues allemands, voire 17 pour les suédois. C’est donc plutôt l’inverse du temps partiel. PG : Certaines études faites depuis le petit bout de la lorgnette peuvent arriver à des conclusions très trompeuses. Une étude plus ouverte, départie des œillères propres à un sujet trop étroit, vous aurait probablement aussi fait ressortir qu’en contrepartie nos cadres français subissent davantage le burn-out, et que c’est aussi parce qu’ils se sentent ainsi usés à l’excès qu’ils veulent partir en retraite plus tôt que leurs collègues des autres pays. Alors… Quidam : Je vous le concède. Et puis, c’est vrai que le temps partiel, ça peut être sympa. Mais encore faut-il préciser temps partiel « choisi ». Ce qui est un choix déjà de privilégié, car bien peu de salariés peuvent se permettre une diminution de leur salaire. Et c’est pourquoi le temps partiel est rarement choisi en France, mais bien davantage subi. Si on réduit, ainsi que vous le suggérez, le temps de travail d’une journée par semaine, soit un passage aux 28 heures au lieu de 35, et que les salaires baissent en proportion, c’est à dire de 20%, il va falloir embaucher massivement des CRS pour contenir les émeutes. PG : Je commençais à me dire que si vous ne me posiez pas rapidement la question il allait falloir que j’aborde le sujet spontanément. Ce que vous dites découle d’un raisonnement sur la partie émergée de l’iceberg. Il faut élargir votre point de vue. Et commencer par comprendre comment fonctionne un salaire. Supposons que vous gagniez un salaire brut de 100. L’employeur retient les charges salariales d’environ 20%, pour faire simple dans un système qui ne l’est pas du tout vu que ça varie selon le niveau de salaire et le statut cadre ou non cadre. Mais il ne les conserve évidemment pas pour lui, puisqu’il les verse pour votre compte aux diverses caisses de cotisations sociales. Et vous, vous touchez donc un net de 80. Mais l’employeur, lui, paye non seulement ces 80 et ces 20, mais aussi les charges patronales que, pour simplifier dans cet exemple, je situerai forfaitairement à 35%, sachant que ça varie encore plus sauvagement de moins de 30% à près de 45%, selon les tranches de salaires, les réductions de charges sur bas salaires, la cotisation à des caisses cadre ou pas, les taux d’accident du travail spécifiques à chaque activité et qui ne sont pas forcément les mêmes au sein d’une même société, l’existence d’une mutuelle d’entreprise ou pas, la prise en charge ou pas d’une partie de l’abonnement transport en commun, l’effectif de l’entreprise qui conditionne la taxe d’apprentissage, la formation, et le versement au comité d’entreprise, les éventuels tickets restaurants, etc., etc. Ce n’est pas rien d’être technicien de paye en France, bien que ce soit un job généralement mal payé. Et les services de ressources humaines des grands groupes étrangers pâlissent quand ils découvrent ça, s’empressant de déléguer cette tâche ardue à des cabinets spécialisés. Mais passons. Donc ce qu’il faut retenir c’est que le salaire brut n’est rien. Ces 100 n’existent pas. Ce qui existe, c’est d’un côté les 80 que vous gagnez, et de l’autre les 135 que paye l’employeur au global pour votre travail. Si nous décidons que la durée légale du travail à temps plein n’est plus de 35 heures mais de 28, l’employeur, pour s’y retrouver, doit avoir une baisse correspondante de votre coût salarial, et va donc vouloir qu’il passe de 135 à environ 80% de ce montant, soit 108. Ceteris paribus, ce qui, je vous le rappelle, veut simplement dire, mais en y rajoutant un petit côté pédant taquin, « toute chose égale par ailleurs », votre net baisserait aussi dans la même proportion et deviendrait 64. Et alors là vous descendriez dans la rue au motif de ne pas pouvoir boucler vos fins de mois, et je vous comprendrais. Mais si au contraire, le ceteris paribus latin est envoyé se faire voir chez les grecs, et que l’on prend en compte le fait qu’est générée une baisse considérable du chômage et donc du besoin en cotisations correspondant, que le coût des retraites baisse également considérablement et donc itou les cotisations rattachées, que la santé générale va s’améliorer et donc aussi les cotisations de sécurité sociale, etc., alors là, ce n’est plus du tout le même tableau. Avec le coût de 108 payé par l’employeur, on peut vous maintenir votre 80. Car la différence de 28 de cotisations diverses suffira pour faire face aux besoins de la solidarité sociale. Et alors là, est-ce que vous descendez toujours dans la rue ? Quidam : Non, là, bien sûr, payé autant pour moins de travail, je ne descends plus dans la rue et je vote pour vous. PG : C’est gentil de votre part. Mais le raisonnement ne s’arrête pas là. Croyez-vous que les employeurs seront toujours aussi tentés de délocaliser si, sans changer le coût salarial, ils bénéficient d’employés plus performants et plus agréables à vivre ? Le résultat en sera, là encore, un facteur de dynamisation naturelle de l’économie. Et qui dit naturelle dit durable et saine. Contrairement à toutes ces mesurettes fiscales, exonérations temporaires, subventions diverses, qui font autant d’effet que des feux de paille tout en coûtant très cher. Quidam : En fait, ce que vous exposez se présente comme un cercle vertueux, contrairement aux cercles vicieux dans lesquels nous sommes pris actuellement. PG : C’est exactement ça. Quand le système est sain, il fonctionne naturellement et durablement bien. Quand il est boiteux, il hoquettera jusqu’à ce qu’il explose. C’est ce que fait actuellement le système rigide et mal pensé mis en place voici plusieurs décennies. Alors il est utile de penser à faire rapidement la transition vers une nouvelle organisation, plus saine parce que plus vivante, c’est à dire flexible et évolutive, avant que n’arrive l’explosion. Car cette dernière ne sera pas indolore. Rappelez-vous, et je crois l’avoir déjà dit : un changement subi dans l’urgence est toujours plus douloureux qu’un changement volontaire et anticipé. Quidam : Mais on peut imaginer que tout ne soit pas favorable dans les effets de ce cercle vertueux. Par exemple, si la durée du travail est facteur du taux de chômage, mais que beaucoup d’employeurs s’établissent en France, créant beaucoup d’emplois et donc faisant remonter la durée du travail, on risque de se retrouver à 60 heures semaine. PG : Effectivement, c’est un aspect à prendre en compte. Mais il y a deux parades faciles à ce problème. D’une part maintenir une durée normale maximale de 35 heures comme actuellement, et d’autre part agir sur le levier de l’immigration. Actuellement, nous laissons rentrer des immigrés qui ne font que créer davantage de chômage et de problèmes sociaux divers. S’il y a pénurie de travailleurs, il sera facile d’en trouver parmi les candidats à l’immigration afin de viser le maintien d’un taux de chômage d’ajustement d’environ 5%, niveau généralement assimilé à du plein emploi. Mais je parle de 5% réel, pas juste des 5% que les statistiques ne sont pas arrivées à expulser de leurs faux chiffres. Et si ce facteur d’ajustement doit rester limité de par l’objectif de réduction de la démographie nationale, alors il s’ensuivra simplement, naturellement, une pression à la hausse sur les salaires qui dissuadera l’implantation de nouvelles entreprises jusqu’à ce que s’installe un équilibre. Par contre, il y a un vrai bémol à souligner dans ce que je viens d’exposer : le vase communiquant vertueux permettant de maintenir le net par abaissement des cotisations sociales n’est vrai que dans un système à l’équilibre. Or notre système social actuel est tout sauf en équilibre. A peu près tous les régimes sociaux, qu’ils soient de retraite, de santé, d’allocations familiales ou de chômage, sont en déficit. Alors il faudra bien intégrer ces déficits dans le rétablissement d’un système équilibré. Et cela veut dire que le passage à ce nouveau système ne sera pas un simple glissement naturel et indolore, mais devra être le résultat d’une volonté de retour à un équilibre. Et qui dit volonté dit effort. Il y a forcément un moment où il faut aussi payer le prix de son inconséquence passée. C’est pourquoi à un moment donné, il va falloir cesser de raisonner en cloisonnant les problèmes, ici la retraite, là la maladie, etc., parce que au final, ce sont les impôts directs et indirects qui font l’ajustement des déséquilibres. Et tous ces déficits sociaux, ne sont jamais que des filialisations comptables à intégrer au déficit budgétaire national. Mais laissons ce problème d’une réorganisation plus complète de ce domaine pour le sujet plus global de la contribution et de la solidarité. Quidam : Eh bien soit, nous y reviendrons donc plus tard. Mais un mot peut-être sur ces métiers où les gens travaillent traditionnellement beaucoup. En quoi seraient-ils affectés ? PG : Vous pensez, je suppose, aux artisans, aux agriculteurs, à certains consultants, médecins ou autres professions libérales, à ces chefs d’entreprises, bref à tout ces gens qui sont maîtres de leurs heures de travail et ne les comptabilisent donc pas. Le temps de travail légal est une variable qui affecte les salariés. Toute personne indépendante reste libre de travailler comme elle le souhaite, et même de se tuer au travail si telle est l’expérience de la vie qu’elle veut faire. Certains ont besoin de se réaliser dans leur travail et s’y investissent corps et âme. Ce sont d’ailleurs souvent ceux qui supportent le moins bien le passage à la retraite et à l’inactivité. La société se doit de permettre cette liberté. Je ne prône absolument pas une organisation sociale qui empêche les gens qui veulent s’éclater au travail de le faire. Ils le pourront en se prenant en charge, comme indépendants ou patrons d’entreprise. Mais cela n’empêche pas qu’un gouvernement ait le devoir de gérer les données macro-économiques telles que le taux de chômage et qu’il ajuste la durée légale du travail salarié en conséquence. Ce n’est nullement incompatible. Et je vais même plus loin : cette durée légale du travail ne doit pas être rigide. Elle est un levier d’ajustement macro-économique piloté par le Gouvernement, mais le système doit aussi conserver au niveau micro-économique la souplesse dont a besoin une entreprise pour fonctionner. Imaginez une entreprise dont l’activité s’accroît temporairement. Si c’est un petit accroissement, elle peut avoir besoin de demander des heures supplémentaires à ses salariés. Si c’est un gros accroissement, peut-être demandera-t-elle plus d’heures supplémentaires ou peut-être préfèrera-t-elle recourir à un travailleur temporaire. Et si ça dure, là encore, quel choix fera-t-elle ? L’entreprise doit disposer de la souplesse nécessaire pour faire le choix qui lui semble le plus pertinent en fonction de règles souples et incitatives plutôt que rigides et bloquantes. Avec un système prévoyant que la première heure supplémentaire hebdomadaire soit rémunérée avec une majoration de 10% du salaire horaire, la deuxième 20%, la troisième 30%, etc., l’entrepreneur aura vite fait d’intégrer ces paramètres pour faire ses choix. Un petit accroissement impliquera des heures sup. parce que le personnel présent et formé sera plus efficace. Pour un gros accroissement, il commencera à se poser la question de former un travailleur temporaire. Et en cas d’accroissement durable, là encore il saura faire son choix. Des salariés travaillant en temps normal à un rythme correspondant à du temps partiel actuel n’auront aucun mal à absorber un surcroît temporaire de travail, voire y trouveront une satisfaction de par la rémunération complémentaire qu’ils en tireront. Le système se régulera ainsi tout seul, sans contrainte autre que de faire respecter ces dispositions. On peut juste se poser la question de fixer une limite absolue au nombre d’heures sup. acceptables dans une semaine. La dixième heure sera déjà majorée de 100%, ce qui est déjà assez dissuasif et incitatif à prendre un salarié temporaire. Mais on sait que tous les excès sont possibles et on peut très bien conserver une limite hebdomadaire absolue, fixe, comme par exemple celle existant actuellement à 48 heures par semaine. Si on se base sur une semaine normale à 28 heures, celui qui en ferait 48, soit 20 heures supplémentaires aurait un salaire multiplié par 2,5 sur la période. Il sera certainement content de recevoir sa paye. Mais pas de faire ça toutes les semaines. Quidam : Mais qu’en serait-il pour les cadres, qui font partie de ces catégories de travailleurs dont les heures ne sont pas comptées, et qui fonctionnent souvent plutôt avec des forfaits annuels en jours de travail ? PG : J’ai entendu une fois un conférencier donner une définition du mot cadre : « structure rigide entourant du vide ». J’ai une carrière d’une vingtaine d’années maintenant en tant que cadre en entreprise, et, franchement... voilà ! Mais trêve de plaisanterie. Cadre, c’est un statut honorifico-égotique qui ne veut rien dire. Il n’amène que des cotisations sociales supplémentaires spécifiques aux régimes de cadres, le droit de travailler sans compter ses heures et donc au final bien plus qu’un employé, permettant du coup à l’étude que vous mentionniez de les classer comme très productifs puisque non payés pour leur investissement en heures quotidiennes, et j’en passe. Quand j’ai négocié une complémentaire maladie d’entreprise pour les salariés et que j’ai refusé qu’il y ait un taux de cotisation différent pour les cadres et les non-cadres, je me suis fait regarder bizarrement par les représentants des assurances consultées. Et pourtant, pourquoi introduire ce genre de segmentation ? Non, pour moi, ce statut cadre est une incongruité qui doit disparaître. Certaines secrétaires ont plus de pouvoir de décision qu’un cadre. Il faut se détacher de ces considérations statutaires et se préoccuper davantage du contenu du poste et des responsabilités réelles qui lui sont rattachées, de l’autonomie décisionnelle, etc., car c’est ça qui importe pour le fonctionnement de l’entreprise autant que pour le salarié. Le reste, c’est juste bon pour se caresser le nombril. Alors exit le statut cadre, ce sont des salariés comme les autres, à soumettre aux mêmes règles que les autres. La seule exception à cela pouvant se situer au niveau de collèges spécifiques pour élire des représentants du personnel, les différences de responsabilités pouvant induire un point de vue différent sur diverses questions de la vie de l’entreprise. Et il importe que tous les points de vue puissent être représentés. Mais une telle segmentation doit se baser sur les responsabilités réelles et l’autonomie de travail, pas sur un simple statut. Et alors là, on constatera que bien des chefs de service au statut d’agent de maîtrise sont plus cadres que des soi-disant cadres. Bref, les cadres, aux 28 heures comme les autres, sous peine de les préparer au burn-out et à la dépression, en plus de créer des pénuries d’emploi à responsabilité alors que nos universités produisent régulièrement des flots d’individus diplômés en recherche de tels postes. Quidam : Justement, pensez-vous qu’une semaine de travail à 28 heures soit réaliste ? PG : Pour être tout à fait honnête, je n’en sais rien. Je n’en sais rien parce que je ne connais pas les données réelles du vrai chômage. Des chiffres sont annoncés qui sont de toute évidence manipulés pour les besoins politiques et régulièrement décriés par divers organismes estimant qu’on en est plutôt au double des données officielles. Ces dernières excluent en effet des catégories entières de travailleurs qui sont pourtant en recherche d’emploi : les chômeurs ayant commencé une formation en sont l’exemple le plus évident. Mais il y a aussi nombre de gens qui ne cherchent plus ouvertement d’emploi, souvent de guerre lasse, et ne sont donc plus inscrits au Pôle Emploi faute d’en percevoir quelque allocation, mais seraient néanmoins intéressés à en trouver, surtout avec des horaires allégés comme ça. Je gage qu’il existe encore une bonne réserve de femmes au foyer que la situation actuelle frustre de leur envie d’aller gagner leur propre argent et de contribuer ainsi à l’entretien du foyer autant qu’à ouvrir leur horizon personnel. Alors je ne sais pas si 28 heures est la bonne mesure. Peut-être est-ce 30 ? Peut-être même 25 ? Il faudra une étude complémentaire sérieuse et honnête sur ce point pour le déterminer. Le Gouvernement dispose des services nécessaires pour ce faire. Ce n’est absolument pas un problème. Il faut juste un peu de volonté politique et de transparence. Mais je pense que 28 ne doit pas être loin de ce qui convient. Quidam : Quand vous parlez de l’horaire légal du travail comme d’un levier ajustable par le gouvernement, comment l’envisagez-vous ? Parce que des ajustements fréquents rendraient très compliquée la gestion du personnel des entreprises. Augmentez le quota d’heures légales et l’entreprise se retrouve en sureffectif. PG : D’où l’importance de faciliter les licenciements afin de rendre aux entreprises la nécessaire souplesse en la matière. Ainsi que je vous le disais, de nombreuses mesures que je préconise sont liées à divers niveaux et prennent tout leur sens les unes par rapport aux autres. Il est parfois difficile, voire insensé, de les isoler et de n’en prendre qu’une sans celles qui la complètent. C’est un tout. Et vous en voyez un exemple supplémentaire ici. Mais il n’empêche que votre remarque est pertinente et permet de clarifier qu’il n’est bien entendu pas question pour le gouvernement de modifier chaque début d’année la durée légale du travail hebdomadaire. Il ne faut le faire que lorsque le taux de chômage varie de façon significative et durable. De plus, ce n’est pas parce que la durée légale du travail augmente que l’entreprise doit nécessairement augmenter les horaires de ses salariés si son activité ne le justifie pas. Car il ne faut pas être rigide. Et un salarié peut très bien avoir un horaire de travail inférieur à l’horaire légal : c’est alors du temps partiel. Libre à lui, s’il veut gagner plus mais que son entreprise n’a pas davantage d’heures à lui proposer pour augmenter son salaire, d’aller chercher un autre travail ailleurs. Tout comme il est libre de cumuler deux emplois s’il en a envie, et de se tuer au travail si tel est son souhait. C’est d’un système souple et libre dont nous parlons. Pas d’un carcan. Quidam : Et qu’en est-il du second volet de ce programme sur le travail que vous mentionniez tout à l’heure : la mobilité interprofessionnelle ? PG : Eh bien, ainsi que je vous le disais voici peu, même un travail qui vous plait, au bout de quarante ans à le faire, vous en serez lassé et aspirerez à passer à autre chose. Mais ne nous voilons pas la face, il y a beaucoup de métiers nécessaires qui ne sont un plaisir pour personne. Et il y a de nombreux métiers intéressants et utiles qui sont fatigants parce que physiquement difficiles ou nerveusement stressants. Alors évidemment, en diminuant le temps de travail hebdomadaire, l’usure physique va diminuer aussi, et ces métiers intéressants mais un peu durs pourront être pratiqués plus longtemps par ceux qui les apprécient. Toutefois cela est anecdotique et appartient à chacun. Ce qui est important, c’est de favoriser pour ceux qui le souhaitent la possibilité de changer de métier en cours de vie professionnelle, que ce soit lorsque celui que nous exerçons devient physiquement trop difficile pour notre corps prenant de l’âge, ou que ce soit simplement parce que nous avons envie de découvrir autre chose. Il est paradoxal de constater que l’humain a tendance à avoir peur du changement, alors même que c’est ce changement qui lui permet d’avancer, d’évoluer, bref de vivre pleinement au lieu de seulement survivre. Quand j’entends à la télé, généralement à l’occasion de fermetures d’entreprises, des salariés catastrophés déclarant « j’ai cinquante ans, je travaille ici depuis que j’en ai seize, et mon père et mon grand-père ont travaillé ici aussi toute leur vie avant moi ; qu’est-ce que je vais faire maintenant ? », forcément, je ne peux que compatir au choc qu’ils ressentent. Mais en même temps, je me dis que cette fermeture d’usine est une formidable opportunité pour découvrir autre chose. Ce qui peut sembler être un malheur au premier abord est peut-être en fait la chance de leur vie. Il n’est question que de se donner la peine de saisir cette chance pour passer à autre chose. Et il est donc question que la société rende plus facile de saisir cette opportunité de changement. Seulement si nous regardons la société française, nous constatons qu’elle est complètement cloisonnée. Ce que vous avez commencé à faire au début de votre carrière, il y a de forte chance pour que vous le fassiez toute votre vie. Bien sûr, il y a toujours des exemples de gens qui se sont reconvertis dans d’autres activités. Mais d’une façon générale, cela ne touche que les secteurs en manque de main d’œuvre comme le bâtiment par exemple, ou le passage à des activités autonomes comme quelqu’un qui reprend un bar ou un petit hôtel. La reconversion reste l’exception dans notre société. Et d’un autre côté, quand une annonce d’emploi attire plus d’une centaine de CV, pourquoi le recruteur irait-il embaucher celui qui cherche à se reconvertir plutôt que celui qui a déjà l’expérience du poste ? Quidam : C’est déjà cette même raison qui rend l’emploi des jeunes problématique : la concurrence des chômeurs déjà qualifiés et expérimentés. PG : Exactement. Dès lors, ce chapitre de la mobilité interprofessionnelle ne peut réussir que s’il y a une diminution conséquente du chômage vers un niveau proche du plein emploi, et donc un ajustement marquant de la durée légale du travail. Mais il faut également que l’Etat soit moteur dans ce domaine. Il y a de nombreux postes publics qui sont attribués sur concours à des jeunes qui ne connaissent pas grand chose de la vie, donc ni aux administrés qu’ils vont servir ni même simplement au fonctionnement de la société dont ils sont membres. Et on s’étonne ensuite que ces gens n’aient pas le sens du service au public, n’aient pas la maturité nécessaire pour faire face à des situations difficiles, et n’aient pas le sens des réalités auxquelles sont confrontés leurs concitoyens. Prenons le cas d’un jeune enseignant, sorti tout droit de ses diplômes et qui prétend enseigner. Mais enseigner quoi ? Transmettre du bourrage de crâne ? Quelle maturité et autorité a-t-il face à des élèves de lycée parfois plus grands que lui et à peine plus jeunes ? Que connaît-il de la vie à même pas 25 ans ? Comment s’étonner de toujours retrouver les mêmes privilégiés dans les grèves et manifestations diverses ? Outre les effets corporatistes, il y a cette façon de mettre à des postes publics, bénéficiant de statuts particuliers, des gens immatures. Dans les manifestations de professeurs, ou de fonctionnaires en général, il est tout à fait symptomatique de constater la différence de point de vue et de véhémence entre les enseignants en couple avec un collègue ou autre fonctionnaire, et ceux vivant avec un conjoint qui travaille dans le privé. C’est tellement criant de différence que ça frise la caricature. Alors que si ces postes d’enseignants, ou d’employés en général dans les services de l’Etat, ne sont ouverts qu’à des gens ayant une expérience d’au moins dix ans dans le privé, je suis bien persuadé que l’administration fonctionnera mieux et avec bien davantage de sens du service aux administrés. Je suis bien persuadé que les enseignants, forts d’un vécu, seront plus aptes à transmettre des valeurs humaines éducatives au lieu d’un simple savoir. Et enfin, s’ils deviennent enseignants vers quarante ans plutôt que dès la fin de leurs études, ils n’auront pas la même lassitude d’enseigner à l’approche de la soixantaine. Et il leur sera beaucoup moins problématique de continuer à le faire en prenant de l’âge. Surtout si on accompagne ce changement de modifications majeures dans le fonctionnement du système éducatif et dans l’attitude de leurs élèves. Mais c’est là un sujet en soi à ne pas mélanger avec celui-ci. Quidam : Soit mais c’est un sujet sur lequel nous reviendrons forcément tant il est, lui aussi, régulièrement au cœur du débat dans notre société. Alors pour en rester à la reconversion professionnelle : certains sociologues et politologues considèrent que la société française a une structure en nid d’abeille, où chaque alvéole est bien séparée des autres, et où les choses fonctionnent par rapports de force et luttes d’influences plutôt que par ouverture et transparence. PG : Effectivement, on peut faire cette analogie. J’ai mentionné plusieurs fois le problème de ces corporations organisées de façon quasi-mafieuse, fortes d’un pouvoir de nuisance leur ayant permis d’obtenir des privilèges et qui ne se privent pas de les défendre malgré la situation difficile de leurs concitoyens dont ils ne se sentent absolument pas solidaires quoi qu’ils en disent. Il y a les niches privilégiées, et le reste de la société qui les entretient. On pense aux cheminots, aux dockers, à la RATP, et bien d’autres dont j’ai déjà parlé. Alors il faut supprimer tous ces régimes sociaux différents et redonner de la cohésion à la société en les fusionnant tous. On entend toujours tous ces gens parler de solidarité. Mais solidarité, c’est un singulier. Alors ça doit être la même pour tous. Ceux qui veulent maintenir les petits privilèges de leurs régimes sociaux spéciaux devraient avoir le courage de commencer à parler des solidarités, au pluriel, pour que soit bien clair le fait qu’elle n’est pas la même pour tous actuellement. Plus libres et plus égaux, disait Orwell, mais on peut rajouter aussi plus solidaires que d’autres... puisque c’est aux frais de ces mêmes autres. Quidam : Mais en quoi la mobilité interprofessionnelle, puisque c’est notre sujet pour le moment, apporte-t-elle une réponse à ces problèmes corporatistes ? PG : La mobilité interprofessionnelle n’est pas la réponse mais une partie de la réponse à ce problème. Parce qu’elle permet d’ouvrir les horizons et donc l’esprit. Elle favorise l’empathie parce que, en permettant de pratiquer des métiers différents au lieu de s’enfermer dans un seul, elle aide à mieux comprendre autrui et les problèmes spécifiques auxquels il est confronté. Elle favorise une vision un peu plus large que lorsqu’on louche sur son petit nombril. Prenez l’exemple des cheminots qui revendiquent sur la pénibilité de leurs métiers pour partir en retraite plus tôt que le reste des travailleurs. Laissons de côté le fait qu’ils oublient de constater que cette pénibilité a considérablement diminué depuis le milieu du siècle dernier où ils semblent encore puiser leurs revendications, et posons-nous simplement la question : pourquoi devraient-ils rester cheminots toute leur existence ? Il y a forcément d’autres métiers moins difficiles physiquement vers lesquels ils pourraient, selon les talents et souhaits de chacun, être reconvertis. Pareil pour les pompiers, les agriculteurs, le BTP, etc. Il y a de nombreux métiers dont la pénibilité physique et/ou nerveuse est bien réelle. Il faut simplement s’organiser pour ne pas faire un tel travail pénible toute sa vie. Ce qu’on peut faire à 20 ans n’est pas ce qu’on peut faire à 60. Et quand on voit que de nombreux seniors américains continuent de travailler au-delà de 70 ans, bien après leur retraite, c’est bien que troisième âge n’est pas synonyme d’incapacité. Ce n’est qu’une question d’aménagement de la carrière pour ne pas arriver sur les rotules ou à bout de nerfs dès 50 ans. Permettre cet aménagement nécessite de développer et généraliser la formation continue. Il y a actuellement des outils formidables dans ce domaine, que ce soient les GRETA, l’AFPA, ou d’autres organismes. Mais il faut aussi ouvrir et adapter davantage l’enseignement supérieur pour favoriser les reprises d’études après des périodes d’expériences professionnelles. Il est probable qu’après une vingtaine d’années à faire autre chose, quelqu’un qui souhaite devenir prof de math ou juge ait besoin de réviser ses bases. Là encore, le syndrome français du cloisonnement doit être combattu. Il existe actuellement des sommes colossales dédiées à la formation continue. Et comme trop souvent, une bonne partie est bien mal employée. Car aux côtés des bons outils déjà cités, bien qu’ils aient encore une large marge de progression, il y a aussi de nombreux organismes à la qualité très discutable, voire aux objectifs parasitaires très clairs. Dans ce domaine comme dans tous les autres, dès qu’il y a des fonds publics à distribuer, il y a des profiteurs. Alors dans ce domaine comme dans tous les autres, il faudra faire le ménage qui s’impose. Quidam : Mais croyez-vous qu’une personne soit aussi productive à 75 ans qu’à 60 ? Pensez-vous que les entreprises vont vouloir de travailleurs aussi seniors que ça ? PG : Il est bien entendu qu’à partir du moment où la retraite, c’est à dire le retrait de la population active, se fait sur motif médical, celui qui est encore au travail est quelqu’un en bonne santé. Ceci dit, effectivement, on ne pourra pas s’attendre au même dynamisme que de la part de quelqu’un moitié moins âgé, encore que la nature des uns ou des autres réserve de nombreux contre-exemples. Mais si les demandeurs d’emploi sont rares, cela favorise les postes pour ces seniors. Et si l’employeur estime que cette personne est moins productive, il en discute avec elle pour s’accorder sur une réduction de salaire en conséquence. Si autant de seniors ont du mal à trouver du travail en 2010, ce n’est pas seulement à cause du chômage mais aussi parce qu’ils ont tendance à se survaloriser. Là encore, la mentalité française qui veut que le salaire ne peut jamais qu’augmenter doit être remise en cause. Il est de nombreux postes pour lesquels avoir vingt ans d’ancienneté ne confère aucun avantage par rapport à celui qui en a seulement cinq. Alors pourquoi un salaire plus élevé sous prétexte d’ancienneté ? Il est une période pendant laquelle le salarié se bonifie du fait de l’augmentation de son expérience. Mais à un moment, ça commence à stagner, l’ancienneté n’apportant plus d’avantages particuliers, jusqu’à ce que ça finisse par s’inverser, l’âge commençant à réduire la capacité de travail. Cependant, ce n’est pas parce qu’on est moins capable pour un certain poste à 60 ans qu’à 40, qu’on ne vaut plus rien pour ce poste, ni pour d’autres. C’est tout l’enjeu de la mobilité interprofessionnelle. Si on préfère rester dans le même travail, bien qu’on y perde progressivement de l’efficacité, ce n’est pas un problème, mais il faut en accepter la contrepartie : la réduction progressive de salaire. Savoir faire preuve d’une telle humilité est d’ailleurs très révélateur de richesse intérieure. Mais si on ne l’accepte pas, estimant qu’on vaut davantage, eh bien qu’on le prouve en allant décrocher un poste plus valorisant. Et puis il y a encore une chose à mentionner : un senior perd progressivement sa capacité à maintenir une bonne productivité sur toute une journée de travail, mais, si la journée devient trop longue pour lui, pourquoi ne pas simplement la raccourcir ? Rester efficace sur des demi-journées est certainement très possible. Dès lors, il faut aussi envisager de favoriser le passage à temps partiel des seniors avant la retraite complète. La baisse de salaire correspondante peut être partiellement compensée par la société, sur la base de l’estimation médicale de ses capacités, de la même façon qu’on attribue un taux d’invalidité à un handicapé. La négociation des seniors avec leur employeur ne portera plus seulement sur l’ajustement du salaire, mais aussi sur celle des horaires. Si des journées moins lourdes permettent de rester plus efficace, le salaire horaire aura moins de raison d’être revu à la baisse. A chacun de trouver le bon ajustement entre ces deux paramètres. Il a existé dans le passé des mesures de préretraite progressive mais qui ont malheureusement été supprimées voici plusieurs années. C’est bien dommage et il faut en restaurer la pratique. Un tel temps partiel n’est-il pas un excellent moyen pour une entreprise d’assurer la transmission du savoir-faire d’un salarié vieillissant mais expérimenté à un plus jeune encore en train de s’aguerrir dans le métier ? Quidam : C’est effectivement logique, présenté comme ça, mais c’est dur à avaler car encore une fois à contre-courant de ce à quoi nous sommes habitués. PG : Effectivement. Tout l’enjeu de la rénovation de notre société repose sur un changement de mentalité. Changer de mentalité pour permettre ce renouvellement, mais renouveler pour favoriser le changement de mentalité. S’il n’y a pas suffisamment de gens prêts à se remettre en cause pour entraîner les autres, alors il est inutile d’essayer de renouveler quoi que ce soit par la réforme et il faudra attendre que tout s’écroule pour rebâtir ensuite dans la douleur, et pas forcément avec autant de moyens même si avec moins de contraintes. Mais une chose est sûre : les gens se remettront en question tôt ou tard. Si ce n’est parce qu’ils en comprennent spontanément la nécessité, ce sera quand ils auront faim ! 23 : éducation Quidam : Vous stigmatisez beaucoup la mentalité française. Mais n’est-ce pas là un élément culturel propre au peuple français ? PG : Allons, bien sûr que non. Du moins, pas dans le sens où ce serait inéluctable. Cette culture française, qui produit une certaine mentalité française, n’est que le fruit d’une éducation française. Changez l’éducation et la mentalité et la culture changeront. Ce n’est qu’une affaire de temps, le temps que les générations recevant la nouvelle éducation ne prennent le pas sur les anciennes. L’éducation est la base fondamentale de toute société. Un mauvais système éducatif engendrera une société à problème. Et si on remet aussi régulièrement en cause le fonctionnement de l’Education Nationale, c’est bien parce qu’on voit tous les jours dans les dysfonctionnements de la société, qu’elle est incapable de préparer les jeunes à devenir des citoyens et à s’y intégrer. Pire, nous ne pouvons même pas nous consoler en nous disant que, à défaut de socialisation, elle est au moins efficace à propager les aptitudes de base puisque les enquêtes de l’OCDE au titre du PISA, le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves, démontrent au contraire que l’efficacité du système scolaire français est en perte de vitesse. En 2003, nos élèves de 15 ans se classaient au-dessus de la moyenne de la quarantaine de pays étudiés par l’OCDE. En 2009, ils n’étaient plus que dans la moyenne des 65 pays étudiés, alors même que les pays supplémentaires sont plutôt à considérer comme moins riches et moins développés que la France, donc avec moins de ressources à consacrer à l’éducation. De plus, au lieu d’une distribution relativement régulière entre les différents niveaux, la tendance à une segmentation entre bons et faibles, s’est nettement accentuée, preuve que notre système scolaire laisse de plus en plus d’élèves au bord de la route. Et nos jeunes se distinguent même en étant parmi les plus mauvais au niveau de la discipline. Quidam : Est-ce vraiment surprenant ? Nous constatons tous les jours la pauvreté du vocabulaire des adolescents et leur incapacité à écrire correctement notre langue. L’avènement de la méthode de lecture semi-globale fait reconnaître un mot, sans analyser les lettres, et donc sans porter attention ni à l’orthographe ni aux accords grammaticaux. Certes à terme, c’est naturellement ainsi que nous lisons, ce qui permet au cerveau de reconnaître un mot même quand les lettres sont dans le désordre. Mais apprendre de cette manière se révèle assez contreproductif quand vient le moment d’écrire. PG : Et je ne vous parle même pas de l’effet désastreux du langage SMS semi-phonétique semi-abrévié si répandu chez les jeunes. Cependant, au-delà de la forme linguistique, on constate aussi la trop grande limitation de la culture générale, quand ce n’est pas carrément de l’inculture caractérisée. Mais on ne pousse pas les élèves à apprendre pour autant. Dès que ça peut sembler un tantinet compliqué, c’est retiré des programmes. Quand ce n’est pas pour motifs politiques obscurs… Le niveau est en baisse, et le bac d’aujourd’hui n’est plus garant d’aucune capacité quelconque. L’incitation au raisonnement analytique pour résoudre des problèmes de mathématique ou de technologie est repoussée au second plan. Les profs disent même qu’ils ne font plus étudier Racine sous prétexte que son français est incompréhensible aux jeunes d’aujourd’hui qui ont déjà du mal à comprendre notre langue moderne. Mais ne sont-ils pas là précisément pour le leur apprendre ? D’autant que le « vieux françois » des visiteurs Reno et Clavier n’effraie nullement les jeunes. Et que devraient dire les anglais alors dont les vers de Shakespeare, toujours très à l’honneur outre-manche, sont encore plus en décalage avec l’anglais moderne ? Alors je ne dis pas que Racine soit un must. Je dis juste que le manque d’intérêt des élèves pour diverses raisons est une chose, mais que la démission des enseignants qui sombrent dans la facilité en est une toute autre. Réformer la société doit permettre aux jeunes de retrouver progressivement de la motivation à découvrir leur monde et à s’y intégrer, mais il faut aussi que l’institution enseignante y contribue en se remettant profondément en question. Car actuellement, comme le démontre les résultats du PISA, il n’y a vraiment pas de quoi faire cocorico. Notre coq s’est enlisé dans son tas de fumier. Or, s’il est une constante de l’histoire, c’est bien que le niveau d’éducation global est capital pour la pérennité d’une démocratie. Simplement parce qu’il favorise l’ouverture de conscience des citoyens et les rend plus autonomes, plus mûrs, plus capables de penser par eux-mêmes et donc moins manipulables. Quidam : La question de la réforme de l’Education Nationale fait partie de ces serpents de mer sur lequel nombre de ministres se sont cassés les dents. Il est bien connu que si vous voulez faire boire le bouillon à un politicien, il faut le mettre soit à l’Agriculture soit à l’Education. Alors comment faut-il réformer cette institution ? PG : A l’évidence, pas par petites touches timides mais par une remise à plat complète. Et là, rien que d’avoir dit ça, déjà des boucliers se lèvent. Car si le statu quo fait l’unanimité contre lui, tout changement n’en reste pas moins suspect. Il y a donc un gros travail d’explication à faire. Alors commençons par le rythme scolaire. D’abord, il faut que l’école, de la maternelle jusqu’au secondaire, cesse d’être un obstacle permanent à la vie professionnelle des parents. Tous ces gens bien-pensants qui nous rabattent les oreilles avec le rythme de l’enfant, rythme auquel d’ailleurs ils ne comprennent pas forcément grand chose tant les prétendus experts se contredisent les uns les autres, oublient qu’un enfant heureux c’est d’abord un enfant dont l’environnement familial est équilibré. Quand les parents doivent passer leur temps à jongler entre leurs horaires de travail et ceux fort restreints des écoles, les périodes de vacances à répétition pendant lesquelles ils ne savent pas quoi faire des enfants, les périodes de grève, de cantines fermées, de profs absents non remplacés, parfois parce que simplement en formation comme s’ils n’avaient pas assez de temps pour faire ça en dehors de leurs heures de cours, etc., comment voulez-vous qu’ils soient détendus et disponibles pour leur descendance une fois rentrés chez eux ? Et les enseignants leur reprochent ensuite de ne pas passer assez de temps avec leurs enfants ? De ne pas s’investir dans leurs devoirs ? Mais de qui se moquent-ils ? Si ces mêmes enseignants avaient commencé par travailler dans le privé avant de prétendre enseigner, ils auraient un point de vue un peu plus mesuré. Mais j’ai déjà parlé de ça et ne vais pas y revenir. Alors il faut faire de l’école, et j’y englobe les collèges et lycées, une institution au rythme complémentaire de celui des entreprises où travaillent les parents. Evidemment, cela ne veut pas dire s’adapter aux spécificités de toutes les entreprises, ni au travail de nuit ou de fin de semaine, même si la question du samedi travaillé par tant de gens peut légitimement se poser. Par contre cela veut dire accueillir les enfants de 7h00 jusqu’à 19h00, couvrant ainsi l’amplitude horaire de travail de la majorité des gens, déplacements compris, du lundi au vendredi, voire le samedi également. Fini les adolescents qui traînent dans les rues à faire des bêtises ou s’attirer des ennuis, profitant de ce que les parents ne sont pas encore rentrés. Terminé les problèmes de garde d’enfants forçant les parents à dépenser une grosse partie de ce qu’ils gagnent pour payer une nounou. L’école ne doit plus être seulement un lieu de bourrage de crâne, mais une institution bien plus vaste résolvant aussi les problèmes basiques de nombre de parents. Alors je précise, j’ai bien dit « accueil » de 7h00 à 19h00, et non « cours ». Et cela ne veut pas dire non plus présence obligatoire pendant toute cette tranche horaire. S’il est prévu par exemple que les cours et activités pédagogiques assimilées soient entre 9h00 et 17h00 par exemple pour le niveau primaire, les parents dont les horaires de travail le permettent peuvent amener leurs enfants quand ça les arrange entre 7h00 et 9h00 et les récupérer quand ça les arrange entre 17h00 et 19h00. Pour les collèges et lycées, la tranche horaire de cours et activités pédagogiques diverses sera plutôt de 8h00 à 18h00. Mais entre l’entrée et la sortie, les enfants, y compris les lycéens, demeurent au sein de l’établissement où les activités doivent être en continu sans heures mortes. Et tant pis pour ceux qui veulent sortir fumer une cigarette. L’institution scolaire contribuera au moins ainsi à leur apprendre à ne pas devenir dépendants. Quidam : Ce serait certes très pratique pour nombre de parents, mais cela veut dire aussi supprimer énormément d’emplois de gardiennes, ce qui est une source de travail pour de nombreuses mères de famille dont c’est la qualification essentielle. PG : Non, cela veut dire intégrer ces emplois au sein de l’institution scolaire. Ce n’est pas du tout les supprimer. Et comme nombre de grands-parents qui remplissent bénévolement cette fonction actuellement sont prévus d’être toujours au travail à terme, il faut bien aussi proposer une solution aux parents. Combien sont-ils actuellement à s’arracher les cheveux, ne sachant comment résoudre ce problème dans une société qui semble n’avoir pas encore dépassé le principe de la mère au foyer ? Et je ne vous parle même pas du cas des familles monoparentales... Quidam : Il resterait quand même le problème des vacances, notablement plus longues pour les scolaires que pour les travailleurs. PG : Et pourquoi donc ? En voilà une idée reçue ! Qu’est-ce qui empêche d’envisager que ces lieux d’accueil scolaire soient ouverts tous les jours de l’année, hors dimanches et jours fériés ? Dès lors, les parents n’ont plus le souci des enfants qui traînent pendant les vacances à faire des bêtises dans la rue au lieu de profiter d’activités encadrées et constructives. Car on entend peu les champions de la récrimination anti deux vitesses se préoccuper de ces parents qui n’ont pas les moyens d’occuper utilement leurs enfants pendant les vacances à répétition du rythme scolaire actuel et n’ont guère d’autres choix que de les laisser oisifs et sans surveillance pendant qu’ils travaillent. Et on s’étonne après que les jeunes des milieux dits défavorisés aient plus de mal à émerger socialement ! Avec une telle réforme, ce problème est réglé. Quidam : Alors là, vous allez me dire que vous prévoyez l’intégration des centres et colonies de vacances dans les écoles ? PG : Absolument. Avec les adaptations nécessaires, mais basiquement, c’est le principe. D’ailleurs de nombreux autres éducateurs ou animateurs proposant actuellement des activités extrascolaires diverses sont également à relier aux établissements. Non pour y internaliser tous les équipements spécifiques nécessaires à chaque activité mais pour les y intégrer en termes d’emploi du temps, de transports, etc. Car l’idée d’avoir une amplitude d’accueil beaucoup plus vaste est bien de proposer une diversité d’activités aux enfants. Le problème du rythme scolaire est toujours débattu sur le seul paramètre de la capacité des enfants à absorber le bourrage de crâne que leur impose le système éducatif actuel. Comme si au pays de Descartes, seule comptait la matière grise. C’est nul comme débat ! Alors puisque les enfants scolarisés sont, à l’exception des maternelles, réveillés toute la journée, la question est simplement de varier les activités, tantôt cérébrales, tantôt manuelles, tantôt sportives, tantôt artistiques, tantôt ludiques. Et vous verrez qu’il n’y aura plus aucun problème de rythme scolaire. Vous verrez que les enfants n’auront plus aucun besoin d’être en vacances toutes les six semaines ou à peu près comme c’est le cas actuellement. Au lieu de les abrutir par excès d’intellectualisme, ils seront stimulés par la variété des domaines à découvrir. Quidam : Avant d’approfondir justement ces questions de contenus des activités scolaires, je note que vous ne semblez pas envisager que les enfants rentrent déjeuner chez eux. Demi-pension pour tous ? PG : Effectivement, c’est bien ce que je préconise. Et demi-pension gratuite qui plus est, puisque l’école doit rester gratuite. C’est aussi la garantie, dans la mesure où on se donne les moyens que ce soit bien fait, que tous les enfants aient au moins, une fois par jour, un repas équilibré. A noter qu’un repas équilibré ne veut pas nécessairement dire avec viande, et qu’il faudra systématiquement prévoir au minimum deux types de repas : l’un classique, l’autre sans viande ni poisson, afin que toutes les confessions et croyances soient respectées, juive, musulmane, hindou, voire simplement végétarienne, ainsi que nous en avons déjà discuté. De plus, ce repas et sa préparation doivent être l’occasion d’une activité scolaire. La cuisine doit réintégrer l’école afin que les élèves apprennent à se nourrir, à connaître les aliments, à les préparer, etc. Oh, pas comme des pros. Il ne s’agit que de les initier à la cuisine. Pour ceux que cette voie tente, il restera toujours les branches spécialisées hôtellerie-restauration pour une formation plus pointue. Mais au moins tous les élèves auront-ils des bases. Vous me parliez de culture française ? La bonne cuisine en fait partie, au point d’avoir été remarquée par l’UNESCO. Il est grand temps que les enfants apprennent autre chose en la matière qu’à ouvrir des paquets de chips parce que trop de parents démissionnent du secteur nutritionnel et de l’éducation alimentaire. Et là encore, vous trouverez à terme un effet induit très positif sur la santé. Mais préparer les aliments ne suffit pas, encore faut-il aussi savoir comment on les produit. Alors il faut aussi que les élèves apprennent à tenir un potager, à faire les vendanges, récolter les fruits, qu’ils se frottent à l’élevage aussi pour voir d’où viennent les steaks qu’ils mangent, bref découvrent l’agriculture. Et cela va de pair avec le développement d’un contact concret avec la nature. C’est bien beau de dispenser des cours de sciences naturelles, mais c’est mieux de les appuyer par du concret sur le terrain. Et comme tous les établissements scolaires n’ont pas la possibilité d’avoir une exploitation agricole pour voisin, cela veut dire qu’il faut organiser des séjours de découverte agricole pour les établissements urbains, comme on peut organiser un séjour linguistique ou une sortie de ski. Si on s’en remet au salon de l’agriculture pour que les petits parisiens découvrent ce domaine, alors nous ne sommes pas au bout de nos ennuis. J’imagine que vous commencez à percevoir mon point vue. Il faut évidemment réhabiliter les travaux manuels à l’école. Un peu de plomberie, d’électricité, de mécanique, d’ébénisterie, de maçonnerie, de poterie, de travail de la pierre, etc. Combien de jeunes arrivent dans leur premier appartement et ne savent même pas monter leur table achetée en kit faute d’avoir jamais tenu un tournevis ou appris à lire un plan ? J’ai parfois l’impression que l’Education Nationale ne sait produire que des cerveaux manchots. Quidam : Il me semble que vous avez la nostalgie de l’école des années cinquante. PG : Difficile de dire ça alors que c’était bien avant que je ne naisse. Mais pour ce que j’en sais, il y avait de bons principes. Apprendre la couture, par exemple, au lieu de considérer les vêtements comme du jetable. Mais à l’époque, seules les filles apprenaient la couture. Alors que je considère que tous, fille ou garçon, doivent tout voir. Pas de sexisme. Car fille comme garçon portent des vêtements et doivent savoir les réparer, voire s’en créer pour les plus hardis. Ce n’est qu’en découvrant réellement des domaines d’activités divers que les jeunes, progressivement trouveront ce qui leur plait. Ca prend du temps de se découvrir. Et il n’est pas évident de savoir ce qu’on veut faire dans la vie à 18 ou 19 ans. Alors si en plus on n’a rien exploré de notre monde pendant ce temps, on ne risque pas d’arriver à faire un choix un tant soit peu éclairé. Et pourtant, vient un moment où il faut bien se lancer. Alors c’est aussi pour reconnaître ce droit à l’erreur qu’il faut promouvoir la mobilité interprofessionnelle à tous les âges. Une autre chose positive de l’école d’antan, c’était l’uniforme. Non seulement il favorise l’intégration en gommant les différences, mais il évite aussi les dérives vestimentaires, que ce soient celles de la dictature des marques, celles des excès de certaines modes pousse-au-viol genre string qui dépasse du jean taille basse ou décolleté jusqu’au nombril, ou encore celles des intégrismes religieux genre burqa. Avec l’uniforme, le débat est clos. Et puis, il a un autre avantage : la préservation des vêtements personnels lors d’activités très diversifiées. Car à partir du moment où nous considérons que l’école doit proposer autre chose que d’user son pantalon sur une chaise, il est bon de prévoir que la tenue soit plus polyvalente que ne peuvent l’être les goûts vestimentaires des uns ou des autres. Mais le même objectif peut aussi être atteint en se contentant de définir par un règlement national la tenue à respecter dans les établissements scolaires, bien que ce soit ensuite plus délicat à faire respecter que le port d’un uniforme. Dans les deux cas, cela n’empêchera pas de rajouter une blouse spécifique pour s’initier à la peinture, poterie, ou autres activités salissantes, voire corrosives comme la chimie. Quidam : On a beaucoup parlé du fameux modèle allemand, avec des cours le matin et des après-midis libres pour que les jeunes fassent du sport. Certains établissements le testent d’ailleurs actuellement bien qu’avec des activités sportives au sein de l’établissement plutôt qu’à l’extérieur. Pourquoi ne pas s’inspirer plutôt de ce modèle ? PG : D’abord parce que ce modèle est bâti sur le principe de la femme au foyer disponible pour servir de taxi entre les différentes activités des différents enfants. Naguère, le programme hitlérien pour la femme était « Kinder, Kirche, Küche » : les enfants, l’église et la cuisine. Les femmes aspirent certainement à autre chose, ne croyez-vous pas ? Quidam : J’en conviens. PG : Et puis surtout, ce modèle a trouvé toute sa limite avec la jeunesse actuelle. Les jeunes allemands ne vont plus faire du sport : ils jouent aux jeux vidéo, ou traînent dans les rues en faisant diverses bêtises. Le mythe a vécu. La réalité l’a rattrapé, au point que les allemands réfléchissent au passage à un modèle à la française ! Alors merci aux allemands d’avoir testé ce modèle, et à nous d’avoir l’intelligence de profiter de leurs expériences plutôt que de vouloir toutes les essayer nous-mêmes. Mais les limites de ce modèle viennent aussi du fait que le sport, même si en établissement pour libérer les parents de la fonction taxi et éviter que ceux qui n’en font pas ne traînent dans les rues, c’est bien, mais ce n’est pas tout non plus. Par contre, s’il faut s’inspirer d’un modèle venu d’outre-Rhin, c’est plutôt vers le modèle des écoles Steiner qu’il faudrait se pencher. Dans le principe Steiner, les enfants sont beaucoup plus libres pendant les premières années, celles qui correspondent au primaire, durant lesquelles ils s’épanouissent sans pression, essentiellement entre jeux, découvertes et activités d’expression artistiques. Pendant cette période, les élèves de ces écoles semblent même prendre du retard par rapport à ceux du système classique. Et pourtant, on s’aperçoit que, aux environs des premières années de collège, l’enseignement dans l’école Steiner s’intensifie et les élèves rattrapent assez rapidement le retard apparent des premières années, pour finir par avoir de bien meilleurs taux de réussite à l’équivalent allemand du bac que les élèves du système public. Alors bien sûr, on peut dire que ces élèves d’écoles Steiner sont déjà au départ des élèves dont les parents s’occupent davantage, issus de familles plus aisées puisque ces écoles sont privées et coûteuses, etc. Il n’en reste pas moins que si on fait une analogie avec la formation continue, on constate que peut être dispensée en une année à des adultes une formation équivalente à presque trois ans de cours pour des étudiants. Certes parce qu’il y a un peu moins de cours de culture générale dont on suppose que les adultes ont moins besoin, mais aussi simplement parce que le cerveau de l’adulte a déjà mis en place des repères qui lui permettent de mettre en ordre et d’intégrer l’enseignement dispensé bien plus facilement que le cerveau d’un étudiant qui a besoin dans le même temps de se structurer, au fur et à mesure de son apprentissage. Il en va de même pour les jeunes enfants qui apprennent naturellement plus vite des choses abstraites comme les mathématiques une fois qu’ils ont davantage éveillé leur cerveau par d’autres biais. Alors attention à la caricature : je dis s’inspirer de ce modèle, pas l’appliquer tel quel. Car certains élèves s’y ennuient aussi, frustrés de ne pouvoir y affûter leur intellect pendant que leurs petits copains jouent encore au barbouillage, et demandent à le quitter pour repasser vers le système classique. C’est de juste mesure dont il est encore et toujours question ici. Mais c’est bien tout le rythme d’apprentissage qui doit être repensé. Davantage d’activités d’éveil et d’épanouissement pendant le primaire, notamment les premières années, en parallèle à des matières plus intellectuelles mais dont les plus intensives sont laissées pour un peu plus tard, lorsqu’elles s’assimilent naturellement mieux. Et le tout panaché, à tout âge, d’activités de découverte de la vie réelle, des métiers manuels, de l’expression artistique, et bien sûr de sport. Le sport est essentiel dans le bon développement d’un jeune. Tous n’aimeront pas, mais le peu de sport qu’ils feront dans leur jeunesse leur profitera toute leur vie même s’ils arrêtent d’en faire par la suite. C’est un must de santé publique que de faire du sport dans sa jeunesse. Quel sport, et avec quelle intensité ? Les supposés experts sont tout sauf d’accord entre eux. Entre ceux qui disent que trop de sport trop tôt nuit au bon développement de la croissance tandis que s’il arrive plus tard il consolide au contraire le corps, et ceux qui disent que nombre de champions précoces démontrent le contraire, ma seule conclusion est que nous ne sommes pas égaux devant le sport. C’est à chacun de trouver sa voie et son dosage. Même si, à cet âge-là, on sait bien qu’il faut savoir forcer un peu la paresse naturelle de certains. Mais un peu. Il n’est pas nécessaire de les forcer à devenir champions de quoi que ce soit si ça ne leur correspond pas. Quidam : Finalement, c’est un système très libre que vous prônez. PG : Oui par certains côtés, mais pas du tout par d’autres. Par exemple, il faut développer un système qui permette aux élèves qui apprennent plus vite de continuer de progresser à leur rythme, tout comme ceux qui ont besoin de plus de temps doivent l’avoir. Au minimum, dans l’immédiat, il faut rétablir les classes par niveau pour en finir avec ce stupide principe d’égalité qui ne conduit qu’à un nivellement par le médiocre, laissant dériver les élèves moins rapides tout en écœurant les plus doués. Le cerveau n’est qu’un outil, plus ou moins affûté selon les gens. Il ne mesure nullement la qualité d’une personne. Apprendre lentement n’est pas une tare. Et ne l’est pas non plus le fait d’être plus doué pour le travail pratique que pour les matières intellectuelles. Changer l’attitude du corps enseignant à ce sujet améliorera grandement l’état d’esprit des élèves qui cesseront de se considérer comme des ratés dès lors qu’ils ont des difficultés en maths, avec toutes les conséquences sociales et personnelles que cela implique. Des classes de niveau sont donc déjà une considérable amélioration. Mais idéalement, il faut aller plus loin encore : développer des cours modulables. Quand on en termine un, on passe à l’autre. Et si on rate un ou quelques modules, il faut pouvoir le ou les repasser sans avoir besoin de redoubler aussi tous les modules de l’année qui ont été bien réussis. Ce n’est pas parce qu’on peine dans un domaine qu’on doit être freiné dans les autres. Il faut parvenir à mettre au point un enseignement à la carte. Et une telle modularité permettra aussi d’organiser différemment les congés, de façon plus libre pour chaque famille au sein de périodes ouvertes pour ce faire, ce qui contribuera aussi à réduire les traditionnels embouteillages des départs et retours de vacances. Si nous attribuons par exemple un droit à congé de dix semaines maximum par élève, dont six maximum entre la mi-juin et la mi-septembre au titre des congés d’été, un enfant d’une famille décomposée peut parfaitement passer trois semaines avec son père, et trois avec sa mère, tandis qu’un autre ne s’absentera de l’établissement que pendant trois, voire quatre, semaines de congés estivaux dont bénéficient ses parents. Fluidité, adaptabilité. Quidam : Grosse réforme en effet. Mais une telle modularité me semble bien difficile à mettre en œuvre. PG : C’est vrai... avec les méthodes actuelles. Mais ne suffit-il pas de penser à changer de siècle aussi au niveau de l’enseignement ? Expliquez-moi à quoi sert d’avoir des dizaines de milliers de profs d’histoire réinventant le même cours chaque année dans tous les collèges et lycées de France ? Alors qu’une présentation audiovisuelle, peaufinée au niveau national pour chacun des sujets prévus au programme, qui plus est avec des animations nettement moins ternes que ne peut l’être un cours magistral d’un prof devant son tableau noir, sera beaucoup plus efficace. On voit de ce type de documents historiques à la télé tous les jours, souvent sous forme de docu-fictions qui captent bien mieux l’attention des élèves. C’est tellement facile avec les technologies d’aujourd’hui. Et ce sera en plus à la longue nettement moins coûteux en personnel. Du moins pour ce qui est de la partie cours magistral. Car le lien humain entre enseignant et élève doit demeurer. Mais il me semble plus productif qu’il n’ait lieu qu’après la diffusion de la vidéo magistrale, sous forme d’une séance de discussion et de questions-réponses sur le sujet afin de rappeler les points importants et éclaircir ceux qui auront été mal compris. C’est là qu’intervient la valeur ajoutée du professeur. Pendant qu’il favorise l’échange, l’interaction et l’assimilation. Pas pendant qu’il lit un cours comme un dictaphone. Et bien évidemment, comme il n’y a pas besoin que le professeur attende à ne rien faire durant la leçon vidéo qui peut être supervisée par un simple surveillant, pendant ce temps-là, il est disponible pour faire autre chose. Des méthodes d’enseignement de ce type sont déjà utilisées dans les laboratoires de langues vivantes. Mais de nombreuses matières peuvent utilement en bénéficier. Imaginez ce principe appliqué à un cours de mathématique. Au lieu d’avoir une disparité très préjudiciable entre les profs qui expliquent bien et ceux qui expliquent mal, il n’y a plus qu’une présentation très détaillée et travaillée, au top de la pédagogie, et que les élèves peuvent revoir plusieurs fois si nécessaire. D’ailleurs, le prof qui explique mal selon un élève, est peut-être très apprécié d’un autre au fonctionnement intellectuel un peu différent. Alors il est tout aussi facile de prévoir trois vidéos à chaque fois, selon des pédagogies différentes, afin que l’élève qui ne comprend pas avec le cours de référence puisse recourir aux deux autres, à la recherche d’une approche pédagogique qui lui corresponde mieux. Pour les matières qui s’y prêtent, on peut aussi avoir des exercices par vidéos interactives. Et le professeur peut alors n’intervenir que comme appui pour les élèves les plus en difficultés, que ce soit en passant de l’un à l’autre au gré de leurs besoins et de leurs questions, ou que ce soit lors de cours de soutien plus classiques. Les élèves doués cesseront de s’ennuyer en classe et avanceront à leur rythme, les élèves intellectuellement moins doués seront efficacement accompagnés pour assimiler au moins les bases que tout un chacun doit connaître, quelle que soit l’orientation qu’ils souhaitent donner à leurs études ensuite. Et si des cours d’analyse de textes demandent davantage d’échanges en direct avec un professeur, la partie magistrale de culture générale concernant l’évolution des différents courants littéraires, elle, s’accommodera fort bien de telles techniques. Quidam : Vous avez dit « les bases que tout un chacun doit connaître ». Reprenez-vous donc le principe du tronc commun minimal déjà avancé lors de diverses réformes ? PG : Bien sûr. C’est un excellent principe. Il existe un ensemble de connaissances que l’on peut estimer nécessaires pour bien vivre dans le monde d’aujourd’hui, quelque soit le type de métier qui nous intéresse. Lire, écrire, compter, un minimum de culture générale et d’instruction civique, peut-être des bases informatiques, certainement des bases d’alimentation et de cuisine, de bricolage, voire des rudiments d’hygiène et sécurité, et de médecine, etc. Puis, au delà de ce tronc commun, les élèves, sous la supervision des conseillers d’éducation, choisiront les domaines qu’ils souhaitent approfondir. Les sciences exactes pour l’un, les lettres pour un autre, un métier manuel pour un troisième, etc. Mais à la sortie, aucun n’élève ne sera plus en échec scolaire, car chacun aura eu la possibilité de trouver sa voie. Et en fonction de sa voie, l’élève pourra ensuite suivre une formation spécialisée dans une école technique ou dans l’enseignement supérieur selon les cas, pour développer ses capacités. Cette partie-là de l’enseignement sera à rapprocher de la formation continue, même s’il n’est pas forcément souhaitable de faire des groupes communs. Par exemple simplement pour éviter les problèmes liés à la différence de maturité, notamment entre des hommes d’âge mûr et de jeunes et sexys étudiantes, voire entre des ménagères insatisfaites et des jeunes en ébullition, et vice et versa et réciproquement... inutile, je pense, de vous faire un dessin ni de lister tous les cas de figure. Quidam : C’est donc effectivement une remise à plat très en profondeur non seulement du système éducatif mais de l’enseignement même. Jusqu’à quel point cela changerait-il les choses pour les professeurs ? PG : Oh, ça changera pas mal de chose. Déjà au niveau des horaires. Ils seront à la même durée légale de travail que les autres travailleurs. Ca ne veut pas dire que tout le temps soit passé en face à face pédagogique, car les enseignants ont aussi besoin de temps de préparation, que ce soit pour les séances de questions-réponses, d’exercices et de soutien, de travaux pratiques, ou encore que ce soit pour, sinon préparer des contrôles qui peuvent l’être de façon plus centrale au niveau régional ou national, du moins en faire la correction, tant pour évaluer les élèves que pour leur expliquer leurs erreurs. Mais ça veut certainement dire être présents sur leur lieu de travail. Alors à l’évidence, sera terminée la prime à l’ancienneté du prof bien établi qui arrive à avoir tous les ans les mêmes classes et ressort tous les ans le même cours, avec le minimum de travail et le maximum de temps libre chez lui. Tout comme le principe assez incompréhensible selon lequel un prof agrégé, donc supposément meilleur au moins en savoir pur même si pas forcément en pédagogie, travaille moins tout en gagnant plus. Autre changement : à partir du moment où les enseignants ont la même durée de travail que les autres, ils auront aussi les mêmes durées de congés. On ne deviendra plus enseignant pour le plaisir de moins travailler, mais par réelle vocation. Par contre, forcément, le salaire suivra cette évolution. Encore un autre changement : en termes de responsabilité hiérarchique. Actuellement les enseignants ont une très grande liberté pédagogique avec des contrôles quasi inexistants. Une inspection annoncée à l’avance pour permettre à l’enseignant de s’y préparer ne peut en aucun cas être considérée comme un contrôle de ses compétences pédagogiques. Et si un prof est mauvais, voire passe ses frustrations sur les élèves en les dégoûtant des études, il n’y a actuellement pas grand chose à y faire. Ce n’est pas un fonctionnement acceptable. Tout comme il y a un médecin-chef dans un hôpital, il doit y avoir un professeur-chef, qui soit responsable de tous les aspects pédagogiques de l’établissement. Il formera donc un duo dirigeant avec le chef d’établissement qui est, lui, responsable de l’organisation et des moyens. Donc terminé les enseignants qui font ce qu’ils veulent comme ils veulent quand ils veulent, au détriment des élèves. Quidam : Il est vrai que de nombreux parents se plaignent de cet état de fait qui est un vrai problème. Ca fait écho à ce que vous disiez sur le côté contre-productif du statut de fonctionnaire avec garantie de l’emploi pour ce genre de métier. PG : Absolument. Mais il faut un autre changement aussi au niveau des manuels scolaires. Actuellement, chaque établissement choisit les manuels qu’il veut pour enseigner les différentes matières. Au collège, ils sont fournis aux élèves, mais au lycée, c’est à la bonne volonté des conseils régionaux qui tantôt les fournissent, tantôt fournissent simplement une aide financière, voire sont libres de ne rien faire du tout. Alors si l’école doit être gratuite, les livres doivent être fournis aux élèves des lycées de la même façon qu’ils sont fournis à ceux des collèges. Ne serait-ce que parce que c’est bien plus efficace économiquement parlant. J’ai fait une étude du cas de la région Rhône-Alpes en 2007. Cette région ne fournit pas les livres aux lycéens, mais une aide financière qui représente peu ou prou chaque année un tiers du coût neuf de ces manuels scolaires. Donc, très logiquement, cela veut dire que tous les trois ans, la région a payé un set complet de manuels par élève. Alors que ces livres durent facilement 5 ou 6 ans, voire bien plus si on en prend soin. La conclusion est assez directe : la Région Rhône-Alpes dépense par ces subventions au moins le double de ce que lui coûterait de fournir directement elle-même les manuels aux élèves. J’ai remis les détails de cette étude à des fonctionnaires de la région en charge de cette question, mais, évidemment, rien n’a changé. A la plus grande joie des associations de parents d’élèves qui voient affluer vers eux des parents forcés de s’affilier pour bénéficier soit d’une bourse d’échange soit d’un service de location des livres. C’est une manne financière essentielle pour ces associations qui du coup ne souhaitent nullement que la région change son mode opératoire, même si l’une au moins de ces fédérations a le courage de reconnaître que ce système qui leur est favorable n’est pas le meilleur pour les parents qu’ils sont censés défendre, et en demande donc, mais mollement, la modification. C’est un exemple de ce qui se passe lorsque des associations de défense d’intérêts des particuliers deviennent des institutions qui vivent pour elles-mêmes au détriment de leur mission initiale. Mais poussons encore un peu plus cette question des livres, tant pour les collèges que pour les lycées. Actuellement, les professeurs choisissent établissement par établissement, les manuels qu’ils veulent pour enseigner. Encore chance qu’il n’y ait qu’un manuel par matière par établissement et non pour chaque prof selon sa fantaisie... On constate que tel établissement va choisir comme manuel de français un livre à 15€, tandis qu’un autre va opter pour celui à 19€. Alors logiquement, la question se pose : quelle différence de qualité y a-t-il entre ces deux manuels ? L’un est-il un enseignement au rabais ? Si ce n’est pas le cas, alors pourquoi choisir l’autre qui est plus cher ? Comme ce ne sont pas les enseignants qui payent, ils ne se préoccupent guère de ces questions. Mais les parents, eux, sont en droit de s’interroger. Ces mêmes enseignants qui passent leur temps à manifester pour un oui ou pour un non au motif qu’il faut combattre l’enseignement à « deux vitesses », nous démontrent qu’ils ne sont même pas capables de s’accorder sur ce qui constitue, selon eux, la bonne vitesse, en choisissant un même manuel pour tous les établissements du pays. D’ailleurs, j’ai constaté que ce libre choix laissé aux enseignants favorisait, dans certaines matières comme les langues notamment, le développement du recours à des manuels à usage unique parce que prévus pour que l’élève y complète des mots ou des données dans des pages d’exercice. Non seulement ces manuels sont alors impossibles à revendre et constituent donc une charge financière maximale pour les parents, mais en plus cette pédagogie, compréhensible au primaire, m’apparaît totalement infantilisante au lycée, voire aussi au collège. Qu’en penser sinon que certains profs en sont à ne même plus pousser leurs élèves à écrire sur leurs cahiers ? Ce type d’ouvrage est bien évidemment à proscrire. Quidam : Je vous suis, mais comment faire mieux ? PG : La logique est qu’un manuel soit élaboré de façon centrale par le ministère en fonction des programmes de chaque classe, que ces livres soient imprimés à l’imprimerie nationale pour un coût défiant toute concurrence, et que tous les élèves et professeurs utilisent pour une même classe le même ouvrage, partout dans le pays. Désolé pour les éditeurs qui trouvent là un juteux marché, désolé pour les profs qui trouvent dans l’écriture des manuels une manne lucrative au titre des droits d’auteurs, mais si l’école doit être gratuite, ce n’est pas pour que divers secteurs économiques se goinfrent à ses crochets. Les professeurs souhaitant contribuer à l’élaboration de bons manuels scolaires peuvent le faire aussi bien en participant aux groupes en charge de les préparer, qu’en proposant leur propre version de manuel aux instances décisionnaires. Et il est bien clair que ce n’est pas un bénévolat qui est attendu ici et qu’ils bénéficieront du retour financier qu’ils sont en droit d’en espérer. Mais en regardant plus loin, cette question des manuels scolaires devra de toute façon être repensée car si elle est adaptée au fonctionnement par année actuellement en vigueur, elle s’adaptera mal à un fonctionnement beaucoup plus modulaire et souple. Il faudra plus de manuels, et plus petits, plus spécialisés, correspondant à chacun des modules. Et en plus d’en fournir un à chaque élève suivant le module correspondant, il faudra qu’ils soient disponibles en ligne sur Internet, au même titre que tous les cours magistraux par vidéos, ainsi que les exercices interactifs, etc. De la sorte, cet enseignement sera ouvert et utilisable par tous les francophones du monde, quel que soit leur âge ou leur pays. Pour ceux qui se plaignent du déclin du rayonnement de la culture française, voilà qui sera un moyen de le raviver un peu et de ressouder les liens au sein de la francophonie. Si bien que cela pourrait s’envisager comme un projet francophone, les sciences étant les mêmes sur tout le globe, même si diverses matières telles la littérature, l’histoire, la géographie, mettront des accents différents en fonction des pays. D’ailleurs, rien n’empêche que tous ces cours soient à terme également disponibles dans toutes les langues du globe afin de bénéficier à l’enseignement de par le monde. La France n’est concernée que par ses besoins propres, qu’on peut étendre à la francophonie avec la participation des pays concernés, mais l’UNESCO pourrait se sentir concerné et se mobiliser pour mondialiser un tel programme. C’est déjà cette volonté de diffuser le savoir qui a présidé à l’élaboration par Diderot et ses comparses de la première encyclopédie. Diffusion qui a d’ailleurs été fermement combattue par le pouvoir royal et religieux de l’époque, tant ceux-ci avaient conscience que le savoir affranchit. Et donc que l’éducation est aussi fatale aux régimes totalitaires, que vitale pour la pérennité d’une démocratie, ainsi que je vous le disais. Quidam : Voilà un projet séduisant. Mais vous étiez mitigé tout à l’heure lorsque j’ai dit que ça semblait un système très libre. Etait-ce seulement par rapport au renforcement de la cohérence nationale de l’enseignement, tant par les cours et les manuels préparés nationalement, que vous laissiez entendre une moindre liberté ? PG : C’est un des aspects, mais il y en a un autre encore plus fondamental : la discipline. Si ce système a pour but de favoriser l’éveil des élèves, le développement de leurs capacités propres afin qu’ils trouvent le chemin qui leur correspond le mieux, cela devra nécessairement se faire dans l’apprentissage de la vie en commun. Et donc par l’apprentissage du respect mutuel, ce qui implique de la discipline. Respect de l’autre, qu’il soit un autre élève, un enseignant, ou un employé d’entretien, aussi bien que respect des moyens matériels mis à la disposition des jeunes. Cela veut dire que les établissements scolaires doivent être sécurisés, tant par une présence adulte suffisante que par de la vidéosurveillance, qui permettra d’ailleurs aussi d’inspecter incognito les enseignants en situation réelle normale sans qu’ils puissent être en représentation exceptionnelle ce jour-là. Le respect passe aussi par l’apprentissage de l’obéissance. On ne peut envisager de faire des séjours agricoles, ou linguistiques, ni des sorties pédagogiques ou sportives, si les élèves n’ont pas intégré l’obéissance. Obéir, ce n’est jamais que respecter les consignes qui sont données, tant pour la sécurité de chacun que pour le fonctionnement harmonieux et efficace de l’ensemble. Ces valeurs étaient très présentes dans les années d’après-guerre, pour reprendre votre évocation de l’école des années cinquante, mais je dirais trop présentes car trop basées sur le châtiment corporel. Or cette partie-là de l’éducation doit, autant que faire se peut, être dispensée à la maison, par les parents, plutôt que par les éducateurs au sein des établissements scolaires. Lorsque l’on constate la faillite des parents en matière d’éducation, alors il peut être nécessaire de rectifier les dérives par une claque ou un coup de pied au derrière sans que cela n’ouvre matière à un procès. Il faut en finir avec l’effronterie de ces petits qui savent très bien que quoiqu’ils disent, l’enseignant n’a pas le droit de les toucher. Le gamin qui insulte un enseignant ou lui crache dessus mérite une bonne paire de claques. C’est pédagogique et je ne vois pas de problème avec ça, surtout lorsque la présence de la vidéosurveillance permet de valider la justification de la claque ou du coup de pied au derrière et donc prévenir les dérives d’adultes à la main trop leste autant que les protestations de parents trop protecteurs. Lorsque le raisonnement ne fait plus effet, il peut être nécessaire de se rapprocher du dressage. Au lieu de ça, certains militent pour essayer de faire passer des lois visant à interdire toute sanction, non seulement physique mais aussi psychologique ! Je vous laisse imaginer ce que ça pourrait donner… Quand la psychologie rate une marche, le bon sens est bafoué. Alors à ceux que mes raisonnements choquent, je réponds qu’il vaut mieux paraître dur en redonnant à un enfant le sens de la mesure et les repères qui lui manquent que de paraître gentil mais le laisser dériver. « Qui aime bien châtie bien » dit le proverbe que je vous ai déjà cité. Cela veut dire que l’amour vous fait un devoir de trouver la pédagogie adaptée à chaque enfant. Et pour certains, malheureusement, ça doit passer par la contrainte physique. Quidam : C’est un peu délicat pour une maîtresse dont les élèves sont plus grands qu’elle ! PG : Le problème ne se pose avec les grands que parce qu’ils n’ont pas été correctement élevés étant petits. Actuellement, vous avez raison, c’est un problème qui demandera une présence masculine renforcée au sein des établissements. Et il faudra le faire pour redresser la barre et éviter de laisser gâcher ainsi toute une génération. Mais à terme, les petits intègreront le respect et ne deviendront plus, en grandissant, une menace pour leurs enseignants. Quidam : Les enseignants se sont toujours refusés à devoir faire le travail éducatif des parents. PG : Et pour cause ! Ils sont, pour la plupart, comme les autres adultes : dépassés par ce job de parent qui est certainement le plus difficile au monde. Malheureusement, il est accessible à tout un chacun sur un simple coup de zigounette, comme pour n’importe quel chien de quartier. Alors il est nécessaire, pour la société, de s’assurer que les gens qui deviennent parents aient des bases éducatives suffisantes pour élever correctement leurs enfants. Car, et cela ne vous surprendra pas, nous constatons que nous sommes aussi inégaux face à la pédagogie et à l’éducation. Certains ont ça dans le sang, tandis que d’autres sont toujours à côté de la plaque. Certains savent imposer naturellement leur autorité, d’autres se font régulièrement déborder. Alors je suis désolé pour ceux qui n’en ont pas besoin, mais il y a urgence à rendre obligatoire des cours d’éducation parentale. Il faut organiser ça dans le cadre des circuits de formation continue. Et les gens qui sont des parents naturels pourront assister les éducateurs à transmettre aux adultes débordés par leur mission parentale, les bases nécessaires pour limiter les dégâts. Il n’est guère possible d’instituer un permis d’avoir un enfant, comme existe un permis de conduire qu’on obtient après avoir démontré sa capacité à conduire. Alors nous devons nous résigner à agir a posteriori, en palliatif, en apprenant aux gens qui en ont besoin à être parent. Il n’y a pas de recette toute faite pour ça. C’est toujours spécifique à chaque paire parent/enfant. Mais il y a des principes de base faciles à transmettre, même si toujours plus compliqués à appliquer pour quelqu’un pour qui ça n’est pas naturel et spontané. Des principes de base tels que mettre l’enfant à sa place d’enfant et non pas en faire un centre du monde avec tous les adultes à ses pieds. Comment voulez-vous qu’un enfant se trouve s’il n’est pas traité en enfant ? Comment voulez-vous qu’il se construise petit à petit et naturellement s’il est de suite mis à des positions qui ne sont pas appropriées pour son âge ? Comment voulez-vous qu’il appréhende les réalités si on lui cède tous ses caprices ? L’enfant doit d’abord apprendre à être un enfant avant de devenir un adulte. Il doit apprendre à faire la différence entre ce qui est pour les enfants et ce qui est pour les adultes. Apprendre que les adultes ne sont pas ses serviteurs et qu’il leur doit respect et obéissance. Et alors seulement les adultes pourront jouer leur rôle : être des repères sur lesquels l’enfant se construit. Mais les adultes qui ne comprennent pas ça ont probablement simplement oublié de devenir vraiment adultes eux-mêmes. Cela relève de la psychothérapie, ce qui est une démarche éminemment personnelle. Du coup, la société devra se contenter d’espérer que ces cours d’éducation parentale profiteront quand même à la majorité et que globalement les enfants seront mieux élevés et mieux à même de devenir des citoyens éveillés et respectueux. Et que progressivement, au fil du temps, la conscience éducative et parentale s’ancrera davantage en chacun des citoyens. Mais à chaque fois qu’un enfant démontrera un manque de savoir-être, il faudra que l’institution scolaire, donc la société, sache prendre le relais des carences éducatives des parents pour redresser le tir et harmoniser son comportement social. Je précise que de tels cours d’éducation parentale seront également très profitables aux populations immigrées et contribueront à leur meilleure intégration. Lorsque les parents sont trop en marge de la société, les enfants savent en profiter pour abuser. L’exemple du gamin qui mérite une bonne fessée mais se l’évite en menaçant ses parents d’appeler SOS enfants battus et de porter plainte est assez symptomatique des aberrations que peut générer une mauvaise connaissance de la société due à une mauvaise intégration. Des parents perdus face à un système social dont ils ne se sentent pas partie prenante et qu’ils craignent faute de le connaître, c’est un mauvais contexte pour grandir dans l’équilibre. Quidam : Vous insistez nettement sur la séparation entre l’âge enfant et l’âge adulte. Cela renvoie à la question de ces rites de passage à l’âge adulte que vous évoquiez tout à l’heure et dont certains sociologues déplorent le manque dans notre société. PG : Effectivement. Il fut un temps où on était un homme quand on avait fait son service militaire. Mais celui-ci a été supprimé. Grossière erreur. Il n’aurait pas fallu le supprimer mais le faire évoluer. Selon les périodes, la durée de ce service a varié, mais d’une façon générale, on retenait du service militaire que les jeunes y apprenaient à fumer et à être plus grossiers. Il est vrai qu’il y avait un nivellement par le bas assez peu constructif. Mais il y avait aussi de bons aspects : sortir du giron familial, apprendre à vivre en collectivité, apprendre la discipline de groupe, à se prendre en charge au niveau blanchisserie, à faire son lit, prendre soin de son aspect, sans parler des manœuvres dans la nature, courses d’orientation, marches, etc. Tout cela était formateur, et le jeune avait effectivement le sentiment de passer à un autre statut après avoir vécu cela. Alors très clairement, il faut rétablir un tel service. Mais sous forme de service civil plutôt que militaire. Il peut être amusant d’apprendre à marcher au pas, mais y passer des journées entières me semble de peu d’intérêt pour la vie civile. Apprendre à tirer ? Ca ne me parait pas indispensable pour vivre en société. Et certainement, ni distribution de cigarettes, ni encouragement à l’alcool. Cette année de service civil, obligatoire pour les garçons comme pour les filles, doit être orientée effectivement sur l’apprentissage de la vie en collectivité dans des similis casernes, avec discipline et rigueur de mise, mais en remplaçant les aspects typiquement militaires par des tâches orientées vers le bon fonctionnement et l’amélioration de la société dans laquelle le jeune se prépare à prendre sa place. Il y a donc lieu de conserver les aspects liés aux activités dans la nature, les marches, les courses d’orientation, apprendre à se repérer, etc., autant de choses qui peuvent être utiles pour la suite de la vie, en plus du côté sportif et ludique toujours profitable. Et selon les besoins, cela peut, par exemple, impliquer de participer à des chantiers de nettoyage de l’environnement. Mais je ne suis nullement hostile à ce que certains choisissent de consacrer cette année de service à la défense nationale et aient des activités plus militaires. Pour les autres, une simple initiation à la défense sera suffisante, bien que néanmoins nécessaire puisque cela fait partie intégrante de la vie d’une société dans notre monde et ne doit donc pas non plus être complètement évacué. Cette année de service civil doit être le prolongement de la scolarité, et donc se situer avant d’aller dans des écoles spécialisées où s’acquiert réellement le métier vers lequel on se dirige. Cela donnera, à ceux qui ne savent pas trop ce qui leur plait, une année de maturité supplémentaire avant de faire certains choix importants de leur vie. Bien entendu, pour les jeunes choisissant des voies plus appliquées et plus courtes, commençant dès le milieu de l’adolescence, cette année de service interviendra après leur formation, mais avant de se lancer réellement dans la vie active. Il est également facile d’envisager que durant cette année la plupart des jeunes apprennent à conduire, dans la mesure où le permis est également un élément important de l’intégration dans la vie active. Par les temps qui courent, sortir les jeunes de leur nid familial, qu’il soit trop confortable ou au contraire insupportable, me semble une nécessité avant de se considérer adulte. C’est comme une année d’autonomisation autant que de socialisation avant de se lancer dans le grand bain de la vie. Eventuellement cela peut aussi servir de sevrage des jeux vidéo ou autres mauvaises habitudes addictives... Je crois qu’il est important que le passage à l’âge adulte soit marqué par une période de ce type. Je gage qu’il en résultera des adultes plus adultes et une société moins infantile. Quidam : Sacré programme que tout ça. Vous disiez que l’Education Nationale ne doit pas se réformer par petite touche mais par une remise à plat complète, c’est effectivement le cas. Mais pour autant, la mise en application d’une telle réforme serait bien difficile à mettre en œuvre d’un bloc. PG : Vous avez raison. Ca ne peut se faire que progressivement. Lorsque je parlais de remise à plat, c’était pour redéfinir l’institution. Mais atteindre l’objectif ne pourra ensuite résulter que d’une démarche sur le long terme. Il faut aménager les établissements, les équiper en matériels adéquats, développer les supports pédagogiques, la modularité, et surtout aussi faire évoluer les enseignants et les former à ce nouveau fonctionnement. Toutefois, lorsque la destination est connue, l’accompagnement de toutes les phases de mutation est plus facile. Déjà par le simple fait qu’elles sont mieux comprises et donc plus facilement acceptées. Quidam : Ne croyez-vous pas qu’une telle mutation, même si nous nous accordons sur sa désirabilité, risque de déstabiliser toute une génération de jeunes dont la formation risque d’être très chaotique. N’y a-t-il pas le risque de produire une génération perdue ? PG : C’est amusant comme formulation. Car on entend précisément parler de « génération perdue » au sujet de tous ces jeunes qui arrivent si mal préparés dans la vie sociale et ont tant de mal à s’y intégrer. Alors pourquoi faudrait-il avoir peur d’un résultat qui existe déjà et que nous subissons tous ? Ce vaste projet d’évolution a pour but de nous sortir de cette situation. Oui ce sera complexe à mettre en œuvre, oui cela demandera des efforts de la part de tous, oui la montée en puissance sera inégale entre les établissements et les régions, mais la bonne nouvelle est que nos universités produisent chaque année d’excellents ingénieurs spécialisés en gestion de projets et qui trouveront à organiser ça au mieux. Avec une démarche volontaire, j’estime que c’est un chantier sur au moins dix ans, même s’il faudra une bonne génération pour qu’il trouve son rythme de croisière et sa pleine efficacité. Par contre, au-delà des déséquilibres et inégalités temporaires de cette période de restructuration, il y a surtout la question des déséquilibres structurels qui perdureront par la suite. Il est relativement facile d’envisager l’intégration de plein d’activités au sein d’un grand complexe scolaire. Mais il en sera tout autrement pour une petite école de village. Qui d’ailleurs aura des avantages en terme de contact avec la nature et activités diverses qu’une école du centre de Paris ou de Toulouse n’aura pas. Alors la société, dans ce projet de réforme, aura un choix à faire : soit accepter que certaines écoles ne bénéficient pas de tout, soit décider de développer les transports scolaires pour que tout élève ait accès à un complexe scolaire complet. Je tends à penser que cette seconde solution n’est pas très réaliste dans le primaire, et qu’il vaudra mieux accepter que les différentes écoles aient des avantages spécifiques propres à la situation de chacune. Pour les lycées, clairement, il vaudra mieux favoriser les transports pour que chaque élève ait accès à un établissement aussi complet que possible. Et pour le niveau intermédiaire que sont les collèges, il faudra faire preuve de compromis et être pragmatique. Dans les trois cas, ça implique d’assouplir considérablement le principe de la carte scolaire et de l’affectation automatique sauf dérogation d’un élève à l’établissement de son secteur de résidence. Quidam : Dans un pays qui, ainsi que vous le disiez, a tôt fait de fustiger tout ce qui peut être qualifié d’enseignement à deux vitesses, vous aller pouvoir ressortir votre slogan de faire évoluer les mentalités. PG : Surtout qu’il est toujours très cocasse de voir récriminer contre une proposition qui serait à deux vitesses alors qu’à l’heure actuelle il y en a plutôt trente-six. Il serait plus constructif de constater que n’importe laquelle de ces deux vitesses du système proposé demeure plus performante que les trente six actuelles. Mais il est tellement plus confortable de s’opposer. Car reconnaître que cette réforme globale sera une sacrée amélioration force ensuite à se bousculer pour la mettre en œuvre. Quidam : Mais, et pour les études supérieures ? Le système vous semble-t-il aussi critiquable et autant à réformer ou bien y trouvez-vous davantage de motifs de contentement ? PG : Vaste programme encore que celui de la réforme de nos universités qui sont en train de sombrer progressivement. Il y a certainement une grosse marge d’amélioration du système aussi à ce niveau, mais je me bornerai, faute d’expertise suffisante pour en parler en pleine connaissance de cause, à souligner certains points relatifs aux conditions d’études. Par exemple, l’inscription à l’université est libre, sous réserve de justifier du niveau de formation prérequis bien sûr. N’importe quel bachelier peut s’inscrire en première année de droit ou de médecine. Alors les promotions sont très chargées. Et en fin d’année, c’est là que se fait l’écrémage et que quantité d’étudiants constatent qu’ils ont fait une année pour rien. Et ce n’est qu’en deuxième année que les conditions d’études s’améliorent pour ceux qui ont vraiment la vocation pour cette filière. Si nous décrétons au contraire que les inscriptions ne sont ni libres ni gratuites, il y aura moyen de mettre en place un fonctionnement très différent. Pour les étudiants acceptés sur la base de leur dossier, donc au mérite, et dans la limite d’un numerus clausus, donc de places limitées, les études seront gratuites. Mais alors totalement gratuites : nourris au resto U et logés en cité U, sauf à ce qu’ils n’en décident autrement. Et cela veut dire aussi sans même ces petites facturations agaçantes, voire mesquines, pour des frais d’enveloppes ou des accès informatiques que pratiquent certaines facultés. Cela impliquera que les cités U gèrent leurs places en fonction du numerus clausus des facs et non plus en fonction de critères sociaux. L’étudiant en rupture de banc avec une famille aisée ne sera plus défavorisé comme actuellement en se voyant refuser un certain nombre d’avantages réservés à d’autres, peut-être moins méritants du point de vue des études, mais prioritaires de par une situation sociale familiale moins favorable. Il n’y aura donc plus de discrimination sur critère social, seul comptera le mérite aux études. En contrepartie de cette gratuité, les étudiants sont à soumettre à une clause de dédit-formation. Pour une année gratuite en université, ils seront redevables de trois années de travail au sein de la société française, ou d’administrations ou d’entreprises françaises à l’étranger. Et je ne parle nullement d’un travail gratuit compensatoire. Non. Il s’agit juste de contribuer à la société par un travail normal, rémunéré normalement. Seule dérogation possible : un accord de l’Etat pour un projet spécifique dans une destination précise, par exemple un pays en développement auquel la France souhaite apporter son soutien par la mise à disposition de compétences spécifiques. Ou encore une autorisation d’expatriation temporaire, laissant la compensation de sa formation pour plus tard, parce que les années passées à l’étranger amènent aussi un enrichissement humain de la personne et donc de la société. Quidam : C’est une façon de faire payer sans faire payer, en fait. PG : C’est une façon d’assurer un retour sur investissement. L’objectif de cette mesure est d’arrêter de former gratuitement d’excellents médecins ou ingénieurs pour qu’ils aillent ensuite s’enrichir dans d’autres contrées qui profitent de leurs talents sans avoir eu à y investir. De nombreux pays évitent ce problème en ayant un système d’universités payantes qui mettent un barrage financier à l’accès aux études. Je ne pense pas que ce soit ce qu’il y a de plus favorable pour une société qui œuvre à permettre à chacun de satisfaire son besoin de réalisation, et se doit, dans les limites du possible et du raisonnable, de donner sa chance à chacun et donc de permettre à chacun d’accéder aux moyens nécessaires pour ce faire, quelle que soit sa situation sociale de départ. En Amérique du Nord, par exemple, ça peut être très cher des études universitaires. Surtout dans les établissements de renom. Les anglais ont aussi des universités payantes mais contournent le problème autrement : l’université fait crédit aux étudiants ayant des moyens limités. Ca leur permet de n’avoir que leurs frais de vie à assumer le temps des études, et peut éventuellement suffire à leur éviter de recourir à des prêts étudiants auprès de banques. Mais ça les laisse quand même démarrer dans la vie avec des dettes. On y survit, mais je préfère mon système de dédit-formation. C’est un peu comme un crédit avec sursis. Car bien entendu, qui dit clause de dédit-formation, dit possibilité de s’en libérer moyennant indemnisation de l’Etat. Si un médecin veut aller rentabiliser sa formation à l’étranger avant d’avoir compensé le coût de sa formation par suffisamment d’activité au bénéfice de la société française, alors il indemnise l’Etat pour le nombre d’années restant à compenser et sur la base de ce que coûte en moyenne une année en fac de médecine. En guise d’exemple concret, s’il a étudié 7 ans en université et exercé 6 ans en France avant de quitter le pays, il n’a compensé que 2 années, et en doit donc encore 5. Si le coût de revient d’une année d’étude en médecine, nourri et logé, est par exemple de 10’000 Euros, il doit alors 50’000 Euros pour se libérer de sa clause de dédit-formation. Voilà qui contribuera aussi à faire prendre conscience de la valeur de ce qui a été dispensé gratuitement. Quidam : L’idée n’est pas mauvaise, tant ce problème fait débat dans divers autres pays, comme par exemple en Belgique où les autorités s’inquiètent de voir leurs facultés remplies d’étudiants français qui en saturent les capacités. PG : Oui, c’est encore un point où l’Europe a mis la charrue avant les bœufs. Les belges doivent accepter les étudiants français, mais n’ont pas de financement en contrepartie. C’est totalement illogique. L’adoption d’un tel principe de dédit-formation leur permettrait de résoudre le problème. Mais il faut une mesure complémentaire à ce système. Le numerus clausus et l’acceptation au mérite, ça a aussi ses limites et peut conduire à écarter des étudiants ayant un mauvais dossier initial mais une vraie vocation. Alors, il faut aussi un deuxième statut étudiant en parallèle : le surnuméraire, où l’étudiant se débrouille de son logement, de sa nourriture, et paye le coût de son année universitaire. Peut-être y aura-t-il quand même des chambres de libres en cité U lorsque nous aurons fait l’effort d’en avoir suffisamment pour pouvoir satisfaire plus que les 15% de la demande actuelle, mais pour l’étudiant surnuméraire, elles seront payantes. Ce statut permettra aux étudiants refusés mais qui croient en eux de s’inscrire néanmoins. Ils disposeront alors d’une chance de faire leurs preuves, et si leurs résultats sont bons, en passant en deuxième année, ils basculeront dans le statut de la gratuité. Leur dossier trop médiocre pour l’admission en première année leur aura coûté une année à leurs frais, mais puisqu’ils auront prouvé leurs aptitudes, il n’y a pas de raison de les laisser durablement dans ce statut payant. A l’inverse, un étudiant accepté dans le numerus clausus qui échoue au cours d’une année de son cursus, peut bénéficier d’une seconde chance, même si cela implique le rallongement de trois ans de son obligation de compensation au titre du dédit-formation. Mais s’il échoue une deuxième année au cours de son parcours, là, il bascule sur le statut des étudiants payants. Un bon dossier au départ doit s’accompagner d’aptitudes confirmées par les résultats. A défaut, la société cesse son investissement sur la personne. Quidam : Je crois que les premières années de droit et de médecine, typiquement très encombrées, le seraient beaucoup moins. PG : Surtout qu’à l’heure actuelle, les facultés sont encombrées de faux étudiants, inscrits en fac faute de trouver mieux à faire, et qui sont en fait plutôt de vrais chômeurs bien que non inscrits au Pôle Emploi. Avec l’organisation du plein emploi, ce phénomène disparaîtra aussi naturellement pour ne laisser dans les universités que ceux cherchant vraiment à acquérir un niveau d’études plus élevé. Quidam : D’un autre côté, les quotas imposés par ce principe de numerus clausus posent le problème de la bonne anticipation des besoins futurs. Il y a un risque d’inadéquation. PG : C’est vrai si on considère ce numerus clausus comme servant à répondre à nos besoins futurs en évitant un investissement excessif en formation dans des domaines où il manque déjà de débouchés, ça l’est beaucoup moins si on le considère avant tout comme une façon de préserver la qualité de l’enseignement. Ce n’est pas du tout le même problème d’avoir un amphithéâtre plein d’étudiants en sciences humaines ou sociales que d’avoir la même chose en chimie ou en physique. Dans le second cas, il faut prévoir suffisamment de laboratoires pour permettre à tous ces étudiants en sciences de faire les travaux pratiques indispensables à leur formation. Dans le premier, c’est plus une question de simplement avoir une grande bibliothèque universitaire. Les moyens en jeu ne sont pas du tout les mêmes. Et la dégradation de la qualité de l’enseignement du fait de la surcharge en étudiants non plus. Du coup, le numerus clausus sera forcément plus draconien en sciences exactes qu’en littérature ou en histoire par exemple. Ceci dit, préserver la qualité de l’enseignement ne doit pas conduire à former trop peu d’étudiant. Il s’agit d’adapter le nombre d’étudiants aux moyens disponibles, pas de réduire la capacité de formation de l’enseignement supérieur. Et la question d’avoir suffisamment de moyens pour assurer une légère surproduction de compétences par rapport aux besoins prévisionnels de la société est effectivement importante. Quidam : Et pour les étudiants étrangers, je veux dire ceux ne venant pas de l’Union Européenne, puisqu’ils n’auraient pas de possibilité de travailler ensuite en France pour compenser le dédit-formation, ils seraient nécessairement considérés surnuméraires ? PG : Ca dépend. L’étudiant lambda oui. Mais celui qui viendra au titre d’accords d’aide à des pays ne bénéficiant pas d’un système universitaire suffisant pour former ses élites, pourra, si son dossier fait état d’un mérite académique suffisant, rentrer dans le cadre d’un numerus clausus étranger, peut-être gratuit, peut-être partiellement payés par son pays ou par lui-même. Tous les cas sont envisageables selon les accords qui seront passés avec les pays concernés. Par contre, ceux qui seront en inscription surnuméraire devront obligatoirement, préalablement à leur entrée sur le territoire, justifier qu’ils disposent des ressources nécessaires pour faire face à leurs besoins financiers durant leur cursus d’étude. Les voir prendre d’assaut les bureaux des assistantes sociales des CROUS parce qu’ils arrivent sans rien en s’imaginant que la France va les prendre en charge, avant de s’apercevoir que ce n’est pas forcément le cas et de contribuer à créer davantage de situations misérables dans notre pays, n’est simplement plus acceptable. Quidam : Ces étudiants ne sont jamais que victimes des mêmes illusions que celles qui poussent toujours plus d’immigrés à venir en France et en Europe. Mais ne peut-il aussi être prévu, au titre de la lutte contre la misère, que les étudiants pauvres de pays pauvres, non soutenus par leurs gouvernements, peut-être pour des problèmes de discrimination ethnique fréquents en Afrique, ou pour des motifs d’opposition politique, ou de corruption, puissent aussi bénéficier d’une chance de s’en sortir par les études grâce à un peu de générosité de la France ? PG : On ne va pas relancer le débat sur le fait que la France ne peut prendre en charge toute la misère du monde, mais effectivement, cet aspect de l’aide que nous pouvons apporter à des pays moins développés ne doit pas être négligé, et ce d’autant plus que l’éducation est la seule qui soit durablement constructive pour eux, aussi bien au niveau national qu’au niveau du pays dans son ensemble. C’est pourquoi j’ai en tête une disposition qui peut, en partie au moins, répondre à votre attente. Même si l’année d’étude est gratuite pour les étudiants du numerus clausus, favoriser la possibilité de gagner un peu leur vie par divers jobs me paraîtrait une bonne chose. Et sans vouloir jouer les maoïstes, je crois que pour des intellectuels, le travail de la terre serait équilibrant. C’est pourquoi il ne me paraîtrait pas incongru de calquer le rythme universitaire sur les pics de besoins de main d’œuvre du monde agricole. Ramassage des fruits, des légumes, vendanges… Voilà des petits jobs utiles pour la société puisque notre nourriture en dépend, pas toujours faciles à pourvoir parce que représentant des pics ponctuels, et qui seraient aptes à fournir des revenus aux étudiants. Dès lors, des étudiants étrangers pauvres pourraient eux aussi, sous réserve d’être légalement admis au titre d’un visa étudiant, trouver là de quoi assurer le nécessaire vital pour poursuivre leurs études. 24 : sport Quidam : Vous restez très ferme sur l’immigration. Seriez-vous aussi ferme vis-à-vis de ces sportifs étrangers qui viennent rehausser le niveau de nos championnats ? Ou bien les considéreriez-vous éligibles à cette immigration intégrable que vous prônez ? PG : Le fond de votre question est en fait de savoir si l’argent ou la notoriété suffisent à garantir l’intégration. Quand un prince saoudien bourré de pétrodollars vient construire un palais sur la Côte d’Azur, de surcroît sans nécessairement respecter la Loi Littoral et la réglementation en vigueur sur les permis de construire, est-ce qu’il bâtit sa demeure pour participer à la société française ou bien est-ce qu’il se crée une enclave saoudienne sur la Riviera ? La question est moins flagrante pour des stars occidentales s’implantant en France, parce que le décalage culturel autant que celui des moyens déployés est moindre. Pourtant, pour eux aussi se pose la question de savoir s’ils vont apprendre la langue pour participer à la vie locale plutôt que de simplement s’entourer de serviteurs assurant à leur place le contact entre leur tour d’ivoire et l’extérieur. Alors, pour répondre à votre question, ni l’argent ni la gloire ne suffisent pour s’intégrer. Ca facilite souvent les choses, mais ça ne garantit rien. Vos grands sportifs étrangers sont donc à soumettre au même critère d’intégrabilité que n’importe qui. Et être un roi de la course de fond ne suffit certainement pas à justifier une naturalisation de complaisance, juste pour qu’une nation améliore son compteur dans la ridicule course aux médailles qui fait tant jaser les journalistes à chaque grande compétition. Par contre, évidemment, compte tenu de la notoriété associée au sport de haut niveau, les données vont s’apprécier légèrement différemment que pour un travailleur commun. Il est clair qu’ils n’auront pas de problème d’argent pour s’assumer matériellement dans notre pays, mais la question de savoir s’ils apportent quelque chose de positif demeure. Et en matière de sport de haut niveau, ce qu’il y a de positif à apporter, ce n’est pas la simple performance, mais avant tout l’exemplarité. L’exposition médiatique dont ils bénéficient les pose en effet malheureusement en modèles pour beaucoup de gens. Quidam : Pourquoi malheureusement ? PG : Parce que la notoriété et la qualité humaine sont deux choses différentes. Or on constate que trop de gens les confondent. Certains se mettent en transe à l’arrivée d’une star du showbiz comme si Dieu lui-même était apparu. Une telle adulation est profondément négative parce qu’elle procède d’une négation de soi. Une personne n’est pas meilleure que vous simplement parce qu’elle chante bien, a une belle apparence ou est célèbre. Et s’identifier à elle est le meilleur moyen de passer à côté de votre propre vie. La course aux autographes est également symptomatique d’une telle immaturité. « Oui, je l’ai vu de mes yeux vu, regarde, il a signé ce morceau de papier-toilette pour moi ! » Mais que c’est vain. Que de petitesse intérieure. Vous avez vu un beau spectacle ? Réjouissez-vous. Approcher la star pour avoir un gribouillis sur un bout de papier n’apporte strictement rien de plus. Le Bouddha disait d’ailleurs : « n’admire rien ni personne, respecte tout et chacun ». Voilà un précepte de grande sagesse dont bien des gens gagneraient à s’imprégner davantage. Ce n’est pas parce qu’on est célèbre que la moindre de nos paroles est nécessairement empreinte d’intelligence, de sagesse ou de profondeur. C’est pourquoi le Bouddha disait aussi : « ne crois rien sur la parole de quelque sage, ni sur la foi de quelque écrit ancien, mais ce que tu auras expérimenté par toi-même, cela tu pourras le tenir pour vrai ». Quand la parole d’une star pèse plus que celle d’un dirigeant élu, comment s’étonner que ces derniers cherchent à développer leur côté people pour tenter de gagner en poids médiatique, et par là même en importance politique ? Au lieu de cultiver la profondeur et la sagesse nécessaire à la bonne gouvernance d’une société ! Rien que pour avoir fait partie de l’équipe championne du monde en 1998, certains footballeurs auraient eu de meilleures chances d’être élus président en cas d’élection que des politiciens notoires. Bonjour le programme ! Voilà un vrai signe d’immaturité collective d’une société. C’est là aussi qu’on voit le poids phénoménal des média. Et comme le sport de haut niveau a échappé au domaine sportif pour devenir un spectacle médiatique majeur, il est d’autant plus important que ces dieux du stade se présentent en exemples plutôt qu’en contre-exemples. Quidam : N’exagérez-vous pas un peu ? Qu’ils fassent rêver, certes, mais les gens ne sont pas aussi influençables que ça. PG : Je rends hommage à votre foi en la sagesse humaine, mais je ne la partage pas du tout. La réalité est bien différente. Et les gens sont bien plus influençables que ce que vous voulez croire ou même que ce qu’ils s’imaginent eux-mêmes. Diverses études psychologiques ont démontré la propension de la violence omniprésente à la télévision à favoriser le passage à l’acte des esprits faibles. Parce que la raison oppose un filtre à ces histoires que nous savons être des fictions, le conscient n’est quasiment pas marqué. Mais le subconscient l’est, et, dans le cas de ces esprits faibles, érode lentement les inhibitions pour un jour déborder, engendrant agressions, viols, meurtres. Ca fait longtemps que l’industrie du tabac a compris que sponsoriser le cinéma pour imposer l’image du héros avec une cigarette au bec est bien plus efficace pour booster ses ventes que n’importe quelle campagne de pub. Mais dans le cas du sport, le filtre de la raison est nettement moindre parce que c’est du réel, pas de la fiction. Alors le subconscient est plus fortement marqué, tandis que le conscient l’est un peu aussi. Ces gestes que nous voyons effectués par les stars des stades, nous avons ensuite une propension naturelle à vouloir les reproduire. D’où l’importance que ces sportifs montrent l’exemple plutôt que l’inverse. Et je ne parle évidemment pas ici des frasques éventuelles de leur vie privée qui ne regarde qu’eux bien qu’une certaine presse en fasse ses choux gras. Je parle bien de leurs actes sur le vif, sous les feux des caméras. Quidam : Vous pensez à la violence, bien sûr. PG : La violence, oui, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, l’arbre dont on parle beaucoup et qui cache la forêt. Par exemple quand vous voyez des sportifs passer leur temps à cracher à tout va. Croyez-vous que ce soit positif ? Parce que cracher sur une pelouse, du moins quand elle n’est pas synthétique, ça s’absorbe encore assez bien dans la terre. Mais on les voit aussi cracher dans les couloirs des vestiaires, sur les pistes synthétiques de course à pied, voire sur les abords de piscine où c’est beaucoup moins discret que lorsqu’ils sont dans l’eau. Croyez-vous que ce soit un bon exemple à donner ? Pire : les cyclistes. Quidam : Le dopage ? PG : Non, ce n’est pas si spécifique au cyclisme qu’on veut bien le dire. Le dopage, il y en a dans tous les sports de haut niveau à des degrés divers. On en parle beaucoup en cyclisme surtout parce qu’on se donne davantage la peine de chercher. Que certains coureurs se dopent et jouent avec leur santé est leur problème. Et s’il faut lutter contre, ce n’est pas pour les protéger eux, mais uniquement pour éviter l’injustice sportive vis-à-vis des cyclistes propres. C’est une simple question d’équité. Non, du point de vue contre-exemple immédiat à l’image, celui qui influence les téléspectateurs en crevant l’écran tout au long des étapes, notamment lors d’événements à résonance mondiale comme le Tour de France, c’est leur habitude de tout balancer partout, n’importe où, bidons et emballages de casse-croûte. Quidam : Mais c’est ramassé après. PG : Mon œil ! Vous croyez vraiment que les équipes de ramassage vont descendre dans les ravins et précipices chercher les bidons qui y ont été envoyés ? Vous croyez vraiment qu’ils vont parcourir les champs sur une largeur suffisante pour rattraper tous les morceaux d’aluminium et de plastique que le vent emporte ? Il faudrait vraiment que je le voie pour le croire. Et comme ce ramassage, certainement très imparfait, n’est jamais médiatisé, il reste l’image que ces modèles sportifs considèrent la route comme une déchetterie, propageant ce non-respect dans l’esprit des fans qui ont alors une tendance bien plus forte à jeter leur détritus par la fenêtre de leur voiture qu’à faire l’effort de les garder en attendant de croiser une poubelle. Il serait si simple pour les organisateurs de délimiter régulièrement des zones le long des étapes, où les coureurs peuvent s’alléger des bidons vides, emballages et autres musettes, avec une bien plus grande facilité et exhaustivité de ramassage par la suite. Voilà qui démontrerait un souci de respecter la route, ses abords et la nature. Voilà qui serait un exemple plus positif pour la société. On ne peut pas mettre en place un programme d’incitation au respect de notre cadre de vie et rester insensible au fait que des modèles ultra-médiatisés rament à contre-courant. Et s’il n’est pas possible d’intervenir à l’étranger, du moins les retransmissions télé peuvent-elles facilement inclure un petit rappel à l’ordre fustigeant ces comportements, comme un petit coup de buzz pendant qu’un carton rouge clignote en insertion à l’image. Ca aurait même un petit côté ludique qui ferait mieux encore passer le message qu’une sévérité trop sérieuse et forcément rébarbative. Les enfants se feraient une joie de mettre des cartons rouges à leurs parents et copains lorsque s’en présenterait l’occasion. Quidam : Bon, je vous le concède, ce ne sont pas des exemples à suivre sur ces points particuliers. Mais l’exemple premier demeure quand même d’encourager à la pratique du sport. Et il a clairement des vertus très positives pour une société. PG : Le sport est effectivement quelque chose à valoriser socialement. C’est pourquoi il doit être beaucoup plus présent durant la scolarité ainsi que nous venons d’en discuter. Et pas que pour la bonne santé physique. Il favorise une quête du dépassement de nos limites. Transposé à soi, cela favorise un état d’esprit favorable à la recherche de l’amélioration de son être. Ce n’est clairement pas de la volonté égotique de battre les autres, d’être le meilleur, dont je parle ici, mais bien du désir de progresser par rapport à soi-même, valeur essentielle pour l’accomplissement humain. C’est « l’important est de participer » du Baron Pierre de Coubertin. Et ça fait écho à la devise des louvettes et louveteaux du scoutisme : « fais de ton mieux ». Voilà pourquoi le sport en général est un élément à part entière d’un système éducatif. Du moins du moment qu’il n’est pas perverti par cet esprit de compétition que l’on rencontre trop souvent dans le sport de haut niveau : cette quête de titres et de médailles, quelle qu’en soit la manière. Car dans le véritable esprit du sport, la manière compte bien plus que le résultat. Etre désigné champion du monde de judo sans avoir marqué le moindre avantage simplement parce qu’on a un avertissement pour non-combativité de moins que son adversaire à la fin du temps réglementaire n’est pas franchement glorieux. Et c’est comme ça qu’il faut parfois qu’un arbitre de foot rappelle à des joueurs de mauvaise foi que « une finale, ça se gagne avec des buts, pas avec des cartons ». Dans le véritable esprit du sport, qu’importe de perdre, du moment qu’on a la satisfaction de bien jouer. Par rapport aux sports individuels, les sports collectifs ont en plus le fait de favoriser le développement de la conscience d’autrui et de l’esprit d’équipe. Ils proposent donc un processus de socialisation des plus utiles pour préparer des jeunes à la vie en société. C’est pourquoi on entend régulièrement de grands discours sur l’importance du sport pour socialiser et intégrer, notamment à destination des jeunes des cités, effectivement souvent trop oubliés, même quand ils ne s’excluent pas d’eux-mêmes. Mais pour que cela soit vrai, encore faut-il que les valeurs portées par ce sport soient positives. Et de ce point de vue, le football est assez critiquable. Quidam : Ce n’est pas la première fois que vous pointez du doigt ce sport. Que lui reprochez-vous ? PG : Faisons un petit comparatif entre le rugby et le foot, et vous allez tout de suite comprendre. Bien entendu, je parle de football européen, et non de football américain ou australien, sports qui s’appellent également « ballon pied » mais se jouent à la main. A chacun ses incohérences, et notre foot, qui se joue bien avec les pieds et qui prétend promouvoir les valeurs traditionnelles des sports collectifs, n’en manque pas. Au foot, quand l’arbitre siffle un coup-franc, le joueur concerné le conspue avec de grands signes désobligeants de la main, on lit souvent les jurons sur ses lèvres, ses partenaires se précipitent sur l’homme au sifflet pour contester pendant un certain temps tout en sachant que ça ne changera rien, d’autres se mettent devant le ballon pour empêcher que l’adversaire ne joue rapidement, le mur se met à six mètres au lieu de neuf et ne recule à la distance règlementaire que bien lentement, en traînant des pieds, et sous la pression appuyée de l’arbitre, pour mieux se réavancer dès que celui-ci autorise à jouer, etc.. Mais il se prétend qu’il faut favoriser le jeu et que le foot est une école de respect. Au rugby, quand l’arbitre siffle une pénalité, ni le joueur concerné ni ses équipiers ne manifestent quoi que ce soit, et ils se mettent automatiquement à dix mètres pour que les joueurs adverses puissent jouer le ballon rapidement s’ils le souhaitent. Si un joueur proteste, sans même que ce ne soit en rien comparable au cinéma d’un footballeur, la pénalité est avancée de dix mètres. Et quand un joueur de l’équipe pénalisée empêche le jeu rapide en intervenant sans avoir respecté cette distance de dix mètres du lieu de la faute, il reçoit directement un carton jaune pour antijeu. Alors oui, on constate le respect de l’arbitre et de ses décisions, tout comme le respect du jeu qui reprend du coup bien plus rapidement. La différence d’attitude entre les joueurs de foot et de rugby est criante. Les arbitres de rugby se donnent les moyens d’être respectés et n’admettent aucune contestation. Un carton jaune, c’est dix minutes d’expulsion et donc un réel handicap pour l’équipe. Les joueurs le savent, et donc ne s’autorisent guère d’écart, affichant un comportement proche de l’exemplaire. Et ce d’autant plus que, même si un mauvais geste a échappé aux arbitres sur le moment, les citations pour brutalités sur base de vidéo après match en ont écarté plus d’un des terrains pendant un temps non négligeable. Au foot, au contraire, l’arbitre se laisse piétiner par les simagrées et la pression permanente des joueurs. Un carton jaune, c’est un avertissement sans conséquence qui ne pénalise donc aucunement l’équipe, et institue même un droit pour chaque joueur de faire au moins une vilaine faute par match. Ceux-ci le savent et en abusent très largement, affichant un comportement à l’inverse des valeurs que prétend promouvoir ce sport. Alors, du foot ou du rugby, lequel véhicule le respect de la règle et de l’autorité ? Lequel incite à développer la maîtrise de soi ? Lequel, tout en étant un sport de contact, donc autrement plus violent, n’est pas entaché par le hooliganisme sans même besoin de services de sécurité surdimensionnés ? Quidam : Compte tenu de ce que vous avez dit sur la nécessité d’une grande fermeté dans le maintien de l’ordre public, je ne peux pas vraiment m’étonner de vos critiques sur l’arbitrage au foot. PG : Vous avez entièrement raison de faire le lien. Le laxisme des arbitres du foot encourage les joueurs à se laisser aller à ces comportements minables, tout comme la mollesse des gouvernements favorise les débordements lors de manifestations. Vu l’audimat et l’auditoire des grands matchs de ballon rond, beaucoup de jeunes transfèrent ensuite les dérives de leurs modèles vers l’anonymat de leurs stades de quartiers, au grand dam des éducateurs qui ont toutes les peines du monde à les rectifier. Puis rapidement, on s’aperçoit qu’ils se mettent à agir de la sorte aussi dans la vie courante. Et voilà comment le laxisme favorise la prise d’un mauvais pli qui nécessite ensuite d’être redressé par une fermeté accrue. N’importe quelle personne qui repasse ses vêtements sait qu’un faux pli demande un surplus de vapeur pour être effacé. Les travaux ménagers aussi, comme bien d’autres corvées du quotidien, sont de grands enseignants de sagesse. Nos politiciens gagneraient sûrement à les pratiquer davantage. Ne serait-ce que pour se sentir plus proches de la France dite « d’en bas ». Quidam : Alors vous pensez qu’un corps arbitral plus sévère au foot contribuerait à améliorer la société ? PG : Ce serait déjà commencer à ramer dans le bon sens. Si l’arbitre, avec ses imperfections de jugement, doit faire partie du jeu, ainsi que cela se dit, alors qu’il se donne au moins les moyens d’être respecté comme tel. Mais fustiger le seul corps arbitral est bien trop facile. Car c’est l’ensemble du monde du foot qui est à blâmer. Parce que c’est lui qui se refuse à donner aux arbitres les moyens d’être efficaces. Il n’y a pas qu’une question d’attitude. Il y a aussi celle de pouvoir bien arbitrer. L’arbitrage vidéo par exemple. Il fonctionne très bien au rugby. Pourquoi en serait-il autrement au foot où, en plus, les traditions d’excès de protestations en tout genre font perdre bien plus de temps que de clarifier la question en repassant un ralenti ? Pourquoi refuser à l’arbitre le simple droit de lever le nez pour trancher ses doutes alors que les dizaines de milliers de spectateurs bénéficient de tous les ralentis souhaitables directement sur le grand écran du stade ? A croire qu’il y a une vraie volonté de faire se déchaîner les excités en tout genre qui n’en demandent pourtant pas autant. Alors bien sûr, je ne dis pas qu’il faille l’utiliser à tout bout de champ. Il ne faut pas passer d’un extrême à l’autre. Au rugby, par exemple, l’arbitre ne peut y faire appel que pour vérifier la validité ou pas d’un essai. Mais on peut aussi s’inspirer du tennis et accorder aux capitaines de chaque équipe un droit à deux challenges erronés d’une décision de l’arbitre. Il n’y a que l’embarras du choix entre les solutions. Quidam : En fait, ce qui se dit est plutôt que les instances du football se refusent à créer un football des grands événements et un football des petits clubs. Ce souci de cohérence est somme toute louable, non ? PG : Foutaise et billevesée ! Quelle cohérence y a-t-il entre un match amateur de quartier regardé essentiellement par les familles des joueurs et un où se jouent des dizaines de millions d’Euros devant autant de spectateurs et téléspectateurs ? Cette position ne résulte qu’en un nivellement par le bas là où plus de rigueur à haut niveau tirerait l’ensemble des pratiquants de ce sport vers le haut. C’est très clairement un mauvais raisonnement que le leur. Quidam : Cela fait longtemps que les instances du foot buttent sur la question de l’arbitrage vidéo. Il semble qu’ils commencent seulement à envisager de le mettre partiellement en place suite au Mondial 2010 et à ces erreurs d’arbitrage lourdes de conséquences, notamment pour l’équipe d’Angleterre. Et comme il y a beaucoup d’anglais dans les instances internationales du football, il semble que cette fois ça les fasse réagir. Ils avaient pourtant déjà subi la main de Dieu de Maradona. PG : Je n’ai pas encore constaté une évolution sur ce sujet. Ca reste à l’état de réflexion. Par contre, on a récemment vu apparaître, pour certaines compétitions, deux arbitres supplémentaires dédiés aux surfaces de réparation en plus des quatre arbitres traditionnels. Ca fera plus d’yeux pour limiter les simulations en vue d’obtenir un penalty, ainsi que les accrochages aussi discrets que pénalisables. Mais si le corps arbitral reste toujours aussi réticent à sanctionner par ailleurs, ça ne changera pas grand-chose. Par contre, c’est bien que vous mentionniez l’affaire dite de la main de Dieu, ce but inscrit de la main qui a éliminé l’Angleterre au profit de l’Argentine lors du Mondial de 1982. Quand Maradona devient un héros national pour avoir triché et menti devant les caméras du monde entier, c’est qu’il y a un vrai problème de valeur. Quidam : Peut-être. Mais comme spectacle, c’était très réussi quand même. PG : Il est clair que ça a donné de l’intensité dramatique à ce match. Mais est-ce ce que nous voulons pour divertir nos mornes existences : du drame ? Sommes-nous donc à ce point incapables de nous réjouir du bonheur ? Il est pourtant bien vrai que personne ne joue à être heureux. Pour qu’un jeu intéresse, il faut de la compétition, il faut dominer, il faut vaincre. Simplement être, ça n’intéresse pas grand monde. Et puis pour parler spectacle, celui offert par le foot d’une manière générale est quand même globalement médiocre. Pour une bonne action de temps en temps, combien de dizaines de minutes d’échanges de ballons soporifiques ? Pour un bon match de temps en temps, combien d’ennuyeux ? Combien de matchs se décident sur un coup du sort plutôt que sur la valeur intrinsèque des équipes ? Ah, c’est sûr qu’avec autant de règles allant à l’encontre de l’esprit du jeu, faire parler ses qualités techniques est une gageure. Ca entretient peut-être le suspense, mais ce n’est pas passionnant pour autant. Quidam : De quelles règles parlez-vous ? PG : De toutes celles qui étouffent le jeu, le ralentissent, voire favorisent l’antijeu. Par exemple, parce que l’intérêt du foot réside dans l’offensive et la maîtrise technique, on évoque les mythiques magiciens brésiliens, même si la mondialisation les a rattrapés et nivelés si bien qu’ils ne sont plus vraiment à la hauteur de leur réputation. Mais comment exprimer sa technique lorsque les tirages de maillot ne sont pas sanctionnés ou si mollement ? C’est intentionnel, ce devrait être systématiquement un carton jaune. Et pour que cette sanction ait une valeur, il faut qu’elle soit pénalisante immédiatement pour l’équipe comme l’est le carton jaune de rugby avec exclusion temporaire de dix minutes, principe que l’on retrouve aussi au hockey sur glace avec des mises en prison de deux minutes. Idem pour ces séances grotesques de lutte gréco-romaine dans les surfaces de réparation, à chaque corner et coup-franc, et où les arbitres n’ont plus à venir faire les gros yeux sous prétexte de pédagogie. Ils ont affaire à des tricheurs professionnels, pas à des amateurs en cours d’apprentissage. La sanction doit tomber sans sommation. Et le jeu se trouvera rapidement débarrassé de ces parasitages. Un autre exemple : les instances du football prétendent qu’elles veulent favoriser le jeu. Alors pourquoi la règle favorise-t-elle le défenseur qui se met en opposition pour laisser filer le ballon en sortie de but en empêchant l’adversaire de le jouer ? L’un veut jouer, l’autre l’en empêche. Pour moi, ce n’est pas une sortie de but mais une obstruction. De même, quel intérêt y a-t-il à arrêter le jeu pour faire un changement de joueur ? Que l’arbitre central fasse un signe pour dire qu’il en a pris note et autorise l’entrée du remplaçant d’accord, mais ça peut se faire en jouant. Et alors, surtout en fin de match, lorsqu’une équipe pousse pour égaliser et qu’enfin il se passe quelque chose, nous serions libérés de cet antijeu consistant à casser le rythme et faire perdre du temps grâce à des changements. Et par-dessus tout, si nous interdisions ces tacles assassins qui arrachent tout sur leur passage, ballon et bonhomme, et sont d’autant plus prisés que le carton jaune, en plus de ne pas être systématique, ne constitue même pas une pénalisation de l’équipe ? Au lieu de voir les défenseurs abattre les attaquants, nous verrions se développer des actions offensives autrement plus intéressantes. Parce que les jongleurs et les dribbleurs, pourraient plus librement exprimer leur technique sans être envoyés brouter le gazon dès qu’ils s’élancent. Je veux bien qu’une belle glissade sur le gazon permette élégamment de récupérer un ballon qui allait sortir en touche. Mais un tacle à moins d’un mètre d’un joueur adverse devrait être systématiquement sanctionné au minimum d’un carton jaune pénalisant, donc avec exclusion temporaire. Ne serait-ce que parce que les tacles sont la cause numéro un de blessures autre que les problèmes musculaires ou de tendons. Et le jeu dangereux est supposé être interdit et sanctionné que je sache. Quidam : Je doute que les instances du foot, qui se font surtout remarquer par leur immobilisme dinosaurien, ne se bousculent pour tester ces modifications de règles. PG : J’en doute fort aussi. Il y a d’ailleurs certaines analogies entre le football et l’église catholique que je ne peux manquer de relever. On voit bien que ni l’un ni l’autre ne sont plus en phase avec les aspirations de leurs fidèles mais leurs instances dirigeantes n’y changent à peu près rien pour autant. C’est l’école de l’immobilisme. Et si on y trouve engagés à la base plein de gens de bonne volonté et aux aspirations nobles, force est de constater que ces institutions font tout ce qu’il faut pour les brider et les faire rentrer dans le moule. Du point de vue de la vie d’une société, c’est tout le contraire d’une contribution positive. Là encore, le rugby montre l’exemple : l’IRB fait évoluer les règles quasiment tous les ans, pour fluidifier le jeu et l’améliorer chaque fois qu’une disposition contreproductive est identifiée. Mais faut-il attendre après le reste du monde pour faire évoluer les choses ? Avons-nous besoin de leur autorisation pour essayer d’autres façons de faire ? La Fédération Française de Football pourrait facilement décréter que la compétition nationale moins cotée qu’est la Coupe de la Ligue se jouera selon ces règles modifiées pendant trois ans, à titre de test. Et on verra bien si les matchs sont plus intéressants ou si le spectacle reste aussi médiocre que d’ordinaire. Quidam : C’est une idée. Mais nous voici un peu loin de nos préoccupations sociopolitiques. PG : Comment pouvez-vous dire ça alors que je viens de vous pointer du doigt l’importance sociale de ces exemples ultra médiatisés ? La question de la qualité du spectacle est secondaire, je vous l’accorde. Si on n’aime pas, il y a qu’à ne pas regarder. Un match de baseball, par exemple, est soporifique au possible malgré les pom-pom girls. Idéal pour faire la sieste. Je n’aime pas, je ne regarde pas. Tout simplement. Seulement le baseball n’incite pas les spectateurs à des dérives comportementales et sociales. Tout au plus, ça les incite à manger et boire des sodas pour tromper leur ennui, favorisant donc l’embonpoint. Mais au foot, c’est bien différent. Car au-delà des matchs et de la médiocrité du spectacle, par ces règles en parfaite contradiction avec les objectifs affichés, c’est tout le côté pédagogique et intégrateur de ce sport qui est jeté à bas. Comment pensez-vous que va réagir un individu lorsque vous lui enseignez jaune mais qu’il est désavantagé s’il ne joue pas gris ? La règle contredit l’esprit du jeu et en perd sa légitimité, la forme s’oppose au fond, et au lieu de structurer les individus, c’est au contraire une déstructuration qui est propagée. Il devient normal de contourner la règle, de s’en arranger. Il devient alors acceptable d’utiliser toutes les astuces possibles pour tirer la couverture à soi, donc ne pas hésiter à tricher et faire de l’antijeu. Et la même attitude passe ensuite du terrain de sport au terrain social sous la forme qu’il ne faut pas hésiter à s’arranger avec la loi, la détourner, et écraser son voisin si on en a l’occasion et que ça nous apporte un avantage. C’est pour toutes ces raisons que je considère le rugby comme un sport qui porte des valeurs positives pour la société alors que le football en est l’anti-école. Une galerie des contre-exemples. Il enseigne aux jeunes que tricher, mentir, simuler, est parfaitement acceptable et que ça peut même vous rendre bien plus riche et célèbre que de faire l’effort de vous instruire ou d’apprendre un métier. Quel est le rêve d’un jeune de banlieue ? Devenir star du rap ou footballeur, pour avoir l’argent facile et se payer de grosses bagnoles remplies de meufs lascives en bikinis. Belles valeurs d’intégration sociale, en vérité. Quidam : Je comprends vos arguments, mais il faut bien reconnaître que, malgré tous ces travers que vous pointez du doigt, le foot donne lieu à de grands événements où toute la planète se retrouve pour fêter ensemble. Le rugby ne propose pas ça. Le foot a donc aussi ses bons côtés. PG : C’est bien pour ça que le mauvais exemple du foot est d’autant plus néfaste : parce qu’il est le sport le plus universel que nous ayons sur la planète. N’importe quelle bande de gamins peut jouer au foot avec n’importe quoi d’à peu près rond, à peu près n’importe où. Pour le basket, il faut déjà au moins un panier et un ballon qui rebondisse. Pour le rugby, il faut en plus impérativement un bon terrain parce que les placages sur terrain vague pierreux ou sur goudron mieux vaut oublier. Alors le foot est le sport de loin le plus populaire au monde. Et c’est pourquoi il est aussi désolant de voir que son effet rassembleur n’est pas mis à profit pour véhiculer de vraies valeurs humaines et sociales. Alors faut-il en vouloir aux footballeurs ? Certes, chacun est toujours responsable de son comportement, et personne n’est obligé d’agir en enfant gâté ainsi que le montre la disparité des comportements entre les joueurs. Mais les stars du ballon rond ne sont pas responsables du laxisme du corps arbitral qui les a autorisés à se comporter comme des gougnafiers. Ils ne sont pas responsables du fait d’être payés des sommes indécentes pour simplement courir après un ballon alors qu’ils étaient prêts à le faire au départ pour un salaire de travailleur normal, voire gratuitement pour le plaisir si la professionnalisation du sport ne s’était pas généralisée. Ils ne sont pas responsables non plus du fait que les média fassent d’eux des dieux et se disputent le moindre de leur commentaire stéréotypé, tiré du manuel des répliques toutes faites, déjà entendu des milliers de fois, et qui n’apporte rien à rien. Pourquoi un tel empressement des journalistes ? Parce que les supporters le demandent et qu’ils sont une clientèle importante, tant pour l’audimat de la télé ou de la radio que pour acheter des journaux. Certains dépensent même plusieurs mois de salaires pour aller à l’autre bout du monde voir un match qui est pourtant diffusé sur leur téléviseur à domicile. Alors les responsables de ce délire, ce ne sont pas eux, ni les journalistes, mais nous tous. Bien sûr, on peut rajouter des responsabilités spécifiques aux instances du foot : la FIFA, l’UEFA et ses homologues des autres continents, ainsi que les fédérations nationales des divers pays. Ils favorisent clairement le prosélytisme. Par exemple au niveau de la répartition des droits télévisuels entre le monde professionnel et amateur. A voir les montagnes de fric du monde professionnel et le manque de moyens du monde amateur, il n’est pas difficile d’en déduire que ce pourrait être utilement révisé. Un autre exemple ? Au lieu d’attribuer l’organisation des grands événements comme le Mondial à des pays qui auraient bien besoin de ce coup de pouce pour se doter d’infrastructures sportives de meilleur niveau, il est confié à celui qui saura y mettre le plus d’argent, pour proposer le spectacle le plus rentable. Bravo. Belle démonstration de valeurs humaines. Au passage, n’omettons pas de constater que les instances olympiques internationales ne font guère mieux, qui ont laissé l’esprit insufflé par Pierre de Coubertin disparaître au profit du règne du fric. J’aime l’esprit des Jeux Olympiques, mais je suis triste de voir ce qu’ils sont devenus. Quidam : Me trompé-je ou bien vous laissez-vous aller à une crise de passéisme ? Vous qui dites que l’impermanence est dans l’ordre des choses et qu’il faut cesser de s’accrocher à ce qui n’est plus… PG : Vous n’avez pas entièrement tort. Mais pour autant, le présent ne représente pas nécessairement, systématiquement, une amélioration. Le passé nous apporte une expérience, un point de comparaison, dont il faut tirer les leçons pour précisément mieux situer le présent et savoir quelle direction donner à l’avenir. Ne pas être passéiste ne veut pas dire renier et oublier. Or l’impact social que je constate me pousse à m’inscrire contre cette tendance, toujours plus affirmée au fil des ans, du sport business. Tout n’était pas mieux avant, mais les valeurs du sport d’antan étaient plus dignes que celles de maintenant. Alors si nous voulons que le sport et l’exemple donné par les sportifs de haut niveau servent l’intégration sociale et la maturation humaine, nous ne pouvons laisser un phénomène aussi important d’un point de vue populaire que le football ramer à contre courant. Cela peut faire sourire, mais parce que c’est bien plus un phénomène de société qu’un simple sport ou même un spectacle, il ne faut pas en négliger l’impact. Non pour s’en servir pour conforter une éventuelle cote électorale, mais pour qu’il contribue à construire la société au lieu de la détruire. Pour qu’il porte la jeunesse dans le bon sens plutôt que de l’en détourner. 25 : immobilier et logement Quidam : Bon, je propose qu’on laisse de côté la nébuleuse footballistique pour revenir à des choses plus concrètes. Par exemple au fait que, pour les jeunes, le foot c’est surtout mieux s’ils ont un appartement pour y regarder le match entre copains. Que ça contribue à les préparer à leur intégration dans la société en tant qu’adultes autonomes et responsables, je pense que ça les préoccupe beaucoup moins. PG : Mais ce n’est pas parce que les gens n’en perçoivent pas spontanément l’importance que ça n’en a pas. Quidam : C’est juste. Et ce que vous en avez dit n’est pas dénué d’intérêt. Mais il n’en reste pas moins que, pour qu’ils goûtent à leur autonomie d’adulte, encore faut-il qu’ils puissent quitter le domicile familial. Vous avez déjà exposé vos idées sur la façon de résorber le chômage afin que ces jeunes puissent trouver un emploi et disposent des revenus nécessaires à leur envol. Mais accéder au logement devient de plus en plus compliqué. Au point que l’on parle de travailleurs pauvres, même pas forcément jeunes, comme ces fonctionnaires de la région parisienne qui, malgré leur statut plutôt bien vu des bailleurs, n’arrivent même plus à accéder à des logements devenus trop chers. Quelle solution verriez-vous pour ce problème ? En avez-vous seulement une ? PG : Il n’y a pas de problème sans solution, même si certains sont plus coriaces que d’autres. Mais encore faut-il commencer par bien poser le problème. Et en l’occurrence, ici, il est double : d’un côté une forte demande, de l’autre une offre limitée. Pas besoin d’être un Nobel d’économie pour comprendre qu’en pareil cas, loi du marché oblige, les prix flambent et ne sont plus accessibles à tous. Et voilà la crise du logement. Alors commençons par nous pencher sur le premier point : la forte demande. Mais pas partout en France. Non, je vous assure que si vous allez à Nevers par exemple, qui n’est quand même pas non plus un petit village perdu, vous n’aurez strictement aucun souci pour trouver à vous loger. Même avec un petit salaire, et même sans caution. Alors ce que vous décrivez est surtout une situation propre aux grandes zones urbaines, notamment la région parisienne où c’est particulièrement exacerbé, mais pas seulement. Les racines du problème ? Pour les identifier sans équivoque, il suffit de regarder dans les pays du tiers et du quart monde, où ce même phénomène est encore plus aigu. Les maux sont au nombre de deux : le raz de marée démographique qui engendre une forte croissance de la population et le mirage urbain qui la concentre dans les grandes villes. Par exemple, en Thaïlande, la population de Bangkok a été multipliée par 16 en 50 ans. Comment le bâtiment, voire simplement l’urbanisme, pourrait-il suivre un tel rythme ? Alors se développent les bidons-villes. En France, la problématique est moins exacerbée mais procède des mêmes facteurs. J’ai déjà suffisamment parlé du besoin d’engager un processus de réduction de la population nationale pour ne pas y revenir maintenant. Mais il n’est pas inutile de le rappeler car ça fait partie intégrante, pour ne pas dire que c’est primordial, d’une solution à la crise du logement. Alors reste le phénomène d’exode rural. Dans notre société de moins en moins agricole, ce qui attire les gens vers les grandes villes, c’est la possibilité d’y trouver plus d’opportunités d’emploi. Alors pour combattre la concentration de la population, et donc la trop forte demande de logements sur certaines zones, il faut s’efforcer de déconcentrer le marché du travail. Cela implique d’inciter les emplois, et donc aussi bien certaines entreprises que certaines administrations publiques, à migrer vers des zones moins densément peuplées du pays. Dans le cas de la région parisienne, par exemple, le poids de l’Etat en tant qu’employeur via les diverses administrations centrales est important. En délocaliser un certain nombre à travers le pays ne dépend que de la volonté du gouvernement. Il peut donc être moteur dans une telle démarche et montrer l’exemple. Il suffit de le décider. D’ailleurs, comme il faut en réformer la plupart en profondeur, ce volet géographique ne sera qu’un des aspects de leur modernisation. Et globalement, ce sont des dizaines de milliers d’emploi qui pourront ainsi utilement être relocalisés hors de la région parisienne. Et autant de familles qui pourront de ce fait aller vivre ailleurs que dans la capitale et ses banlieues. D’ailleurs, et excusez-moi cette parenthèse, je crois qu’il y a même un intérêt stratégique majeur à le faire. Car aujourd’hui, si des terroristes ou ennemis divers mettent une bombe nucléaire sur Paris, la France est décapitée. Ou bien, puisque la station Mir ne s’y est pas écrasée en son temps, imaginez un impact de météorite surprise ? Ou n’importe quoi d’autre tel qu’un méga-séisme, une résurgence volcanique, ou, moins improbable, une inondation majeure ? Quidam : Oui, j’ai bien compris votre argument. Il est facile d’avoir de l’imagination dans ce domaine avec tous les films catastrophes que produit le 7ème art, surtout à l’approche de 2012. Mais il n’est pas nécessaire de se laisser emporter par elle. PG : Parce que vous pensez que le côté cinématographique de telles éventualités gomme la réalité de cette vulnérabilité ? Sans spéculer sur la fameuse échéance de fin 2012 que les Mayas eux-mêmes ne confirment d’ailleurs pas, puisqu’ils parlent plutôt d’une période de plusieurs années que d’une date précise, à l’heure où de plus en plus de pays sont équipés de missiles intercontinentaux, et où une partie des débats des instances internationales visent à essayer de se prémunir contre cette prolifération qui atteint des nations avec lesquelles les relations de l’occident, et par extension de la France, ne sont pas forcément au beau fixe, croyez-vous que cela ne relève que du cinéma ? Je vous trouve un peu fleur-bleue sur ce coup. La présidence, les ministères, l’Assemblée Nationale, le Sénat, la Banque de France, et que sais-je encore, tout est à Paris, et tout serait rasé si cette ville disparaissait. La plus élémentaire des prudences en matière de sécurité nationale, serait de disperser les ministères afin que l’exécutif ne puisse être décapité d’un seul coup. Et déménager le Sénat, afin que les deux assemblées de représentation populaire ne soient pas vulnérables en même temps. Surtout si on met fin à l’absentéisme au sein de ces assemblées, ce qui me semble une élémentaire nécessité. Tout ça n’est que du très basique bon sens. Il pouvait être pratique au temps de Napoléon que tout fut centralisé dans la capitale, mais en nos temps de vidéoconférence, il y a tous les moyens techniques nécessaires pour gérer la distance et profiter de ses avantages. Mais refermons cette parenthèse. Donc déconcentrer les administrations centrales, disais-je. Seule manque la volonté politique, même si de très timides tentatives de décentralisation jalonnèrent les dernières décennies. Alors si c’est bon pour la sécurité nationale et favorise la réduction de la crise du logement en même temps, qu’attendons-nous pour passer à l’acte ? Quidam : Je ne suis pas sûr que cela simplifie le travail transversal entre les ministères, mais d’un autre côté, ce n’est pas un aspect qui donne l’impression d’être tellement développé à l’heure actuelle. Alors pourquoi pas. Cependant, l’essentiel des emplois du bassin parisien reste dépendant du privé. Comment agir à ce niveau-là ? PG : En ce qui concerne la trop grande concentration d’emplois privés, il y a bien évidemment toutes les entreprises de services qui ne font que suivre leur clientèle et qui se déconcentreront naturellement si la population se dé-densifie. On l’a déjà vu dans de petites villes perdant leur caserne lors du redéploiement des forces armées. Ca râle, mais ça se fait. Alors ce sont surtout les emplois industriels et autres sièges sociaux de grandes entreprises qu’il faut inciter à se déplacer vers les zones moins peuplées. Et la problématique est ici la même pour la région parisienne que pour d’autres grands pôles urbains du pays qui connaissent une certaine congestion de leur espace. Mais cet axe d’action est bien plus incertain, car il ne dépend pas d’une simple décision des autorités publiques. Les entreprises, du moins celles n’induisant pas de nuisance particulières, sont libres de s’implanter là où ça leur parait le mieux pour elles. Dans les limites rendues possibles par les Plans Locaux d’Urbanisme bien entendu. Et la maîtrise des PLU est donc évidemment le tout premier outil dont doit disposer le Gouvernement pour mener une politique un tant soit peu coercitive en la matière. En bloquant l’extension des zones industrielles ou de bureaux dans les agglomérations à trop forte densité de population, forcément, les nouvelles entreprises seront forcées d’aller chercher d’autres lieux d’implantation plutôt que de continuer à vouloir s’agglutiner là où il y en a déjà de trop. Il faut donc rendre à cette fin au ministère de l’aménagement du territoire le contrôle au moins partiel des PLU du pays. Mais le Gouvernement dispose également, pour agir, de l’outil incitatif qu’est la fiscalité locale. Les entreprises seront forcément plus tentées par les zones où les taxes sont moindres que par celles où elles sont élevées. Il y a bien d’autres critères qui entrent en ligne de compte dans une décision d’implantation, mais celui-ci en est un qui peut en compenser certains autres pour faire pencher la balance d’un côté plutôt que de l’autre. Il faut donc mettre en place une politique de taxation locale des activités professionnelles qui soit un facteur de la densité de population de la zone concernée. Puisque le terrain est rare dans les zones denses, il faut que la surface utilisée y soit taxée plus lourdement que dans une zone moins peuplée. Et puisque le but est de déconcentrer l’emploi, cette taxe doit aussi peser sur le nombre de salariés de l’établissement en instituant un forfait par tête plus coûteux que dans une zone où les emplois sont plus rares et où ce forfait per capita sera peut-être carrément nul. Quidam : D’un autre côté, nous venons de remplacer la taxe professionnelle par une autre, précisément parce qu’elle était accusée de dissuader l’investissement et l’emploi. PG : D’abord ici, nous ne dissuadons nullement l’investissement puisqu’il ne rentre pas en ligne de compte. Et ensuite nous ne dissuadons pas l’emploi mais incitons à le répartir sur le territoire. Ce n’est pas particulièrement pénalisant pour les entreprises à partir du moment où la production nationale bénéficie d’un certain niveau de protectionnisme par rapport aux entreprises étrangères qui ne sont pas soumises à des conditions sociales et fiscales équivalentes. Les entreprises considèrent forcément, comme tout un chacun, que toute taxe est toujours en trop, mais à partir du moment où celle-ci répond à une logique d’amélioration de la vie dans notre espace commun, elle sera bien mieux acceptée. Un telle politique implique que les taux en soient déterminés par l’Etat au lieu d’être laissés au bon vouloir des élus locaux. Les collectivités territoriales bénéficient toujours de ces rentrées de taxes dans leur budget, mais ne peuvent jouer que sur la fiscalité locale résidentielle pour ajuster leurs recettes. Au lieu d’une concurrence entre villes et régions à coup d’exonérations diverses pour attirer les entreprises, nous assisterons à une politique coordonnée pour inciter à une meilleure répartition des emplois sur le territoire. Quidam : Je suis un brin sceptique. Le facteur déterminant de l’implantation d’une entreprise, c’est la disponibilité de main d’œuvre qualifiée et les voies de communication. C’est pour ça que les grandes zones urbaines les attirent. Et c’est aussi parce que les couples y trouvent plus facilement des possibilités de carrière qui conviennent à chacun des deux conjoints qu’ils sont motivés à s’y installer plutôt que de vivre en cambrousse. Dès lors, jouer sur la fiscalité locale n’inciterait guère les entreprises à déménager car ils auraient beaucoup de mal à faire suivre leur personnel. Il faudrait vraiment les assommer de taxes pour qu’il se passe quelque chose. PG : Et comme ce n’est aucunement mon intention parce que ce serait très contreproductif, il faut se résigner à accepter que cet effet incitatif sera limité et aura plus d’effet sur les nouvelles implantations que sur celles déjà existantes. Mais le sage Tching Tchang Tchoung n’a-t-il pas dit : « les petits ruisseaux font les grandes rivières » ? Quidam : Il existe celui-là ? PG : Maintenant oui, puisque je viens de l’inventer. Mais boutade mise à part, c’est façon de dire qu’il ne faut pas négliger cette piste, même sous prétexte que les effets en seront limités. A court terme, forcément, bien peu d’entreprises sinon aucune ne déménageront pour ce motif fiscal. Ne serait-ce que parce qu’il leur faudra d’abord acquérir une certaine confiance dans la pérennité du dispositif pour que l’intérêt du déménagement, une fois réalisé, ne risque pas de se retrouver annihilé aux élections suivantes par un nouveau gouvernement qui changerait tout. Idéalement, pour offrir l’horizon long terme nécessaire aux décisions des entreprises, les taux ne doivent être révisés que tous les dix ans et sur la base de critères statistiques précis, quasi automatiques. Et puis, il y aura toujours le réflexe d’attendre et de voir venir, par exemple en espérant que d’autres fassent l’effort de se relocaliser et que la pression fiscale retombe à terme sans avoir eu besoin de se bousculer. Car une relocalisation d’entreprise pose des problèmes humains quasi insolubles, sauf à vouloir en profiter pour renouveler le personnel, comme dans le cas des délocalisations à l’étranger dont c’est précisément le but. D’ailleurs, même pour les administrations, il faudra plus qu’un coup de baguette magique. Car là aussi il y a des réalités humaines et familiales qui rendront le déménagement difficile pour certaines personnes. Voilà pourquoi ce n’est raisonnablement envisageable qu’en même temps que la réorganisation globale des administrations, afin de repenser les choses dans leur ensemble, et permettre que des gens non mobiles géographiquement puissent passer dans d’autres structures et d’autres fonctions. Avec tous les changements à impulser, qu’ils soient géographiques ou fonctionnels, il y aura certainement matière à ce que la plupart y trouvent une situation qui leur corresponde. Même s’il y aura toujours, inévitablement, un certain nombre d’individus à qui cela déplaira, que ce soient les grincheux à qui tout changement quel qu’il soit déplait autant que le statu quo, ou que ce soient ceux qui effectivement s’en trouveront en partie pénalisés, puisqu’il y en aura forcément quelques uns sur le nombre. Pourtant, il n’y a pas non plus beaucoup d’alternatives. Si personne ne se remet jamais en question, alors ne nous étonnons pas que les problèmes perdurent, voire s’aggravent. Quidam : Mais tout ça concerne surtout les zones urbaines. Or le problème de la cherté du logement touche aussi des régions entières. PG : Certaines régions sont plus attractives que d’autres. Que peut-on y faire ? Le but n’est pas non plus d’avoir une égalité de densité partout. Certaines zones doivent leur charme et leur intérêt précisément au fait d’être très peu peuplées. Et d’autres, justement au fait de proposer ce que seules peuvent proposer de grandes villes. Chacun a des attentes différentes et la diversité des contextes de vie est indispensable à proposer des réponses suffisamment variées pour pouvoir les satisfaire. Le but est donc d’inciter à la juste mesure, pas à l’uniformisation terne. Donc si beaucoup de retraités veulent s’établir sur la Côte d’Azur pour leurs vieux jours, on ne va pas le leur interdire. Si c’est pour se précipiter à s’y équiper d’une climatisation parce qu’ils ne supportent pas la chaleur, on peut au mieux leur suggérer que la côte Atlantique leur serait peut-être plus favorable. Mais le choix leur appartient. Et la côte Atlantique est d’ailleurs aussi assez demandée comme ça. Quidam : Les Bretons et les Normands se plaignent effectivement suffisamment de l’invasion des étrangers à fort pouvoir d’achat. Ceux-ci ne négocient guère les prix des maisons parce qu’ils leur paraissent modérés par rapport à ce qu’ils connaissent chez eux. Alors ils contribuent largement dans certains endroits à faire exploser la valeur des logements. PG : Là, vous parlez plutôt des anglais. Comme en Dordogne, ou dans le Lot. Et en Provence, ce sont plutôt des Hollandais ou des Allemands. Comme quoi, avoir un beau pays a aussi ses revers. Il y a là deux phénomènes à distinguer. Le premier est lié aux étrangers qui viennent vivre en France pour des motivations quasi touristiques. Voilà qui repose, d’une façon différente, le problème de l’immigration. Donc, à nouveau, les sujets tant de l’intégrabilité de ces nouveaux résidents que de la cohérence de cette ouverture avec la volonté de réduction de la population nationale. Alors je ne vais pas y revenir puisque nous en avons déjà abondamment parlé. Par contre, il y a un deuxième phénomène : celui des résidences secondaires. Là, il ne s’agit plus d’immigration mais de tourisme. Et d’ailleurs le problème se pose de la même façon que cette résidence appartienne à des non-résidents ou à des résidents. Dans les deux cas, la population locale, à l’exception de celle qui vit de ce tourisme, constate surtout que ça rend de plus en plus difficile pour eux de se loger. Alors pourquoi ne pas renforcer le côté dissuasif de la fiscalité résidentielle locale ? Il existe déjà, à l’heure actuelle, une taxation spécifique des résidences secondaires, qu’elles soient en propriété ou en location. Eh bien, puisque, en l’état, elle semble insuffisante à promouvoir nos objectifs, accentuons-là. Par exemple pour la porter à un niveau équivalent à la somme des taxes foncière et d’habitation de ce logement. Alors évidemment, d’un point de vue pratique, un couple pourra avoir deux résidences principales avec Monsieur déclaré en ville et Madame à la campagne, ou l’inverse. Dans la mesure où je préconise de s’attacher à l’individu plutôt qu’à son statut marital éventuel, ça ne me choque pas. Même si ça revient à accorder un avantage à un couple par rapport à un célibataire, car c’est simplement reconnaître le droit à deux célibataires de vivre ensemble, même si avec chacun leur chez soi. Du coup, une telle mesure concerne dans les faits les résidences secondaires des célibataires ou les résidences tertiaires des couples. Quidam : Par contre, et ça va dans votre sens, le couple qui éclaterait ainsi son foyer pour être moins taxé sur sa résidence secondaire en aurait un inconvénient sur la progressivité de son barème de taxation de l’eau et de l’énergie. Ils auront un arbitrage à faire pour savoir ce qui est le plus intéressant pour eux. PG : Voilà qui est bien pensé. Quand les différentes mesures entrent en synergie, c’est clairement que nous sommes sur une bonne piste. Mais dans le cas des propriétés de non-résidents, je suis favorable à aller encore un peu plus loin. Par exemple en décrétant qu’un non-résident, donc qui ne paye pas ses impôts sur le revenu en France bien qu’il y bénéficie de tout un tas de services assurés par la société, à commencer par les routes pour accéder à sa résidence ou la protection policière dont elle bénéficie, soit assujetti en compensation à une taxe foncière double de celle applicable à un résident. Quidam : Ca va commencer à faire des taxes relativement lourdes. PG : Vous plaisantez ? Aux Etats-Unis, une taxe foncière pour une maison, ça peut atteindre 10, voire 20’000 Dollars selon les états. Bien que le Dollar ne soit plus ce qu’il était, même le triple de nos taxes actuelles est encore bien loin de ça. Alors la lourdeur de la fiscalité foncière est quelque chose de très relatif. Et puis surtout, je ne fais ici que prendre un montant pour illustrer mon propos. Car dans la logique de laisser aux collectivités locales le soin de définir le taux des taxes résidentielles, il leur revient également de décider du niveau de dissuasion qu’elles souhaitent appliquer en matière de résidences secondaires. Parfois donc, si la zone est peu peuplée ou simplement ne connaît pas de problème de rareté du logement, cette taxe spécifique sera nulle, parfois, là où se loger est compliqué, elle sera très lourde. Mais si la taxation n’est pas suffisante pour atteindre l’objectif souhaité par simple incitation, on peut même envisager, dans certaines zones trop peuplées, d’interdire, purement et simplement, le droit à la propriété immobilière des non-résidents ainsi que c’est le cas dans certains pays. Mais là encore de telles mesures doivent rester du ressort décisionnel des collectivités territoriales. Certaines décideront peut-être qu’elles souhaitent l’interdire, d’autres se contenteront de la dissuasion par surtaxe. Dans une ville comme Paris où ce problème fait flamber le prix du mètre carré, ce serait une mesure justifiée. Il y a donc des moyens pour éviter que la demande étrangère ne contribue à faire flamber notre immobilier au détriment des résidents. Mais évidemment, quelle que soit la mesure retenue, il faudra s’assurer qu’elle ne puisse être contournée au simple moyen d’une bête société écran. Quidam : Quand vous dites résident ou non-résident, c’est indépendant de la nationalité, n’est-ce pas ? PG : Absolument. Un français qui travaille à l’étranger et y paye ses impôts est un non-résident. Un immigré qui travaille en France et y paye ses impôts est un résident. Et si les droits des résidents français et des résidents non français ne doivent pas forcément être identiques, notamment en terme de droit de vote ou d’éligibilité aux diverses élections, à partir du moment où un immigré a légalement été autorisé à devenir résident, il intègre notre société et celle-ci se doit donc aussi à la satisfaction de ses besoins humains. Alors en combinant les effets de plusieurs mesures, certaines coercitives, d’autres simplement incitatives ou dissuasives selon les cas, on peut créer un contexte favorable à modérer la demande immobilière. Ca ne résoudra pas tout, mais ce sera déjà un pas dans le bon sens. Mieux, dans les grandes zones urbaines, cette déconcentration de la population favorisera aussi l’amélioration des problèmes sociaux engendrés par ces grandes cités ghettos de banlieue. Quidam : Voilà donc qui traite de la réduction de la demande. Alors, deuxième volet, l’augmentation de l’offre maintenant. Par incitation fiscale aussi ? PG : Non. Il faut en finir avec les mesurettes fiscales qui se prétendent incitatives mais n’ont rien résolu depuis ces dernières décennies, en plus de manquer de visibilité, attendu qu’elles changent à chaque nouveau ministre. Non, laissons les investisseurs privés investir en fonction des réalités économiques d’un marché à apaiser, sans le biaiser par des mesures plus ou moins alambiquées. Donc fini les possibilités de déduction fiscale diverses, autant que l’encadrement des loyers. Par contre, faute d’offre suffisante à l’heure actuelle, il faut une action forte de l’Etat pour créer des « logements de transition ». Par logement de transition, j’entends des logements basiques de type cité universitaire ou foyer de jeunes travailleurs : surface réduite à une grande chambre avec coin lavabos, mais sanitaires et kitchenette en commun dans le couloir. Pour les services supplémentaires, tels laverie commune ou restauration pas chère de type cafétéria universitaire, on peut, selon ce qui est le plus pratique à chaque cas, les intégrer au bâtiment ou les laisser à proximité à l’extérieur, notamment s’ils sont communs à plusieurs résidences proches les unes des autres. Il est à noter que le principe d’une laverie en commun se fait dans de nombreux immeubles résidentiels « classiques » outre-Atlantique, ainsi qu’en Allemagne, au Pays-Bas et bien d’autres. Tandis qu’en France, compte tenu des lacunes collectives en matière de respect des biens d’autrui, il faut plutôt recourir à la sécurisation chez soi de ces équipements qui doivent dès lors être individuels. De telles résidences, non seulement il en manque pour accueillir les étudiants, mais il en faut aussi pour accueillir les personnes aux ressources limitées qui seront ravies d’avoir ce type de solution plutôt que de devoir choisir entre la rue ou les foyers d’accueil pour SDF. L’erreur des gouvernements depuis des décennies, à mon avis, est d’avoir cherché à résoudre le problème par les HLM qui sont censés offrir pour moins cher que dans le locatif privé, un confort équivalent, ou du moins qui cherche à s’en rapprocher. La mission de solidarité au sein d’une société consiste à ne pas laisser les gens à la rue, et non à leur fournir un confort comparable à celui que peuvent avoir des personnes payant un loyer deux fois plus élevé ailleurs. Car sous prétexte de combattre l’injustice sociale, le système HLM en a créé une nouvelle : ceux qui ont un tel logement à faible loyer et ceux qui doivent se loger dans le privé pour beaucoup plus cher. Il en résulte donc la création de deux sous-groupes, ce qui menace le besoin d’appartenance à un groupe uni, sans répondre pour autant au besoin de sécurité de tous par l’accès au logement. Alors j’appelle à la fin du système HLM. Et ce d’autant plus que l’opacité de gestion de ces baronnies cloisonnées, difficilement compréhensible aussi bien par les comptables publics que par les privés, en font un monde à part, aussi artificiel que mal géré. L’Etat doit se désengager de ce type de logements, et cesser de concurrencer inutilement le secteur locatif privé. Ce qu’il faut, c’est se concentrer sur du logement de transition, certes basique mais suffisant, et qui soit accessible à tout le monde, puisque la solidarité sociale, dont tout un chacun doit bénéficier, permettra d’en couvrir le loyer tout en laissant de quoi se nourrir sainement et s’habiller correctement. Quidam : J’entends déjà ceux que vous appelez les bien-pensants dire qu’une simple chambre est indigne ! PG : Libre à eux de le penser. Et dommage qu’ils n’aient pas suffisamment de clairvoyance pour voir que leur politique du toujours plus pour tout le monde est utopique et contribue notablement à ce qu’autant de gens soient laissés à la rue actuellement. « Le mieux est l’ennemi du bien », dit-on. C’en est une illustration. A terme, lorsque la société aura évolué, peut-être en arrivera-t-on là : à ce que tout un chacun puisse satisfaire son besoin d’estime en disposant d’un logement valorisant. Mais puisque, en s’appuyant sur la pyramide de Maslow, cette aspiration relève de la responsabilité individuelle, il n’appartient pas à la société d’y pourvoir. Tandis que satisfaire le besoin de sécurité, oui. Il faut donc gérer les urgences. Et l’urgence, c’est de ne plus laisser des gens à la rue. Et puis, je trouve pour ma part et pour avoir passé quelques années dans ce type de logement, et pas seulement pendant mes études, que c’est tout à fait digne, et bien mieux que ce dont disposent plusieurs milliards d’individus sur cette planète. Toutefois, libre aussi aux bien-pensants d’inviter des gens à résider chez eux s’ils veulent leur offrir mieux. Si leur accomplissement individuel passe par la mise en place de tels projets généreux, qu’ils ne s’en privent surtout pas. Quidam : Donc le but de ces logements de transition est autant de répondre aux besoins des étudiants, qu’à ceux des personnes manquant de moyens ? C’est enfin la fin des marchands de sommeil ? PG : Ah ça, c’est sûr ! Nous sonnons la fin de l’exploitation de la misère en mettant fin à cette misère. Ces résidences sont destinées à tous ceux qui en ont besoin, voire aussi simplement à ceux qui souhaitent y vivre. Comme les étudiants, qui sont d’ailleurs souvent aussi simplement des personnes manquant de moyens. Ou les jeunes qui se lancent dans la vie. Ou encore des gens qui traversent un de ces revers dont l’existence a le secret et disposent peut-être pendant quelque temps seulement de la solidarité sociale pour passer ce cap difficile. Ces résidences ne sont pas destinées à ce qu’on s’y éternise. Elles sont palliatives. Mais si certains s’y attardent, par goût ou par nécessité, pourquoi pas ? On peut très bien imaginer que quelqu’un préfère vivre là, ce qui nécessite peu de moyens, parce qu’il est en quête d’autres valeurs que de gagner suffisamment d’argent pour avoir un appartement complet à sa disposition ? Peut-être une démarche spirituelle, peut-être un artiste de rue, ou un poète. Tout est possible, tout est envisageable. De toute évidence, ce type de résidence nécessitera un gardiennage, afin d’assurer la bonne cohabitation entre des occupants aux situations potentiellement très diverses, ainsi que pour veiller au bon respect des lieux. Et tant pis pour celui qui ne sait pas faire preuve du savoir-vivre élémentaire pour partager cet endroit avec autrui : celui-là sera mis dehors. Et là, effectivement, il se débrouillera dans la rue. Mais il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. La société n’est pas responsable du bien-être de base de ceux qui se le refusent. Il n’y aura donc plus, à vivre dans la rue, que des gens qui s’excluent d’eux-mêmes par leurs comportements, ou des illégaux ayant provisoirement échappés à l’expulsion. Dans les deux cas, ils seront pleinement responsables de leur situation et la société n’aura plus à s’en culpabiliser. Quidam : Par contre, c’est là une mesure qui prendra du temps à se mettre en place. La construction d’immeubles adaptés ne se fera pas en un clin d’œil. PG : Effectivement. La construction de telles résidences nécessitera du temps. Mais ça peut avoir un effet très palpable en à peine quelques années, si on se penche sur l’adaptation d’immeubles d’habitations actuellement vides et dont il suffit d’aménager la distribution intérieure pour répondre aux critères voulus. Quidam : Et qui gèrerait ces résidences ? Un service de type CROUS ? Ou HLM ? PG : Vu la mauvaise gestion des HLM dont il n’est pas souhaitable de perpétrer la gabegie, je pencherai plutôt pour un système assimilé CROUS. Mais pourquoi pas aussi des associations dont certaines gèrent d’ailleurs déjà aussi de telles résidences ? Si elles font du bon travail, il n’y a pas de raison de prendre leur place. Si des entreprises privées arrivent à se rentabiliser par une bonne gestion tout en respectant le cahier des charges prévu, je n’ai aucune objection non plus. Pas de dogmatisme. L’Etat ne doit intervenir que pour compenser les lacunes de la société privée. S’il n’y en a pas, il faut savoir s’abstenir d’intervenir. Tout comme certains fonctionnaires devraient savoir s’abstenir d’agir lorsqu’il n’y a plus matière à le faire. Je pense notamment, même si ça n’a pas grand chose à voir avec les résidences de transitions, à ces classeurs de patrimoine qui classent tout, que ça le mérite ou pas, simplement parce qu’ils sont payés pour le faire. Quidam : Ah, vous les avez déjà écorchés en une autre occasion ceux-là. PG : Il est vrai. Dans l’immobilier, ils sont très actifs. Je comprends qu’on classe certains bâtiments exceptionnels. Mais classer tout ce qui est moindrement ancien, sous prétexte de le protéger, fige aussi les choses et peut devenir contreproductif. On le voit bien avec ces bâtiments qui tombent en ruine faute de budget de l’Etat pour tous les restaurer, mais dont le classement engendre tellement de contraintes et de limitations que les propriétaires privés ne se bousculent pas pour prendre le relais. Vous me direz que cette rareté permet aux quelques passionnés qui se lancent dans ce sacerdoce de passer à la télé dans les diverses émissions sur le patrimoine culturel et les beautés architecturales de notre pays. Mais personnellement, investir dans un bien pour que ce soit ensuite un architecte des bâtiments de France qui me dise ce qu’il m’autorise ou pas à faire, chipotant sur la couleur des volets alors que l’agriculteur voisin a lui le droit de mettre un vilain hangar en tôle ondulée dans le champ d’à côté, très peu pour moi. Outre le fait que je n’ai pas gagné au loto pour disposer du budget nécessaire à ce qu’un tel choix se pose, je trouve surtout que ça relève de cette mentalité que j’ai déjà pointée du doigt et qui consiste à mettre sur le dos des privés des obligations que l’Etat prétend promouvoir mais sans se donner les moyens de les assumer. D’ailleurs, si les exigences imposées aux particuliers s’appliquaient de la même manière à l’Etat, la pyramide du Louvre n’aurait jamais été autorisée. Et pourtant, on voit bien que c’est une réussite, louée de par le monde, devenue au même titre que la Tour Eiffel, un symbole distinctif de Paris et de la France. Comme quoi, à tout figer, on préserve certes certaines choses, mais on se prive aussi d’en voir éclore de nouvelles. Quidam : Ce n’est pas faux. Mais sans vouloir figer la conversation, revenons à notre problématique du logement. Ne voyez-vous rien de plus immédiat qui soit envisageable pour décongestionner le marché du logement ? Les associations qui militent sur le sujet appellent souvent à ce que l’Etat réquisitionne des immeubles laissés vacants pour en forcer la mise en location. N’est-ce pas une piste ? PG : Si bien sûr. Le vol institutionnalisé est toujours une option. Mais ce n’est pas la mienne. « Bien mal acquis ne profite jamais » dit l’adage populaire. Quidam : Décidément, vous êtes un homme de proverbes, vous ! PG : Oui, bien qu’avec discernement. Il y a beaucoup de sagesse dans la plupart des proverbes. Ici, c’est simplement une autre façon de dire que le bénéfice à court terme serait très néfaste à long terme. Or il est grand temps de cesser de vivre à court terme pour enfin construire notre société dans une perspective à long terme. Vous voulez un effet rapide ? Si de nombreux logements existants sont laissés vacants plutôt que mis en location, interrogeons-nous sur les raisons. Et ensuite, libérons les propriétaires de ce qui les rend réticents à louer, tout en les y incitant en pénalisant ceux qui ne louent pas. Il y a le cas de gros immeubles sur lesquels des investisseurs institutionnels préfèrent spéculer en espérant les revendre plus tard avec profit. Et il y a le cas d’immeubles insalubres que le propriétaire ne veut pas vendre mais qu’il n’a pas non plus les moyens de réhabiliter pour les louer ensuite. Là encore, l’outil dont dispose le gouvernement est celui de la fiscalité pour mener une politique incitative plutôt que coercitive. A l’heure actuelle, la taxation de l’immobilier résidentiel repose sur deux axes : la taxe foncière qui s’applique au propriétaire, et la taxe d’habitation qui s’applique à l’occupant. Si nous transférons la taxe d’habitation pour l’intégrer à la taxe foncière, cela fera davantage de différence de laisser un logement libre ou pas. En l’absence de loyer, pas moyen de rentabiliser cette charge supplémentaire. C’est déjà un peu le principe actuel de la TLV, Taxe sur les Logements Vacants, qui compense peu ou prou la taxe d’habitation non facturée en l’absence d’occupants, sauf qu’ici, nous simplifions le système en supprimant la nécessité de déclarations spécifiques et donc économisons aussi le besoin de contrôles. Cette mesure va donc en même temps dans le sens de la simplification administrative et l’allègement des coûts de traitements et de recouvrements supportés par le fisc. Toutefois, dans certaines zones, la logique d’une TLV pour pénaliser encore plus les logements laissés vacants conserve aussi son intérêt. Si bien que l’intégration de la taxe d’habitation dans la taxe foncière n’exclut pas d’y recourir également. Notamment si le dispositif permet, contrairement à ce qui existe actuellement, d’y inclure les locations saisonnières. Certains trouvent en effet plus rentable de louer uniquement à la semaine à des touristes pendant une partie de l’année seulement, plutôt que de proposer des locations longues durées seules susceptibles de répondre au besoin de logement des habitants. Les touristes s’en réjouissent, mais les régions très touristiques, cette pratique crée très artificiellement une raréfaction de l’offre locative. Dans certaines régions, comme le Nivernais, où l’offre excède la demande, instaurer une TLV relèverait du pur matraquage fiscal et ne se justifie nullement. Mais dans d’autres, comme la Provence et la Côte d’Azur, oui. Une telle taxe peut être très efficace du moment qu’elle est adaptée à la situation locale et qu’elle est constante d’une année sur l’autre. Elle permet de corriger là où c’est nécessaire le déséquilibre préjudiciable de rentabilité entre location saisonnière et location à l’année, tout en renforçant l’incitation globale découlant de l’alourdissement de la taxe foncière à mettre en location d’une manière ou d’une autre. Ainsi armées de ces taxes dont elles maîtrisent les taux pour les adapter à leur réalité locale, les collectivités territoriales disposent d’un réel levier pour lutter contre la problématique de ces logements existants mais laissés à l’écart du marché locatif. Mais évidemment, si le marché est fortement haussier, cela ne dissuadera pas la spéculation. C’est pourquoi, il est important de s’efforcer de stabiliser la hausse des prix de l’immobilier dans un premier temps, puis d’inciter dans un deuxième à ce qu’ils reviennent progressivement vers plus de raison. C’est un tout indissociable. Quidam : Mais vous évoquez là le cas d’immeubles entiers détenus essentiellement par des investisseurs institutionnels, ces fameux zinzins dont les dérives spéculatives contribuent à ce que les gens en recherche de logement le deviennent aussi. Alors que souvent, il s’agit simplement de petits bailleurs, des particuliers, qui ne possèdent qu’un appartement dans une copropriété. PG : Effectivement. Mais, pour ces petits propriétaires, cette mesure fiscale est tout autant incitative, sinon plus. Pourtant, eux, c’est surtout un autre problème qui les préoccupe. Un problème qui frappe aussi les grands bailleurs, même si ceux-ci sont mieux équipés pour le traiter et souvent aussi financièrement moins vulnérables à ses effets. Je parle de ces ardoises laissées par de mauvais payeurs qu’il faut deux, voire trois ans, pour pouvoir expulser, éventuellement en plus accompagné de la dégradation de votre bien. La crainte de ne pas être payé, alors qu’expulser est si difficile, incite fortement les propriétaires, petits ou gros d’ailleurs, à écarter les postulants dont les situations trop serrées ou instables semblent représenter davantage de risque. Et ce même s’ils peuvent présenter une caution très solvable ou ont cent mille Euros sur leur compte en banque. Mais certains propriétaires, trop échaudés, en viennent à ne même plus louer du tout. Chacun peut avoir des raisons personnelles de laisser vacant un logement plutôt que de le faire fructifier. Mais une chose est sûre : la législation très défavorable au bailleur en matière d’expulsion en est une majeure. En cherchant à protéger les gens en difficulté, la législation a créé une situation très favorable aux locataires de mauvaise foi. Quel propriétaire n’a pas entendu parler de cas où ont été payés les premiers versements à l’entrée dans le logement, et puis plus rien jusqu’à l’expulsion, au terme de deux ou trois ans de procédures ? Il s’est même vu des cas où le propriétaire, dégoûté d’un tel problème, mettait en vente le logement, forcément à vil prix, pour le voir alors racheté par le locataire indélicat qui avait donc tous les moyens d’honorer son loyer mais avait su se prémunir contre toute saisie lors des procédures de recouvrement antérieures. Est-ce que tous les bien-pensants qui militent contre les expulsions ont des logements qu’ils mettent en location ? Ou bien militent-ils d’autant plus qu’ils s’imaginent étroitement que tous les propriétaires sont des nantis qui n’ont pas besoin de leur argent ? Car la réalité est bien différente. Parmi tous ces petits bailleurs, il y a nombre de retraités touchant une maigre pension et qui ont grand besoin, pour boucler leur fin de mois, du loyer provenant de ce bien qu’ils ont fait l’effort d’acquérir au cours de leur vie. Ce n’est jamais qu’une alternative au fait de cotiser à un fond de pension privé en prévision du besoin de compléter une retraite minimaliste. Quidam : En fait vous êtes en train de dire que c’est la protection accordée aux mauvais payeurs qui rend les propriétaires aussi exigeants dans le choix de leurs locataires ? Tout comme vous avez argumenté que la protection contre le licenciement dissuadait d’embaucher ? PG : C’est exactement le même principe, effectivement. Et il n’est qu’à discuter avec des petits propriétaires pour s’en convaincre. Alors la solution est simple : modifier la loi ! Quelqu’un qui ne peut plus payer son loyer doit quitter les lieux. Que la société impose aux propriétaires d’assumer à sa place l’hébergement des gens ayant des problèmes financiers relève du vol institutionnalisé au nom de cette mentalité Robin des Bois si préjudiciable dans tant de domaines. Donc très clairement, dès le deuxième loyer impayé, le propriétaire doit pouvoir faire expulser le locataire, indépendamment de la situation familiale de celui-ci et de la période de l’année, car cela n’est pas son problème. Ensuite, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, au titre de la solidarité au sein de la société et de la satisfaction du besoin de sécurité, de prendre le relais en proposant justement un hébergement dans une résidence de transition. Une chambre pour une personne, un couple, ou un adulte avec un enfant, deux chambres pour une famille de trois ou quatre personnes, trois pour cinq à six personnes, etc. Et la personne, ou la famille, pourra l’assumer grâce à l’aide sociale. Mais ne demandez plus aux bailleurs d’assumer la misère du monde. Et alors vous verrez qu’on pourra instaurer un préavis de départ maximum d’un mois pour tous, rendre nul de plein droit tout engagement de caution d’une location immobilière résidentielle, et que malgré cela, un grand nombre de logements se retrouveront sur le marché et que leurs propriétaires et gestionnaires accepteront même des gens à salaire modéré, voire sans emploi. Simplement parce qu’ils pourront les mettre dehors facilement si ça se passe mal. Ce raisonnement me parait tellement évident que j’ai du mal à comprendre qu’on s’échine à faire exactement l’inverse. Quidam : Je suppose que, effectivement, il y aurait plus de logements remis en location et que les gens auraient moins de mal à s’y faire accepter comme locataires. Pourtant, le meilleur moyen de résoudre les problèmes locatifs ne serait-il pas simplement de favoriser l’acquisition ? PG : Il est irréfragable qu’une personne propriétaire de son logement est débarrassée de la question de devoir s’en louer un. Je crois discerner en vous une lointaine hérédité avec le marquis de Lapalisse. Il est tout aussi certain que quand un bien immobilier est déjà cher au départ, y rajouter environ 7% de droits d’enregistrement n’arrange guère les choses. De plus, ça pénalise les gens astreints à la mobilité, ou ceux sujets à une vie professionnelle pleine de… rebondissements. S’il faut revendre tous les deux ans, il faut un marché sacrément haussier pour compenser ces droits. Alors certains, dans cette situation, n’achètent jamais, et ne peuvent jamais commencer à économiser leur loyer pour accumuler à la place de la valeur patrimoniale. Idéalement, un loyer étant normalement un peu moins cher qu’un remboursement d’emprunt, ces gens économisent. Et un jour, lorsqu’ils se stabilisent et envisagent d’acheter, ils constatent que celui qui n’a rien mis de côté et bien vécu est en plus favorisé par des mesures de déductibilité partielle des intérêts d’emprunt immobilier par rapport à celui qui s’est serré la ceinture en attendant de pouvoir franchir le pas. Ce n’est pas vraiment une politique qui encourage à la responsabilisation individuelle, mais, malheureusement, la logique qui y préside se retrouve aussi dans d’autres domaines. Alors je suis clairement contre ces mesures fiscales inéquitables d’incitation à l’acquisition, tout comme j’étais contre celles en faveur de l’immobilier locatif. Et je considère d’ailleurs aussi qu’il faut traiter la plus-value de revente d’un bien immobilier comme un revenu normal, que ce soit une résidence principale ou pas, avec le seul abattement de l’érosion monétaire éventuelle. Par contre, je suis également contre cette pratique des droits d’enregistrement proportionnels. L’enregistrement d’une vente immobilière est un acte administratif. Que le bien vaille cent mille Euros ou un million, la charge de travail au cadastre est la même. Alors cette taxe d’enregistrement doit être un droit fixe, par exemple de l’ordre de 1’000 Euros, plus environ 500 par parcelle ou lot supplémentaire éventuel. Voilà qui permettra largement, je pense, de rémunérer le notaire et de couvrir le travail d’enregistrement des fonctionnaires. D’ailleurs, comme pour le plafond de non-remboursement de dépenses de maladie, on peut aussi indexer ce montant sur le minimum social. Les frais d’enregistrement d’une transaction immobilière sont alors égaux au montant mensuel du minimum social multiplié par le nombre de parcelles concernées plus un. Quidam : Cette mesure serait certainement appréciable et favoriserait les transactions. Mais elle n’influerait en rien sur le prix élevé du marché. Voire l’encouragerait en partie. PG : Cher parce que rare. Rare parce qu’il y a trop de demande. Les mesures agissant sur la demande auront leur effet à long terme pour diminuer la pression haussière. Mais en attendant, effectivement, l’immobilier est cher. Encore que, cher par rapport à quoi ? Par rapport à ce à quoi nous étions habitués ? Parce que si les nationaux de plusieurs pays Européens sont si intéressés à venir acheter une maison de vacances en France, c’est parce qu’elles y sont bien moins chères que chez eux. Tout comme certains français trouvent intéressant d’en acheter une en Espagne ou au Maroc. Alors cher, tout est relatif. Si on regarde les Pays-Bas ou l’Allemagne, la densité de population est beaucoup plus importante qu’en France, et le coût de l’immobilier encore plus élevé vu la rareté encore plus grande des terrains. Et malgré cela, les gens trouvent à se loger. Alors on peut prendre des mesures pour assainir la situation du logement, ou au moins éviter de l’aggraver, mais les données fondamentales du problème relèvent d’autres sujets, notamment la démographie, aussi bien à l’intérieur de nos frontières qu’à l’extérieur. Or la hausse de la demande mondiale qui fait monter les cours des matériaux de construction est hors de notre champ d’action national. Sauf à exiger des entreprises françaises de production de matériaux pour le bâtiment de vendre leurs produits moins chers sur le marché français qu’elles ne peuvent le faire sur le marché international. Mais croyez-vous qu’une telle distorsion des réalités économiques pourrait tenir longtemps ? Ce n’est pas réaliste. Tout comme je ne crois pas réaliste de lancer une révolution foncière pour redistribuer les terrains afin que chacun en ait un bout, mais pas là où il l’aurait souhaité, et forcément moins bien que celui du voisin… Bref, ça ne satisferait ni les spoliés ni ceux qui en profitent. Et surtout, ce ne serait pas responsabilisant. Une telle mesure n’est envisageable qu’en tout dernier recours pour relancer le jeu si, faute de volonté d’évoluer, la partie tourne à la catastrophe. Quidam : Qu’entendez-vous par là ? PG : Que si nous ne faisons rien et que la société s’écroule avec son système économique vicié, nous n’allons pas arrêter de vivre pour autant. Il faudra alors simplement faire une redistribution des cartes pour relancer une nouvelle partie, et selon des règles plus propices à sa pérennité. Mais nous n’en sommes pas là. Nous avons encore des solutions pour éviter d’en arriver là. Pour le moment. Alors, le coût du logement se renchérit ? C’est pire ailleurs. Il faut s’y adapter. C’est une donnée qui nous incite à évoluer, même si on considère que ce n’est pas forcément pour le mieux. Il faudra se contenter de plus petites surfaces, il y aura moins d’argent disponible pour les loisirs, ainsi que pour fumer ou se saouler, même si là, ce serait plutôt un effet secondaire favorable. Il faudra repenser son budget. Peut-être dans les grandes villes se débarrasser de la voiture pour ceux qui en ont encore une. Mais avant tout, cher, c’est par rapport à notre pouvoir d’achat. Alors il faut surtout s’efforcer de bâtir une société où le niveau de vie sera plus satisfaisant que maintenant grâce à une économie saine. Et si nous n’y arrivons pas, si nous sommes débordés par des facteurs que nous ne parvenons pas à maîtriser, eh bien il faudra se résoudre à faire comme en Chine et partager les appartements à une famille par pièce. Peut-être que dans les grandes villes, ces colocations si prisées dans les séries américaines deviendront la norme ? Ce ne sera qu’un facteur de plus pour inciter les gens à migrer avec leurs employeurs vers la qualité de vie qu’offrent les zones moins denses. On se plaint, mais ce pourrait être bien pire. Et surtout, pour les problèmes dont nous nous plaignons, nous avons des solutions, ainsi que nous venons d’en discuter. Quidam : Il y a des facteurs qui sont effectivement plus difficiles à maîtriser que d’autres. Et ainsi que vous le disiez, le cours des matériaux de construction dépend d’un marché mondial. Alors l’indice du coût de la construction s’envole, et sans rien faire, tout un tas de gens se retrouvent avec des augmentations de loyer qui plombent leur budget et les mettent en difficulté. Voilà un vrai problème qui demanderait aussi qu’on y apporte un remède. PG : Mais il y a un remède tout trouvé. Il est contenu dans la question : qu’est-ce qui justifie une augmentation de loyer ? L’indice du coût de la construction sur lequel est indexé la plupart des loyers augmente, alors les loyers aussi. Mais le bâtiment, lui, il est construit et son coût initial ne change pas pour autant. Alors pourquoi cette augmentation ? Quidam : Pour l’entretien. Il faut bien rénover, réparer ce qui ne va pas, parfois remettre aux normes de vieux immeubles. Tout cela a un coût qui augmente avec le coût de la main d’œuvre et des matériaux. PG : C’est bien ce que disent les propriétaires immobiliers. Alors commençons par séparer ce qui maintient simplement le bien en état de ce qui l’améliore. Quand vous emménagez dans un logement, il est censé être en bon état. En matière d’immobilier, dans un logement en bon état, vous êtes en droit d’attendre n’avoir aucun souci pendant au moins dix ans. D’ailleurs, la garantie décennale en matière de construction, qui est l’une des trois seules obligations actuelles d’assurance avec l’automobile et la chasse, est là pour le rappeler. Au-delà de l’entretien courant qui est de toute façon à charge du locataire, tous travaux de maintenance ou de réfection qu’aurait à faire le propriétaire ne serait que signe d’un défaut d’entretien antérieur. Et cela vaut à plus forte raison pour un logement neuf garanti dix ans. Dans tous les cas donc, le locataire n’a pas à assumer de surcoût sur ce prétexte. En partant de ce principe, le propriétaire et le locataire s’entendent sur un loyer et il faut s’en tenir là. Pour au moins dix ans. Au-delà, je veux bien admettre qu’il puisse commencer à y avoir des coûts normaux de réfection. Mais d’un autre côté, plus le temps passe, et plus l’investissement initial au titre de l’achat de l’immeuble est amorti. Jusqu’à l’être totalement à un moment donné. Et donc plus le temps passe, plus les loyers servent à couvrir les dépenses de réfection plutôt que l’amortissement du bien. Donc même là, les augmentations n’ont pas de justification évidente. Au bout de vingt ans, durée habituelle d’amortissement d’un immeuble en comptabilité française, les loyers encaissés sont entièrement dédiés à couvrir le maintien en état du bien. Il faudrait une sacrée envolée du coût de la construction pour que les propriétaires ne s’y retrouvent pas. Alors de mon point de vue, les augmentations de loyer doivent n’avoir lieu qu’aux échéances décennales du contrat de location et sous forme de renégociation libre. Car ce qui justifie la variation du loyer, ce n’est pas l’entretien de l’immeuble, ainsi que je viens de vous le dire, mais la simple évolution des valeurs immobilières et des loyers du fait des variations du marché, des changements dans l’environnement du bien qui peuvent en affecter la valeur, etc. Il s’agit donc simplement de permettre tous les dix ans le réajustement du loyer à l’évolution de ces réalités. Et d’ailleurs, ce peut aussi être une baisse de loyer qui résulte de la discussion. Si le propriétaire refuse la baisse, le locataire est libre de déménager, s’il trouve plus intéressant ailleurs. Si c’est le locataire qui refuse la hausse, le propriétaire peut choisir de lui donner congé avec préavis de six mois et en prenant en charge les frais de déménagements locaux. Quidam : Ca se défend. Mais alors pour les dépenses qui améliorent un logement, là, vous seriez d’accord pour qu’il y ait augmentation ? PG : L’amélioration apporte quelque chose au locataire. S’il bénéficie d’une meilleure prestation du fait des investissements du propriétaire, il n’est que normal qu’il paye un peu plus aussi. Mais il faut tout de même encadrer ce principe. D’abord, on ne peut imposer une amélioration à un locataire qui n’en veut pas. Par exemple faire poser des stores ou une climatisation ne doit pouvoir se faire qu’avec l’accord du locataire qui doit connaître à l’avance l’augmentation de loyer que cela implique. Celle-ci, évidemment doit dépendre de la durée de vie des équipements en question, mais du moment qu’elle doit être acceptée, elle doit surtout faire l’objet d’une négociation. Et s’il n’y a pas accord, libre au propriétaire de choisir entre ne pas procéder à l’amélioration ou le faire sans augmentation. Ce dernier cas par exemple se justifierait si tous les habitants sauf un locataire acceptaient un surcoût pour la pose d’une climatisation, car il serait alors plus logique d’équiper tout l’immeuble au cours du même chantier plutôt que de faire revenir le prestataire pour complément lorsque ce locataire déménage. Mais il y a aussi le cas de l’amélioration qui certes améliore, mais rénove l’existant en même temps. Pensez à des travaux d’isolation par exemple. L’isolation existe au départ, ou du moins on l’espère, mais, du fait de son amélioration, elle va permettre au locataire d’économiser sur sa facture de chauffage. Il a donc un gain pour lui. Mais encore faut-il que ce soit réellement une amélioration. Remplacer de la vieille laine de verre par de la neuve est une réfection si c’est la même épaisseur qu’à l’origine, mais est une amélioration si elle est plus épaisse ou que le matériau est plus isolant que celui d’origine. C’est pareil pour le passage d’une fenêtre simple vitrage à une à double vitrage. La fenêtre existait, mais elle isolera mieux après ce changement. Donc dans ce cas, sauf à pouvoir déterminer par des éléments précis la proportion d’amélioration par rapport à l’existant, on peut simplifier en considérant que la moitié du coût de l’amélioration est susceptible d’être répercutée en augmentation de loyer au locataire. En pareil cas, dans la mesure où il y a obligation d’entretien de la part du propriétaire, on ne peut laisser au locataire la liberté d’accepter ou pas. Le propriétaire pourra imposer les travaux. Et en cas de désaccord sur la répercussion de l’augmentation, la justice arbitrera. Quidam : Voilà de quoi alimenter l’encombrement des tribunaux. PG : J’en doute. Si le système judiciaire est réformé ainsi que nous en avons parlé pour sanctionner la mauvaise foi, et si les règles de répercussion de travaux d’amélioration de l’habitat sont suffisamment clairement définies, ce que la jurisprudence aura tôt fait de faire, peu de cas iront au-delà de la simple médiation-conciliation. Toujours est-il qu’avec de telles mesures, les augmentations de loyers seront du coup essentiellement limitées au changement de locataire. Et peut-être d’ailleurs, si la situation évolue favorablement, seront-ce des baisses qui résulteront d’un changement d’occupant. Quidam : En fait, vous qui souhaitez favoriser la mobilité, en période de hausse il y aurait une prime à ne pas bouger, alors qu’en période de baisse, il serait plus avantageux de déménager dans un logement au loyer renégocié. PG : Ou de négocier une baisse avec son propriétaire sans déménager. Tout est envisageable. Quidam : Le système est intéressant. Du moins pour les locataires, qui seraient alors moins tributaires des augmentations régulières de loyer. Mais le risque est que les propriétaires s’en prémunissent en demandant à l’entrée dans le logement un loyer bien plus conséquent. PG : Qu’importe si le locataire l’accepte. Soit le locataire est naïf, et alors tant pis pour lui, il redéménagera vers un logement moins cher lorsqu’il s’en apercevra, soit le marché le justifie. Mais dans tous les cas, si vous acceptez un loyer aujourd’hui, vous saurez, ceteris paribus, que vous pourrez l’assumer aussi demain. Il me semble que ce système est plus juste que la mesure prise bien tardivement de limiter à l’inflation l’augmentation des loyers induite par la hausse régulière de l’indice du coût de la construction. Et ce d’autant que les loyers contribuent pour 6,1% à la constitution de l’indice des prix à la consommation qui sert de base pour évaluer l’inflation. Les indexer sur un indice dont ils sont partie prenante ressemble fort à de l’autoallumage. Les gens de l’INSEE doivent avoir des logiciels spécifiques, parce que si j’essaye de faire ça sur mon tableur, j’aurai droit à un message d’erreur pour cause de référence circulaire. 26 : inflation et monnaie Quidam : Voilà qui présente une transition toute trouvée pour discuter un peu de l’inflation. Il semble que l’augmentation des prix soit quelque chose de relativement inévitable, que ce soit pour l’immobilier comme pour les biens de consommation courante. L’inflation apparaît comme une menace omniprésente à notre pouvoir d’achat. Avez-vous aussi des idées sur le sujet ? PG : Effectivement, on entend parler d’inflation à tout bout de champ, mais j’ai bien l’impression que c’est avant tout un problème psychologique et une manipulation. Nous sommes conditionnés par le fait que tout augmente, la population, la richesse, le développement, et dès lors nous ne nous interrogeons même plus pour savoir ce qu’est réellement l’inflation. Et donc pas non plus pour savoir si c’est une fatalité incontournable. Alors qu’est-ce que l’inflation ? C’est, ainsi que tout le monde le sait, le fait que l’ensemble des prix des produits divers tende à augmenter avec le temps. Cela veut dire que les cent Euros que vous avez maintenant vous permettent d’acheter une certaine quantité de biens, mais que dans un an, vous ne pourrez plus en acheter qu’un peu moins. Vos cent Euros vaudront donc moins dans un an que maintenant. On parle d’érosion monétaire. Il y a tout un tas d’explications économiques pour justifier le phénomène de l’inflation, et dont certaines ont d’ailleurs déjà été évoquées à propos de l’immobilier : augmentation de la demande du fait de la croissance de la population et de celle du niveau de vie qui permet à toujours plus de consommateurs de consommer toujours plus, engendrant une augmentation du coût des matières premières du fait de cette plus grande demande, etc. Bref, ça semble un phénomène économique naturel et inéluctable dans un monde qu’on voudrait nous faire croire en perpétuelle croissance. Mais prenons un peu de recul et changeons d’angle de vue pour appréhender ce phénomène différemment. L’inflation, au final, est en fait totalement assimilable à une taxe. Si vous avez 100€ et que l’inflation est de 2% l’an, cela équivaut au bout d’un an à avoir payé une taxe de 2€. Une sorte d’amende pour vous punir de ne pas avoir consommé, de ne pas avoir réinjecté votre argent dans le système. Car le système monétaire a besoin de cet argent pour fonctionner. Alors il ne veut pas que vous le gardiez de côté, que vous le retiriez du jeu en le cachant dans un de ces fameux bas de laine. Et il vous y incite en vous taxant par le biais de l’inflation. S’il y avait de la déflation, qui est l’inverse de l’inflation, garder votre argent de côté lui donnerait plus de valeur par rapport à des prix qui baissent. Et alors vous auriez tout intérêt à différer votre consommation puisqu’en consommant plus tard vous pourriez consommer plus. Quidam : Exactement comme cela se passe en matière de biens électroniques, non ? PG : Oui. Ce secteur évolue si vite qu’en attendant simplement six mois pour changer votre ordinateur, vous en avez un soit moins cher, soit plus performant, et souvent les deux. Dans ce domaine, celui qui achète a perdu, celui qui attend a gagné. Sauf qu’à trop attendre, on n’achète jamais et on perd l’usage du bien. Mais c’est un autre genre de débat qu’on laissera à Buridan et à son âne. Ce qui est important ici, c’est de comprendre que l’inflation est au détriment du consommateur et donc l’incite à consommer, ou à chercher des placements offrant une rentabilité compensant cette érosion, ce qui n’est jamais que consommer des services financiers en plus de confier à d’autres le soin de jouer avec votre argent. La déflation au contraire est au bénéfice du consommateur : en ne faisant rien, vous gagnez. Alors vous vous doutez bien que, dans la logique qui régit notre société actuelle, ce qui est bon pour le consommateur n’est pas bon pour le système, ni pour ceux qui le contrôlent. Dès lors on nous a habitués, conditionnés même, à trouver normal qu’il y ait un peu d’inflation, et à s’inquiéter dès qu’il n’y en a plus. Il parait que c’est mauvais signe pour l’économie. D’ailleurs, vous n’entendrez que rarement parler de déflation. Quasi systématiquement, le terme est remplacé par récession, qui lui est synonyme de ralentissement économique, d’appauvrissement, donc de pas bien du tout. Une chose est d’ailleurs amusante à propos de l’inflation : c’est de constater à quel point elle est autoalimentée. En réponse aux revendications périodiques des salariés, bon nombre de salaires sont quasi indexés sur l’indice des prix, pour au moins maintenir le pouvoir d’achat. Du coup cela renchérit le coût du travail et induit de facto une augmentation du coût de production, et donc du prix de ces biens que vous espérez pouvoir acheter avec ce salaire apparemment amélioré. Combien de contrats de services ont un tarif indexé soit directement sur l’inflation, telle que mesurée par la progression de l’indice des prix à la consommation, soit sur un autre indice plus spécifique mais au principe similaire ? Les loyers immobiliers dont nous venons de parler n’en sont-ils pas un autre exemple ? Alors avec un tel système en boucle, il est bien clair que l’inflation va s’auto-entretenir tranquillement. Quidam : Mais si vous la taxez de taxe, enfin si j’ose dire, ce serait au profit de qui ? Car les taxes vont au gouvernement. Mais dans le cas de l’inflation, le gouvernement la subit comme tout un chacun. PG : Enfin, il la subit, ce n’est pas si sûr. Quand vous êtes surendetté, l’inflation contribue à faire baisser la valeur future de vos dettes et donc vous bénéficie. Une déflation au contraire les augmenterait. D’où l’aversion du gouvernement pour la déflation qui est pourtant favorable au pouvoir d’achat du consommateur. Mais pour revenir à cette analogie avec une taxe, il faut bien avouer que les économistes qui ont développé ce type d’analyse ne sont pas particulièrement appréciés des instances de la finance, sort somme toute fort commun de toute personne qui dit tout haut ce que d’autres voudraient garder tout bas. Dès lors, ce sujet est rarement abordé dans les média. Car cette inflation-taxe n’est pas perdue pour tout le monde. Mais pour le comprendre, il faut commencer par comprendre ce qu’est la monnaie et comment fonctionne le système monétaire. Et pour cela nous allons faire un peu d’histoire. C’est passionnant l’histoire. La monnaie, ce n’est jamais qu’un moyen de mesurer les échanges afin que ceux-ci soient plus pratiques que le troc. Imaginez le problème que vous auriez si vous fabriquiez une paire de chaussure pour femme de pointure 43 et vouliez la troquer contre du pain. Il vous faudrait d’abord trouver la Berthe qui puisse chausser ces chaussures, qu’elles lui plaisent, et qu’en plus elle soit boulangère et produise un pain qui se conserve longtemps, car vous pourrez certainement espérer plus d’un pain en échange de cette paire de pompes. C’est tout de même très peu pratique. Alors s’est développé le principe de troquer non pas contre un autre bien mais contre un bien intermédiaire : une unité d’échange. Non seulement cela évite le tracas de trouver quelqu’un qui veuille échanger ce que vous avez contre quelque chose que vous voulez, mais en plus vous n’avez pas besoin de trouver un bien en échange immédiatement. Ca peut attendre quelques jours, voire quelques années, tant que cette unité d’échange garde sa fonction. Et vous pouvez l’accumuler pour, plus tard, l’échanger contre quelque chose de bien plus gros avec quelqu’un qui n’aurait jamais accepté cent paires de chaussures en paiement. C’est le principe de l’épargne. Cette monnaie rend donc la vie bien plus simple. Selon les civilisations, ça a pu être des grains de cacao, des coquillages, des perles, des pierres plus ou moins précieuses, jusqu’à ce que se généralise, du moins en Mésopotamie, Bassin Méditerranéen et Europe, le principe de pièces de métaux précieux : or, argent ou bronze. Le fait d’avoir du métal précieux permettait dès lors d’avoir de la richesse. D’où l’engouement pour la recherche d’or ou d’argent qui permettait de la richesse spontanée sans avoir eu besoin de l’acquérir dans des échanges. Et s’est alors posé le problème du privilège de « battre monnaie », c’est à dire le droit de frapper des pièces ayant cours légal. En France, c’est au Moyen-âge, qu’après plusieurs avancées et reculades, le gouvernement central royal a réussi à s’octroyer définitivement l’exclusivité de ce privilège, au détriment de tous les petits seigneurs locaux. Le pouvoir lié au contrôle de la monnaie était né. Ces espèces sonnantes et trébuchantes, pièces officiellement calibrées et frappées, sont ce qu’on appelle de la monnaie fiduciaire. Intervient alors une deuxième phase dans le développement de la monnaie. Les voyageurs s’apercevant que se déplacer avec de grosses quantités de pièces de monnaie sur des routes pleines de brigands posait quelques menus problèmes, se sont développés des réseaux de banques proposant des services de compensation. Une banque de votre point de départ recevait vos espèces en dépôt et vous délivrait une lettre de paiement, ce qui vous permettait de retirer à destination d’autres espèces dans une autre banque avec qui elle était en relation. Et la première banque se chargeait de compenser ces retraits auprès de ce correspondant en lui transférant plus tard physiquement et à ses propres risques les espèces avancées pour son compte. Avec le développement de ces transactions, les compensations par transferts d’espèces devinrent moins fréquentes que les mises en équivalence des diverses lettres de paiement que les multiples banques détenaient les unes sur les autres. Ces lettres de paiement marquèrent la naissance de la monnaie scripturale. Cette monnaie scripturale se devait de toujours être le reflet de richesses réelles déposées dans les coffres des banques. Elle se développa avec diverses variantes, jusqu’à ce que les banques ne se mettent à émettre des billets de banque échangeables aux comptoirs de la banque émettrice contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Divers cas d’émissions excessives de ces billets de banque par rapport aux espèces effectivement détenues causèrent diverses faillites bancaires, au point de jeter le discrédit sur ces billets. Jusqu’à ce que, au 19ème siècle, le gouvernement n’attribue à une seule banque, la Banque de France, le monopole d’émission de ces billets en leur donnant force de paiement libérateur. Ce qui veut dire que donner un tel billet en paiement à un commerçant vous libère de la dette correspondant à l’achat réalisé. Ce n’est donc qu’à ce moment-là que le billet de banque gagna le rôle que nous lui connaissons aujourd’hui et qui nous fait le classer au rang des espèces sonnantes et trébuchantes, bien qu’il ne sonne ni ne trébuche. Mais les pièces en nickel, qui ont progressivement remplacé celles dont la valeur était liée à la quantité de métal précieux qu’elles contenaient, ne valent guère mieux de ce point de vue que ce papier devenu papier-monnaie. Toujours est-il que rapidement, les banquiers ont constaté que les retraits effectifs d’espèces stockées dans leur coffre étaient bien inférieurs à la monnaie scripturale en circulation et qui se révélait plus pratique pour les voyageurs. Alors est née l’idée qu’avec ces fonds en dépôt quasi permanent, ils pouvaient, en plus des services de compensation et de crédits sur leurs fonds propres qu’ils offraient déjà, octroyer des crédits plus importants basés sur cet argent dormant qui ne leur appartenait pas. Et cela était d’autant plus facile que ces crédits se faisaient également de plus en plus sous forme de monnaie scripturale plutôt que fiduciaire. Alors la masse monétaire, la somme d’argent en circulation, s’est mise à gonfler bien au delà de la monnaie en espèces réellement en dépôt dans les coffres des banques. Prenons un exemple pour que ce soit bien clair. Une banque dispose de fonds dormants en dépôt pour un montant de 100. Elle prête ces 100 à un emprunteur, par exemple votre voisin Analphabétix. Il s’en sert pour payer une dette à son épicier Boitederaviolix. Celui-ci conserve 15 en espèces et dépose 85 à sa banque, peut-être la même d’ailleurs, qu’importe. Cette banque, qui dispose dès lors de ce dépôt, peut à son tour faire une opération de crédit. Elle prête donc non pas 85, mais un peu moins, car la prudence lui dicte de conserver une réserve minimale d’espèces que nous allons fixer ici à 5, au cas où des retraits supplémentaires adviendraient. C’est donc 80 qui sont prêtés à l’emprunteuse Carlabrunine qui achète quelque chose au commerçant Dépositionsousix. Celui-ci décide de conserver des espèces pour un montant de 10 et de déposer 70 à sa banque. Celle-ci va par prudence conserver une réserve de 4 et prêter le disponible de 66 à l’emprunteuse Eléganceféminine qui les dépense au magasin de Fetasalakix. Celui-ci conserve 8 d’espèces et dépose 58 à sa banque. Et ainsi de suite jusqu’à Yvescalvix et Zoueurderugbix, voire au-delà. Et voilà comment un dépôt initial de 100 génère toute une succession de prêts en cascade et augmente la masse monétaire d’une proportion qui dépend d’un côté de la quantité moyenne d’espèces que les emprunteurs conservent en circulation, et de l’autre de la réserve minimale de prudence conservée par la banque à chaque opération et qui est déterminée légalement par le ratio Cooke. Ce ratio Cooke ne cesse de baisser : de 8% au début des années 80, il en est maintenant à seulement 2%. Les espèces en circulation tendent à baisser également avec le développement de tous les moyens de paiement électronique. Il semble que cela soit de l’ordre de 15% en Europe actuellement. De fait, si la rotation monétaire est suffisamment rapide, c'est-à-dire si cet effet de boule de neige se produit assez vite pour générer ces nombreux nouveaux prêts avant que le premier ne soit remboursé, les 100 Euros de dépôt initial peuvent générer une masse monétaire supplémentaire de presque 600 Euros, mais ne reposant sur aucune pièce, billet ou richesse assimilée stocké dans un coffre. Ce système de multiplication des petits pains s’appelle la création monétaire par réserve fractionnaire. Il permet aux banques, au travers de leur activité de crédit, de créer de la monnaie bien au-delà de ce qui existe effectivement en monnaie fiduciaire. Et bien évidemment, chaque remboursement de crédit détruit la monnaie ainsi créée, libérant donc des fonds pour une nouvelle opération. Quidam : Donc en clair, si tout le monde va en même temps retirer en espèce les soldes de leurs comptes bancaires, il n’y aura de quoi payer que 2% du total ? PG : Ou peut-être un peu plus, dans la mesure où on peut supposer que toutes les banques ne sont pas juste à la limite du ratio Cooke. Mais vraisemblablement pas tellement plus. Tout le système bancaire est virtuellement en situation d’insolvabilité, c'est-à-dire de faillite par défaut de liquidité. Qu’un vent de panique s’empare de la population et qu’elle veuille retirer ses dépôts, et les banques tomberont aussitôt en cessation de paiement. C’est ce qui a failli se passer lors de la crise Argentine au début du millénaire. Si bien que pour éviter la faillite des banques du pays, le gouvernement argentin a dû interdire les retraits. Parler de l’Argentine me donne l’occasion d’ouvrir une parenthèse pour mentionner les SEL. Vous avez probablement entendu parler des Systèmes d’Echange Locaux qui consistent dans un endroit donné, quartier ou village, à favoriser les échanges directs de services ou de biens entre les membres, à l’aide d’une unité de compte qui est spécifique au réseau et porte un nom dépendant de l’imagination des fondateurs, souvent grain, puisque grain de SEL, mais aussi pelou en Ardèche en hommage à leurs châtaignes, etc. Quidam : Oui, ces SEL sont des systèmes sans argent. PG : C’est vrai dans la mesure où il n’y a pas d’argent ni au sens de métal ni au sens de la monnaie légale nationale, mais c’est hypocritement faux au sens où est simplement utilisée une monnaie de remplacement spécifique au système. Le SEL se borne donc en fait à réinventer une monnaie au sein d’un système économique parallèle, hors des circuits de taxation de l’Etat. Légalement, c’est un système de travail au noir. Tant que cela reste très marginal, ça passe pour d’aimables initiatives de stimulation de la vie locale et du lien social. Mais si ça prenait de l’ampleur, cette économie parallèle poserait les mêmes problèmes à notre société que pose au gouvernement d’Athènes toute l’économie souterraine grecque et dont il est estimé que le manque à gagner au niveau recettes fiscales et cotisations sociales représente à peu près ce qui manque pour équilibrer les comptes publics très déficitaires de ce pays. Alors si l’Argentine m’a amené à parler de SEL, c’est parce que justement, lorsque le gouvernement de Buenos-Aires a interdit les retraits d’espèces et que les commerçants n’acceptaient plus non plus ces chèques et ces cartes bancaires qui n’avaient plus de contreparties sonnantes et trébuchantes, la vie économique a dû s’organiser autrement. Et autrement, ce fut en partie au travers d’un SEL local qui se mit à se développer à vitesse accélérée jusqu’à atteindre six millions de membres ! Inévitablement, comme le SEL n’est aucunement une panacée et que gérer des millions d’adhérents est autre chose que d’en gérer cinquante ou cent, il a commencé à être miné par les mêmes problèmes que ceux du système monétaire normal, et notamment par la fraude, jusqu’à ce que les gens commencent à se méfier, finissent par ne plus accepter la monnaie du SEL et que celui-ci s’écroule. Cet épisode démontre bien qu’une monnaie, c’est avant tout de la confiance. Vous acceptez un billet parce que vous pensez qu’il sera accepté à son tour par un commerçant lorsque vous voudrez acheter quelque chose. Sinon, vous ne l’accepteriez pas. Pour remplir son office, une monnaie doit avoir du crédit, mot qui dérive du latin credere « croire ». Si vous ne croyez pas dans la valeur de la monnaie pour une transaction future, vous ne faites pas l’échange. Je referme ici la parenthèse SEL. Donc pour en revenir à la monnaie, vous comprenez mieux pourquoi votre billet de cent Euros, le système bancaire ne veut pas que vous le gardiez au chaud dans un bas de laine mais préfère qu’il soit déposé dans une banque où, par effet boule de neige de la création monétaire par réserve fractionnaire, il va permettre de lucratives opérations de crédit et générer un accroissement de la masse monétaire. On retrouve d’ailleurs ici la notion de crédit, dans le sens de croire que la banque sera remboursée par l’emprunteur. L’accroissement de cette masse monétaire est déterminant pour l’économie. Plus elle est importante, plus les gens ont d’argent à dépenser, et donc plus la demande augmente, et plus les entreprises produisent, créent des emplois, etc. Mais avec la demande, tendent à augmenter aussi les prix. L’accroissement de la masse monétaire contribue donc à générer de l’inflation qui érode votre pouvoir d’achat et neutralise à terme l’accroissement de valeur réelle de la masse monétaire. Il est assez cocasse de constater qu’en mettant votre argent à la banque plutôt que dans un bas de laine, vous contribuez à créer cette même inflation dont vous cherchiez à vous préserver en le faisant. Quidam : Comment s’étonner que les gens s’y perdent ! PG : Toutefois, ce n’est pas le seul effet pervers de ce système. Il faut aussi comprendre le principe du coup d’accordéon. On en parle régulièrement en matière de bouchon sur les autoroutes en période estivale, mais c’est exactement pareil au niveau économique. Nous en avons déjà parlé, naturellement, l’économie fluctue : tantôt un peu plus, tantôt un peu moins. Un peu plus, c’est quand les gens ont le moral. Ils sont alors plus portés à consommer qu’à épargner pour se prémunir de jours possiblement difficiles. Ils empruntent donc parce qu’ils sont optimistes, et comme les banquiers le sont aussi à ce moment-là, ils prêtent. Et la masse monétaire augmente, favorisant l’essor économique… et l’inflation. Un événement aussi insignifiant que de gagner par hasard la coupe du monde de football suffit à doper l’économie d’un pays et améliorer les statistiques de croissance. A l’inverse, que le moral des ménages baisse, que les banques soient plus méfiantes sur leur capacité de remboursement et donc prêtent moins facilement, et la masse monétaire décroît, engendrant une contraction de la consommation, avec un effet de levier augmentant le ralentissement redouté sur le principe de la prophétie auto-accomplie. Alors voilà, maintenant vous savez qu’Adam Smith ne nous avait pas tout dit : sa fameuse main invisible est celle d’un accordéoniste. Normal d’ailleurs, puisque l’équilibre parfait ne peut être qu’immobilisme. Or la vie est tout sauf immobile. Alors ce que nous considérons équilibre n’est en fait qu’une succession d’oscillations autour d’une tendance moyenne. Mais comme, sous prétexte de stimuler la croissance, chacun des coups d’accordéon naturels est démultiplié par effet de levier, ce système fonctionne en fait comme un amplificateur d’instabilité. Et vous comprenez aussi pourquoi, puisque l’économie est tellement dépendante de la psychologie, le Gouvernement vous désinforme à tout va en essayant de vous faire croire que tout va bien quand c’est tout l’inverse. Simplement parce que, si vous le croyez, vous allez contribuer à ce que ça s’améliore tout seul. Quand la santé économique d’un pays dépend de quelque chose d’aussi volatile que l’humeur des gens, il y a de quoi s’interroger sur la sagesse du système. Quidam : On a effectivement souvent l’impression que les gouvernements comptent beaucoup sur la méthode Coué pour résoudre les ralentissements économiques. PG : Combien de fois avez-vous entendu ce vieux précepte de bon sens : ne pas construire sur du sable ? Mais ici, l’économie est carrément construite sur du sable. Et mouvant qui plus est. Comment voulez-vous qu’elle trouve naturellement un équilibre alors que sont constamment amplifiés les mouvements naturels de l’infatigable accordéoniste ? Et là-dedans, intervient la banque centrale. La banque centrale d’un pays est l’organisme en charge d’émettre la monnaie. Mais elle doit aussi se préoccuper de la mettre en circulation, car l’imprimer et la stocker dans des chambres fortes ne servirait à pas grand chose d’autre qu’à user du papier et de l’encre, ou un peu de métal pour les pièces. Et comment la met-elle en circulation ? En la prêtant aux banques commerciales. Ces banques commerciales disposent alors d’une boule de neige qu’elles peuvent commencer à prêter, créant ainsi un afflux de monnaie bien supérieur à la taille de l’injection de liquidités pratiquée par la banque centrale. A l’inverse, si cette dernière met moins de monnaie fiduciaire à disposition des banques commerciales, l’accordéon monétaire se resserre du fait de l’effet de levier inhérent au système. En pratique, ce que fait une banque centrale, c’est essentiellement de jouer sur le taux d’intérêt auquel elle prête aux banques commerciales. Que ce taux monte, et le crédit deviendra plus cher, diminuant ainsi la demande pour les emprunts, et donc contractant la masse monétaire et freinant la consommation, l’économie et la tendance inflationniste. A l’inverse, que ce taux baisse, et le coût du crédit baissera aussi, dopant celui-ci et donc la masse monétaire, la consommation et l’inflation. Tout l’art du banquier central consiste donc à savoir dans quel sens et dans quelle mesure ajuster son taux directeur en fonction de l’effet qu’il souhaite avoir. Trop baisser ce taux va trop stimuler l’économie et générer de l’inflation, trop le relever va générer du chômage. En conclusion, parce que ce système, bâti sur du sable avec ce principe de masse monétaire fluctuante, n’arrive pas à s’équilibrer durablement tout seul, le banquier central doit en permanence chercher à compenser les effets indésirables et est en permanence à la recherche du compromis entre le marteau et l’enclume. Quidam : Ce banquier central, la Banque de France en l’occurrence pour notre pays, n’est-il pas le bénéficiaire de cette taxe que peut représenter l’inflation ? PG : Je vois que vous avez bien compris. On peut comparer ce principe à celui de l’obsolescence programmée de nombre de biens de consommation comme l’électroménager. Sauf qu’une pièce ou un billet, ça ne tombe pas en panne. Alors cette petite inflation permanente introduit une érosion de sa valeur qui vous garde dépendant du bon vouloir du banquier central. Par contre, notre banquier central, ce n’est plus la Banque de France. Depuis le passage à l’Euro en 1999, c’est la BCE, Banque Centrale Européenne, qui sert de banque centrale commune à tous les pays de la zone Euro. Ce n’est donc plus un organisme national plus ou moins contrôlable par le gouvernement en fonction de la politique monétaire et économique qu’il souhaite suivre. Et c’est d’ailleurs cette perte de contrôle de leur politique monétaire qui fait peur à certains pays comme l’Angleterre et les ont amenés à refuser jusqu’à présent de se joindre à l’Euro. Même si dans le cas de l’Angleterre, le problème est encore un peu plus compliqué. Mais laissons ça pour le moment. Quidam : Dans un système instable dépendant de la maîtrise d’un chef d’orchestre pour rétablir par petite touches permanentes un équilibre qui le fuit, n’est-il pas légitime de s’inquiéter de la fiabilité de ce chef ? PG : Certes. C’est pourquoi la nomination du président de la BCE est un gros enjeu parmi les pays de l’Euroland. Toutefois, il y a un élément supplémentaire à comprendre concernant le fonctionnement du système et le rôle qu’y tient la banque centrale. Imaginez-vous au début d’un jeu de Monopoly entre 4 personnes, avec la petite nuance que l’argent distribué initialement à chaque joueur ne lui est pas donné mais prêté par la banque moyennant un intérêt. Chaque joueur reçoit par exemple 50’000, prêtés au taux de 3% par tour. Donc dès le début du jeu, il y a de la monnaie pour 200’000 mais la dette est déjà de 206’000. Comment allez-vous collectivement pouvoir rembourser cette somme, alors qu’il n’y a même pas de monnaie permettant de payer les 6’000 d’intérêts ? Quidam : En l’état, c’est impossible. Il faut attendre qu’un joueur tire une carte chance qui rapporte au moins ces 6’000… ou qu’il passe par la case Départ et touche 20’000. PG : Ah, mais là déjà, vous faites appel à un cinquième acteur qui va payer cette somme au joueur chanceux. Au Monopoly, tout est simplifié et fondu au sein du même acteur : la banque. Mais en fait, il faut différencier la banque en elle-même, qui ne fait que prêter l’argent, de l’Etat, qui paye les revenus de la case Départ, encaisse les taxes, accorde des dégrèvements, opère la loterie nationale, et autres réjouissances du Monopoly. Alors disons que l’Etat paye 10’000 à l’un des joueurs pour un motif quelconque. Cela permettra collectivement de couvrir les 6’000 d’intérêts. Mais pour payer, l’Etat, qui n’est qu’un des acteurs du jeu et n’a pas d’argent à ce stade, doit en emprunter à la banque, toujours avec ce taux de 3%. Et ce n’est donc plus 206’000 qu’il faut rembourser collectivement avec les 210’000 maintenant en jeu, mais bien 216’300. L’argent en circulation ne suffit toujours pas à couvrir la dette globale envers la banque. Quidam : Oui, mais là, les joueurs se font arnaquer ! Ils ne s’en sortiront jamais. PG : Je ne vous le fais pas dire. C’est pourtant bien sur ce principe qu’est basé notre système monétaire actuel. Comme la monnaie n’existe pas pour payer les intérêts, le banquier central injecte davantage de liquidités, c'est-à-dire en fait qu’il les prête moyennant intérêts. Et ainsi de suite. La dette capital plus intérêts dépassant toujours le montant de monnaie en circulation, la course en avant est lancée : davantage d’argent est continuellement injecté, générant de l’inflation qui l’érode en compensation, tandis que le banquier encaisse toujours plus. Dès lors, tout ralentissement du système le met en péril. On nous fait croire que cet accroissement constant de la masse monétaire est le reflet de l’accroissement de notre richesse collective, mais en fait, ce n’est que le résultat du besoin de nouvelles injections constantes de liquidités pour permettre le remboursement des intérêts antérieurs. Quidam : Et cet afflux régulier augmente l’argent en circulation, ce qui génère de l’inflation ainsi que vous l’avez expliqué. PG : Sauf si l’accroissement effectif de richesse de la société se fait à un rythme équivalent à celui de l’injection de liquidités. Mais en résumé, on peut considérer que l’inflation est « built in », comme on dirait en anglais, c'est-à-dire structurellement intégrée au système monétaire. Quidam : Il me revient avoir entendu parler de gens qui disent qu’il faut supprimer les intérêts. Est-ce pour cette raison ? PG : Oui, ils considèrent que les intérêts constituent une fuite dans le circuit monétaire. Mais je n’adhère pas à cette solution. Ce problème de fuite ne se pose qu’à l’injection des liquidités dans le système. Pas lors des prêts de second niveau entre acteurs économiques. Il n’est pas non plus créé de monnaie spécialement pour payer les services d’un coiffeur, et ce n’est pas une fuite monétaire pour autant. Il n’est pas créé de monnaie spécifique si vous payez quelqu’un pour aller vous acheter une télé. Elle est juste un peu plus chère que si vous y aviez été vous-mêmes. De la même façon, si vous l’achetez à crédit plutôt que d’attendre d’avoir économisé pour la payer cash, elle est simplement un peu plus chère aussi, comme si vous aviez demandé au banquier de l’acheter pour votre compte. Les intérêts de ce crédit à la consommation ne sont que le coût de votre impatience, le simple paiement d’une prestation d’avance d’argent comme d’autres payent la prestation d’un jardinier. Rien de plus. Ils ne constituent une fuite que lorsqu’ils rémunèrent ce privilège exorbitant qu’a la banque centrale de les encaisser sans avoir rien fait d’autre que d’imprimer des billets. Pas quand ils rémunèrent un service financier normal. Banquier n’est pas un sot métier en soi. C’en est un utile et respectable. C’est uniquement le système actuel qui ne l’est pas. Quidam : Serait-ce le retour du vieux débat, qui sent le souffre et l’inquisition, sur la moralité de l’usure ? PG : Pour ma part, je n’ai pas de problème avec le principe des taux d’intérêt, car s’il n’y en avait pas, tout le monde voudrait tout tout de suite grâce à ce crédit devenu gratuit. Et comme vous imaginez bien qu’il serait suicidaire d’accorder un crédit gratuit illimité à tout le monde en permettant une création monétaire illimitée, dès lors se poserait le problème de décider qui pourrait ou pas bénéficier de ce crédit gratuit, sur quelles bases forcément arbitraires, et avec forcément moult contestations de ceux qui en seraient écartés et crieraient, à juste titre, à l’injustice. En fait, cela reviendrait à une économie administrée dont les régimes socialistes de l’ex-bloc Soviétique, où les fonctionnaires décidaient qui aurait droit à une Trabi et qui attendrait quinze ans pour l’avoir, ont démontré toutes les limites. Avec les taux d’intérêts qui compensent la question du temps, la régulation peut au contraire se faire toute seule, grâce à la fameuse main invisible d’Adam Smith. D’aucuns diront que cette régulation par la capacité financière n’est pas plus juste que l’arbitraire des fonctionnaires de l’ex-Allemagne de l’Est, mais dans la mesure où j’ai défendu la nécessité de se mériter le confort consumériste auquel on aspire plutôt qu’il ne soit automatiquement fourni à tout le monde pour faire de tous des enfants gâtés, je considère que c’est plus juste. Quidam : Alors la solution est en fait de supprimer les intérêts pris par la banque centrale uniquement ? PG : C’en est une. Mais à mon avis, en changeant le système, on s’éviterait tous ces problèmes. Dans le système monétaire actuel, la monnaie est source d’instabilité. Alors stabilisons-là. Il faut simplement supprimer ce principe de création monétaire par réserve fractionnaire qui n’existait d’ailleurs pas à l’origine, preuve qu’il n’est pas indispensable, et ne s’est invité qu’insidieusement, au fur et à mesure du laxisme et du manque de vision des gouvernements, jusqu’à faire croire qu’il est naturel. Il faut supprimer ce pouvoir de création monétaire par le crédit accordé aux banquiers afin que ceux-ci cessent de prêter de l’argent qu’ils n’ont pas. Quidam : En fait vous êtes en train de dire qu’il faut rétablir un ratio Cooke de 100 ? PG : C’est bien ça. Mais avec un garde-fou supplémentaire pour préserver les gouvernements de la tentation de faire marcher la planche à billet : un repère certain, indiscutable et libre d’arbitraire, qui serve de base à la quantité de monnaie en circulation. Ce pourrait, par exemple, être basé sur la surface géographique du pays. Mais certains objecteront que, entre les falaises qui s’effondrent dans la mer et le piton de la fournaise qui rajoute tous les ans quelques hectares à l’île de La Réunion, sans parler de la question de la montée éventuelle du niveau des océans, ce n’est pas si certain que ça et que se poseraient des problèmes de fiabilité de la mesure, d’ajustement périodique de celle-ci, etc. Mais c’est une possibilité. On peut aussi envisager de faire reposer la masse monétaire sur le nombre d’habitants du pays. Dans notre société à administration très structurée, même si encore très très perfectible, nous pouvons disposer d’un recensement permanent relativement fiable de la population française. Il suffirait à la banque centrale de se baser là-dessus pour émettre ou retirer de la monnaie, selon les fluctuations démographiques. Par exemple, si nous décidions de fixer le facteur monétaire à dix mille, 65 millions d’habitants en France nécessiteraient une masse monétaire stable de 650 milliards de cette nouvelle unité monétaire, monnaie fiduciaire en circulation et tous dépôts bancaires confondus. A choisir entre les deux, cette dernière solution aurait d’ailleurs ma préférence par rapport à une base géographique qui pourrait donner des envies d’expansionnisme juste pour pouvoir augmenter la quantité de monnaie en circulation. Quidam : Mais ça pourrait aussi aller à l’encontre de votre souhait d’une réduction de la population du pays en incitant à un expansionnisme démographique au lieu de géographique. PG : Dans la mesure où la monnaie sert à mesurer les échanges entre les gens, il serait logique qu’il y en ait davantage lorsqu’il y a plus de monde, et moins lorsque la population est moindre. Ca ne conditionnerait pas la richesse de chacun. Vouloir augmenter la population pour augmenter sa masse monétaire serait donc une politique sans effet. Quidam : Mais d’un point de vue pratique, comment feriez-vous varier la masse monétaire de votre système, si elle doit s’ajuster à la variation de la population ? PG : C’est là le problème majeur de cette option. Il est clair qu’il n’y aurait pas ici de ratio Cooke ou de taux directeur à manipuler à cette fin. Il faudrait donc faire preuve d’imagination. Mettons de côté pour le moment le problème de la monnaie fiduciaire. Nonobstant celle-ci, on peut considérer que la masse monétaire est représentée par tous les comptes libellés dans notre monnaie dans les diverses banques du pays, voire du monde. Il suffirait alors de leur appliquer périodiquement un pourcentage de variation équivalent à celui de la population : en plus lorsque celle-ci augmente, en moins lorsqu’elle diminue. Mais il y a le problème des espèces, qui ne seraient pas impactées. C’est pourquoi je disais en préambule de le laisser de côté, car ce problème a sa solution dont je vous parlerai après. Par contre, demeurerait le problème de la spéculation : retirer son argent en espèce pour anticiper une baisse, ou s’empresser de le dépenser, alors que l’anticipation d’une hausse inciterait au contraire à maximiser son solde bancaire pour gagner davantage. Les données démographiques devraient alors être hautement confidentielles jusqu’à l’ajustement par la banque centrale et sa répercussion sur tous les comptes dans toutes les banques commerciales. Et ça, c’est malsain. C’est un bémol sérieux à ce principe d’indexation de la masse monétaire. Quidam : Même sans aller jusqu’à la spéculation, si réduire la population implique de ponctionner tous les comptes bancaires, vous n’aurez guère de soutien des gens pour vos objectifs démographiques. PG : Exactement. Le principe de faire évoluer la masse monétaire, en fonction de la taille de la population dont elle mesure les échanges, a pour simple but que la monnaie conserve mieux la liquidité prévue au départ lors de la détermination du facteur monétaire. Mais ce n’est au final qu’une question de commodité de manipulation des zéros au quotidien, pour éviter que le pain n’en vienne à coûter 10’000 unités monétaires ou au contraire 0,0001. Car on peut parfaitement envisager de fixer notre masse monétaire arbitrairement à une quantité donnée et non modifiable, par exemple mille milliards, sans se préoccuper de la population ni du choix d’un facteur multiplicateur. C’est alors simplement le pouvoir d’achat de chaque unité monétaire qui variera naturellement, par inflation ou déflation, pour s’ajuster aux variations de la population comme à celles de la richesse collective. Imaginons le cas où la richesse globale de la société est constante et que la population varie : davantage de population raréfiera la quantité de monnaie par personne et lui donnera donc davantage de valeur relative, tandis que la réduction démographique fera l’inverse. L’effet réel en termes de pouvoir d’achat sera effectivement nul parce que les prix varieront naturellement de la même manière, inflation et déflation compensant la plus ou moins grande abondance de monnaie par personne. Et le même raisonnement s’applique en considérant une population constante mais en faisant varier la richesse collective : c’est le gain de pouvoir d’achat de chaque unité monétaire par la déflation qui reflètera l’enrichissement de la société, tandis que l’inflation qui lui en ferait perdre reflèterait un appauvrissement. Les statistiques d’inflation ou de déflation ont toujours aussi peu d’importance, puisque c’est le pouvoir d’achat de la monnaie qui compte. Avec peu d’unités monétaires, et donc une forte valeur unitaire, une petite voiture ne coûterait peut-être que 10, mais vous-mêmes ne gagneriez peut-être que 1,5 chaque mois. Et il faudrait recourir à des millimes, voire des décimillimes, pour fixer le prix du pain. En pareil cas, où la valeur réelle de la monnaie dévie trop fortement de celle prévue au départ, l’expression des prix au quotidien est susceptible de devenir plus compliquée. L’Italie des années 90, lasse de manipuler tant de zéros du fait de la très faible valeur unitaire de sa Lire, ce qui favorisait les erreurs, envisageait une redénomination monétaire qui aurait enlevé trois zéros, donc multiplié par mille la valeur unitaire de sa monnaie. Finalement, ils ont laissé tomber ce projet lorsque la perspective de l’Euro s’est confirmée, vu que cette transition résolvait leur problème. Mais le passage de l’ancien Franc au nouveau en enlevant deux zéros n’était que ça. Alors il me semble plus pratique d’avoir une masse monétaire fixe et devoir éventuellement une ou deux fois par siècle procéder à une redénomination de la monnaie pour en alléger un possible trop grand nombre de zéros au quotidien, plutôt que de devoir gérer la problématique récurrente de l’ajustement annuel, voire trimestriel si on veut limiter au minimum les velléités spéculatives, d’une masse monétaire indexée. Quidam : C’est vendu ! Je suis assez d’accord avec vous. Mieux vaut un plus gros changement tous les 50 ans que de perpétuels petits ajustements tous les ans, voire encore plus fréquemment. Et puis ça évacue aussi la problématique de la fiabilité du recensement permanent, surtout pour des pays qui n’ont pas une administration aussi structurée que la nôtre. PG : Je crois que c’est mieux aussi, même si les deux options sont envisageables. Car dans les deux cas, sera atteint l’objectif d’une masse monétaire qui ne dépende pas de l’humeur plus ou moins prêteuse des banquiers, ni des objectifs officiels ou inavoués du banquier central, qui devient un simple comptable de celle-ci et non plus son pilote. Archimède disait : « donnez-moi un levier et un point d’appui et je soulèverai le monde ». Eh bien dans notre cas, enlevons plutôt ce levier afin que le système monétaire fractionnaire cesse de secouer notre société. Et l’économie et ses acteurs, entreprises et individus, trouveront plus naturellement un équilibre durable grâce à une base monétaire plus stable et adaptée. La monnaie redeviendra un bon outil au lieu d’être un mauvais maître. Quidam : Et pour les banques commerciales, le risque de faillite par retrait massif d’espèces en cas de crise de confiance serait supprimé. PG : Oui, même s’il demeurera d’autres motifs possibles de faillite, comme pour toute entreprise. Mais ce n’est pas aussi intéressant qu’une autre conséquence que permet cette réforme majeure. Le système actuel, parce qu’il est structurellement déséquilibré, a besoin que les gens s’endettent pour générer de la création monétaire et fonctionner. Pourtant l’idéal serait que les gens cessent de vivre à crédit et n’aient plus de dettes. Plus de dettes ? Un vrai cauchemar pour un banquier moderne. Et une catastrophe pour un gouvernement soucieux de stimuler l’activité économique par ce biais. Alors qu’avec une masse monétaire stable, indépendante des crédits consentis, cet objectif vertueux peut être mis en avant par les responsables politiques sans risque de torpiller toute l’économie. Quidam : En fait, j’ai un peu l’impression que votre système supprime le crédit. Or il en faut aussi. Pas forcément pour se payer des vacances au-dessus de ses moyens, mais au moins pour pouvoir financer des biens coûteux comme une maison ou une voiture. Ou quand on se lance dans la vie avec peu de moyens, il est parfois aussi nécessaire d’y recourir pour pouvoir s’équiper en meubles et en électroménager de base. Ca pose quand même un gros problème. PG : Il n’est nullement supprimé. C’est juste que nous n’en avons pas encore parlé. Mais le fait que vous posiez la question montre que vous suivez bien. Quidam : Grâce à vos explications, pour une fois, j’ai l’impression d’enfin comprendre toutes ces questions. Alors j’essaye d’en profiter pour réfléchir. PG : Puisse tout le monde faire de même. A l’origine, avant que la dérive de la réserve fractionnaire ne s’installe, le crédit existait déjà. Il ne disparaîtra donc pas. Mais effectivement, on peut s’attendre à ce qu’il soit un peu moins facile et moins généralisé, donc pas forcément favorable aux crédits superflus comme le financement de vacances que vous mentionniez. Dans ce nouveau système, les banquiers ne peuvent plus prêter des fonds qui ne leur appartiennent pas tout en les laissant disponibles pour être retirés n’importe quand avec les risques de faillite que cela implique. Ils ne peuvent plus le faire que sur leurs fonds propres, comme à l’origine. Ils ne peuvent donc plus jouer avec l’argent des épargnants sans trop leur dire ce qu’ils font ni les risques qu’ils prennent. Si votre argent est inscrit à votre compte courant, c’est qu’il n’est pas utilisé ailleurs et est pleinement disponible. Par contre, l’épargnant qui souhaite faire fructifier son épargne, ne bénéficie plus non plus de certaines facilités qu’offrait le système de réserve fractionnaire. Les livrets d’épargne proposant une petite rentabilité tout en laissant l’épargne disponible n’y ont plus cours, puisque les dépôts de ce genre ne sont plus rentabilisables par les banques et qu’elles ne vont donc certainement plus payer pour les avoir. Il lui faut donc engager une démarche volontaire et en pleine connaissance de cause, donc une démarche responsable, de recherche de rentabilisation de son épargne. Ce peut être en investissant dans l’immobilier locatif, qui deviendra plus attractif car moins défavorable au bailleur ainsi que nous en avons discuté. Ce peut être aussi en prenant part au capital d’une entreprise, pour partager les joies et les déconvenues de l’actionnaire. Mais ce peut aussi être en prêtant à un emprunteur. Le prêteur connaît alors l’échéancier déterminant l’immobilisation de son capital et la rentabilité découlant du taux d’intérêt. Quidam : C’est tout de même plus compliqué que de mettre son épargne sur un livret. Ne craignez-vous pas que cela ne dissuade le petit épargnant ? PG : Non, parce que si, dans l’absolu, ce prêt direct entre deux individus est toujours possible, il est vraisemblable que les banques développent une activité d’intermédiaire, en prenant une commission variable notamment selon le fait qu’elles assument ou non le risque de défaillance de l’emprunteur. Et il est également vraisemblable qu’elles développent, comme produits de placement, des fonds de crédit permettant l’agrégation des ressources confiées par les épargnants pour une durée déterminée et utilisables pour des opérations de prêt diverses. A charge pour le gestionnaire du fonds de bien structurer les échéances de disponibilité de l’épargne confiée pour qu’elles concordent avec les opérations de prêts accordées. Ce serait complexe à gérer avec les méthodes du Moyen-âge, mais ce n’est rien à faire avec l’informatique actuelle. Alors les petits épargnants disposeront aussi de produits d’épargne simple, même si différents. C’est juste qu’ils devront choisir entre la disponibilité et la rentabilité parce qu’ils n’auront plus guère les deux à la fois. D’ailleurs, ça les responsabilisera aussi davantage, ce qui est toujours souhaitable, en plus de mieux leur faire prendre conscience de ce qu’est ce capitalisme qu’ils critiquent si facilement mais dont ils aiment à profiter tout en feignant de l’ignorer via leurs livrets d’épargne. Ca ira donc dans le sens de favoriser le dépassement de la lutte des classes autant basée sur l’incompréhension mutuelle que sur l’égoïsme de certains nantis. Et puis, je parle des banques, mais gageons que d’autres sociétés proposeront aussi de tels services de courtage. Comme les assurances qui offrent déjà actuellement moult produits de placement et de crédit, voire de services bancaires. Elles ont des fonds propres colossaux, et auront à cœur de les rentabiliser. Surtout si leur est coupée la possibilité de le faire par la spéculation immobilière grâce à la stabilisation dont nous avons déjà parlé de ce marché. Vous voyez qu’encore une fois, toutes ces mesures ont une synergie d’ensemble qui condamne à l’échec la réforme isolée d’un domaine spécifique mais rend favorable une réorganisation globale. Quidam : Il est probable qu’il sera relativement facile de trouver des prêteurs disposés à s’engager sur le moyen terme d’un crédit automobile, mais pour le long terme d’un emprunt immobilier, c’est moins évident. PG : Il est clair que le taux d’intérêt doit rémunérer la durée d’engagement pour attirer des capitaux vers le long terme. Il est déjà dans la norme actuelle, même s’il peut y avoir des situations conjoncturelles temporaires qui inversent la courbe des taux, que le rendement fixe d’un placement soit d’autant plus faible que l’échéance de celui-ci est proche. La rentabilité vient donc avec la durée de l’engagement. Et l’épargnant en recherche d’une rentabilité plus conséquente, par exemple en complément d’une petite pension de retraite, sera intéressé par de tels placements à long terme parce qu’ils seront plus rémunérateurs et donc offrent une meilleure rente. Quidam : Pourtant les prêts à la consommation à court terme affichent un taux d’intérêt bien supérieur à ceux du long terme. PG : C’est parce que cet intérêt masque des frais administratifs de mise en place du dossier. Commercialement, un taux élevé sur une durée courte passe mieux qu’un taux faible mais avec cent ou deux cents Euros de frais de dossier. Alors il ne faut pas se laisser berner, ce n’est qu’une question de présentation. D’autant que, et c’est logique, le TEG légal, taux effectif global d’une opération, a obligation d’intégrer dans son calcul tous les frais annexes. Quidam : Et c’est pareil pour le découvert bancaire, également plus cher bien qu’à encore plus court terme ? PG : Là, c’est surtout la volatilité de votre demande irrégulière que vous payez. C’est donc encore différent. Et souvent simplement signe, pour une entreprise comme pour un particulier, d’un manque de trésorerie, donc de fonds propres, de capitaux. Mais pour en revenir au financement, il existe déjà actuellement des sociétés non bancaires qui offrent des réponses à ces besoins, même à long terme, que ce soit par le crédit, le crédit-bail ou leasing, ou encore la location financière ou location longue durée. Dans ce nouveau système que je préconise, de telles sociétés restent en activité. Elles peuvent toujours se refinancer en empruntant, avec donc le risque connu et accepté pour le prêteur que la société puisse ne pas rembourser si elle gère mal son risque. Mais elles doivent surtout pouvoir bénéficier d’un statut à capital variable pour dégager les ressources nécessaires à leur activité. C’est d’ailleurs le principe des célèbres SICAV, société d’investissement à capital variable. Les demandes de remboursement de capital sont alors prioritaires sur l’octroi de nouvelles opérations de financement mais dépendantes de rentrées sur les opérations en cours pour que le capital à restituer devienne disponible. Participer au capital d’une telle société doit normalement être plus rentable que de simplement lui prêter, mais le risque est supérieur aussi puisque les créanciers sont prioritaires sur les actionnaires en cas de liquidation. Il y a donc des solutions, déjà existantes, qu’il convient simplement d’adapter et développer. Après, l’accès au crédit dépend donc simplement de la disponibilité ou pas de capitaux à emprunter. Quidam : Oui, mais ce qui m’inquiète, c’est bien que ceux-ci risquent d’être plus rares. PG : Pas nécessairement. Cela dépendra de la loi du marché : la main invisible d’Adamsmix. La création monétaire par réserve fractionnaire a permis une expansion de la masse monétaire au cours de l’histoire par effet de levier. Ici, nous nous basons sur une masse fixe, du moins si on en reste à cette option qui me semble de loin la meilleure. Mais ce n’est pas pour autant que nous partons d’une richesse moindre. Ce n’est pas un retour à la rareté monétaire du Moyen-âge. Il n’est question que de la stabiliser. Il y a donc tous les capitaux nécessaires pour faire tourner l’économie. Parce que globalement, il y a toujours autant de valeur monétaire en circulation. Et puis aussi, imaginez un peu l’immense masse de capitaux qui sera libérée par le fait que l’Etat et de nombreuses collectivités territoriales cessent d’être des gouffres en déficit permanent ! Franchement, le risque de rareté de capitaux pour le crédit ne m’inquiète nullement. En pratique, que se passe-t-il ? Si les taux de prêt sont très bas parce qu’il y a beaucoup de capitaux d’épargne disponibles et en quête de rentabilité, les gens vont être davantage emprunteurs, consommant donc davantage, mettant ainsi une pression inflationniste sur les prix. Les épargnants seront aussi moins tentés de se priver parce qu’une rentabilité faible est peu incitative à épargner, et ils seront donc davantage tentés de consommer, ajoutant à la pression inflationniste, tout en diminuant la disponibilité d’épargne pour des prêts. Il en résultera une raréfaction progressive des capitaux qui tendra à faire remonter les taux d’intérêt, donc à diminuer les velléités d’emprunts et de consommation, donc incitera à la déflation, tout en incitant à recommencer à profiter d’une rentabilisation plus intéressante de l’épargne. En simple, une moindre consommation favorise le crédit, ce qui la relance, alors qu’une consommation soutenue défavorise le crédit, ce qui la calme. Le système tend donc à s’équilibrer naturellement au lieu de souffrir d’un levier amplificateur de déstabilisation. Imaginons le cas qui vous inquiète : la rareté de capitaux pour des opérations de prêts. Ce qui est rare est cher, et ici, le prix de l’argent, ce sont les taux d’intérêt. Si les capitaux sont rares, alors ils sont très bien valorisés par des taux d’intérêts élevés. Et alors davantage de personnes se diront qu’il est plus intéressant de renoncer à de la consommation immédiate pour épargner et profiter de la bonne rentabilisation du moment pour accroître leurs revenus futurs. Progressivement donc, des capitaux se dégagent pour répondre à l’appel que représentent des taux d’intérêts élevés. De plus, la faible disponibilité d’argent frais met une pression déflationniste sur les prix, ce qui réduit l’utilisation de monnaie pour acheter, et donc rend celle-ci plus disponible pour l’épargne puisque les taux élevés la rendent plus intéressante que de la consommation supplémentaire. Là encore, le système, grâce à sa base stabilisée va naturellement tendre vers un équilibre entre la variation des prix et celle des taux d’intérêts. Avoir un banquier central qui se fait des cheveux blancs pour savoir s’il doit augmenter ou pas le taux directeur pour combattre ou pas l’inflation plutôt que de favoriser ou pas l’emploi devient totalement superflu puisque ce système est auto-équilibrant. Les mêmes mécanismes de marché qu’actuellement sont à l’œuvre. Ils continueront donc de fonctionner après la réforme. Sauf qu’ils fonctionneront dans le bon sens parce que, quand le cadre est sain, le fonctionnement est vertueux. Quand il ne l’est pas, des cercles vicieux s’installent qui le pourrissent progressivement jusqu’à le détruire. Et notre défi est bien de réformer notre système monétaire vicié pour passer de ce second cas au premier. Quidam : Votre discours est séduisant, et pourtant… PG : Vous peinez à y croire ? Trop beau pour être vrai ? Quidam : C’est un peu ça. PG : C’est simplement que la peur du changement vous empêche de vous projeter dans la nouveauté pour l’accepter et l’adopter. Et cette peur est d’autant plus présente que, comme tout un chacun, vous vous sentez un peu perdu face à ces questions complexes que vous comprenez mal. Mais intuitivement, vous percevez néanmoins qu’une telle réforme aura un impact majeur sur le fonctionnement de notre économie et donc de notre vie en général. Alors vous êtes tenté, mais vous hésitez, craignant de vous tromper. Et c’est pourquoi il est d’autant plus important de combattre cette crainte infondée par la compréhension. C’est là que se situe toute l’utilité de cet outil qu’est le cerveau. Il aide à raisonner la peur pour mieux la dépasser, tout comme il aide à ne pas se laisser aveugler par l’émotivité, l’affectivité ou l’ego. Une fois que vous aurez bien intégré toutes les implications du fonctionnement de ce système monétaire à masse fixe et les bienfaits qu’il apporte, vous regretterez de ne pas l’avoir mis en place plus tôt. Toutefois, pour vous y aider, imaginons le cas qui vous inquiète où, pour des raisons diverses, les capitaux disponibles pour le crédit sont et demeurent rares malgré les mécanismes naturels du marché. Par exemple au point qu’en deviennent menacées les capacités d’investissement des entreprises, ce qui préparerait, vous en conviendrez, à des lendemains difficiles. Eh bien si le banquier central n’est plus un pilote, ce n’est pas pour autant que l’avion n’en a pas. Il en reste un, élu pour ce faire : le chef de l’Etat, et son gouvernement. Alors s’ils détectaient un problème, il leur serait toujours possible d’intervenir et de légiférer. Il est de la responsabilité d’un gouvernement de suivre les données économiques et monétaires et d’ajuster le tir lorsque nécessaire, c'est-à-dire lorsqu’il devient clair que les mécanismes d’équilibrage automatique actionnées par la main invisible sont pris en défaut, ce qui ne fait jamais que révéler un défaut à rectifier dans le cadre mis en place. Tout est toujours possible, même si je n’imagine guère une telle situation qu’en cas d’hystérie millénariste généralisée, genre pré-2012, avec une population majoritairement préoccupée de maximiser sa consommation immédiate plutôt que d’épargner, parce que convaincue que la fin du monde est imminente et qu’il ne sert alors à rien de penser à demain. Assez improbable quand même, sauf révélation de l’arrivée d’outre-espace d’un Armageddon promis à détruire notre planète, et qui rendrait alors toutes ces questions très secondaires. Moins improbable par contre pourrait être l’apparition d’un contournement du cadre de fonctionnement du marché financier et qui y induise un biais altérant son équilibrage naturel. Les opérateurs de la finance mondiale ont démontré toute leur créativité à développer de tels détournements des intentions initiales, si bien qu’on ne peut l’exclure et que la vigilance doit demeurer en tout temps en se prémunissant contre l’excès de confiance. Identifier les failles d’un système est leur passe-temps favori, et, ce faisant, ils contribuent à en révéler les erreurs de conception et à inciter à le parfaire. Ce sera d’autant plus facile pour eux que le système sera complexe, la probabilité de faille conceptuelle augmentant avec la complexité. D’où l’intérêt majeur de rester simple. Eh bien, si malgré la simplicité de notre nouveau système de telles failles se révélaient, une fois le problème identifié, on le résout, en légiférant si besoin pour rectifier le cadre du marché. C’est aussi simple que ça. Du moins lorsque la société dispose de dirigeants dédiés à promouvoir son bien-être, libres de toute compromission avec des intérêts privés. Quidam : J’aimerais partager votre confiance, mais je dois avouer que ma difficulté à clairement cerner toutes ces questions un peu complexes et avec lesquelles je ne suis guère familier m’incite à la prudence. Et peut-être qu’introduire un peu de cette prudence dans votre système aiderait à le rendre plus séduisant. Par exemple, il me paraîtrait sécurisant de prévoir une réserve monétaire, à disposition du gouvernement, afin que celui-ci puisse la libérer en tout ou partie pour compenser une éventuelle rareté de capitaux mobilisés pour le crédit. PG : Laisser au gouvernement le soin d’activer ou pas une telle réserve reviendrait à refaire varier la masse monétaire effectivement en circulation, ce qui réintroduirait une instabilité dans le système, même si sans commune mesure avec celle engendrée par la création fractionnaire. Donc non. Si cette réserve est prévue, elle doit être disponible à tout moment, accessible exclusivement pour le refinancement des banques commerciales ou des sociétés de financement, qui doivent continuer de porter le risque de leurs opérations puisque ce n’est pas là le métier de la banque centrale. Si une telle réserve de soutien au crédit est constituée, elle devient un instrument de politique économique entre les mains du Gouvernement. Celui-ci peut aussi bien agir sur le taux auquel il souhaite que sa banque centrale, gestionnaire de ce fonds, refinance les banques commerciales et sociétés de financement, que sur la destination des opérations éligibles à un tel adossement. Je mentionnais tout à l’heure la spécificité du crédit immobilier du fait de leur longue durée, ou celle du financement des entreprises, notamment les PME pour lesquelles la visibilité du risque est plus délicate. Les pouvoirs publics peuvent donc très bien décider de soutenir ces secteurs par rapport à d’autres, en y dédiant l’utilisation de la réserve de soutien du crédit et en établissant un taux d’intérêt de refinancement plus contenu que ne pourrait le permettre l’équilibrage naturel du marché où ces spécificités tendraient au contraire à renchérir l’argent pour ces opérations. Or, pour des prêts immobiliers à long terme, la hausse des taux devient très vite rédhibitoire. Par exemple, passez un emprunt fixe sur vingt ans de 4 à 5% annuels, et la mensualité augmente de plus de 9%. C’est d’ailleurs bien cette hausse des taux variables de leurs crédits immobiliers qui a étranglé les familles américaines et révélé la crise des subprimes, même si c’est la complexité d’un système financier mondial que plus personne ne parvenait à comprendre qui l’a permise. Disposer d’un tel levier économique est forcément intéressant pour le gouvernement. Et s’il ne trouve pas nécessaire d’interférer avec le marché sur des domaines comme l’immobilier ou les entreprises, nul doute que les finances publiques des collectivités locales accueilleront très volontiers ces fonds pour financer leurs infrastructures plutôt que de les laisser dormants sur les comptes de la banque centrale. Cependant, en l’absence d’une telle réserve, le gouvernement aurait bien d’autres façons de compenser les effets d’un marché boudant éventuellement certains débouchés de financement. Si bien que ce fonds dédié n’est nullement une nécessité. S’il existe, c’est bien, s’il n’existe pas, c’est bien aussi. Quidam : Une telle réserve de soutien du financement, ne serait-ce pas comparable à la tentative d’encadrement du crédit mise en place dans les années 80 par le gouvernement d’alors ? PG : L’encadrement du crédit visait simplement à maîtriser la création monétaire par le contrôle de la multiplication par réserve fractionnaire. C’était une méthode arbitraire pour limiter la masse monétaire et endiguer l’inflation, qui était bien plus importante à cette époque que maintenant. Relever nettement le ratio Cooke aurait eu le même effet mais en laissant le soin à la main invisible de proposer un nouvel équilibre naturel, ce qui est toujours préférable, à mon avis, à l’arbitraire administratif. Car dans les faits, lorsque la limite de crédit était atteinte, peut-être au milieu de l’année, il n’y en avait plus jusqu’au début d’année suivante. Je vous laisse imaginer les à-coups économiques que générait un tel fonctionnement. C’est fort à propos qu’il a d’ailleurs rapidement été abandonné. Alors non, les deux systèmes ne sont pas comparables. Quidam : Je comprends la différence, effectivement. Comment envisageriez-vous le passage à ce nouveau système à masse fixe ? PG : Le plus simplement du monde. Et le passage à l’Euro a donné l’exemple de la façon de procéder. Ce n’est qu’une question d’établir le taux de conversion entre la masse monétaire actuelle de notre économie et la masse monétaire exprimée dans la nouvelle unité monétaire, puis de convertir toutes les sommes et tous les prix. Pour l’Euro, en 2009, il est estimé que la quantité moyenne de monnaie en circulation par citoyen de l’Euroland est un peu inférieure à 30’000€. Avec une masse monétaire fixée par exemple à un billion, c’est à dire, selon l’échelle longue utilisée par le monde entier à l’exception des anglo-saxons, mille milliards, soit mille billions de l’échelle courte des anglo-saxons, donc, disais-je, avec un billion long pour 65 millions d’habitants, nous aurions un peu plus de quinze mille unités de cette nouvelle monnaie par habitants. Cela veut dire qu’elle vaudrait environ deux Euros l’unité. Et c’est une valeur qui demeure pratique pour exprimer les prix au quotidien. Si nous options pour une masse de deux billions longs, la valeur de la nouvelle monnaie serait à peu près comparable à celle de l’Euro. Alors en fait, il est plus simple de se départir du dogmatisme plaisant d’un chiffre rond comme total de la masse monétaire et simplement de conserver la même valeur unitaire de départ que l’Euro. Il y a encore des gens qui réfléchissent en anciens Francs malgré le passage à l’Euro, alors si on leur change encore la monnaie, ça va devenir très compliqué pour eux. En conservant cette valeur unitaire initiale, les gens conservent leurs repères, les magasins n’ont pas non plus à ré-étiqueter tous leurs prix, on se dispense du besoin d’une période de double affichage, etc. C’est donc quasi transparent pour tout le monde, ou presque, puisque seul change le fonctionnement bancaire, que ce soit au niveau de la banque centrale ou des banques commerciales. Pour les citoyens, le changement n’apparaît qu’au travers de la modification des procédures d’épargne. Ensuite, l’autre volet de la transition est que la masse monétaire devient fixe. En clair, ça veut dire que la monnaie n’est plus détruite par le remboursement du capital d’un emprunt. Elle demeure. Mais pas au sein des banques. Leur laisser cet argent équivaudrait à faire un immense cadeau à leurs actionnaires, ce qui n’est nullement le but. La monnaie doit appartenir à la collectivité, pas aux banquiers, et elle doit donc lui revenir. Toute cette monnaie scripturale créée par les banques devient donc une dette qu’elles ont envers la banque centrale. Au lieu de détruire la monnaie au fur et à mesure du remboursement de capital des emprunts, elles la reversent donc à cette dernière. Progressivement donc, la banque centrale se retrouve avec un sacré paquet de fric qui appartient collectivement à la société. En se basant sur des grandes masses, avec environ 2’000 milliards de masse monétaire, dont seulement 15% environ correspond à de la monnaie fiduciaire, nous parlons d’une somme de 1’700 milliards à réattribuer à la banque centrale. Or si celle-ci le garde, cet argent ne circule pas. Elle doit donc l’utiliser. Une façon de la remettre en circulation serait de dire que puisqu’elle appartient au peuple, on la lui reverse sous forme d’un paiement ponctuel correspondant à un peu plus de 26’000€ par personne. Je suis certain qu’une telle décision serait extrêmement populaire, mais à court terme uniquement, le temps que tout un chacun s’aperçoive que ce serait économiquement catastrophique car générateur d’un pic d’inflation très préjudiciable. Alors il me semble nettement plus approprié de rendre cette monnaie au peuple de façon indirecte, via l’Etat. Des 1’700 milliards disponibles, on en extrait donc une somme correspondant à l’endettement de l’Etat français, soit environ 1’500 milliards, et, abracadabra, cet endettement disparaît ! Quidam : Attendez, c’est énorme, ce que vous dites là ! Supprimer la dette publique ? Comme ça ? Par enchantement ? PG : Pas la dette publique, qui inclut tout l’endettement des collectivités territoriales et des divers régimes sociaux. Seulement celle de l’Etat. Ce qui est déjà pas mal. Mais sinon, oui, par simple attribution de cette masse de monnaie actuellement exploitée par les banquiers sans qu’elle n’ait de propriétaire. Si elle n’appartient à personne mais sert au fonctionnement collectif, c’est qu’elle ne peut qu’appartenir à tous, comme ce devrait être le cas de toute monnaie nationale. Et puisque le plus commode pour ce faire, c’est bien de l’attribuer à l’Etat, expliquez-moi quelle logique il y a à être emprunteur d’un côté et prêteur de l’autre ? Servir d’intermédiaire ? Ca peut se justifier dans certains cas bien spécifiques, mais d’une manière générale mieux vaut éviter de se mêler de ce qui peut se faire en direct. Car au fond, ça revient essentiellement à se prêter à soi-même. Alors autant compenser et effacer de la sorte environ 1’500 milliards d’endettement pesant sur nos têtes à tous, donc alléger chacun de nous d’environ 23’000€ d’endettement grâce à la simple réappropriation de notre bien monétaire collectif. « Qui paye ses dettes s’enrichit », dit-on. Quidam : C’est un drôle de tour de passe-passe ! PG : Vous avez dit « par enchantement » tout à l’heure. Ce n’est pas totalement hors de propos comme formulation. Mais en fait, il est plus correct de parler de lever un mauvais sort. Le tour de passe-passe, comme vous dites, ce sont les banquiers centraux qui l’ont réalisé voici fort longtemps en instituant ce système de nous prêter une monnaie qu’ils ne faisaient qu’imprimer, pour qu’ensuite les banques commerciales nous prêtent notre propre argent. En levant le sort, nous nous réapproprions simplement ce qui aurait toujours dû être nôtre. Quidam : Impressionnant ! Mais les 200 milliards restants, qu’en faites-vous ? PG : Mais la réserve de soutien du crédit qui vous est chère, bien sûr. Quidam : Bien sûr. Mais ça ne fait plus qu’une petite partie de la masse initialement utilisée par le crédit. PG : Certes, mais je vous rappelle que le désendettement de l’Etat a libéré aussi beaucoup de capitaux qui devront trouver de nouveaux débouchés d’investissements. Cette réserve, dans mon idée, n’est pas une nécessité pour soutenir l’activité du crédit. Il me semble opportun de la constituer en profitant du fait que la masse de monnaie scripturale en circulation est supérieure à l’endettement de l’Etat, et parce que je trouverais très contreproductif de laisser à celui-ci le soin de dépenser ce bonus. Quidam : Je dois avouer que vous commencez à vaincre mes réticences. Mais en y réfléchissant bien, nous partons d’une masse monétaire de 2’000 milliards, mais en détruisons les trois quarts en effaçant la dette de l’Etat. PG : Effectivement. Mais comme je vous le disais, avoir une masse monétaire qui ne sert qu’à se prêter à soi-même est stérile. En procédant comme ça, on pourrait tout aussi bien la doubler, sans que ça n’apporte aucune richesse supplémentaire. Alors si ça ne sert à rien, simplifions. La masse monétaire de la nouvelle monnaie est donc de l’ordre de 500 milliards, les 200 de la réserve de soutien au crédit et les 300 de monnaie fiduciaire en circulation. Et l’endettement collectif considérablement réduit aussi. Par contre, tous les capitaux antérieurement absorbés par le financement du déficit de l’Etat se retrouvent libérés pour être rentabilisés dans des activités de crédit aux acteurs économiques autre que celui-ci, puisqu’il n’a plus le droit de s’endetter ainsi que nous en avons déjà discuté. D’un point de vue pratique, il y a donc une destruction monétaire de par ce biais jusqu’à ce que s’atteigne le point d’équilibre. Et cela ne se fera pas en un claquement de doigt. D’abord simplement parce que les 1’700 milliards sont investis dans des prêts divers et ne deviennent disponibles qu’au fur et à mesure du remboursement du capital, ce qui peut être sur le long terme. Quand je disais tout à l’heure abracadabra, c’était pour l’effet d’annonce. Dans les faits la dette de l’Etat ne peut pas disparaître tant que les capitaux prêtés par les banques ne sont pas remboursés et disponibles. Et même alors, croire que le nouvel équilibre se trouvera instantanément, que les capitaux qui finançaient antérieurement l’Etat vont en un éclair se réorienter vers les autres emprunteurs, me semble utopique. Les choses doivent se faire petit à petit. Il ne faut donc pas que les capitaux remboursés soient absorbés au fur et à mesure par la compensation de la dette de l’Etat, mais qu’ils y convergent en ne détruisant la monnaie que progressivement, selon un rythme à définir, comme par exemple ne compenser qu’une unité pour chaque trois remboursées. Les deux survivantes continuent d’alimenter temporairement le crédit jusqu’à atteindre la masse monétaire souhaitée, et donc que ne reste que la réserve voulue. Implémenter la réforme de la sorte lui donne plus de progressivité et de douceur. Quidam : Je vois. En fait, l’Etat continue donc quand même de porter son endettement pendant encore un bon bout de temps. Et le budget n’est pas instantanément libéré du poids des intérêts de la dette. Votre effet d’annonce était donc très exagéré. PG : Pas du tout. Car en contrepartie du fait de continuer à porter une dette qui ne diminue que progressivement, ce budget encaisse des intérêts sur les sommes prêtées par la banque centrale. Ca compense donc le coût de la dette restante. Si bien que cette réappropriation de la monnaie scripturale profite bien immédiatement au budget collectif. D’ailleurs, rien n’oblige à compenser totalement la dette de l’Etat. On peut tout aussi bien décider de réduire la masse monétaire progressivement jusqu’à 1’000 milliards, en laisser environ 500 à charge de la dette de l’Etat et dont il faudra alors se libérer en la remboursant normalement par l’intermédiaire du budget, mais disposer alors d’une plus grosse réserve de soutien du crédit pour le futur à long terme. Il me semble qu’il faut certainement au moins se donner les moyens de se libérer de la dette vis-à-vis de l’étranger, et qui représente environ les deux tiers de l’endettement actuel de l’Etat. Compenser 1’000 milliards sur les 1’500 de notre dette souveraine permet au moins d’atteindre cet objectif de restauration de notre indépendance financière nationale. Mais au final, quelle que soit la masse monétaire visée, ce n’est qu’une question de permettre à l’économie de s’ajuster progressivement à ce nouveau cadre de fonctionnement en laissant évoluer les prix en plus ou en moins pour s’ajuster à la nouvelle masse monétaire. Et dans notre cas, avec moins d’unités monétaires en circulation, leur pouvoir d’achat augmentera au fur et à mesure que les prix diminueront. Le système monétaire est devenu si complexe qu’il requiert d’urgence une simplification pour redevenir gérable, ce qui renforce l’importance pour un état de financer en interne sa dette souveraine plutôt qu’en faisant appel à des capitaux étrangers. Mais réformer cette complexité implique de procéder avec sagesse, car il ne peut jamais être exclu de manquer d’anticiper un effet secondaire néfaste caché au milieu de l’embrouillamini actuel. Et un tel processus de transfert progressif vers l’objectif voulu me semble sage car cette progressivité permet de monitorer les évolutions de la situation et de s’assurer que les ajustements du marché se font comme prévus et que l’équilibrage naturel s’opère de façon satisfaisante. Si ce n’était pas le cas, interrompre le processus de destruction monétaire permettrait de se donner le temps d’ajuster ce qu’il y a à ajuster dans le cadre du marché financier avant de reprendre notre marche en avant vers notre objectif. Quidam : Ca me parait sage effectivement. Car l’un de ces ajustements sera certainement une hausse du coût du crédit. Si les banques doivent payer des intérêts à la banque centrale pour pouvoir prêter des fonds dont elles disposaient librement auparavant, forcément, pour préserver leurs marges, elles devront augmenter leur taux d’intérêts. PG : Ce n’est pas certain du tout. D’abord parce que les ressources collectées par les banques et sur lesquelles elles basent leurs prêts ne sont actuellement pas gratuites ainsi que vous semblez le penser. Certes, à quelque rares exceptions près, les comptes courants ne sont pas rémunérés. Mais tous les livrets d’épargne le sont. Et les comptes à terme et autres sicav monétaires. Ca ne constitue donc pas un changement fondamental du coût de la ressource monétaire pour les prêteurs. Ensuite parce que ça dépend aussi du taux auquel la banque centrale prête, élément qui est entre les mains du gouvernement comme instrument de politique économique ainsi que nous l’avons vu. Et finalement, parce qu’à aujourd’hui les sociétés de financement qui ne disposent pas des dépôts des épargnants et doivent se refinancer sur le marché financier parviennent déjà à concurrencer les banques. Alors une hausse du coût du crédit n’est nullement une certitude. Le marché trouvera son équilibre. Peut-être un peu différent de celui prévalant actuellement, mais pas fondamentalement différent. Et s’il s’avérait que le coût d’un crédit immobilier, du fait de son long terme, augmentait un peu et que ça fasse diminuer la demande pour les logements, ce ne serait qu’un élément en faveur de la baisse du marché de l’immobilier que vous appeliez de vos vœux tout à l’heure. Il est très directement contradictoire de vouloir contenir sa tendance haussière tout en s’efforçant de favoriser l’accession à la propriété par des crédits à faible coût, ce qui augmente la demande et entraîne forcément une pression inflationniste. Quidam : Ce n’est pas faux. Encore un point pour vous. Par contre, il me vient à l’esprit que si la banque centrale continue de prêter cette réserve de crédit, le problème que vous expliquiez tout à l’heure concernant les taux d’intérêt à la mise en circulation de la monnaie perdurent. Nous sommes donc toujours en fuite en avant. Fixer la masse monétaire stabilise l’économie, mais ne colmate pas cette fuite que vous expliquiez. PG : Non pas. Revenons à l’exemple du Monopoly modifié de tout à l’heure. Le problème venait de ce que le banquier intervenait en acteur extérieur au circuit, ne mettant l’argent en circulation en le prêtant qu’au fur et à mesure de son bon vouloir mais sans jamais qu’il n’y en ait pour couvrir les intérêts. Dans ce système réformé, avec une masse fixe, le banquier central n’est plus un producteur d’argent, mais un simple gestionnaire, pour le compte de l’Etat, d’un fonds collectif, de la même façon que n’importe quel autre acteur du jeu peut disposer de capitaux et les prêter. Les intérêts ne sont plus un supplément non couvert par le capital créé et mis en circulation, mais un simple transfert de richesse au même titre que la rémunération de n’importe quel autre service marchand. Et dans notre cas, puisque le capital prêté qui les génère appartient à la collectivité, le profit engendré par ces intérêts abonde le budget de l’Etat et est donc utilisé pour le bien-être de tous. Car contrairement au banquier de notre Monopoly modifié qui ne faisait que prêter de l’argent, l’Etat lui en distribue en permanence. Il paye des salaires et distribue des allocations qui sont dépensés ensuite dans le privé, il fournit des services publics tels que l’éducation qui accroissent le potentiel de chacun, il finance des infrastructures qui permettent ensuite à chacun de mieux exercer son activité et gagner sa vie, etc. Il n’est donc pas un acteur extérieur, mais une partie prenante du système. C’est toute la différence qu’il y a entre amorcer un système par l’extérieur en faisant payer l’argent qu’on y injecte, et simplement gérer un système autonome et déjà amorcé. Nous ne sommes plus dans l’exemple de notre Monopoly modifié, mais bien revenus dans le Monopoly classique où la règle prévoit que vous ne commencez pas à zéro, mais avec un capital de départ permettant que le circuit financier soit initialisé, tout en laissant à une banque-Etat le soin de gérer le supplément de masse monétaire, pour des emprunts comme pour des distributions au titre de la loterie, des prix de beauté, ou de votre salaire lors des passages par la case Départ. Dans un SEL, l’amorce du système se fait naturellement en partant du principe que la somme des comptes de chacun doit faire zéro. La masse monétaire est donc arithmétiquement nulle, et ça n’empêche pas que ça fonctionne. Certains commencent par consommer et passent en négatif, d’autres par fournir et passent en positif. Et au fur et à mesure de la vie du SEL, les soldes varient autour de zéro et sont tantôt positifs tantôt négatifs. Mais avec l’argent officiel, où les enjeux sont autres qu’au sein d’un SEL, autoriser que des soldes demeurent négatifs encouragerait certains à vivre au-dessus de leurs moyens sans jamais faire l’effort d’équilibrer leur budget personnel. Alors la répartition se fait non pas sur la base d’une somme nulle, mais d’une somme égale à la masse monétaire fixe. Et notre passé a servi à amorcer le circuit, même si de façon bien plus inégale que ne l’aurait fait une distribution équitable comme au début d’une partie de Monopoly. Mais il faut bien un point de départ. Quidam : Ce point de départ ne pourrait-il pas simplement être une mise à zéro des comptes et une redistribution équitable ? PG : Bien sûr. Ce peut être un choix. Et ce serait même beaucoup plus facile à mettre en œuvre. Mais mon choix est celui de la réforme, donc celui de faire évoluer le système vicié existant vers un autre plus vertueux. Si la société fait le choix de la révolution, on peut alors effectivement se donner beaucoup plus de liberté, et tout envisager. Mais avec des conséquences internationales aux effets difficilement prévisibles et pas forcément favorables. Alors je préfère réserver cette alternative au cas où il faudrait relancer un système à partir du chaos, par exemple si tout explose en heurtant le mur barrant le fond de l’impasse dans laquelle nous fonçons tête baissée, ce qui arrivera certainement tôt ou tard si nous continuons à ne rien faire pour redresser la barre. Quidam : Par contre, puisque vous mentionnez les conséquences internationales, il semble difficile de faire une telle réforme de notre système monétaire en l’état actuel de l’engagement de la France au sein de l’Union Européenne et de l’Euro. PG : Il est vrai… a priori. Et peut-être sera-t-il nécessaire de prendre vis-à-vis de l’Euro le recul nécessaire pour retrouver une liberté d’action suffisante. Mais, d’un autre côté, pourquoi les autres pays européens ne pourraient-ils pas avoir envie de faire de même ? Afin que nous le fassions ensemble ? Eux aussi subissent les mêmes problèmes de masse monétaire fluctuante. Eux aussi connaissent ce problème de fuites financières condamnant leurs économies à une fuite en avant. Eux aussi souffrent des soubresauts permanents engendrés par ce système déstabilisant. Eux aussi peuvent être conquis par les vertus d’une masse monétaire fixe. Car si c’est bon pour nous, c’est tout aussi bon pour eux. Ce n’est qu’une question de leur présenter ce nouvel évangile monétaire dans leur langue pour qu’ils le comprennent, ce qu’il faudra faire dans tous les cas, ne serait-ce que par respect de nos partenaires européens et pour leur expliquer nos choix. Mais il est bien clair que, dans tous les cas, nous n’aurons de la part des banquiers qu’une farouche opposition à une telle mutation. Et ne commettez pas l’erreur de confondre banquier et simple employé de banque, fut-il directeur d’agence. Je parle des grands dirigeants et propriétaires de banques. Aller déverser sa colère au guichet d’une banque ne sert qu’à démontrer sa propre ignorance et son immaturité. Ces employés sont autant victimes que nous tous des perversions de notre système actuel qu’ils ne comprennent pas plus que tout un chacun. Par contre, on peut aussi envisager des évolutions qui simplifieront leur métier. Encore que ça intéressera plus les employés de banque qui sont sur le terrain au quotidien, que les banquiers assis en haut de leur tour d’ivoire. Par exemple, supprimer la monnaie fiduciaire. Quidam : C'est-à-dire ? Supprimer les pièces et les billets ? PG : Absolument. Souvenez-vous, j’avais laissé cette question en suspens tout à l’heure parce qu’elle posait problème pour l’ajustement d’une masse monétaire indexée. En les supprimant, je supprime le problème. Quidam : C’est pour le moins radical comme solution. Mais en même temps, je ne devrais pas être surpris car c’est déjà un peu comme ça que vous avez réglé le problème de la retraite… PG : Oui, mais je ne le mentionne que pour compléter l’option masse indexée. Car nous avons bien vu que l’option masse monétaire fixe était préférable. C’est donc pour des raisons bien différentes que je souhaite supprimer la monnaie fiduciaire. Vu le développement des moyens de paiement électronique, carte, virement Internet, paiement par téléphone portable, et j’en passe, ne pensez-vous pas que les espèces deviennent de plus en plus dépassées ? Elles sont encore très utilisées sur les marchés par exemple, mais avec les terminaux de paiement électronique sans fil, les porte-monnaies électroniques, et autres paiement contactless, il y a d’autres moyens d’encaissement disponibles pour les commerçants itinérants que les espèces, même pour de faibles montants. Vous êtes-vous déjà interrogé sur le coût que représente la production de cette monnaie fiduciaire ? Sur ce que représente le traitement des espèces pour les banquiers au point qu’ils ne veulent plus le faire et forcent leurs clients professionnels à prendre des contrats de sous-traitance avec des entreprises spécialisées ? Pour que les banquiers préfèrent en arriver à perdre des clients plutôt que de s’embêter avec ça alors qu’ils ont la culture de la course aux dépôts, pour justement pouvoir faire des prêts derrière, c’est bien que ce n’est pas neutre. Alors ils seront certainement ravis d’être débarrassés du devoir de recevoir et distribuer les espèces, des problèmes de transports de fonds afférents, des guichets automatiques cambriolés ou tombant en panne, des braquages d’agence, et ce, tout en développant les services de terminaux de paiement. Bon, petit bémol, il y aura aussi un certain redéveloppement de l’utilisation des chèques, ce qu’ils apprécient beaucoup moins parce que c’est également coûteux à traiter, même si les lecteurs optiques et la compensation par chèque-image ont permis de gros progrès dans l’efficience de ces processus et que les français s’en détournent de plus en plus de toute façon au profit des cartes de paiement. Quidam : Et ce serait juste pour faire plaisir aux banquiers que vous priveriez le petit de la pièce que lui apporte la petite souris pour sa dent perdue ? Pour les alléger du coût de traitement du cash ? PG : Oh que non. Que cela plaise aux banquiers n’est qu’un effet secondaire fortuit. L’objectif est tout autre. Et pas non plus de priver le petit de l’offrande de la petite souris, tradition qui saura sans aucun doute évoluer en conséquence. Eventuellement, on peut aussi envisager de ne conserver que les pièces, avec limitation légale aux paiements de moins de cinq Euros par exemple, et se contenter dans l’immédiat de la suppression des billets. C’est un compromis à discuter, même si ce n’est pas a priori l’option que je préfère. Mais il est clair que les billets doivent disparaître dans un pays comme la France où les solutions alternatives le permettent sans problème. Si l’on regarde l’utilisation principale des espèces, on constate qu’elles servent essentiellement à des opérations frauduleuses. Les sommes en jeu sur les marchés de légumes du samedi matin sont ridicules en comparaison des valises de billets du grand banditisme, voire des services secrets divers. Tout le monde le perçoit intuitivement. Mais que fait-on ? Nous continuons d’imprimer des billets de 500 Euros totalement inutilisables pour le commun des mortels parce que les commerçants les refusent. Alors à quoi servent-elles ces grosses coupures ? Il fut un temps, un peu lointain maintenant, où le billet en Dollar dont il existait le plus grand nombre était la coupure de mille Dollars. Croyez-vous que c’était pour aller faire ses courses au marché ? La quasi totalité des américains n’avaient même jamais vu ces billets. Ils ne servaient que pour des transactions occultes. Maintenant, le tir a été rectifié et la plus grosse coupure américaine n’est plus que de 100 US$. Dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment d’argent, les canadiens ont supprimé en l’an 2000 le billet de 1'000 Can$. Et la BCE réfléchit à suivre cet exemple et réserver le même sort au billet de 500€. De plus, outre la criminalité, on peut même rajouter que le travail au noir se paye essentiellement en liquide. Et les marchés du samedi matin, comme ceux des autres jours de la semaine d’ailleurs, n’en sont pas dépourvus. Et qu’en plus se pose le problème de toutes les fausses coupures en circulation. Et le racket, et les braquages dans la rue, et j’en passe. Supprimez les billets, et vous réglez tous ces problèmes d’un seul coup, y compris la mendicité qui n’a plus de justification puisque la pauvreté a d’autres remèdes. Les transferts d’argent sale devront nécessairement passer par des transferts bancaires, ce qui ne garantira pas qu’ils soient tellement découragés, tant le monde bancaire vit de cet argent malsain et est un complice complaisant de cette situation. Mais au moins ça laissera plus de traces et donnera plus de possibilité à la justice de remonter les circuits. Le travail au noir deviendra également bien plus difficile puisque tous les paiements devront obligatoirement passer par des comptes bancaires bien plus facilement contrôlables. Et évidemment, la fin des billets implique celle des faux billets ! Désolé pour la longue et prolifique carrière de votre petite souris mais elle ne pèse pas lourd à côté de tant d’avantages. Quidam : Il y a gros à parier que l’argent sale éviterait simplement de transiter par la France, et que la fraude se déplacerait vers le domaine électronique ou les faux chèques. PG : La fraude existe déjà dans ces domaines. Ca ne changera donc pas grand chose à ce niveau sinon que les moyens humains et matériels libérés de la traque de la fausse monnaie pourront renforcer les équipes combattant les fraudes qui restent. Mais vous avez raison de mentionner le fait que le trafic d’argent sale se déplacera simplement vers d’autres pays. Parce que jusqu’à présent, nous avons raisonné, pour rester simple, en considérant un système essentiellement fermé, ce qui était à peu près la situation de la France au Moyen-âge. De nos jours, nous sommes dans un système terriblement ouvert, où tous les pays sont parties prenantes d’un grand système monétaire et financier mondial. Quidam : Effectivement, il va falloir élargir l’horizon de réflexion pour intégrer cet aspect de la mondialisation. Mais avant de quitter le domaine purement national, peut-être pourriez-vous expliquer pourquoi vous disiez que le problème est plus compliqué dans le cas de l’Angleterre que dans celui de la France, ou maintenant de la zone Euro ? PG : Simplement du fait de l’actionnariat de la banque centrale. Ainsi que nous l’avons vu, toutes les liquidités que celle-ci injecte dans le système en les prêtant aux différentes banques commerciales génèrent des intérêts, le taux directeur étant rarement nul. Ces intérêts génèrent donc un profit qui bénéficie aux actionnaires de la banque. Alors même qu’il leur a suffit, pour émettre ces liquidités, d’imprimer des billets ou de mouler des pièces. Si la banque centrale appartient à l’Etat, ce profit lui revient et donc, d’une certaine façon, il reste au service de la société en abondant le budget collectif. Mais si la banque centrale appartient à des actionnaires privés comme les grandes fortunes du pays, soit directement soit indirectement par le biais des banques commerciales qu’ils possèdent, alors là, c’est tout autre chose. Ce profit généré par la gestion de ce bien commun qu’est la monnaie abonde dans des bourses privées et enrichit sans rien faire ces grosses fortunes. Vous vous souvenez que je vous mentionnais la répugnance des autorités économiques à laisser perdurer une situation de déflation qui enrichirait sans rien faire la population ? En fait, grâce à l’inflation qui fait perdre progressivement sa valeur à la monnaie, ainsi que pour permettre le paiement des intérêts antérieurs, le besoin de nouvelles injections de liquidité pour continuer d’alimenter la croissance souhaitée de l’économie est constant, et donc la banque centrale s’assure de conserver son business, et le profit de ses actionnaires. Ce n’est même plus fidéliser la clientèle, mais la rendre tout bonnement captive. L’enjeu de cette question fait partie des points qui échappent à la quasi totalité des citoyens et qui n’est à peu près jamais discuté sur la place publique, mais qui a pourtant un impact énorme sur toute la vie économique de la société. Tant que les intérêts sont reversés dans le système par le biais du budget de l’Etat, donc du profit collectif, c’est un moindre mal. Mais dès qu’ils s’enfuient au profit de fortunes privées, cela revient à dire que le pays entier travaille à enrichir des personnes privées au seul motif de leur privilège d’être actionnaires de la banque centrale. Et je dis « s’enfuient » à dessein, car, dans ce cas-là, c’est bien d’une fuite dans le système qu’il s’agit. Le pays est condamné à la fuite en avant de la perpétuelle croissance, non seulement pour tenter de compenser le déséquilibre structurel d’un système qui n’a pas prévu de monnaie pour permettre le paiement des intérêts, mais aussi pour compenser cette captation directe d’une partie de sa richesse collective par les actionnaires des banques centrales privées. La Banque de France était privée lors de sa création par Napoléon en 1800. Mais, un mal pour un bien, la Seconde Guerre Mondiale a bouleversé les choses et elle a été nationalisée en 1945. Elle roule donc pour le peuple, ou à peu près. La Banque d’Angleterre, elle, est demeurée privée. On retrouve parmi ses actionnaires des noms bien connus tels que les Windsor, c’est à dire la famille royale d’Angleterre, ou les Rothschild. Cette situation de privilège privé d’émission monétaire engraisse donc des parasites financiers, ce qui est tout ce qu’il y a de plus injuste. Mais vous pouvez comptez sur eux pour qu’ils vendent chèrement leur peau, tant ce privilège exorbitant est éminemment lucratif. Et plus encore que lucratif, il octroie un réel pouvoir sur le pays concerné. La Federal Reserve Bank, banque centrale des Etats-Unis d’Amérique, couramment appelée la Fed, est également privée, détenue par les grandes fortunes anglo-saxonnes au travers de leurs banques respectives. Lors de sa création, le père de la nation américaine, Thomas Jefferson, s’est montré dithyrambique contre le fait d’accorder à une banque privée le monopole de l’émission de la monnaie du pays. L’histoire nous rapporte notamment ses paroles : « Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leur parents ont conquis. » Il n’était que trop conscient de cette réalité économique et financière qui aurait fait dire au Baron Rothschild en titre pendant la première moitié du 19ème siècle et déjà actionnaire majeur de la Banque d’Angleterre : « donnez-moi le contrôle de la monnaie d’un pays et je me fiche de qui en fait les lois ». Et la crise des subprimes, avec toutes les saisies immobilières qui en découlent et laissent à la rue des centaines de milliers d’américains, donne aux paroles de Jefferson un écho quasi-prophétique. Il se dit même, dans certains écrits, que tant Abraham Lincoln que JF Kennedy, pour lesquels ont par ailleurs été relevées d’impressionnantes séries de coïncidences, auraient chacun été assassinés quelques mois après avoir fait part de leur intention de mettre fin à ce monopole de la Fed. Vrai, pas vrai, nous ne le saurons vraisemblablement jamais dans ce monde, tant les spéculations sur les causes de ces deux assassinats sont aussi nombreuses qu’invérifiables. Mais ce qui est certain, c’est que l’enjeu est un motif plausible pour un tel acte. Des milliards qui tombent dans votre escarcelle sans rien faire, année après année, ça ne se lâche pas comme ça ! Quidam : Et alors qu’en est-il de la BCE puisque notre Euro dépend d’elle ? PG : La BCE a pour actionnaire les banques centrales des pays de l’Union, qu’ils soient déjà membres de l’Euro ou pas, selon une clé de répartition dépendant tant de la proportion de population que de PIB de ce pays par rapport à l’ensemble de l’UE, et avec mise à jour tous les cinq ans ou à chaque nouvelle adhésion d’un pays à l’Union. Alors sans même se préoccuper de l’actionnariat de toutes les banques centrales des différents pays de l’UE, puisque la BCE a comme actionnaire tant la Banque de France que la Banque d’Angleterre, pour environ 14% chacun depuis 2007, il est clair qu’il y a un mélange indirect entre actionnariat public et privé. Nos Euros financent donc également pour partie les vampires de la grande finance mondiale. Et si vous vous demandez pourquoi les déficits publics ne font que croître partout dans le monde, et particulièrement dans les pays riches, Etats-Unis en tête, vous êtes maintenant en mesure de comprendre que tous ces prêts pour les financer sont très profitables pour les actionnaires des banques centrales qui se réjouissent de cet appel massif et régulier à de nouvelles liquidités dont le coût n’est pas perdu pour tout le monde. C’est une des raisons qui me fait dire que, s’il est compréhensible qu’un micro-état puisse être amené à s’endetter pour financer un gros élément d’infrastructure, un état de la taille de la France ne devrait jamais y être autorisé. Non seulement parce que c’est révélateur d’un train de vie au-dessus de nos moyens, et donc d’une mauvaise gestion, mais aussi parce que ça renforce l’emprise du monde de la finance sur les décisions du gouvernement au détriment de la volonté populaire. Car il va sans dire, mais ça va mieux aussi en le disant, que si un gouvernement mène une politique qui ne plait pas aux décideurs de la banque centrale, il suffit de peu de chose pour rapidement lui couper les vivres, mettre l’économie en récession, voire l’Etat en faillite, et le peuple en colère dans la rue. On entend les gouvernements s’inquiéter d’une éventuelle dégradation de la note attribuée à leur dette souveraine par les agences privées de notation, mais ce n’est pas pour des questions d’image. C’est parce que l’impact sur les taux d’intérêt est immédiat, et qu’une hausse peut couler les finances d’un pays de la même manière qu’ont été coulées celles de nombre de ménages américains amenant leurs maisons à être saisies. Vous comprenez mieux maintenant la phrase attribuée au Baron Rothschild. On peut se permettre d’être arrogant quand on réussit à s’octroyer un tel pouvoir. Et c’est une motivation supplémentaire pour eux pour ne pas le lâcher sans combattre. 27 : finance, bourse et spéculation Quidam : Cette grande finance mondiale, qui semble effectivement complètement affranchie des frontières, inquiète beaucoup de gens et se retrouve régulièrement au banc des accusés. Les crises monétaires et boursières ont démontré leurs capacités à se propager bien plus rapidement que n’importe quelle pandémie virale, et avec des dégâts économiques très réels pour le quotidien des gens. PG : Certes, mais je voudrais dire une chose ici avant de continuer l’examen de ce sujet : je ne les blâme pas ! Quidam : Comment ça ? Vous trouvez ça bien ? PG : Non, je ne trouve pas ça bien du tout, c’est pourquoi je suis très critique vis-à-vis de leurs agissements, et je dis même qu’il faut y mettre fin. Mais pour autant je ne blâme pas ceux qui ont joué à ce jeu et se sont engraissés au delà du raisonnable. Est-ce que vous feriez reproche à un autre joueur de vous plumer au Monopoly ? Sauf à être foncièrement mauvais joueur, il gagne, vous perdez, c’est le jeu. Or ce jeu auquel la grande finance internationale joue sur notre dos avec brio, il se joue selon des règles que nous avons établies… ou laissées établir. Si nous prenons conscience maintenant, à retardement, de ce qu’impliquent ces règles et que nous ne voulons plus jouer ainsi, changeons les et changeons le jeu. Il n’y a aucune obligation à continuer à s’enfoncer dans une impasse dès lors qu’on en a pris conscience. Mais jeter l’opprobre sur ceux qui ont été des joueurs plus malins que nous n’apportera rien. La façon dont se déroule ce jeu est notre responsabilité de citoyen. Il ne faut en aucun cas nous en déresponsabiliser. On ne peut pas se désintéresser des choses importantes pour ne s’intéresser qu’aux rubriques sportives et people des média, et ensuite dire « oh, je ne savais pas, on m’a rien dit, on m’a roulé ». Tout comme on ne peut reprocher aux média de vous proposer essentiellement ça si c’est ce que vous demandez. La télévision vit de l’audimat de ses écrans pubs. Pas de la qualité de ses émissions d’information qui n’ont d’autre but que de vous attirer devant ces pages publicitaires. Alors si vous vous désintéressez des émissions sociale, économique et politique de fond, celles qui sont susceptibles de vous aider à comprendre les vrais enjeux de notre époque pour pouvoir vous positionner ensuite en citoyen conscient de ses choix, ne reprochez pas à la télé de vous proposer à la place les analyses éclairées de la Mère Denis, en direct du marché de Trifouilli-les-oies. « Média partout, info nulle part » est un slogan certainement justifié, mais si nous sommes acheteurs de bouses de vache, il est normal que les média nous en vendent. Peut-on porter des accusations de désinformation si on ne cherche même pas au départ à être informé ? Vous voulez de « l’infotainement » ? Les média vous en donnent. La victimisation est tout le contraire de ce qu’il faut ici. C’est de prise de conscience et de responsabilité par tout un chacun qu’il faut. Alors pour aider à cette prise de conscience, continuons à explorer le fonctionnement de ce système au niveau mondial maintenant. L’inflation, dans un système fermé, c’est facile à contrôler. Par contre, dans un système ouvert où les échanges extérieurs, imports et exports, sont omniprésents, ce n’est pas le marché domestique qui détermine le prix mais le marché mondial. Une entreprise nationale ne va pas vendre pour 10 dans son pays un bien qu’elle peut vendre 50 à l’exportation, ainsi que je vous le disais à propos des matériaux de construction. Et inversement, les importations se font au prix du marché mondial et non au tarif que l’on aimerait nationalement. Dès lors intervient un élément essentiel qui est la valeur de notre monnaie par rapport aux autres monnaies du monde. Car si cette valeur varie, toutes les importations et exportations le font aussi. Une monnaie qui gagne en valeur va tendre à faire baisser les prix, déflation, tandis que si elle en perd, elle favorisera l’inflation. Bref, « souvent monnaie varie, bien fol qui s’y fie ». Alors comment fonctionnent ces questions de parité monétaire et de taux de change. Souvenez-vous qu’au départ, le billet de banque représentait un droit sur des valeurs réelles déposées dans les coffres de la banque émettrice. Avec le temps, ces valeurs en vinrent à reposer uniquement sur les réserves d’or de la banque centrale et un billet de banque était donc simplement un droit sur une certaine quantité d’or contre lequel il pouvait être échangé. Dès lors, acheter un bien venant de l’étranger impliquait que des étrangers recevaient des billets de banque de notre pays et pouvait donc réclamer la quantité d’or correspondante pour la déposer dans leur propre banque en échange de billets de leur propre pays. C’est pourquoi les échanges entre pays se compensaient par des échanges d’or entre les banques. Vous imaginez bien qu’en important beaucoup mais en exportant peu, le pays se retrouvait de plus en plus pauvre en réserve d’or, l’inverse, au contraire, l’enrichissant. Ce système d’étalon-or changea avec les accords de Bretton Woods de 1944 où il fut décidé que les diverses monnaies nationales ne seraient plus définies par une convertibilité en or mais uniquement par un taux de conversion fixe par rapport au Dollar américain, qui seul restait convertible en or. A cette époque, les réserves de métal jaune de la Fed excédaient de loin celles de tous les autres pays réunis et l’économie américaine était largement prépondérante. Et pour cause : les guerres en Europe avaient considérablement dopé les exportations américaines, dont les usines n’étaient touchées ni par les pénuries ni par les bombardements, et avaient donc généré une croissance exceptionnelle des transferts d’or à destination des Etats-Unis. Consacrer ainsi le Dollar comme monnaie mondiale ne pouvait que sembler logique à l’époque. Dans les faits, cela revenait à rendre les diverses monnaies dépendantes de la valeur du Dollar qui servait d’unique référence appuyée par des réserves d’or. Mais confier une telle responsabilité à quelqu’un sans contrôle relève du marché de dupes. Notamment pendant la guerre du Viêt-Nam, les Etats-Unis imprimèrent librement des Dollars sans se préoccuper de la contrepartie or prévue par le système, et générèrent une inflation mondiale faisant perdre sa valeur à leur monnaie. Divers pays commencèrent à s’en inquiéter, et notamment la République Fédérale d’Allemagne, alors Allemagne de l’Ouest, qui était fortement exportatrice et commença à demander de convertir ses Dollars contre de l’or. Si bien que, pris les doigts dans la confiture, en 1971, les Etats-Unis suspendirent unilatéralement la convertibilité-or de leur Dollar. Parler de hold-up n’aurait pas été injustifié puisque cela revenait à conserver l’or qu’ils auraient normalement dû transférer à divers pays, mais les mots de l’époque du politicien américain John B. Connally posèrent le problème différemment : « le Dollar est notre monnaie mais votre problème ». Les accords de Bretton Woods, eux, prirent fin en 1973. Les parités fixes furent abandonnées et les monnaies devinrent toutes flottantes contre le Dollar. En 1976, les accords de la Jamaïque entérinèrent la fin de l’étalon-or et le fait que le Dollar US devint une monnaie flottante comme les autres. Trois petits joints fumés entre amis sur cette île des Caraïbes et ce qui aurait du constituer le dernier élément de stabilité du système monétaire était balayé. Quidam : Vous semblez regretter qu’ait été détrôné l’or comme référence monétaire ultime. PG : Que nenni. Faire de l’or la valeur ultime relève purement d’une décision collective, pour ne pas dire d’un déraisonnement de masse. N’importe quoi d’autre peut servir d’étalon monétaire. Ce qui importe pour moi, c’est que la monnaie ne soit pas basée sur du sable mais sur du stable, ce qui est indispensable pour favoriser l’équilibrage naturel de l’économie. Car dans un système totalement flottant, que se passe-t-il ? Tous ces taux de change flottent, donc varient en fonction de l’offre et de la demande résultant des flux au sein de la balance des paiements de chaque pays. Toutes les opérations de la balance commerciale d’import-export l’impacte lourdement, mais aussi bien d’autres mouvements d’argent qui peuvent se faire. Un touriste japonais vient visiter la Tour Eiffel ? Il doit acheter des Euros, la demande augmente, ce qui en améliore la valeur. Un retraité part habiter hors de la zone Euro dans un pays où le niveau de vie plus faible lui permet de vivre comme un roi avec la pension qui lui est versée par les caisses de retraite ? Il doit vendre ses Euros contre de la monnaie locale, l’offre d’Euros sur le marché des changes augmente donc et pèse sur sa valeur. Et idem si l’endettement du pays requiert de s’endetter en devise pour trouver les capitaux nécessaires, ce qui m’amenait tout à l’heure à insister sur l’intérêt de ne pas dépendre des capitaux extérieurs pour financer sa dette souveraine. En théorie, tout cela est supposé générer une valeur d’équilibre reflétant les créations de richesse de chaque pays. Mais la réalité peut être très différente et les années 90 ont fourni des exemples édifiants des dérives que permettent les marchés. Un fonds d’investissement a spéculé sur la dévaluation de la Livre Sterling. Il s’est mis à vendre un maximum de cette devise sur le marché à terme. Le principe du marché à terme est de permettre toutes sortes d’opérations pendant un mois pour ne les liquider réellement qu’à la date de clôture de la période. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir des Livres pour les vendre, par contre il faut en racheter suffisamment par la suite pour couvrir sa position au plus tard le jour de liquidation de la période. Donc le fonds vendit du Sterling en masse, sans même les avoir au préalable, créant un afflux d’offre qui ne trouva pas preneur au cours normal. Le cours de la Livre a donc décroché. Il acheta alors les devises nécessaires à couvrir ses ventes, mais à un cours désormais bien plus avantageux, donc lui coûtant bien moins que ce qu’il avait encaissé en vendant. Et pendant que les anglais, sans avoir rien fait, se réveillaient un peu moins riches par rapport aux autres citoyens du monde, ce fonds d’investissement empochait, à ce qu’il s’est dit alors, cinq milliards. Je ne sais plus si cette somme était en Livre Sterling ou en Dollar US. Quidam : Dans les deux cas, ça fait un sacré paquet. PG : Pire, en 1997, ce même fonds d’investissement remet ça mais contre la monnaie malaisienne cette fois. Le décrochage est encore plus spectaculaire puisqu’il est de l’ordre de 85%. En quelques semaines de spéculation, la Malaisie a vu sa richesse nationale divisée par six ! Et les spéculateurs se sont goinfrés en sextuplant leur mise. Quidam : Ca à l’air si simple qu’il est tentant de faire pareil. PG : Dans le principe oui, mais restons réalistes : il y a des tentatives de spéculation qui échouent, laissant des spéculateurs sur la paille. Ce qui fait à peu près autant plaisir que de voir le torero se faire encorner par le taureau qu’il asticote. Si celles-ci ont réussi, c’est parce qu’il y avait une surévaluation dans la valeur de ces deux devises que le gestionnaire du fonds d’investissement a perçu et attaqué. Il est plus que probable que si ce fonds n’avait rien fait, l’ajustement de cette survalorisation se serait faite de toute façon, mais beaucoup moins brutalement et vraisemblablement aussi vers une nouvelle valeur d’équilibre bien moins défavorable que celle atteinte dans le mouvement de panique soudain déclenché par la manipulation spéculatrice. Par les temps qui courent, les marchés des changes sont très agités notamment de par les grosses incertitudes qui pèsent sur la valeur réelle du Dollar. Il semble qu’il n’y ait plus eu d’audit indépendant et fiable des réserves d’or de la Fed depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la publication de l’indice M3, le plus significatif de la masse monétaire de Dollars en circulation, a été suspendue en 2006, et les chiffres économiques fournis par les autorités américaines sont de plus en plus suspectés de ne pas refléter la réalité. Bref, comment valoriser correctement le Dollar sur les marchés si on ne sait ni combien il y en a ni sur quelles bases économique et aurifère il repose vraiment ? Pour une monnaie qui sert de base aux échanges internationaux, ça pose quelques petits problèmes. Et la formule de John Connally est toujours d’actualité : le Dollar est la monnaie des USA mais le problème des autres pays. Au passage, il faut aussi noter que toutes les données économiques mondiales exprimées en Dollar perdent de facto leur signification puisque la perte de valeur progressive de cette monnaie en érode la réalité. Quidam : Mais si cela est avéré, ce n’est plus un problème de système mais un problème de désinformation des marchés. Ce serait quand même énorme. PG : Je vous l’accorde. Mais il est un principe que trop de gens négligent en matière de manipulation, qu’elle soit politique ou financière : plus c’est gros, mieux ça marche. Précisément parce que les gens pensent que c’est trop gros pour pouvoir être un canular. D’ailleurs, même avec un système stabilisé par une masse monétaire fixe ainsi que je le préconise, si les autorités de la banque centrale trichent, vous aurez aussi des problèmes. Et c’est là que revient la question de savoir pour qui roule réellement la banque centrale. Et la réponse est, à l’évidence, pour ceux à qui elle appartient et qui en nomment le dirigeant. Divers pays cherchent à sortir du piège actuel du Dollar en avançant un projet de création de monnaie mondiale qui soit un panier des principales devises du monde. Un peu sur le modèle de ce qu’était l’ECU au Système Monétaire Européen avant l’entrée en vigueur de l’Euro. Toutefois elle serait réservée aux échanges interbancaires internationaux et n’aurait pas vocation à avoir cours légal dans aucun pays. Ce serait certainement une avancée que d’avoir une telle monnaie mondiale qui ne soit plus tributaire d’un seul pays, ni d’une seule économie, ou d’un seul gouvernement, comme l’est actuellement le Dollar. Et les statistiques internationales diverses auraient plus de sens que celles exprimées sur ce Dollar en naufrage. Mais j’aspirerais à ce que ça aille encore plus loin. De même que l’Euro a apporté une stabilité et une visibilité d’un pays de l’Euroland à l’autre, de même une monnaie mondiale unique qui ait cours dans tous les pays apporterait un élément de stabilité dans des échanges mondiaux qui en manquent cruellement. Evidemment, je parle d’une monnaie stabilisante, donc exempte du principe amplificateur d’instabilité de la création monétaire par réserve fractionnaire. Donc d’une monnaie mondiale à masse soit fixe, soit indexée, ainsi que nous en avons déjà abondamment discuté. Mais en fait, plutôt à masse fixe parce que l’indexation serait encore plus ingérable qu’au niveau national. Elle pourrait être démonétisée dans les pays qui le permettent, comme par exemple la France et de nombreux autres pays développés, mais conserver un support fiduciaire dans ceux où ce n’est pas envisageable, comme la totalité de l’Afrique et de nombreux autres pays en voie de développement du monde. D’où la complexité d’une éventuelle indexation… Appelons-là, pour la commodité de la discussion, le Globex. Quidam : Pourquoi pas Globix, vous qui affectionnez les appellations gauloises ? PG : Parce qu’il s’agit d’une monnaie mondiale et qu’il faut donc s’affranchir du folklore national de nos bandes dessinées, fut-il aussi mondialisé que celui d’Astérix. Globex dérive de Global Exchange, donc échange global exprimé dans la langue internationale actuelle qu’est l’anglais. Car le rôle d’une monnaie est bien seulement de mesurer les échanges. Qu’est-ce que ça changerait ? Prenons un exemple. Un pays qui aurait une balance des paiements durablement déficitaire finirait par manquer de monnaie. Dans ce pays, la rareté de la monnaie lui donnerait plus de valeur relative et les prix baisseraient donc, ainsi que nous l’avons vu en discutant de la monnaie au niveau national. Or cette monnaie étant la même partout dans le monde, des prix bas attireraient des acheteurs ou des investisseurs, qui amèneraient avec eux la monnaie nécessaire pour acheter et investir, et donc qui commenceraient à améliorer cette balance des paiements. Si la tonne de cacao vaut 3 Globex dans un pays mais 10 dans un autre, il est clair que les opérateurs du marché auront tôt fait de vouloir celle à 3 Globex et que, la demande augmentant, progressivement les Globex afflueront et rétabliront la balance des paiements et le pouvoir d’achat local du Globex. Et progressivement, le cacao à 3 Globex verra son prix augmenter, tandis que celui à 10 diminuera, jusqu’à ce qu’un équilibre mondial ne se crée. Quidam : Encore la magie de la fameuse main invisible... Mais en fait, je ne vois pas la différence par rapport au système actuel de monnaies flottantes. Les investisseurs et acheteurs viennent dans le pays à monnaie faible, et donc à prix faible pour eux, cela génère une augmentation de la demande pour la monnaie de ce pays lui permettant de se réapprécier progressivement. PG : La différence est dans la stabilité du phénomène d’équilibrage. Comme nous l’aurait dit votre lointain ancêtre Lapalisse, il n’est pas possible de spéculer sur des taux de change au sein d’une seule et même monnaie. Avec le Globex, fin de la spéculation sur les changes. La main invisible poussant à l’équilibre n’est plus dérangée par l’envie d’un spéculateur de faire rechuter la devise faible afin de continuer encore longtemps à profiter de prix bas pour faire plus de profits sur le dos des ouvriers locaux tout en détruisant plus durablement les emplois de ses clients des pays plus riches. A plus ou moins long terme, progressivement, tous les pays ont la possibilité d’améliorer le niveau de vie de leur population. Enfin du moins si les populations en question prennent conscience de la nécessité d’avoir des dirigeants éclairés, ce qui est un tout autre problème. Quidam : Mais sur quoi reposerait la valeur de cette monnaie ? Des réserves d’or, l’économie mondiale ? PG : Non, sur rien. La valeur d’une monnaie, de nos jours, ne repose plus sur rien. Ou plutôt sur rien de tangible. Car en fait, je vous le rappelle, elle repose uniquement sur la confiance. Sa valeur est bien plus psychologique que logique. A partir du moment où le monde entier accepte d’utiliser cette monnaie commune pour mesurer ses échanges, ce n’est plus que ça : une mesure des échanges. La monnaie n’est qu’un moyen. Pas une finalité, et encore moins un maître. Quidam : Donc une monnaie mondiale pour éliminer la spéculation sur les changes. Mais il resterait de multiples autres opportunités de spéculer. PG : Il y a spéculation et spéculation. Chaque fois qu’un commerçant achète une marchandise à un fournisseur, il spécule sur le fait d’être capable de la revendre plus chère plus tard à ses propres clients. Ca n’a rien de néfaste ni de répréhensible, c’est simplement comme ça que fonctionne le commerce et que s’équilibrent les prix. De même, mais à une autre échelle, quand quelqu’un achète des contrats à terme sur du café parce qu’il prévoit d’alimenter une chaîne de supermarché avec, c’est encore de la spéculation parce qu’il n’a aucune certitude que dans un an, quand ce café sera récolté, les gens en voudront toujours. Mais c’est simplement du commerce. Ca fait partie du fonctionnement de la main invisible. Par contre, quand un fonds spéculatif achète ces même contrats à terme en masse pendant qu’ils sont peu chers pour les revendre quelques semaines plus tard, en faisant monter les prix, à des acheteurs de grande distribution qui n’ont guère d’autre choix que de les prendre sous peine de voir les rayons de leurs supermarchés en pénurie, là, l’intérêt commercial disparaît. Ca devient une pure opération financière visant à s’approprier de la richesse sans contrepartie de valeur ajoutée. Le commerçant apporte une valeur ajoutée dans sa spéculation : celle de vous permettre d’avoir accès à des biens. Le spéculateur, au sens péjoratif du terme, n’apporte aucune valeur ajoutée et ne fait que jouer avec les cours en espérant acheter bas et revendre haut. Ce qui ne marche pas tout le temps. Nombre d’apprentis-spéculateurs font faillite avant de parvenir à une maîtrise suffisante de la discipline, et périodiquement de gros poissons peuvent aussi se rater. Toute la science du spéculateur consiste à entretenir de l’instabilité sur les marchés. Un marché stable et progressif, prévisible, c’est la mort du spéculateur. Un marché hystérique et très volatile, c’est son paradis. Au point que la grande majorité des ordres passés sur les marchés ne proviennent même plus d’opérateurs physiques, mais d’algorithmes informatiques programmés pour réagir aux variations de cours et déclencher leurs ordres en une fraction de seconde. C’est vrai sur les marchés des changes, c’est vrai sur les marchés de matières premières, c’est vrai en bourse. On entend même parler de fonds voyous qui appuient leurs spéculations d’opérations de manipulations des marchés. La recette est simple. Prenez l’exemple d’une matière première dont un pays est un producteur mondial majeur et qui a une certaine instabilité politique. Ce n’est pas difficile à trouver vu que cette instabilité dans les pays producteurs est entretenue sciemment de longue date par les pays riches et consommateurs. Vous achetez une bonne quantité de contrats à terme de la ressource en question. Ensuite vous payez un groupe mi-rebelle mi-mafieux pour déclencher des émeutes et donner l’impression d’une révolte populaire. Et les marchés s’inquiètent, les cours s’envolent, et vous n’avez plus qu’à revendre vos contrats à terme avec un confortable profit. Quidam : Mais alors que peut-on y faire ? On entend les politiques parler de réglementer les marchés pour éviter ce genre d’excès. PG : La réglementation des opérations qu’ils envisagent ne marchera pas. Et ce d’autant moins que ces fonds de spéculation font partie de cette grande finance mondiale qui fait et défait les gouvernements. Les mesures ne seront donc jamais poussées jusqu’au bout de leur logique. Et quand bien même elles le seraient, si l’incitation à la vertu doit reposer sur les contrôles d’un gendarme des marchés, les spéculateurs trouveront toujours un moyen de contourner les barrières qu’on cherchera à leur mettre. Il n’est qu’à voir la bourse américaine et les affaires Enron, Madoff, et autres subprimes. La SEC, le gendarme de Wall Street, n’y a vu que du feu jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard. A moins qu’ils aient vu mais préféré ne rien dire… car il est établi que diverses personnes ont donné l’alerte pour tenter de prévenir la catastrophe, mais ont été saquées pour les réduire au silence. D’ailleurs, l’Europe n’est pas en reste avec l’affaire Parmalat et autres cas assimilés. Non, les politiciens parlent pour faire croire qu’ils vont faire quelque chose, mais rien n’est à attendre des impasses dans lesquelles ils se complaisent. Avez-vous constaté une évolution quelconque sur le front des paradis fiscaux mondiaux dont pourtant les gouvernements du G20 prétendaient faire une cible prioritaire ? Alors mieux vaut, fidèle à mon principe, réformer le cadre pour réduire naturellement les possibilités de dérives. Et pour trouver le bon axe de réforme, il faut bien intégrer le fait qu’un investisseur recherche un rendement à long terme, alors qu’un spéculateur recherche des coups à court terme. Penchez-vous sur le cas de la bourse. Une entreprise va en bourse soit pour lever des fonds, soit pour permettre aux propriétaires d’une entreprise, généralement ses créateurs ou leurs successeurs, de se dégager progressivement de celle-ci pour passer le relais, soit encore pour gagner en notoriété, ou soit, plus généralement, pour une combinaison de tout ça. Mais une fois que les actions sont en bourse, il n’y a plus guère que la notoriété qui puisse encore apporter un effet bénéfique. Tout le reste n’est que contraintes : les informations financières périodiques, la pression des objectifs de rentabilité, etc. La vie du titre en bourse n’intéresse plus guère que ceux qui en possèdent et le président de l’entreprise, dont le siège est conditionné par la satisfaction de ces actionnaires, donc par la progression du cours de l’action et le versement de dividendes. Mais pour la vie de l’entreprise en elle-même, une fois les capitaux investis, ça fait lourd pour le peu de notoriété que ça apporte. On peut dire, en caricaturant, que l’entreprise et ses actions mènent deux vies distinctes. Et on peut même dire, à ce stade et compte tenu de la pression sur le résultat que connaissent les entreprises cotées, que ce n’est plus l’actionnaire qui finance l’entreprise, mais l’entreprise qui finance l’actionnaire. La fonction première de la bourse se retrouve donc inversée. Mais revenons à la différence entre notre investisseur et notre spéculateur. L’investisseur va acheter des titres de cette société en espérant percevoir des dividendes et que globalement la valeur se maintienne voire progresse légèrement. Il va donc être intéressé tout de même à ce que l’entreprise soit saine et bien gérée, avec des marchés durables, etc. Le spéculateur au contraire se moque éperdument de tout ça. Seule l’intéresse la volatilité du cours pour y caler ses algorithmes et engranger des profits à chaque effet de yoyo. L’investisseur achète ses actions pour au moins un an, mais souvent bien plus. Le spéculateur pour quelques fractions de secondes. Alors la solution est évidente : supprimer la cotation en continu des marchés ! Elle n’apporte rien aux investisseurs qui voient à long terme, et ne sert qu’à permettre le jeu de la spéculation au quotidien. Quidam : Mais il faut bien que les transactions puissent s’effectuer. PG : A l’évidence. Mais je n’ai pas dit de supprimer le marché, j’ai dit de supprimer la cotation en continu qui permet au spéculateur de jouer de l’ouverture à la fermeture tous les jours ouvrés de la semaine. Pour l’investisseur, avoir la possibilité de vendre ses titres une fois par mois sera certainement très suffisant. Et nous coupons l’herbe sous le pied du spéculateur. Nous ne voulons plus jouer à ce jeu ? Nous changeons les règles et mettons la spéculation hors jeu. De la même manière, pour les marchés de matières premières, acheter et vendre plusieurs fois dans la même journée ne présente aucun intérêt. Pour les vrais acheteurs, ceux qui achètent pour utiliser la ressource, une cotation mensuelle suffit également. Il n’y a que pour les devises où les échanges permanents, tant que nous ne serons pas passés au Globex, nécessitent des cotations plus fréquentes que mensuellement. Mais que faut-il vraiment pour que ces échanges fonctionnent ? Un cours par jour ? Peut-être simplement par semaine ? Mais en tout cas plus en continu, jour et nuit, en passant d’une bourse à une autre au fur et à mesure de la progression du soleil au travers des fuseaux horaires. Quidam : Je vous le concède. Il est vraisemblable qu’une telle mesure apporterait davantage de sérénité et de sérieux à des marchés qui semblent avoir oublié leur vocation première. PG : Probablement aussi que les banques seront moins tentées d’aller y risquer l’argent de leurs déposants en essayant de capter leur part du gâteau spéculatif. Mais si elles souhaitent néanmoins s’y essayer, il suffit d’édicter une règle les obligeant à le faire par le truchement exclusif d’une filiale fondée à cet effet, donc sur leur capitaux propres uniquement, et dont les titres ainsi détenus doivent être préalablement provisionnés à 100% dans leur bilan. Dès lors, que la filiale se plante ou même fasse faillite, les dépôts des clients ne sont plus menacés par les crises financières d’Ubu-joue-en-bourse. Le summum de la finance, c’est d’arriver à faire de telles opérations tout en faisant croire qu’on a une importance telle que si on tombe, tout le système s’effondre avec nous. Et alors là, on peut jouir du Graal du capitalisme : privatiser les profits mais mutualiser les pertes, ainsi qu’on l’a vu avec le scandaleux renflouement des banques et assimilés par des fonds publics suite à leurs errements dans la crise des subprimes. Alors qu’avec la simple mesure de dissociation des activités, leurs filiales auraient tranquillement fait faillite, sans que ça ne mette aucunement le système en péril. Une règle analogue doit d’ailleurs être imposée à toute personne morale investissant dans un placement à risque. Pour une entreprise ou une association désireuse de s’essayer à la spéculation, une filiale dédiée n’est pas indispensable, mais le provisionnement à 100% des fonds engagés, oui. Et les activités normales d’exploitation ne seront alors plus mises en péril par de possibles errements. Sauf à ce que la trésorerie ne se révèle ensuite insuffisante, par exemple pour cause de variation saisonnière, mais cela relèverait alors de la faute de gestion rendant possible l’extension de la responsabilité du passif au patrimoine personnel du dirigeant, ce qui est relativement dissuasif. Mais il y a gros à parier qu’avec la suppression des cotations permanentes, la spéculation se dégonflera comme un soufflet sortant du four. Et les sommes colossales actuellement engagées dans les bulles financières, qui participent à miner l’économie plutôt qu’à la soutenir, trouveront à se repositionner dans un rôle plus constructif. Seulement voilà. Un pays peut s’efforcer de se prémunir contre la folie du système mondial, préconiser des solutions, montrer l’exemple, mais il ne peut imposer sa solution aux autres contre leur volonté. 28 : France vs Europe et monde Quidam : La question de la relation au reste de l’Union Européenne et du monde est effectivement primordiale. La France a-t-elle réellement la possibilité de mener seule dans son coin des réformes aussi fondamentales ? PG : La plupart des réformes politiques et sociales que je propose peuvent se faire sans bousculer outre mesure le fonctionnement Européen. Même si le simple fait d’exiger que des étrangers s’installant en France parlent français est déjà une restriction au droit de libre résidence et travail des citoyens de l’Union au sein des pays membres. Mais d’autres pays se posent les mêmes questions, comme les Pays-Bas par exemple. Car ce n’est que du bon sens. A défaut d’adopter une langue Européenne commune qui soit enseignée obligatoirement dans tous les pays de l’Union, en complément de la langue nationale, pour être utilisable dans toutes les démarches de la vie courante, exiger que des gens voulant habiter et travailler dans un pays puissent y communiquer n’a vraiment rien d’une exigence exagérée. C’est le minimum nécessaire pour permettre une intégration, même si ce n’est pas suffisant pour la garantir. Condition nécessaire mais pas suffisante, diraient les mathématiciens. Par contre, tout le volet des réformes monétaires, financières, voire économiques, particulièrement pour la partie douanière, est plus délicat. Les partenaires européens ne pourront voir que d’un très bon oeil qu’un pays membre se réforme pour dynamiser son économie et chasser ses déficits. Mais pour ce qui est de changer le fonctionnement monétaire, donc de l’Euro, de la BCE et du système bancaire européen, ce n’est possible que tous ensemble, ou seul mais en sortant de l’Euro. Seul au sein de l’Euro, c’est impossible… ou du moins considérablement plus compliqué. Alors soit nous nous donnons les moyens d’être patients, très patients, en nous efforçant de promouvoir ces idées auprès des autres pays membres jusqu’à ce que collectivement soit décidée cette réforme majeure, soit la France se retire de l’Euro et suit son chemin, montrant un exemple qui finira par être suivi par d’autres pays, qu’ils soient européens ou non. Tous les pays de l’Union Européenne n’ont pas adopté l’Euro. Abandonner cette monnaie pour mettre en place un système monétaire différent n’implique donc pas de tourner le dos à l’UE. Quidam : Je doute que la défection d’un membre fondateur tant de l’Union que de l’Euro ne soit sans conséquence sur cette monnaie. Ce serait un peu un tremblement de terre à l’échelle du continent, voire de la finance mondiale. De quoi donner du grain à moudre aux spéculateurs. PG : Ca ne passerait certainement pas inaperçu, mais n’exagérons pas notre importance non plus. D’ailleurs, l’Euro a été prévu dès le départ en prenant en considération cette éventualité. Si bien que les pièces et billets émis par les banques centrales de chaque pays sont différenciés, par une face spécifique pour les pièces et par la lettre précédent le numéro de série pour les billets, le U en l’occurrence pour la France, permettant donc de distinguer la monnaie fiduciaire en fonction de son pays émetteur. La séparation est donc chose aisée techniquement, même si cela ne présage en rien de la réaction des marchés dans un sens ou dans l’autre. Après, à nous de savoir ce que nous voulons. Car comme pour toute chose, il y a une question de volonté. Si nous ne sommes pas satisfaits de notre fonctionnement social et que la règlementation européenne est un obstacle à le faire évoluer, alors il faudra un gros travail de communication avec nos partenaires de l’Union. Toutefois si ça ne suffit pas, le cas le plus extrême ne peut être exclu et il faut être prêt, s’il faut en passer par là pour renouveler notre société, à prendre quelque distance avec l’UE. Peut-être partiellement, peut-être temporairement, peut-être totalement et définitivement. Ca dépendra de la réaction des autres pays de l’Union. Mais si c’est le prix à payer pour qu’advienne le renouveau dont les français ont besoin, alors nos partenaires européens devront le comprendre et chacun poursuivra son chemin respectif selon ses convictions. Avant que ceux-ci ne se rejoignent très vraisemblablement à nouveau un peu plus loin. Car la construction européenne est logique. Les Etats-Unis d’Amérique se sont constitués progressivement, passant d’états qui se querellaient entre eux, à des accords douaniers et commerciaux, jusqu’à la mise en commun d’un certain nombre de fonctions comme la défense au sein d’un état fédéral. Mais il est clair que ce qui les a soudés et permis qu’ils demeurent ensemble, c’est le fait d’avoir une langue commune servant de creuset d’intégration pour tous ces immigrants d’horizons très divers. L’anglais ne s’est d’ailleurs imposé dans cette fonction qu’au cours d’un vote au parlement, au tout début du 20ème siècle, où il n’a été choisi que d’un cheveu devant l’allemand. Gageons que l’histoire du monde aurait été considérablement différente si ça avait été l’inverse… Toujours est-il que, parce que l’Union Européenne a vocation à évoluer similairement vers une structure fédérale, le jour viendra nécessairement où elle devra également faire un tel choix linguistique. Et ce sera un moment très compliqué mais essentiel. Les querelles linguistiques belges ne sont qu’un petit aperçu des difficultés sous-jacentes qui nous attendent sur cette question. Quidam : Le Français, de par son rayonnement international, serait en bonne position pour être cette langue commune. PG : Surtout si on se décidait à en simplifier un peu l’orthographe et la grammaire pour en finir avec des listes d’exceptions genre des chevaux mais des festivals, avec les lettres inutilement doublées, reliquats d’une époque où les moines copistes étaient payés au nombre de caractères, ainsi qu’avec divers autres snobismes linguistiques. Ca n’apporte rien à la communication, mais rend la langue plus complexe, donnant aux lettrés matière à se moquer de ceux qui le sont moins. Il y a bien eu dans ce domaine la timide rectification orthographique de 1990, dont la plupart des gens n’ont même pas entendu parler et qui d’ailleurs ne fait référence que depuis 2008, mais elle ne s’est pas attaquée aux multiples pièges et exceptions de notre grammaire. Pourtant, une langue française un peu plus abordable à ce niveau contribuerait encore plus au rayonnement de la culture française chère à tant de français, ainsi qu’à celui des autres cultures francophones. Car l’objectif d’une langue est d’ouvrir et de rassembler, pas d’exclure et de diviser. N’en déplaise aux adeptes des langues régionales qui ne peuvent s’envisager qu’en complément des langues nationale et internationale, donc au mieux en troisième langue. Mais si vous retenez le rayonnement mondial comme critère, l’Anglais est un candidat très sérieux, car c’est déjà de facto la langue internationale. Si je devais voter aujourd’hui sur cette question, compte tenu de cet état de fait et malgré les nombreuses critiques qu’on peut lui adresser d’un point de vue linguisitique, ce serait mon choix. Parce que c’est le choix de favoriser l’intégration mondiale et le rapprochement des peuples. Cela permettrait peut-être même que l’ancien monde ne gagne un peu en poids culturel mondial pour davantage calmer les excès du nouveau. La sagesse de l’âge fonctionne aussi en partie au niveau des consciences collectives que représentent les diverses sociétés du globe. Mais l’anglais n’est pas le seul concurrent. L’espagnol est aussi une langue très répandue de par le monde, notamment dans toute l’Amérique Latine. Et puis, il y a l’Allemand, qui est la langue majoritaire de l’Union et, qui plus est, celle de son économie majeure. Mais son rayonnement international limité est un exemple parlant du frein que peut représenter une grammaire complexe… Nos académiciens devraient y réfléchir. Ce qu’on fait d’ailleurs les inventeurs de l’Esperanto, langue facile, du moins pour ceux qui parlent déjà des langues latines, et dont la grammaire ne comporte pas d’exception. Elle comporte à la fois l’avantage et l’inconvénient de n’être parlée par personne. La choisir ne favoriserait donc aucun pays, mais par contre, on partirait de presque rien, pire encore que de ressusciter une langue morte. Ce serait donc assez artificiel au début, mais possible. Bref, en résumé, ne vous emballez pas car il est facile mais trompeur de ne voir midi qu’à sa porte. Il y a de la concurrence. Pourtant, il faudra que les Européens se posent la question s’ils ne veulent pas un jour devoir choisir entre le Chinois ou l’Arabe qui s’imposent de plus en plus au niveau mondial tout en bénéficiant d’une forte influence sur notre continent de par l’immigration autant que la finance et l’économie. Quidam : Mentionner l’arabe est à propos, car vous parlez de l’intégration de la France dans l’Europe comme d’une évidence. Mais de par son histoire, la France a aussi de forts liens avec l’autre rive de la Méditerranée, l’Afrique du Nord. Et au-delà, avec l’Afrique subsaharienne francophone. N’y a-t-il pas là aussi un axe d’intégration international à favoriser ? PG : En un mot : non. D’abord parce que ça ferait une dérive des continents un peu trop marquée à mon sens. Et ensuite parce que courir deux chevaux à la fois, européen et africain, ne serait guère constructif, aucun n’y trouvant pleinement son compte, à commencer par nous. Car pour qu’une relation dure, il faut qu’elle fonctionne dans les deux sens. Il est certes toujours favorable de perpétrer des traditions d’amitié avec les pays avec lesquels elles existent, puisqu’il est souhaitable d’avoir de telles relations avec tous les peuples du monde. Mais jusqu’à quel point cela s’applique-t-il à tous ces pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest ? Est-ce une relation d’amitié ou d’intérêt qu’ils entretiennent avec nous ? Forcément, il y a un panachage des deux avec des dosages différents d’un pays à l’autre. Mais dans le cas de certains, il y a nettement plus du second que du premier. Et alors la relation est essentiellement à sens unique, pour obtenir des aides, sans même offrir du respect en retour. Ceux qui ont mis les colons dehors, ruiné ce qui avait été construit, pour ensuite se plaindre de leur misère aggravée par leur irresponsabilité démographique et vouloir émigrer chez nous, mais tout en se permettant en plus de nous cracher dessus et de demander des excuses pour les injustices du passé colonial, franchement, avec ceux-là, quels liens peut-on raisonnablement espérer entretenir ? Du sado-maso ? Merci, mais je passe mon tour. Le colonialisme n’avait certes pas que des bons côtés, mais il n’était sûrement pas tout négatif non plus. Les blancs ont utilisé des esclaves dans leurs colonies. Mais ils ne faisaient essentiellement que les acheter à des fournisseurs arabes ou noirs, qui se vendaient entre eux. Comment s’étonner dès lors que l’exploitation des miséreux n’ait pas décru depuis la décolonisation ? Alors il n’y a pas à culpabiliser. Maintenant nous sommes dans le présent, et la page coloniale est tournée. A partir du moment où certains pays ont voulu l’indépendance, et souvent manu militari d’ailleurs, c’est pour s’assumer. Je prêche d’exporter le bonheur plutôt que d’importer la misère. Cela implique d’aider autant qu’on le peut les pays sous-développés ou en voie de développement à bâtir chez eux une société qui réponde aux aspirations de leur population. Dès lors, aucun des pays concernés par notre passé colonial n’est exclu de la poursuite, voire du développement, des relations d’entraide et de coopération, puisque celles-ci sont à favoriser avec tout pays de bonne volonté. Mais c’est ce dernier critère qui est déterminant : la bonne volonté. Pas le passé. Ce qui veut dire que la France n’a aucune obligation envers aucune de ses anciennes colonies. Elles doivent aussi mériter l’aide qui leur sera apportée. Et si certains ne veulent plus de la France, c’est leur droit le plus absolu. Qu’ils fassent leurs expériences sociales et contentons-nous de relations cordiales, lorsque c’est possible, ou patientons le temps qu’ils reviennent de leurs excès pour que ça le redevienne. Et puis, au passage, si tant d’immigrés maghrébins ont tant de mal à s’intégrer dans notre société, n’est-ce pas aussi au départ parce que leur pays n’est pas si francophone que ça ? Certes il y a une tradition francophone, mais comme deuxième langue. Leur langue officielle est l’arabe. Pas le français. Ne l’oublions pas. Plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’ouest ont le français comme langue officielle, pour réunir les différentes ethnies du pays et dépasser le problème de leurs dialectes différents. C’est déjà plus francophone. Et ça ne gomme pas pour autant les problèmes d’intégration. Mais de toute façon, le proche futur de la France n’est pas dans une intégration africaine. Il est avec nos voisins Européens. Quidam : Voilà qui a le mérite d’être clair. Donc vous ancrez clairement la France dans l’Europe. PG : Je vois mal comment faire autrement. Mais, histoire de rester aussi clair, pour nous construire ensemble. Pas pour chuter ensemble. Donc pas sur la base des principes régissant actuellement la finance et l’économie mondiale et européenne. Je suis plus qu’un européen convaincu, je suis un mondialiste convaincu. Convaincu qu’un jour, petit à petit, les différents états du monde s’uniront pour vivre harmonieusement en paix plutôt que de se tirer dans les pattes, voire se balancer des missiles. Pour cela, il est vraisemblable que s’harmoniseront d’abord des blocs régionaux : Amérique anglophone, Amérique latine, Afrique, Moyen-Orient, Extrême-Orient, et bien sûr Europe. Il est inutile de s’imaginer vivre tous ensemble en paix si déjà au sein de blocs régionaux aux cultures proches, les pays n’arrivent pas à s’entendre. Et on voit bien en Afrique que les différentes ethnies ont déjà bien du mal à cohabiter au sein des frontières héritées de la décolonisation et qui sont vouées à éclater à terme pour pacifier les choses. Il faudra du temps pour que les humains prennent conscience que toutes ces différences culturelles, linguistiques, ethniques ou raciales ne sont rien et que nous formons une seule humanité. Inutile d’espérer faire reconnaître le droit au respect des règnes animal et végétal au sein de la communauté du vivant, si déjà cette simple notion de communauté humaine reste à l’état d’utopie. Quidam : Alors c’est toutes les relations internationales de la France que vous seriez prêt à redéfinir pour favoriser votre programme de réforme. Pas juste la position au sein de l’Union Européenne. N’est-ce pas un gros risque d’isoler la France dans le concert des nations ? PG : Je vous répondrai par une autre question : si vous voyiez venir une inondation avec une montée rapide des eaux, que vous voyiez qu’il y a urgence à grimper sur la colline voisine, mais que vos voisins se partagent entre ceux qui croient que les eaux ne les atteindront pas et ceux qui veulent emporter tous leurs vieux meubles avec eux, qu’est-ce que vous feriez ? Vous tergiverseriez à vous demander si vous devez avoir plus confiance en votre propre jugement qu’en celui des autres ? Vous resteriez pour laisser votre famille se noyer solidairement avec tout le monde ? Il existe une sagesse proverbiale qui dit : « mieux vaut être seul que mal accompagné ». Bien sûr, il est facile, surtout pour celui qui veut fustiger en toute mauvaise foi, de travestir en réflexe xénophobe de fermeture nationaliste face à une difficulté la prise de responsabilité pour ne pas être un mouton de Panurge qui suit ses congénères dans la noyade. L’ouverture est toujours préférable, mais quand elle est appropriée et maîtrisée. Sinon elle peut être destructrice. Et quelqu’un d’adulte, autonome et responsable, doit savoir discerner quand vient le temps du retrait et quand vient le temps du rassemblement. Alors si par peur d’être heureux tous seuls, les français doivent rester otages des dictats de l’Organisation Mondiale du Commerce et manger du bœuf aux hormones, des céréales OGM et autres poisons de l’industrie agroalimentaire mondiale, tout en regardant sans rien faire leurs emplois industriels créateurs de valeur ajoutée partir dans les pays dont l’absence de politique sociale permet des coûts de main d’œuvre très bas, alors qu’ils ne s’étonnent pas de s’enliser progressivement dans la misère et la maladie. Si par peur d’être heureux tous seuls, les français doivent rester aux ordres de l’OTAN, alors qu’ils ne s’étonnent pas de voir mourir leurs soldats dans des guerres où ils n’ont rien à faire. Si par peur d’être heureux tous seuls, les français doivent rester enlisés dans un dogme européen vicié, alors qu’ils ne se plaignent pas de l’incapacité de leur gouvernement à améliorer leur condition. Quidam : Donc l’OMC, l’OTAN... vous en sortiriez ? PG : Il faut s’en retirer, bien sûr. L’OMC parce que c’est clairement une arme de destruction massive. Le dogme libre-échangiste à tout va que sert cette organisation a démontré toute sa capacité à niveler par le bas, mais pas à améliorer le sort des pays pauvres. Alors pourquoi continuer ? Les économies des différentes régions du monde ont des différences trop fondamentales pour les laisser en libre concurrence. Il y a urgence à rétablir des barrières douanières rétablissant les équilibres nécessaires à une économie saine et diversifiée. Le protectionnisme n’est pas un gros mot. C’est une nécessité, pour ne pas dire un devoir d’un gouvernement envers son peuple. Et je vais même jusqu’à dire que c’est un devoir vis-à-vis des autres peuples. Car qu’est-ce qui a permis au départ l’élévation du niveau de vie de l’occident ? Le besoin de développer un marché intérieur pour disposer de débouchés commerciaux ou les seuls revenus découlant de l’exportation ? Il est parfaitement clair qu’un employeur d’un pays pauvre, qui opère une usine de production de biens destinés à l’exportation, a pour seul intérêt de maintenir les coûts de main d’œuvre aussi bas que possible. Mais dès que son activité dépend au moins en partie du marché intérieur du pays où il se trouve, les choses sont radicalement différentes. L’amélioration de niveau de vie de ses ouvriers devient la condition indispensable pour générer des débouchés locaux. Davantage de générosité salariale et sociale peut alors être récompensée par le développement de ce nouveau marché intérieur, au lieu de seulement être un handicap par rapport à d’autres pays où les producteurs demeurent plus pingres. Alors je ne dis pas que tous les pays ont vocation à produire tous les mêmes choses chacun dans leur coin. Je ne parle nullement d’isolationnisme ou d’autarcie. La répartition irrégulière des ressources naturelles sur le globe établit d’elle-même des avantages dans certains domaines pour certains pays. La Chine par exemple, et en attendant que les pays qui s’émeuvent de cette situation ne développent des sources de production alternatives, dispose de l’essentiel des réserves de terres rares actuellement en exploitation. Dans notre monde technologique où l’électromagnétisme prend de plus en plus d’importance, elle a donc un vrai avantage compétitif naturel pour produire, outre divers composants électroniques, des aimants néodymes propices au développement des technologies qui les affranchiront progressivement de leur dépendance énergétique. La logique aurait voulu que les importants gisements de cuivre, de cobalt et de manganèse du Congo lui permettent similairement de disposer d’un avantage compétitif naturel dans la production, par exemple, de batteries pour téléphones et ordinateurs portables, mais ils ont eu la guerre civile à la place, afin que, comme toujours en Afrique, les abondantes richesses naturelles de leur sol bénéficient à d’autres. Toujours est-il que ces différences de répartition des ressources assurent à elles seules la continuation de ce commerce mondial qui favorise le rapprochement des peuples lorsqu’il est équitable, mais promeut au contraire les antagonismes lorsqu’il ne l’est pas et que certains se sentent lésés et exploités par d’autres. Ces spécialisations naturelles nous prémunissent donc de l’autarcie. Mais pour autant, est-il acceptable qu’un pays de la taille de la France soit dépourvu d’industrie textile au point qu’il ne saurait même plus s’habiller sans les importations indiennes, chinoises ou du Maghreb ? Est-il acceptable au niveau stratégique d’être aussi dépourvu d’industrie sidérurgique ? Ou à ce point dépendant de l’Asie du Sud-est dans un domaine devenu aussi fondamental que l’électronique ? Je vous laisse répondre par vous-même. Car si j’aspire à ce que les divers pays vivent et commercent en paix, il ne faut pas non plus avoir la naïveté de croire que les risques de guerres régionales ou mondiale sont derrière nous. Quidam : Justement, pourquoi se retirer de l’OTAN alors ? N’est-il pas plus sûr de faire partie d’une alliance plus large ? PG : Parce que l’OTAN n’est pas au service de la défense européenne mais aux services des grands intérêts économiques du monde anglo-saxon qui contribuent justement à déclencher ou entretenir ces conflits régionaux. La France n’a pas à en faire partie. Avoir une coopération défensive avec l’OTAN, pourquoi pas, mais l’avenir à moyen terme de la France est au sein d’une défense européenne. Pas atlantiste. L’OTAN est une survivance de la guerre froide qui n’a plus lieu d’être. Les intérêts américains et européens divergent trop depuis plusieurs années pour qu’il soit sain pour l’Europe de pérenniser cette structure obsolète. L’UE doit se doter de sa propre organisation indépendante de défense continentale. Au besoin en bousculant un peu les Suisses qui trouvent très pratique de ne participer à rien mais de profiter de tout, à commencer par leur statut de premier paradis fiscal du globe et de plaque tournante mondiale d’argent sale. Lorsque les choses auront évolués et que les blocs Européen, Nord-Américain, Latino-américain, et Océanien, commenceront à s’intégrer davantage à la faveur de leurs liens culturels ancestraux, il est clair que les choses pourront être considérées différemment. Mais il faudra alors une structure ouverte et équilibrée, libre de la main mise de qui que ce soit. Il faudra que ce soit au service d’un collectif de pays où aucun n’aura de position dominante et ne pourra imposer ses intérêts mesquins aux autres. Bref, tout le contraire de ce qu’est l’OTAN actuellement. Quidam : C’est assez gaullien comme point de vue. Du moins au sujet de l’OTAN. PG : On peut arriver à une même position en partant de considérations différentes. La période de l’après-guerre et celle que nous vivons sont fondamentalement différentes. De Gaulle refusait d’être un satellite des Etats-Unis parce qu’il avait une conception de l’importance internationale de la France qu’il voulait restaurer après la déculottée de la Seconde Guerre Mondiale et la période d’occupation. Je n’ai pas ce genre de considération. Les « au nom de la France », et autre « intérêt supérieur de la Nation », c’est de la soupe froide. Car c’est quoi la France ? D’un certain côté, c’est une idée. Une idée qui navigue au niveau international, avec une aura plus ou moins puissante, et plutôt moins que plus au fil des années… Une idée qui se croit encore sexy alors qu’elle est en pré-ménopause. Et la Nation alors, c’est quoi ? Ca repose sur quoi ? Une terre ? Les frontières de ce pays ont tellement navigué de droite et de gauche depuis l’avènement du royaume Franc de Clovis que je défie quiconque de me dire quelle est la terre de France originelle. Un peuple peut-être alors ? Mais quel peuple ? Les tribus gauloises ? Les envahisseurs Wisigoths ? Ou les Francs qui les ont chassés ? Plus les Burgondes ? Et bien d’autres ? Le mélange de tout ça et de plus encore ? Oui, là, on commence à s’en rapprocher. Alors arrêtons les sectarismes ethniques. Pour définir le peuple de France, qu’ils soient breton ou corse, alsacien ou basque, provençal ou chtimi, auvergnat ou parisien, réunionnais ou antillais, et j’en passe, il n’y a qu’une façon de faire : l’ensemble des gens vivant légalement dans nos frontières communes, rassemblés par une langue commune et désireux de partager certaines valeurs dans un projet de société. Donc quand je parle du « peuple », ce sont tous les français, d’importation ou d’origine, ce qui n’est jamais que de l’importation plus ancienne, et ce quelle que soit la couleur de l’arc en ciel qu’ils aient choisie d’afficher sur leur épiderme. Alors pour moi, la France n’existe pas, bien que j’emploie le terme par simplification. Seuls existent les français. Et je ne suis pas non plus motivé par la pérennité de la France en tant qu’état indépendant. Qu’elle devienne à terme une simple région d’un plus vaste ensemble politique, comme une Fédération Européenne, ne me poserait aucun problème, du moment que ça permet la satisfaction des besoins fondamentaux des français et de leurs nouveaux concitoyens. Par contre, je suis très intéressé à ce que les français contribuent à améliorer ce monde, tant pour eux-mêmes que pour les autres. Car l’améliorer pour les autres, c’est aussi simplement pousser jusqu’au bout la logique égoïste selon laquelle on ne peut être réellement et durablement heureux chez soi pendant que son voisin crève de faim. Que ce soit par générosité ou par égoïsme, le résultat est le même : le bien-être doit s’exporter et se généraliser pour qu’il soit pérenne chez nous. Mais qu’on soit heureux en France ou dans un pays qui porte un autre nom, voire qui n’existe plus parce que le monde sera devenu un vaste pays, qu’importe, du moment que nous sommes heureux. C’est ça l’objectif. Pas la gloire de la France. Quidam : Vous seriez favorable à un renforcement de l’ONU alors ? PG : Pas du tout. L’ONU n’est pas non plus une organisation honorable. Du moins dans son fonctionnement actuel. Il n’est pas acceptable que quelques pays, dont la France fait d’ailleurs partie, aient le pouvoir d’opposer un veto à une résolution souhaitée par tous les autres. Avoir le pouvoir de faire primer ses propres intérêts mesquins sur l’intérêt collectif est un mode de fonctionnement qui me laisse très perplexe. Je suis surpris que tant d’états du monde acceptent cette vaste mascarade qui permet à des pays comme Israël de braver les résolutions de l’ONU sachant que le veto américain les préserve de toute conséquence fâcheuse de la part de la communauté internationale, tout comme d’autres se savent protégés par le veto russe. Cette question de la réforme du conseil de sécurité de l’ONU est primordiale pour que cette organisation, dont les objectifs fondateurs étaient très louables, retrouve un peu de crédibilité. Et accessoirement devrait se poser aussi celle de son déménagement vers un pays plus modeste, plus neutre au niveau international, comme peut l’être la Belgique pour la Commission Européenne. Si le siège de l’ONU passait, par exemple, au nord du Saint-Laurent, ce serait déjà une avancée considérable. Ou pourquoi pas l’Ile Maurice, bel exemple d’intégration raciale s’il en est ? Nous n’avons que l’embarras du choix. Quidam : Voilà une suggestion qui risque de ne guère être apprécié des New-Yorkais. PG : Et encore moins de ceux qui instrumentalisent l’ONU et ont fait ce qu’il fallait pour l’implanter à New-York où ils peuvent y avoir une influence plus grande. Mais je vous assure qu’elle serait très apprécié d’énormément de pays du globe qui sont très critiques vis-à-vis du fonctionnement des instances internationales, notamment de l’impuissance démontrée de l’ONU à endiguer les velléités belliqueuses du gouvernement Bush, comme des dictats du FMI qui servent avant tout à dépouiller les pays pauvres du contrôle de leurs ressources sous couvert d’aides financières. Il existe un puissant courant non aligné, constitué de pays qui verraient d’un très bon œil qu’une nation comme la France, bénéficiant de par son histoire, sa culture et son économie, d’une certaine aura au niveau international, devienne un élément moteur, non pas comme leader mais comme catalyseur, dans l’évolution des institutions internationales. Sans attendre l’intégration progressive des blocs régionaux, il y a même un contexte favorable pour dépasser les clivages et affinités culturels actuels et nouer des relations, voire des alliances au moins économiques, avec nombre de pays de par le globe qui sont désireux de progresser selon un modèle politique et des objectifs humains équivalents aux nôtres. La caducité du leadership mondial des Etats-Unis rouvre actuellement une fenêtre de temps favorable à la reconstruction de relations internationales plus porteuses, ce qui s’était déjà présenté après la fin de la Seconde Guerre Mondiale mais avait alors été piétiné au profit du développement de la guerre froide. D’ailleurs, depuis plusieurs années déjà, se développe un courant favorisant le vacillement du leadership mondial de l’Europe et de l’Amérique. Il est désigné sous l’acronyme BRIC, initiales de Brésil, Russie, Inde et Chine. On ne peut parler de nouveau pôle de leadership tant ces pays ont des intérêts divergents, voire concurrents, mais ils sont clairement réunis par leur aspiration à bousculer l’ordre mondial établi. Car voilà des pays qui sont en train de prendre une place majeure sur l’échiquier économique mondial, et donc en train de gagner aussi en poids politique. Bien que le poids économique et politique de la Russie et de la Chine ne soit pas nouveau. Ce sont ces BRIC notamment qui appellent à la mise en place de cette monnaie mondiale sous forme de panier des principales devises que j’évoquais tout à l’heure. Vu l’importance qu’ils acquièrent, ils ne veulent plus dépendre, et on ne le comprend que trop bien, du Dollar US et de toutes les malversations qui l’affectent et se répercutent sur les échanges internationaux. La France aurait tout à gagner à se joindre à eux pour pousser en ce sens. L’Europe aussi d’ailleurs, et probablement qu’une position déterminée de la France aiderait l’UE à se libérer des habitudes économiques et monétaires atlantistes de ces dernières décennies, et dont on voit bien qu’elles ont vécu. L’échiquier mondial est en pleine mutation. La France va-t-elle laisser passer l’occasion de contribuer à lui donner de meilleures bases ? L’enjeu est de taille. L’expression « village planétaire », destinée à désigner notre monde où le développement des transports et des communications permettent de rapprocher considérablement les différents points du globe les uns des autres, date déjà des années soixante. A l’heure où les bouleversements écologiques mondiaux engendrés par l’homme sont avérés, il est illusoire de s’imaginer pouvoir s’isoler du reste de la planète pour mener son petit bonhomme de chemin dans son coin sans se préoccuper de ce qui se passe ailleurs. Alors il faut tenter d’exporter notre vision. Mais pour autant, il faut être prêt à tenter de se débrouiller tout seul, de son mieux, pour minimiser la casse, si le reste du monde décide de continuer sa course folle vers le mur barrant le fond de l’impasse dans laquelle il est lancé. Mais je suis confiant que bien d’autres pays ont les mêmes aspirations. Le statut international de la France, bien que déclinant, peut encore être de nature à favoriser l’émergence et l’organisation d’une coopération entre un ensemble de pays décidés à rompre avec les bêtises du passé pour que le troisième millénaire puisse réellement marquer un avènement de l’Humain, avec un H majuscule. Peut-être serait-il temps de cesser de se gargariser des Lumières passées pour agir et faire avancer les causes défendues par ces philosophes qui font la fierté de notre culture ? Quidam : N’y a-t-il pas une certaine dose d’anti-américanisme dans votre analyse ? PG : Absolument pas. Etre anti-américain, ce serait être contre le peuple et la culture américaine. J’ai de la sympathie pour l’un et l’autre, et ce d’autant plus que je les connais bien. C’est d’ailleurs ce qui me permet d’abhorrer le base-ball en pleine connaissance de cause… sympa à jouer avec des copains mais si ennuyeux à regarder. Par contre, je suis effectivement très critique vis-à-vis de la politique suivie par les divers gouvernements de Washington depuis de nombreuses années au niveau international. Au risque de me répéter, elle sert l’oligarchie financière anglo-saxonne, pas le peuple américain. Et il n’est qu’à voir la dégradation générale des conditions de vie d’une grande partie des citoyens des Etats-Unis pour en être convaincu. Ce n’est pas être anti-américain que de reconnaître qu’ils sont les premières victimes de la politique de leurs gouvernements successifs. La généralisation de la misère au sein de ce peuple permet de recruter à bon compte de la chair à canon pour aller à l’autre bout du monde préserver, voire développer, les intérêts privés de ceux-là même qui les maintiennent dans le dénuement. Et cette politique est d’autant plus agressive ces dernières années, que cette oligarchie financière occidentale sent monter la pression de sa rivale asiatique, notamment chinoise, qui est en train de lui contester son trône. Les américains sont abusés, désinformés, par un matraquage médiatique contrôlé par ces puissants intérêts financiers, si bien qu’ils ne savent plus vraiment où ils en sont et ce qu’il convient de faire. Mais l’ouvrier chinois, au service de la stratégie de domination mondiale par l’économie que mène son gouvernement, peut se sentir tout autant manipulé et exploité que le petit peuple américain. J’ai de l’empathie pour eux. Et ce d’autant plus que les français, qui abandonnent de plus en plus le contrôle de leur sort au profit des « people » que leur servent les média et sont donc engagés sur le même chemin, ne sont guère en position de donner des leçons. Alors certes les américains ont besoin d’ouvrir les yeux et de prendre davantage conscience de la façon dont ils sont utilisés par leurs élites. Mais n’en sommes-nous pas tous là à des degrés divers ? Quidam : Vous avez mentionné plusieurs fois les risques de guerre qui planent sur le monde de ce début de millénaire. Quelle importance attribueriez-vous à la Défense Nationale dans ce statut international de la France ? PG : La plus faible possible. Un statut international ne doit pas reposer sur la puissance militaire. Je considère que la Défense Nationale est là, comme son nom l’indique, pour défendre le pays d’éventuelles agressions venant de l’extérieur. Mais je ne vois pas l’intérêt de développer des capacités offensives pour se projeter à l’autre bout du monde et chercher à y imposer Dieu sait quoi. C’est par la diplomatie, le respect et le consentement mutuel que pourront se développer des collaborations durables entre différents pays et régions du globe. A chaque fois que cela reposera sur une présence militaire, c’est que nous serons à côté de la plaque. Ce qui rime, et ce n’est pas fortuit, avec Iraq. Gandhi a dit, en substance : « un dictateur peut sembler inamovible, pendant un temps, mais au final, toujours triomphe l’amour ». Il faut donc être patient. C’est l’évolution des consciences qui doit permettre à un peuple de se libérer lui-même. Pas l’intervention militaire d’un autre pays. D’autant que l’écrivain Frank Herbert disait aussi avec une grande justesse : « la violence est le dernier recours de l’incompétent ». Alors soyons compétents en matière de conscience et soyons patients. Mais être patient n’implique pas d’être naïf : il faut demeurer prêt à se préserver de l’impatience et de l’incompétence d’autrui. Il faut donc une armée de métier performante, donc bien entraînée et avec un équipement moderne. L’investissement dans ce domaine peut se révéler très vite coûteux quand on voit le prix d’un Rafale, d’un char Leclerc ou d’un porte-avion. Et il n’est pas fortuit que ce soit le Japon et l’Allemagne, tous deux empêchés d’investir dans l’armement suite à leur défaite de 1945, qui aient affiché le développement économique le plus convaincant sur le reste du siècle. Certes, leur caractère national favorisait une industrie performante et de qualité, mais ne pas avoir à détourner une partie des richesses produites vers le militaire s’est avéré déterminant. Alors il faut savoir rechercher le juste compromis en sachant que, tant qu’aucune guerre n’est déclarée, on a toujours l’impression que le budget militaire est trop coûteux, tandis que le jour où il s’en déclare une, on se reproche d’y avoir fait des économies. C’est la même chose avec une prime d’assurance qui ne sert à rien tant qu’il n’y a pas de sinistre mais devient essentielle le jour où il y en a un. Or la France, de par sa présence mondiale via les départements et les territoires d’Outre-mer, est exposée à des degrés divers à ce qui se passe partout dans le monde. Alors elle doit être prête à se défendre partout dans le monde. Et à projeter aux antipodes si nécessaire des capacités militaires, bien que plus défensives qu’offensives. Je vous ai déjà mentionné mon souhait de rétablir un service civil pour les jeunes afin de favoriser le passage au statut d’adulte. Et aussi, au risque de me répéter, que je suis favorable à ce que ceux qui le souhaitent puissent consacrer cette année de service envers la collectivité à l’armée. Ceux qui ne le souhaitent pas s’en tenant, eux, à un service non militaire, mais intégrant des aspects de sécurité civile utiles dans le cadre de la défense du territoire. Une armée de métier, c’est mieux pour projeter ses forces à distance. Mais si nous en venons un jour à devoir défendre notre propre territoire, ce qui est une hypothèse que nous ne pouvons exclure dans le monde d’aujourd’hui, l’implication de la population sera indispensable. Quidam : Et la dissuasion nucléaire ? Validez-vous cette option de défense ? PG : Sujet sensible que celui-là. Deux cas se posent. D’abord face à une autre puissance nucléaire : si vous m’envoyez vos suppositoires, je vous balance les miens. C’est le principe de la capacité de deuxième frappe : dissuader l’attaquant par le fait que, même si nous ne pouvons contrer son attaque, nous serons au moins capables ensuite de lui infliger des dégâts insupportables. Je suis un peu sceptique sur cette logique. Faut-il vouer au feu nucléaire une population manipulée par des dirigeants dérangés et qui seront, eux, bien à l’abri de leur bunker antiatomique ? A chacun de trouver sa propre réponse. Mais c’est probablement une stratégie adéquate pour un pays comme la Russie dont le puissant voisin chinois pourrait autrement être tenté de mettre la main sur la Sibérie et disposer des ressources qui lui font défaut et dont le manque représente le seul vrai frein à court terme à son expansion, en attendant qu’ils ne soient rattrapés par les réalités environnementales et de surpopulation. Le deuxième cas de dissuasion est vis-à-vis d’un pays n’ayant pas de capacité nucléaire : si tu me marches sur le pied, je t’arrache la tête ! C’est faire valoir que nous détenons sur eux une capacité de première frappe : une puissance d’attaque suffisante pour détruire leur possibilité de riposte, et donc les priver de cette deuxième frappe dont je vous parlais précédemment. Ca me semble également d’une logique assez critiquable. Et là encore, ce sont les populations civiles manipulées qui payent le prix de la folie de leurs dirigeants belliqueux. Ils n’ont qu’à pas se laisser manipuler me direz-vous... Certes, mais nous n’avions qu’à pas leur vendre des armes non plus ! Et puis, de toute façon, rajouter de la pollution radioactive dans l’atmosphère ne sera bien pour personne. C’est un peu une victoire à la Pyrrhus. A court terme on croit gagner, mais à long terme, tout le monde a perdu. Alors il faut favoriser le désarmement nucléaire mondial tout en sachant que c’est un jeu de dupes car les divers gouvernements du monde ne font pas forcément ce qu’ils disent. Et surtout, il faut favoriser les systèmes de défense anti-missiles, seuls aptes actuellement à se prémunir contre de telles attaques et donc à réduire l’intérêt d’un arsenal ICBM. Sauf pendant la période où un seul pays en dispose et peut alors être tenté de déclencher une première frappe sachant qu’il est, lui, protégé d’une éventuelle riposte… Mais il est fortement à soupçonner que nous ayons discrètement dépassé ce stade. Le rayon de la mort de Nikola Tesla, encore lui, et dont il avait morcelé les plans et distribué des morceaux à plusieurs pays parce qu’il ne voulait pas qu’une telle arme capable de détruire ainsi à grande distance un avion, un bateau, un missile, voire des immeubles, puisse tomber entre les mains d’un seul gouvernement, a eu le temps de faire des émules. Qu’on l’appelle rayon de particules subatomiques, ou simplement rayon laser, ça fait longtemps qu’il est militairement opérationnel, et probablement aussi dans l’espace, à bord de satellites russes et américains que nous espèrerons être voués à un rôle purement défensif. Souvenez-vous de la fameuse Initiative de Défense Stratégique, surnommée Star Wars, du président Reagan au début des années 80. Il n’était question que de rattraper le retard américain sur les russes dans ce domaine. Et les Chinois s’y mettent maintenant, relançant la course l’armement. Et d’autres aussi. Mais on parle également de bien d’autres types d’armements non conventionnels qui rendent le nucléaire passablement obsolète : armes à infrasons, armes magnétiques, voire armes climatique et sismique, etc. L’inventivité humaine en matière de capacité de destruction est proprement remarquable. Si bien que la meilleure défense demeurera toujours clairement, et de très loin, d’inspirer le respect, non par la crainte mais par l’estime, pour ne pas donner envie à autrui de nous attaquer. Efforçons-nous alors de bâtir dans notre pays une société respectable, et efforçons-nous ensuite de contaminer positivement les autres nations pour propager cet effort au niveau mondial. Quidam : Je suis certainement d’accord avec ça. Je constate toutefois que ça fait longtemps que vous n’avez plus mentionné Maslow. N’est-il plus applicable au niveau international ? PG : Ah, notre boussole de base vous manque dans cette course d’orientation pour rénover notre société ? Eh bien, on peut y resituer certaines des positions que je viens de défendre par rapport à sa pyramide, car la politique extérieure ne doit jamais être que le prolongement des valeurs que nous cherchons à développer à l’intérieur de nos frontières. Refuser de s’inféoder à l’OTAN ou aux intérêts privés qui le pilotent pour ne pas être entraînés dans des opérations militaires douteuses, c’est une position qui va au moins dans le sens du deuxième besoin : la sécurité, celle dont on bénéficie mieux en temps de paix qu’en allant slalomer entre les balles, ainsi qu’en évitant d’aller inutilement embêter autrui pour ne pas lui donner envie de nous embêter inutilement en retour. Refuser la dictature libre-échangiste de l’OMC, va dans le sens de préserver notre société en général et relève donc de plusieurs niveaux à la fois : la protection contre le dénuement, autant que les possibilités de valorisation et de réalisation que permettent une économie bien portante, car préservée du nivellement par le bas en cours. La fibre paneuropéenne est plutôt du ressort du troisième niveau : l’appartenance à un bloc régional plus compatible, malgré les différences linguistiques, avec notre identité culturelle et nos traditions, et dont nous sommes de surcroît un carrefour géographique incontournable, ce qui y facilite notre intégration. Cependant, être prêt à prendre certaines distances si nécessaire pour mettre en place les mesures qu’appelle notre objectif sociétal, c’est plutôt se donner les moyens de répondre aux quatrième et cinquième niveaux de besoins. Il est à noter que ces derniers peuvent parfois amener à négliger le second niveau. On peut parfois être tenté, que ce soit pour se valoriser ou pour chercher à se réaliser, de prendre certains risques. Lorsque c’est dans le but d’un accomplissement, ça reste une démarche positive, comme par exemple d’accepter d’affronter certaines difficultés en prenant une distance vis-à-vis de l’Europe pour mieux nous construire. Mais quand il s’agit de se faire mousser pour se faire remarquer, ce n’est qu’une motivation égotique vaine. Le problème, en matière de relations internationales, est de savoir faire la différence entre les deux. Certaines actions contribuent à exporter le bien-être et à favoriser la paix, ce qui bénéficie en retour à notre société, tandis que d’autres résultent uniquement de la volonté d’un chef d’état ou de diplomatie de se mettre en avant en allant se mêler de ce qui ne le regarde pas, ou de ce à quoi il ne peut rien. Quidam : Pensez-vous à un exemple en particulier ? PG : Le conflit Israélo-palestinien me semble bien y correspondre. Dès qu’un chef d’état est en perte de vitesse dans les sondages de son pays, il s’essaye à aller relancer le processus de paix en Palestine pour booster sa côte médiatique. Quidam : C’est pourtant un objectif louable que d’œuvrer à la paix dans cette région. PG : Louable, mais sans grand espoir, je le crains, par les temps qui courent. Du moins tant que les dirigeants d’Israël persévèreront dans une telle volonté d’entretenir le conflit, en profitant depuis des décennies de chaque commémoration de la Shoah pour installer une nouvelle colonie et en maintenant les palestiniens dans une telle misère que le Hamas, ou le Hezbollah du Sud-Liban, ne manquent jamais de candidats pour des attentats-suicides. Il semble pourtant si évident que des gens bénéficiant d’un bon niveau de vie auront naturellement beaucoup moins envie de jouer les kamikazes que des personnes crevant la misère, qu’il est difficile d’y voir autre chose qu’une volonté délibérée d’entretenir cette situation explosive. Quidam : Vous considérez que l’Holocauste est instrumentalisé par l’état israélien ? PG : C’est une évidence. Et au risque de briser ce ridicule et très hypocrite tabou selon lequel dire quoi que ce soit qui relativise l’Holocauste correspond à faire preuve d’antisémitisme, force est de constater qu’il n’est ni le premier ni le dernier des grands massacres qu’ait connus l’humanité. Et sans remonter au-delà d’un siècle, si la Seconde Guerre Mondiale a donné lieu à l’Holocauste, la Première a donné lieu dans l’Empire Ottoman entre 1915 et 1916 au génocide d’environ 1’200’000 arméniens. C’est à cette occasion, et non lors du procès des nazis à Nuremberg, qu’est apparue l’expression « crime contre l’humanité et la nature ». N’en déplaise au gouvernement Turc actuel qui maintient encore et toujours une position partiellement négationniste sur cette question, d’autant plus surprenante que la république kémaliste dont il se réclame, et qui a pris la suite du régime Jeune Turc au pouvoir au moment des faits, a jugé et condamné les responsables de ces atrocités. Les allemands sont un peuple organisé, alors ils ont industrialisé le processus d’extermination. Mais ce n’est ni pire ni mieux que d’égorger manuellement quelques centaines de milliers d’arméniens au détour d’un ravin, ou d’envoyer des opposants ou supposés tels mourir de froid au fin fond de la Sibérie. Car le régime stalinien, lui, n’a pas exterminé sur la base d’une ethnie ou d’une religion, mais sur la base d’une idéologie, ce qui n’est pas mieux. Et son score est de deux à trois fois supérieur à celui du régime hitlérien tout en restant très inférieur à celui de la période Mao. Et le gouvernement chinois démontre quotidiennement au Tibet, dans un assourdissant silence de la communauté internationale qui confine à l’esprit des accords de Munich, que ses dispositions n’ont pas fondamentalement évolué, et que ce n’est qu’affaire de temps avant que ne vienne le tour de Taiwan. A moindre échelle, bien qu’on en ait davantage parlé, les Khmers Rouges de Pol Pot aussi ont marqué l’histoire de leur sauvagerie. Et il y a eu le Rwanda. Et au cœur même de l’Europe, la Bosnie et le Kosovo. Et divers autres massacres dont on entend fort peu parler. Alors juifs ou pas, ce sont tous des êtres humains et ces exterminations de masse sont aussi condamnables dans un cas que dans l’autre. Par contre on entend toujours, à chaque commémoration de la Shoah, « plus jamais ça », alors que « ça » continue avec la complicité passive de tout un chacun. Alors cessons ces hypocrisies. Oui l’Holocauste est une infamie de l’histoire de l’humanité, non il n’a pas le monopole de l’horreur, et non il ne justifie pas la politique de l’état d’Israël envers les palestiniens, en parfait mépris de toutes les résolutions internationales sur la question, puisque celui-ci se sait protégé de toute mesure coercitive, embargo ou autre, par le droit de veto de son indéfectible allié américain. Mais ce pays qui s’est bâti, comme l’essentiel des autres pays de son continent, sur le massacre des amérindiens, est-il en position de fustiger ceux qui suivent leur exemple et disent aux palestiniens « poussez-vous de là qu’on s’y mette » ? Alors le problème n’est pas d’aller s’agiter inutilement à tenter de faire naître un illusoire espoir de paix en Palestine, mais bien de redonner de la respectabilité au fonctionnement des instances internationales pour qu’elles puissent agir efficacement en ce sens. Quidam : Je constate une nouvelle fois que vous ne faites pas dans la langue de bois. Ce que vous dites n’est pourtant pas de nature à réjouir la communauté juive, ni d’ailleurs à la communauté turque qui aspire à entrer dans l’Union Européenne et dont le gouvernement goûte fort peu toute référence au génocide arménien. PG : Voilà deux thèmes sensibles en une phrase, alors commençons par le premier. Et commençons par faire une petite parenthèse sur le terme « antisémitisme » : c’est une aberration sémantique. Sémitique vient de Sem, l’un des trois fils de Noé, considéré d’après la Genèse comme étant le père des peuples du Proche et Moyen-Orient. Cela inclut donc certes les antiques Hébreux, mais aussi tous les autres peuples de la région, comme les Akkadiens et les Sumériens dont descendent les Iraquiens, les Phéniciens dont descendent les Libanais, et, pour faire court et d’une manière générale, tous les peuples que l’on regroupe dans le monde arabe. Etre antisémite devrait donc davantage signifier être anti-arabe qu’anti-judaïque, impliquant donc que des arabes antisémites seraient avant tout anti-eux-mêmes… que ces arabes soient, car c’est autre chose et il ne faut pas confondre, musulmans, juifs, chrétiens ou d’autres confessions. Mais de nombreux autres termes ont considérablement dérivés au fil du temps pour en venir à signifier bien autre chose qu’à leur origine. Et puis une deuxième parenthèse mérite d’être ouverte également à propos de cette question d’un hypothétique « gène juif », sur lequel s’étendent certains théoriciens, et qui me laisse très perplexe. Lorsque j’ai un juif en face de moi, s’il ne porte pas la kippa ou un autre signe religieux ostensible, je n’ai guère de moyen de savoir qu’il est juif, c’est à dire adepte de la religion judaïque. Ce n’est pas inscrit sur son visage parce que ce n’est pas une caractéristique physique. Par contre, je saurai dire s’il est blanc ou jaune ou noir ou métissé. Parce que ça, oui, c’est une caractéristique physique visible. Alors si on cherche le gène commun entre un Sépharade, un Ashkénaze et un Falasha, forcément on va en trouver, puisqu’ils sont tous de l’espèce humaine. Mais un gène spécifique qu’ils aient en commun mais que les goys du reste du monde n’auraient pas, je suis très sceptique. Jusqu’à preuve génétique du contraire donc, l’Holocauste ne peut être qualifié de génocide à proprement parler puisqu’il n’est pas basé sur un gène spécifique comme pour une ethnie, ainsi qu’on l’a vu au Rwanda ou ailleurs. Mais notez que cette nuance n’enlève rien à son ignominie. A défaut d’être un génocide, ça reste une forme exacerbée de guerre de religion, comme on a pu en connaître au Moyen-âge dans le sud de la France lors de la croisade contre les Albigeois et l’éradication de la foi cathare, ou, plus tard et à moindre échelle, lors de la Saint-Barthélémy et des semaines qui l’ont suivie. Sauf qu’ici, ça fait pas mal de siècles que ça dure. Alors il serait temps de reconnaître le fait qu’un juif n’est rien d’autre qu’un être humain ordinaire comme vous et moi. Qu’il se pense élu de Dieu ou pas ne regarde que lui, grand bien lui fasse, en plus d’être aussi juste et aussi faux que toute affirmation contraire. Jusqu’à preuve du contraire donc, la communauté juive de France n’est pas une minorité ethnique ou génétique faisant partie d’un peuple éclaté qui se dirait désormais basé en Israël, mais une simple communauté confessionnelle composée de citoyens normaux, le Judaïsme étant à ce titre aussi respectable que n’importe laquelle des autres grandes religions du monde présentes dans notre pays. Quidam : Ca, c’est dit et clairement dit ! PG : Dès lors, il faut cesser de croire que critiquer la politique palestinienne de l’état d’Israël revient à faire preuve d’antisémitisme. C’est ridicule, et c’est aussi une instrumentalisation bien exploitée par les faucons de Jérusalem. D’ailleurs, ce n’est pas plus être anti-israélien que critiquer la politique de Washington n’est être anti-américain. Ma vie professionnelle m’a amené deux fois à Tel-Aviv, et j’en ai chaque fois profité pour visiter Jérusalem. Je me suis recueilli au Saint-Sépulcre, profitant de ce que les différentes factions chrétiennes qui l’occupent ne se livraient pas à des séances de pugilat à ce moment-là. Je n’ai malheureusement pas pu le faire au Dôme du Rocher et à Al-Aqsa parce que l’esplanade des mosquées était fermée par l’armée durant mes courtes visites. Mais j’ai aussi prié au mur des lamentations… pour voir ma prière interrompue par un juif intégriste, un Hassidim façon Rabbi Jacob, qui sollicitait un don pour sa synagogue. Vous imaginez ça, vous ? Interrompre la prière de quelqu’un sur le Mur des Lamentations pour faire la manche ? Et ça se prétend religieux alors que ça n’a même pas le respect du recueillement d’autrui ? Sur le coup ça m’a agacé, mais quelques minutes plus tard, avec le recul, je trouvais ça hilarant. Et quand je l’ai raconté à mes collègues de Tel-Aviv, des juifs donc, ils m’ont expliqué que beaucoup d’israéliens en ont par-dessus la tête de ces ultra-religieux qui jettent de l’huile sur le feu vis-à-vis des musulmans mais refusent de faire leur service militaire, tout comme ils en ont ras-le-bol des colons qui empêchent que ne soit trouvée une paix avec les palestiniens. La majorité des habitants de ce pays, comme dans n’importe quel autre, aspire simplement à vivre et commercer en paix. Mais une minorité de va-t-en-guerre parvient périodiquement à relancer les tensions, bien aidée en cela par les excités du Hamas et du Hezbollah. Il faut dire que le maintien des animosités entre eux leur est aussi essentiel aux uns qu’aux autres pour s’attirer des supporters et des militants. C’est leur fonds de commerce, leur raison d’être, un égarement dans leur recherche de valorisation personnelle. En temps de paix, ils disparaîtraient. Alors je désapprouve la politique de certains politiciens israéliens qui constituent l’Etat de ce pays, mais je n’ai rien contre le peuple israélien, et ça n’a rien à voir non plus avec les juifs en général. D’ailleurs, les Israéliens, maintenant qu’ils sont installés en Palestine, ils ne vont pas repartir. Alors il va bien falloir un jour que les deux frères, Ismaël et Isaac, trouvent à vivre ensemble en bonne intelligence. Et il me semble que cela se construira bien plus adéquatement par le partage du bien-être que par des blocus incessants qui rendent la population de Gaza dépendante du Hamas pour survivre, assurant à celui-ci une reconnaissance et une gratitude populaire qui pourrait tout aussi bien aller au gouvernement israélien, s’il se donnait la peine de tenir ce rôle de moteur de développement. Non seulement ça favoriserait la paix, mais en plus, ce serait bien moins coûteux que d’entretenir une force militaire imposante pour contrer les effets de cette politique désastreuse. Rappelez-vous ce que je vous disais concernant l’Allemagne et le Japon dont l’interdiction d’investir dans le militaire improductif s’est révélé un facteur clé de leur développement économique. Et la Suisse, qui est plus réputée pour sa neutralité légendaire que pour sa puissance militaire, l’a bien compris depuis longtemps. Quidam : Effectivement, investir constructivement plutôt que dans des capacités de défense ou de destruction improductives fait toute la différence. Nous avons bien vu pendant la guerre froide, et jusqu’à l’éclatement du bloc soviétique, à quel point la course à l’armement pouvait étouffer une économie. PG : Absolument. Et les Etats-Unis sont en train d’en subir les conséquences également. Mais pour poursuivre avec l’autre partie de votre remarque de tout à l’heure, s’il déplait à la communauté turque de France ou d’ailleurs qu’on parle des aspects sombres de l’histoire de son pays, alors que tout pays en a y compris le nôtre, ce n’est que signe qu’elle a encore un peu de chemin à faire vers son propre apaisement sur ces questions. Par contre, la question peut se poser de savoir si une nation qui refuse de regarder son passé en face, qui plus est des faits jugés et condamnés par les fondateurs même de la République Turque kémaliste actuelle, et fait du tapage diplomatique à chaque fois que quelqu’un l’évoque ou en reconnaît la réalité historique, est réellement « intégrable » au sein d’une Union Européenne qui a de surcroît été le refuge de nombreux arméniens fuyant ce génocide. Car là aussi, comme en matière d’immigration au niveau national, ce n’est qu’une question d’intégrabilité. Rien d’autre. Lorsqu’ils seront en paix avec ce passé, et qu’il suffit de reconnaître en toute simplicité sans même avoir besoin de s’en excuser puisqu’il est vain de s’excuser de quelque chose qui n’appartient qu’à leurs ancêtres, il leur restera surtout à pacifier leur présent, notamment par rapport aux Kurdes. Un pays qui n’a pas encore réussi à établir la paix entre ses propres composantes est-il intégrable à l’UE ? Il me semble suffisant que ce problème existe encore partiellement au sein de certains pays européens sans en rajouter d’autres. Par ailleurs, un pays de 80 millions d’habitants dont le PIB par tête est de moins de la moitié de la moyenne de l’UE est-il intégrable en l’état sans risque de dynamiter les économies plus développées, dont la nôtre, qui s’efforcent encore de maintenir l’Europe à flot ? Compenser l’essentiel du décalage de niveau de vie existant n’est-il pas un préalable indispensable ? Et c’est d’ailleurs là un principe qui n’est pas spécifique au cas turc mais vaut pour toute nouvelle extension du périmètre de l’Union qui a déjà crû trop rapidement comme ça et court maintenant le risque de se désintégrer faute d’avoir su intégrer. Alors harmonisons l’existant avant de vouloir croître encore. Il faudra donc tout ça avant que j’envisage d’être favorable à l’intégration de la Turquie dans l’Union Européenne, qui alors ne sera plus strictement Européenne mais commencera à devenir Eurasienne. Les istanbuliotes sont très européanisés pour la plupart. Mais Istanbul n’est pas la Turquie. Et le reste du pays connaît des conditions très contrastées où la pauvreté offre un terreau fertile au développement de l’intégrisme vindicatif. Alors encore faudra-t-il s’assurer que la dérive islamiste en cours dans certaines parties du pays, et qui menace les fondements remarquablement laïcs et égalitaires de l’état Turc moderne fondé par Mustapha Kemal voici presque un siècle, est réellement endiguée. Intégrer dans l’UE un pays musulman de cette importance ne me gêne absolument pas. Mais du moment qu’il s’agit du véritable Islam, ouvert et tolérant, respectueux d’une société laïque car pluriconfessionnelle. Pas de la caricature qu’en ont fait des frustrés de l’existence devenus intégristes par besoin de défoulement de leurs névroses. Quidam : Et voilà comment, en quelques petites phrases, on se fait des millions d’ennemis. PG : Conduire un pays peut nécessiter la même hypocrisie sociale que celle dont on fait preuve en disant bonjour à un voisin qu’on n’aime pas. Mais ça n’implique pas de faire des courbettes en reniant nos valeurs et nos objectifs, ou en niant la réalité. C’est pourquoi il est indigne de faire des courbettes au gouvernement totalitaire chinois, qui prétend nous dicter qui nous avons le droit de recevoir ou pas dans notre propre pays, pour qu’il accepte de nous acheter des Airbus ou des TGV. D’ailleurs, ils les feront assembler chez eux pour finir de transférer nos savoir-faire sans même avoir à pratiquer l’espionnage technologique et sans que ça ne donne de travail à nos ouvriers, et ce alors qu’ils ont déjà récupéré une part substantielle de nos emplois industriels. Alors franchement, pour un citoyen français qui n’en verra guère de bénéfice, quel intérêt ? Et pourtant, au fond, c’est bien que ces trains soient assemblés en Chine. Un pays comme celui-là doit être en mesure de produire ses propres trains. Ce qui n’est pas bien, c’est qu’une aussi grosse part de notre consommation ne soit pas produite chez nous. Et ça c’est de notre faute, pas de celle des chinois. Mais que voulez-vous dire aux maîtres de Beijing sinon « bien joué » ? Ils mènent, ainsi que je l’ai dit, de façon consistante et continue depuis des décennies, une stratégie de domination mondiale par la croissance économique. Ils utilisent leur main d’œuvre volontairement maintenue à un coût très bas, ils maintiennent leur Yuan volontairement en sous-évaluation par rapport au Dollar pourtant déjà faible afin de favoriser leurs exportations et accumuler des devises qui leur permettent ensuite d’investir de manière massive à l’étranger tant dans des entreprises qu’ils rachètent que dans des capacités agricoles ou minières, et ils font miroiter leur énorme marché intérieur pour attirer des implantations d’entreprises avec obligation de le faire en joint-venture, donc avec un partenaire chinois qui récupère le savoir-faire et la technicité. Et toutes nos entreprises se bousculent pour aller s’y faire piller leur expertise. Alors j’ai envie de m’excuser auprès des dirigeants chinois. M’excuser que les occidentaux se soient révélés d’aussi pitoyables adversaires sur le grand échiquier mondial, et m’excuser que ça en diminue le mérite de leur triomphe annoncé. Car il n’y a plus guère de doute maintenant : sauf frappe nucléaire rapide ou cataclysme pas nécessairement naturel, les chinois seront les maîtres du troisième millénaire. Ainsi évolue le monde, et l’Empire du Milieu va retrouver un statut central. Et, entre nous, quelle importance ? Que ce soit la Chine ou un autre pays qui remplace les Etats-Unis au podium de première économie de la planète, ça importe peu en soi. A partir du moment où on fait un classement, il y aura forcément un premier et un dernier. Ce n’est pas pour autant que c’est un problème. Ce n’en sera un que si le peuple chinois manque son rendez-vous avec l’affirmation de son droit à exister en tant qu’individus plutôt que comme pions d’une organisation sociale collectiviste, et s’il échoue à faire évoluer son régime politique vers un qui garantisse mieux les valeurs humaines universelles. Mais il est bien clair que ce n’est pas en nous vendant ni en fermant les yeux sur la situation des droits de l’homme en Chine que nous les y aidons. Que le Tibet soit indépendant ou soit une province chinoise n’est pas un problème. Ce qui l’est, c’est la façon dont le gouvernement de Beijing s’y conduit. Et tout autre pays d’importance moindre aurait déjà vu la communauté internationale lui opposer des embargos et des condamnations dans les instances onusiennes, voire une intervention des casques bleus. Mais au lieu de ça, nous, occidentaux, faisons des courbettes pour entretenir un cours de bourse à court terme. Honte à nous ! Quidam : Je crois que je vais cesser de compter le nombre d’inimitiés que vous vous faites. PG : C’est plus sage en effet, tant celui qui dit les vérités que d’autres ne veulent pas entendre est rarement populaire. Pourtant, il faut bien le dire à un moment donné. Car ça relève totalement d’une aspiration à l’intégrité qui est nécessaire au respect de soi, tant individuellement que collectivement. Dénoncer cette politique catastrophique de l’occident vis-à-vis de la Chine favorise à la fois le second niveau de besoin en préservant notre économie, le troisième niveau en donnant une identité plus forte à notre groupe d’appartenance, le quatrième en renforçant notre estime de nous-mêmes, et le cinquième en favorisant la cohérence intérieure, indispensable prélude pour aller vers un accomplissement. Respecter l’autre, mais aussi se faire respecter. Ce qui vaut pour les individus au niveau national s’exprime donc aussi à l’échelle du groupe social au niveau international et peut conduire à refuser collectivement de baisser ainsi sa culotte pour des contrats biaisés. Car dans ce domaine aussi, il est facile de se laisser aveugler par le court terme en croyant y gagner, alors qu’en fait, à long terme, on se fait croquer. 29 : contribution et solidarité Quidam : Il est vrai que les courbettes n’ont pas franchement démontré leur efficacité à préserver notre société et notre économie. Alors à ce sujet, et pour revenir à des considérations purement nationales, vous avez mentionné la nécessité de nombre de réformes de la fiscalité et des cotisations sociales, mais j’ai un peu de mal à me les représenter. D’autant que nous ne sommes pas encore rentrés dans le détail du fonctionnement que vous envisagez. Pouvez-vous m’en brosser un tableau d’ensemble ? PG : Eh bien, commençons par nous pencher sur la contribution au fonctionnement de la société. En matière d’impôt sur le revenu, le principe de base doit être l’égalité de traitement. Le même taux d’imposition doit s’appliquer de la même façon à tous. Il faut en finir avec ces taux progressif selon des tranches arbitraires, des nombres de parts, et des calculs alambiqués. Tous les revenus, quels qu’ils soient, fruits du travail, de placements, de royalties, de droits d’auteur ou assimilés, doivent être traités à égalité. Donc soumis au même taux unique. Il faut en finir avec les optimisations d’expert permettant de favoriser les dividendes touchés par un patron propriétaire de son entreprise par rapport aux salaires qu’il s’octroie et selon le statut qu’il choisit. Tout cela doit être neutre. Ce qui implique que les dividendes versés par les sociétés conservent la logique actuelle de l’avoir fiscal qui permet d’éviter la double imposition, même si en l’adaptant à ce système plus simple. Et bien sûr, que les éventuelles pensions alimentaires ou assimilés en soient exemptées chez celui qui les reçoit puisque l’impôt, au même taux, aura déjà été supporté par celui qui les verse. Par ailleurs, il faut aussi en finir avec toutes ces cotisations sociales complexes, avec des caisses diverses, des taux, des tranches, des abattements, des plafonds, etc., et dont les failles sont particulièrement exposées à chaque changement de situation professionnelle où le juste calcul du plafond annuel de sécurité sociale, la tranche A, est régulièrement pris en défaut. Alors il faut un taux unique de cotisations sociales, recouvrant toutes les prestations de solidarité proposées par la société. D’ailleurs, je vous rappelle ce que je vous ai déjà expliqué, à savoir que la partie patronale des cotisations de retraite, chômage, maladie et allocation familiale est déjà à réintégrer dans le salaire brut afin que celui-ci ait de nouveau une signification. Ne serait-ce que parce que vos problèmes de santé, du moment que ce n’est pas une maladie professionnelle, ne sont pas le problème du patron. Ni la composition de votre famille ou le nombre de vos enfants. Ni même l’endroit où vous habitez et s’il vous faut prendre votre voiture ou des transports en commun pour venir travailler. Et j’en passe. Il est donc incohérent de lui en faire supporter le coût. Finissons-en avec cette tradition paternaliste et que chacun soit responsable de lui-même. De plus, la multiplicité de ces caisses sociales diverses aux régimes spécifiques selon les professions n’est clairement pas compatible avec l’objectif de promouvoir la mobilité interprofessionnelle. Que différents statuts professionnels entraînent des taux de cotisations différents avec des couvertures sociale et retraite différentes est tout bonnement inique. Qu’on soit artisan, ouvrier, fonctionnaire ou commerçant, nous restons des citoyens et devons bénéficier du même traitement de la part de la société. Suppression donc de tout ça au profit d’une gestion globale par l’administration publique, et nous entérinons ainsi l’abolition des castes que j’ai déjà prêchée. Donc taux unique d’impôt sur le revenu, et taux unique de cotisations sociales entièrement à charge du salarié. Logiquement, on arrête de chipoter et on fusionne les deux puisque tout va à l’Etat. Le bulletin de paye devient simplissime et ne nécessite plus aucun recours à des cabinets extérieurs spécialisés : le total brut, détaillé pour mémoire de ses différents constituants, salaire fixe, commissions, primes, etc., puis le taux unique de contribution sociale et fiscale, et enfin le salaire net. De façon optionnelle, il peut être mentionné les cotisations supplémentaires restant à charge de l’entreprise, comme celles pour accident du travail ou maladie professionnelle, formation professionnelle et taxe d’apprentissage. Mais c’est alors uniquement à titre informatif puisque ne concernant que l’employeur, pas le salarié. Un projet de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui était prévu pour être mis en place à compter de 2008, a été abandonné. Je crois qu’il n’est pas utile d’en chercher bien loin la raison : la complexité de notre système fiscal actuel, avec des taux et des tranches dépendant aussi des revenus du conjoint et des autres revenus que l’on peut avoir, données qui échappent totalement à l’employeur, rend le prélèvement à la source proprement ingérable. Mais avec cette réforme, il devient simplissime, surtout qu’il n’y a plus qu’une seule adresse où tout verser. Et il est à noter que le prélèvement de cette contribution doit se faire à la source, non seulement pour les salaires, mais aussi à chaque fois que c’est possible. C'est-à-dire aussi pour tous les revenus de placements, royalties, dividendes, etc. Nous en finissons donc aussi, dans la plupart des cas, avec ce décalage entre les gains et leur imposition, puisque cette contribution recouvre à la fois l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales. On peut même aller encore un peu plus loin pour faciliter le recouvrement : y impliquer les banques. Puisque tous les mouvements d’argent doivent passer par elles du fait de la suppression des espèces, il est facile de créer deux mouvements bancaires spécifiques : le virement de revenus et le chèque de revenus. Lorsque votre employeur vous paye votre salaire, il peut soit le virer au moyen de ce virement de revenus soit vous remettre un chèque de revenus. Dans les deux cas, la banque les traitera automatiquement en scindant en deux le montant brut payé : le salaire net qui est crédité sur votre compte, et la contribution qui est créditée directement sur le compte de l’administration en charge de la collecter, avec bien sûr les informations nécessaires pour identifier la personne concernée. Mais ce système de recouvrement via les banques n’est qu’une option possible. Le prélèvement de la contribution peut très bien aussi rester du ressort des employeurs ainsi que c’est le cas actuellement. Quidam : Oui, on va dire que c’est histoire de faire preuve d’imagination. PG : Je n’ai même pas cette prétention sur ce point car c’est une simple extension du principe des chèques emplois-service déjà apprécié des associations et des particuliers. Mais passons. Pour les rares revenus sans prélèvement à la source, la contribution est simplement à payer spontanément avant le 15 du mois suivant, à l’exception des activités professionnelles en nom propre où il faut forcément attendre la clôture de l’exercice fiscal pour connaître le résultat sur lequel repose la contribution et qui est bien différent des simples recettes. Ce système très simple et clair simplifie donc considérablement le recouvrement des contributions, tout en en facilitant également considérablement le contrôle. Je vous laisse imaginer les ressources administratives qui sont libérées par ce simple changement. Quidam : Oui, ça fait écho à ce que nous disions tout à l’heure quant au fait que nombre de ces employés devront trouver à se recycler dans d’autres activités. PG : Mais aussi surtout à ce que je disais concernant le besoin de simplifier la complexité administrative pour libérer les forces créatrices. Et cette démarche se prolonge évidemment au niveau de la gestion des prestations sociales. Alors voyons maintenant comment s’exerce la solidarité dans ce nouveau système. En contrepartie de sa contribution, tout résident légal du pays perçoit une allocation et une seule. Parce qu’il faut aussi en finir avec ces multiples prestations qui se cumulent, chaque caisse ignorant ce que font les autres, chacune ayant ses règles propres, ses propres effets de seuil, etc., et qui font que certains sont exclus de toute aide pour quelques euros de gain en trop, se retrouvant alors bien plus en difficulté que celui qui peut tout cumuler. Supprimons donc toutes ces caisses sociales et remplaçons-les par une seule et unique administration publique versant une seule et unique allocation par personne. Mais pour unique que soit l’allocation, il en existe trois types différents. Je sais, c’est paradoxal, mais vous allez comprendre. Commençons par l’allocation d’active. Le montant de cette prestation est déterminé par ce qu’il faut pour vivre de manière basique, donc au minimum en résidence de transition. L’objectif est de rendre inutiles toutes ces associations caritatives, Emmaüs, Restos du Cœur, etc., qui font un travail remarquable pour pallier les lacunes de notre société, mais dont le plus bel hommage qu’on puisse rendre à leur fondateur est qu’elles disparaissent faute de « clients ». Evidemment ce « basique », avec nourriture basique, budget vêtement basique, et surplus basique permettant de couvrir le plafond maladie annuel ou, pour les gens non malades, de s’offrir un minimum de superflu, voire d’être saisissable pour couvrir des dettes, inclut inévitablement une part d’arbitraire qui fera forcément polémique entre ceux qui trouvent que c’est trop et ceux pour qui rien n’est jamais assez. Mais laissons ça pour le débat chiffré, car pour le moment je pose simplement le concept. Comme il s’agit de couvrir les besoins basiques de premier et deuxième niveau, cette allocation n’a vocation à évoluer, en plus ou en moins d’ailleurs, que sous le coup de variations du pouvoir d’achat. Une augmentation sous prétexte que la société se sentirait plus à l’aise financièrement n’est pas compatible avec ce principe. Sauf à ce que les restrictions financières initiales n’aient imposé de rester trop minimaliste le temps que toutes ces réformes portent leur effet et donnent les moyens de l’être un peu moins ensuite. Au passage, lorsque je vous ai parlé, au fil de notre conversation, d’un minimum social, c’est de cette allocation d’active que je parlais. C’est donc elle qui détermine le plafond de non-remboursement de dépenses maladie, ainsi que les droits d’enregistrements des transactions immobilières. Quidam : En fait, il me revient avoir entendu parler d’un principe de revenu d’existence, qui serait versé à chacun, sans condition, du simple fait qu’il existe. Comme un droit fondamental. Je me souviens que certains théoriciens de cette idée précisaient que ce revenu devait être suffisant mais pas satisfaisant, pour justement inciter à quand même travailler. C’est assez semblable à ce que vous venez de dire. PG : Je ne connaissais pas ce courant d’idée, mais de ce que vous en dites, j’y vois certaines similitudes avec ce que je propose. Toutefois, le « suffisant mais pas satisfaisant » demeure très subjectif d’un individu à l’autre. Et curieusement, ce qui semble souvent suffisant à ceux qui en bénéficient parait rarement satisfaisant à des bien-pensants soucieux de s’acheter une bonne conscience à coup d’excès de zèle. Si bien que ce principe séduisant sur le papier est nettement plus polémique en pratique. C’est pourquoi je vois aussi surtout une différence essentielle entre ma solution et ce principe d’un revenu d’existence : un tel droit fondamental sans contrepartie aucune, avec moi, ça n’existe pas. Mais nous anticipons. Donc, pour revenir à cette allocation d’active, elle est à verser de la même façon, chaque mois, à tout adulte activable. Par adulte activable, j’entends une personne ayant accompli son année de service civil ou militaire, et qui soit en capacité de travailler. Donc, cela s’applique quels que soient ses revenus par ailleurs. Car c’est ça aussi l’égalité de traitement entre les individus. Nous tirons un trait sur la distinction entre ceux qui cotisent mais n’ont droit à rien, et ceux qui ont droit à tout mais ne cotisent rien, ainsi que sur toutes les situations intermédiaires. Quidam : Donc dans votre système égalitaire, tout le monde cotise de la même façon à un taux unique, et tout le monde perçoit de la même façon une allocation fixe unique. Alors si je comprends bien, le jeu de la solidarité s’exprime par le fait que certains cotiseront beaucoup plus qu’ils ne perçoivent, tandis que d’autres recevront plus qu’ils ne donnent. Ce qui, en soi, n’est pas un principe révolutionnaire puisque c’est déjà celui que nous connaissons actuellement. PG : C’est absolument exact. Ce n’est pas le principe qui change, puisque nous ne réinventons pas une nouvelle définition du mot solidarité, mais uniquement sa mise en application afin qu’elle soit bien plus équitable qu’actuellement, tout en étant nettement plus simple, chose qui d’ailleurs va très souvent aussi dans le sens de l’équité alors que la complexité tend au contraire à favoriser l’iniquité. Par contre, afin d’éviter le parasitisme, donc le fait de se satisfaire de vivre basiquement de la générosité sociale sans jamais contribuer en retour, tout activable bénéficiant de cette allocation d’active est astreint à compensation vis-à-vis de la société. Quidam : C’est la contrepartie que vous mentionniez ? Ce qui vous différencie du principe du revenu d’existence ? PG : Absolument. Deux cas se distinguent ici. Pour chaque personne payant une contribution d’un montant supérieur à l’allocation d’active qu’il perçoit, la condition de compensation est considérée remplie. Bien évidemment, cela doit s’apprécier en lissage sur les douze derniers mois afin de compenser les effets de saisonnalité, de commissionnement irrégulier des commerciaux, de distribution annuelle de dividendes, de revenus d’épargne, de droits divers, ainsi que les clôtures de bilan des professionnels en nom propre. A contrario, pour ceux qui, parce qu’ils sont au chômage ou parce qu’ils cherchent à développer des activités qui ne sont pas, ou pas encore, suffisamment lucratives pour donner lieu au paiement d’une contribution suffisante, la compensation doit se faire par des heures de travail au service de la collectivité. Et ce sur la simple base d’un mi-temps pour une compensation complète. Quidam : Je crois qu’un exemple chiffré m’aiderait à mieux vous suivre. PG : Prenons l’exemple d’une ouvrière salariée célibataire, que nous appellerons Stakhanovine, gagnant actuellement un peu plus que le SMIC de 2010, mettons 1’500€ bruts, soit environ 1’200 nets, avant impôt sur le revenu et pour 35 heures par semaine. Par intégration des cotisations patronales, imaginons que son nouveau brut devienne 30% de plus soit 1’950€. Ramené à 28 heures semaine pour rester sur notre hypothèse, ça donne 1’560€ brut mensuel. Là-dessus s’applique la contribution unique au taux de 50%, que je considère comme le maximum acceptable et doit servir de point de départ mais qui pourra éventuellement baisser au fur et à mesure de l’amélioration budgétaire globale. Son gain net, après contribution, s’établit donc à 780€. Par ailleurs, elle perçoit l’allocation d’active pour un montant que l’on supposera de 460€, histoire de rester au niveau du RSA actuel et en supposant que cela soit suffisant pour vivre en résidence de transition, ce qui dépend totalement du niveau de loyer de celles-ci. Donc 780 + 460, notre amie Stakhanovine dispose donc au total de 1’240€, après impôts, cotisations, allocations. Ce montant est à comparer aux 1’200 nets mensuels dont elle dispose dans le système actuel, et qui sont donc avant impôt sur le revenu qui lui vaut, en 2010 et parce qu’elle est célibataire, une restitution de 280€ au titre de la prime pour l’emploi, soit 23€ par mois, et hors allocation logement à laquelle elle n’a pas droit pour ses 400€ de loyer hors charges à Nantes. Au final, c’est donc 1’240€ de disponible mensuel après impôt et cotisations avec le nouveau système pour 28 heures par semaine, contre 1’223 avec l’actuel pour 35 heures hebdomadaires. Et puisque Stakhanovine contribue à la société pour 780€, donc plus que les 460 qu’elle perçoit, sa condition de compensation est remplie et ça s’arrête là. Elle touche donc à peu près la même chose mais pour moins de travail. Son collègue Erotix est dans la même situation mais marié, et sa femme ne travaille pas. Il dispose donc dans le nouveau système des mêmes 1’240€ nets que Stakhanovine, auxquels se rajoutent les 460€ d’allocation d’active de sa conjointe, soit un total mensuel de 1’700€ nets par mois. Avec bien sûr l’obligation pour sa femme de compenser son allocation par du travail collectif. Dans le système actuel, il bénéficie outre ses 1’200€ nets mensuels, d’une restitution au titre de la prime pour l’emploi de 672€, soit 56€ par mois, et d’une allocation logement de 76€ pour ses 500€ de loyer à Nantes. C’est donc 1’700€ pour 28 heures semaine et la compensation à taux plein de son épouse, donc un mi-temps de 14 heures hebdomadaires, qu’il faut comparer aux 1’200 + 56 + 76 actuels, soit 1’332€ actuels pour son temps plein de 35 heures et son épouse au foyer. Il travaille 7 heures de moins par semaine, elle travaille 14 heures de plus, donc, mis ensemble, leurs 7 heures de travail hebdomadaire supplémentaire leur valent 1’700 - 1’332 = 368€ de plus par mois. Leur chef, Faitescequejedix, est également marié et sans enfant, et sa femme ne travaille pas non plus. Il gagne 4’000€ bruts par mois actuellement, approximés à 3’200 nets. Ses cotisations patronales sont plus élevées du fait de son statut cadre, disons 41% hors accident du travail, formation et taxe apprentissage, soit un brut nouveau système de 5’640€ pour un temps plein, proratisé, du fait du passage à 28 heures, à 4’512€. Il contribue pour 50% soit 2’256€ et il perçoit les 460€ d’allocation d’active pour lui et autant pour son épouse, soit un total mensuel disponible pour le couple de 3’176€ et nécessité pour sa femme de compenser. Dans le système actuel, il paie en plus son impôt sur le revenu pour 2’200€ soit 183€ mensuels, ramenant son net, après impôt et allocation logement à laquelle il n’a pas droit, à 3’017€. Le couple gagne donc 159€ de plus par mois, encore une fois pour 7 heures de travail hebdomadaire en plus pour eux deux. Encore que dans le cas d’un cadre, Faitescequejedix faisait probablement déjà 7 heures de plus chaque semaine que les 35 heures normales, si bien que globalement, sa femme ne fait que faire les heures qu’il ne fait plus. Faitecequejedix a un frère, Salvadordalix, artiste indépendant, le canard boiteux de la famille, celui qui n’a pas réussi. Il peint mais ça se vend très mal. La vie est dure pour la plupart des artistes. Il gagne en moyenne sur les douze derniers mois 500€ mensuels. Pas de considération de charges patronales à intégrer ici puisqu’il ne s’agit pas d’un salaire mais de revenus directs, que l’on considèrera, par simplification, nets de ses frais de toiles, peintures et pinceaux. Dans le système que je propose, il reverse 50% de ce montant au titre de la contribution à la société, soit 250€. Et il a donc un net de 250€ aussi. Mais il perçoit l’allocation d’active de 460€ et dispose donc de 710€ pour vivre, ce qu’il est possible de faire très correctement alors grâce aux logements de transition à développer, voire plus modestement en collocation s’il préfère. Par contre, sa compensation n’est pas complète car il perçoit 210€ de plus que ce qu’il ne contribue. Il est donc redevable à la collectivité d’heures de travail. En restant sur l’hypothèse d’un horaire hebdomadaire temps plein de 28 heures, qui n’est qu’une hypothèse ainsi que je l’avais bien spécifié, notre artiste doit 28 heures x 210 / 460 = 12.78 heures de travail par semaine, ou 12.78 x 52 / 12 = 55,38 heures pour un mois, à arrondir à 55 heures. Salvadordalix a ainsi la possibilité d’essayer de développer son art pour mieux en vivre, tout en n’étant pas un parasite de la société puisqu’il équilibre la balance grâce à ce système de compensation par du travail pour la collectivité. Notez au passage que j’ai fait le calcul sur la base de 52 semaines par an, donc sans considération de congés payés. Ca n’exclut pas de laisser au système de travail compensatoire la souplesse nécessaire pour doubler spontanément ses heures un mois et bénéficier d’un mois libre ensuite. Ce n’est qu’une question de gestion de cette compensation, tant pour le redevable que pour l’autorité qui est en charge de l’organiser. Mais ce n’est pas à la solidarité nationale de lui offrir des congés, au prétexte qu’il a choisi une vie d’artiste avec une charge de travail privé aussi incontrôlable que peu rentable. C’est à lui de se les offrir. Quidam : Effectivement, ça se présente bien vu comme ça. Les gens gagnent autant, voire plus, en travaillant moins. Et comment cela se passerait-il pour les adultes « non activables », pour reprendre votre terminologie, c’est à dire les malades, les handicapés, les personnes âgées, voire les femmes au foyer prises par leurs enfants ? PG : D’abord les femmes au foyer. C’est très sexiste d’ailleurs comme catégorisation, alors parlons plutôt de personne au foyer. Je ne vois pas en quoi cela l’exclut de la catégorie des activables. Si, dans mes exemples, les épouses d’Erotix et de Faitescequejedix perçoivent l’allocation d’active, c’est bien parce qu’elles sont considérées activables. Rester au foyer est un choix, non une obligation. Mais nous reparlerons un peu plus tard d’un tel choix. Abordons donc le deuxième cas d’allocation, celle d’incapacité. Par personne non activable, il faut entendre un adulte n’étant pas en capacité de travailler. Cela peut résulter d’une maladie temporaire ou de longue durée, d’un handicap plus ou moins grave, ou de l’arrivée d’un âge où le travail devient trop difficile à assumer. Ce dernier cas relève de la retraite dont nous avons déjà abondamment parlé, et qui doit pouvoir être progressive. Dans tous les cas, ce sont les autorités médicales qui doivent valider cette incapacité à travailler, et spécifier si elle est totale ou partielle. De nombreuses maladies impliquent un arrêt complet du travail, mais pas toutes : certaines, comme dans le cas d’un rhume sans complication, ne sont qu’une gêne empêchant rarement de travailler. D’autres, parce que fatigantes, ne permettront que de continuer à mi-temps. Tout comme un handicap peut permettre de travailler ou pas, et tout comme la vieillesse peut réduire la capacité de travail sans la supprimer totalement. En fonction du taux d’incapacité diagnostiqué par les médecins spécialisés en la matière, se détermine le pourcentage de l’allocation d’incapacité qui sera versée. Quidam : Celle-ci se substitue à l’allocation d’active, n’est-ce pas ? Il n’y a pas cumul ? PG : Non, pas de cumul. Une seule allocation à la fois par personne. Et il n’y a évidemment pas non plus d’obligation de compensation attachée à cette allocation d’incapacité. Organiser le travail collectif de gens en bonne santé sera déjà un défi suffisant pour la société pour ne pas y rajouter la gageure d’inclure les incapacités partielles. Il faut ici séparer deux cas : l’incapacité temporaire et l’incapacité définitive. Pour cette dernière, qu’elle soit due à un handicap ou simplement à l’avancée de l’âge, le montant de l’allocation pour un taux plein est, idéalement et si la situation des finances publiques le permet, du triple de l’allocation d’active. Pour reprendre nos exemples chiffrés, cela représente une allocation d’incapacité de 3 x 460 = 1’380€ pour un mois entier à taux plein. Et de 1’035€ pour un taux de 75%, ou 690€ pour 50%. Bien entendu, il n’y a pas de contribution pesant sur cette allocation qui est donc nette. Je précise que les taux de 58,6% d’incapacité ne sont pas prévus. C’est 50, 75 ou 100%. Même pas 25%, car alors, même si le travail à temps plein est plus difficile, il demeure possible en prenant un peu sur soi, surtout si ce n’est que 28 heures semaine, quitte à changer de métier. Et mieux vaut donc, dans ce cas, laisser l’allocation d’active, plus favorable qu’un quart d’allocation d’incapacité. Par ailleurs, je vous rappelle que je parle de capacité à travailler. Un grabataire incapable de se mouvoir et une personne ayant un souffle au cœur la forçant à s’asseoir tous les trois pas mais parfaitement capable de s’assumer pour les gestes courants de la vie quotidienne, relèvent tous les deux du 100% d’invalidité. D’ailleurs, les taux d’incapacité partielle qui appellent à un travail à temps partiel en complément, impliquent que des dispositions à peu près semblables à celles actuellement en vigueur en faveur de l’emploi des handicapés perdurent. Quidam : Et pour l’incapacité temporaire alors, quel dispositif ? PG : Pour le temporaire, le principe est de maintenir 75% du salaire net, sur la base de la moyenne des douze mois précédent le début de l’incapacité, et avec pour plafond le montant de l’allocation d’incapacité définitive à taux plein. Le tout, bien sûr, au prorata du taux d’incapacité déterminé. Bien entendu, la base de salaire des douze mois précédents veut dire les revenus du travail. Ceux de placement ou droits divers qui ne dépendent pas de la capacité à travailler n’entrent pas en ligne de compte. Et bien entendu aussi, la maladie donne lieu à versement en fonction du nombre d’heures qu’aurait normalement dû travailler le salarié pendant la période de son arrêt et non du nombre de jours calendaires. Il n’y a pas lieu de payer les week-ends à un salarié malade qui ne travaille normalement qu’en semaine. Il n’y a donc aucun intérêt financier à se mettre en maladie volontairement. Quidam : Un montant d’allocation maladie au maximum du triple du minimum vital ne suffit pas pour maintenir un niveau de vie en cas de longue maladie. Ni d’ailleurs pour en avoir un décent en cas de handicap. Evidemment, ma réflexion se base aussi sur le montant pris dans vos exemples chiffrés, même si je comprends bien que ce ne sont que des exemples et que ces chiffres nécessiteraient des études plus approfondies pour les valider. PG : Effectivement, ces chiffres sont là pour mieux comprendre les principes que j’avance, pas pour être pris comme une proposition ferme et définitive, même si tels quels, ils sont globalement cohérents et assez proches de ce qu’ils pourront être au final. Toutefois votre remarque invite à faire un rappel : la société n’a pas vocation à apporter le luxe à tout le monde, mais à vous prémunir contre les coups durs en garantissant que vous aurez les moyens de survivre et de vous relancer. C’est ça, et seulement ça, la satisfaction des deux premiers besoins de l’être humain sur lesquels doit se mobiliser la société. Le confort, voire le luxe, ne peut être une quête que personnelle, relevant du besoin, variable selon les individus, de valorisation. Dès lors, si une longue maladie fait chuter votre niveau de vie et que vous devez remettre en question la façon dont vous viviez, c’est une expérience de vie que vous propose votre « destin », histoire de prendre un mot qui ne soit pas trop polémique. La société n’en est pas responsable, elle n’a pas à assumer vos épreuves à votre place. Juste à vous aider à y survivre pour que vous ayez la possibilité de rebondir ensuite. En l’occurrence, quelqu’un qui aurait un bon niveau de vie et se plaindrait qu’une longue maladie le remette en question n’aurait à s’en prendre qu’à lui-même : au lieu de tout dépenser, libre à lui de se constituer une poire pour la soif, ou de prendre une assurance privée supplémentaire selon son désir de sécurité. A chacun de faire ses choix. La société n’a pas à porter de jugement quant au comportement plus cigale ou plus fourmi des uns ou des autres, mais elle n’a pas non plus à en assumer les conséquences. Chaque tradition a ses histoires pour inciter à la prévoyance. Et notamment, il y a l’épisode antique de Joseph interprétant le rêve de Pharaon à propos des vaches grasses et des vaches maigres, que l’on retrouve aussi bien dans le livre de la Genèse de l’Ancien Testament que dans la sourate de Joseph du Coran. La société moderne n’a pas pour vocation à déresponsabiliser ses citoyens de ces principes de base. Juste à leur permettre de survivre pour qu’ils aient l’occasion de s’en imprégner s’ils n’en ont pas compris spontanément la sagesse. Quidam : Et donc pour le handicap permanent, vous appliquez le même principe ? PG : Oui, le raisonnement est assez peu différent. La société propose les moyens de survivre à tous mais ne va pas assumer les épreuves de chacun à leur place, fusse le mauvais karma d’un handicap de naissance ou acquis à la suite d’une mésaventure trop marquante. A partir du moment où les aspects de suivi médical et d’équipement spécifique du logement sont également pris en charge, l’allocation d’incapacité doit suffire à un handicapé comme aux autres. S’il rêve de luxe et de loisirs que son handicap lui interdit de pouvoir espérer autrement qu’en jouant au loto, j’en suis navré, mais il devra travailler le détachement. Par contre, si c’est un handicap psychomoteur profond, là, ce n’est plus un problème d’aménagement de logement, ni même d’allocation d’incapacité, mais d’accueil en établissement spécialisé. C’est donc différent. Et il va de soi que ne sera pas versée d’allocation de ce type aux responsables légaux d’une personne qui séjourne en centre spécialisé. Mais que j’en profite pour vous apporter une précision : l’allocation d’incapacité n’a pas vocation à s’appliquer à la maladie professionnelle ni au handicap éventuellement permanent découlant d’un accident du travail. La cotisation supplémentaire restant à charge des employeurs à ce titre a pour but, comme le ferait une assurance privée facultative sauf qu’ici elle est publique et obligatoire, de permettre le maintien des salaires à taux plein, du moins pendant un an, ce qui laisse le temps de voir comment évolue le problème de santé, et, si la situation est durable, de garantir pendant le temps qu’il reste, donc possiblement à vie, 75% des salaires que gagnait le salarié. Il semble logique de prévoir tout de même un plafond maximum afin de ne pas payer non plus des fortunes à vie à un joueur de foot professionnel rendu invalide par un mauvais tacle, même si rien n’empêche cette caisse de se retourner aussi contre les responsables de l’accident si elle l’estime justifié. Vingt fois le montant de l’allocation d’active me semble un niveau de plafonnement correct. Mais je ne considère pas ça comme un quatrième cas d’allocation. Au risque de jouer sur les mots, il s’agit là d’une pension professionnelle versée par une caisse autonome d’assurance publique, et non du fruit de la solidarité nationale. Bien entendu, les taux de cotisation pour accident du travail et maladie professionnelle à charge des employeurs doivent alors faire l’objet, comme c’est actuellement le cas pour tout taux de charge sociale, d’une gestion précise, avec ajustements lorsque nécessaire, afin qu’ils permettent de collecter les ressources adéquates pour couvrir les dépenses liées à ces situations. A l’Etat de bien gérer cette caisse de maladie professionnelle pour que les recettes soient à la hauteur des dépenses. Et bien entendu aussi, quand je parle de maintien des revenus ou des trois-quarts de ceux-ci, je parle de revenus bruts, sur lesquels s’applique la contribution commune à tous les revenus. Les cotisations maladies des employeurs ne sont donc pas diminuées de moitié comme ce serait le cas si nous parlions de revenus nets. Et si vous avez toussé en m’entendant parler de vingt fois l’allocation d’active comme plafond, après cotisations qui profitent à la société, ça ne fait plus que dix fois. Très acceptable donc. Et enfin un dernier point. Ainsi que vous l’avez remarqué, j’ai le souci de proposer un système qui réduise au minimum les possibilités d’abus et de parasitisme. Je ne peux donc ignorer le cas où notre ami Salvadordalix, désireux de peindre tranquillement sans avoir à compenser par du travail collectif les subsides offerts par la société, soit tenté de se jeter sous une voiture pour y laisser une jambe et percevoir l’allocation d’incapacité plus généreuse que celle d’active. Ce type de raisonnement n’est pas si rare dans certains pays en voie de développement, où la course à une pension d’assurance, de préférence étrangère car plus généreuse, fait partie des options qu’envisagent hélas certains enfants en mal d’avenir. Alors en cas de doute, s’il faut passer certaines personnes au détecteur de mensonge pour éviter que ne s’installe en France ce type de tentation, je n’y suis nullement opposé. Quidam : Puisque vous parlez d’enfants, comment se présenterait votre système à leur égard ? J’ai bien compris que vous n’étiez pas partisan d’une politique nataliste mais plutôt d’une diminution progressive de la population tant nationale que mondiale. Alors supprimeriez-vous les allocations familiales ? PG : Supprimer non, mais modifier oui. Nous avons vu l’allocation d’active, l’allocation d’incapacité, et nous voilà maintenant au troisième et dernier cas : l’allocation d’enfance. Là encore il s’agit d’une allocation unique forfaire indépendante de la situation financière des parents, toujours en application du principe d’égalité de traitement. Pour les deux premiers enfants d’un couple, est allouée une allocation d’enfance dont le montant représente une demie allocation d’active par enfant. Ceux-ci sont donc, le temps de l’enfance et n’en déplaise aux ados à qui je présente par avance des excuses, des demi-portions. Par enfant, je considère tous ceux qui n’ont pas encore commencé leur année de service envers la société, ni n’en ont été médicalement exempté. Vous noterez au passage que si on est adulte après mais enfant avant, cela implique que pendant cette période du service, aucune allocation n’est versée. Et c’est logique puisque pendant cette année consacrée à la collectivité, l’individu est pris en charge par la société, nourri, logé et blanchi. Quidam : Alors pour les enfants venant après les deux premiers, rien du tout ? PG : Non. Aucune allocation de quelque nature que ce soit pour les enfants suivants. Non seulement je ne veux pas encourager le développement démographique, mais en plus je veux carrément couper les vivres aux parasites vivant de ce que les créoles appellent, de façon très imagée, l’argent-braguette. C'est-à-dire vivre des allocations découlant de la production d’une smala de gamins dont on ne s’occupe pas forcément correctement et qu’on laisse souvent traîner dans les rues. Avoir un ou des enfants est une responsabilité de longue haleine, pas un placement financier. Alors j’ai parlé de couple, parce que depuis le coup de l’immaculée conception, on fait rarement des enfants tout seul, mais de façon concrète, ce que j’envisage est simplement qu’à un adulte puisse être rattaché un seul droit à allocation d’enfance. Un couple aura donc droit au maximum à deux allocations d’enfance. Désolé pour les familles recomposées, mais l’envie de refaire un petit avec son nouveau conjoint ne donnera droit à l’allocation d’enfance que si l’un des deux n’a pas encore consommé son droit de par le passé. Il serait tentant d’autoriser une exception, dans le cas où l’enfant correspondant à ce droit décède. Je pourrais comprendre alors que les parents puissent avoir envie de « remettre le couvert ». Mais la réalité de l’humanité est que certains seraient alors tentés de faire disparaître un enfant d’un premier lit au profit d’une nouvelle procréation avec un nouveau conjoint. Les infanticides de filles en Chine, du fait de la politique de l’enfant unique qui fait préférer les garçons, est notoire, tout comme en Inde pour s’éviter de devoir payer une dot pour le mariage. Et les chinois ou les indiens n’ont pas nécessairement moins de cœur que les français. Je ne souhaite donc pas que des dérives de ce type risquent de s’installer en France du fait de mesures mal pensées. Et quand on voit le fonctionnement de certains de nos concitoyens, on ne peut l’exclure. Bien entendu, puisque nous évoquons le cas des couples séparés, un droit à allocation par adulte ne veut pas dire qu’en cas de séparation des parents chacun perçoit l’allocation d’enfance correspondante. Celle-ci est versée au parent conservant la garde de l’enfant, indépendamment du fait que cela corresponde à son droit à allocation ou pas, réglant au passage les problèmes de pensions alimentaires. La correspondance entre l’allocation d’enfance et le droit d’un parent s’établit à la naissance et est ensuite intangible, séparation ou pas, enfant unique ou pas. Pas donc de possibilité de pression sur l’ex-conjoint ayant un droit disponible pour qu’il prenne à son compte l’enfant unique et qu’on puisse convoler ailleurs. Il faut réfléchir au départ, pas a posteriori. Et histoire de ne pas encombrer les tribunaux inutilement, en cas de désaccord, le droit consommé sera automatiquement celui du parent qui l’a encore de disponible, ou par défaut celui de la mère si les deux y ont encore droit. Simplement parce que, quoi qu’on en dise, c’est la femme qui maîtrise en dernier ressort le fait d’avoir un enfant ou pas. Dans le même ordre d’idée, le droit correspondant à un enfant adopté est affecté, dans la mesure où ceux-ci sont connus, à l’un des parents biologiques, y compris en cas de naissance sous X, mais versé aux parents adoptants. Bien sûr, pas de trafic de droit : celui-ci est non cessible ! Nous n’éliminerons jamais tous les cas particuliers comme la location d’utérus avec insémination artificielle d’un œuf fécondé, mais ceux-ci seront considérablement découragés par ce système. Il n’y aura plus guère que l’abandon anonyme d’enfant à la naissance qui demeurera problématique et contre lequel la société devra se donner les moyens de lutter par d’autres moyens. Quidam : Vous semblez éviter soigneusement les mots « mariage » ou « divorce ». Est-ce à dessein ? PG : Absolument. Je considère qu’il s’agit là de questions purement personnelles vis-à-vis desquelles la société se doit d’être neutre. Il ne m’apparaît pas normal qu’un couple marié ait un avantage fiscal par rapport à des concubins non marié. La fiscalité, les allocations, les contributions, tout cela doit n’être en rien impacté par le statut marital. La seule problématique légale dont la société doit avoir à se préoccuper en la matière est celle de la succession en cas de décès, et du transfert juridique de certains contrats, tel que le bail éventuel d’un logement. Bref, les problématiques juridiques pour lesquelles le pacte civil de solidarité, le fameux PACS, a été créé. Du coup, il ne doit plus y avoir qu’un seul type d’union pris en considération par la société, qu’on l’appelle PACS, même si je ne vois pas bien ce que la solidarité a à voir là-dedans, ou bien concubinage déclaré, ou qu’on lui invente un autre nom, tel Contrat d’Union Civique Unique, CUCU pour les adeptes des acronymes, à moins que vous ne préfériez Contrat de Communauté de Vie, CCV, si vous trouvez que CUCU fait trop… Il n’y a que l’embarras du choix. En fait, je suis même partisan de simplement conserver le terme mariage, du moment qu’on est capable de s’affranchir du conditionnement culturel qu’il véhicule. Car quel que soit son nom, ce doit être un contrat qui se résume, socialement parlant, à une simple option légale souscrite en commun pour une durée initiale minimale de trois ans et dénonciable ensuite à volonté par l’un ou l’autre des conjoints, sans besoin de légitimer cette décision par un motif quelconque. Le reste, robe blanche, cérémonie civile ou religieuse, big fiesta, lune de miel, etc., est du ressort personnel. C’est pourquoi mon système est, contributivement parlant, neutre au regard du mariage. Pas de différence dans le montant des contributions d’un couple marié ou de deux célibataires, puisque c’est un taux unique applicable à tous les revenus. Plus de possibilité pour des concubins avec deux enfants de frauder les impôts et les allocations en se déclarant chacun parent isolé avec chacun un enfant à charge. Votre mode de vie familial, marital ou autre n’impacte ni votre contribution à la société ni vos allocations. Donc fini aussi les calculs malsains. Il faudra trouver d’autres mots doux que « mon petit avoir fiscal » pour qualifier votre conjoint gagnant moins que vous. Et il faudra aussi des raisons plus profondes que l’intérêt fiscal et allocatif à court terme pour décider de se marier. De plus, terminé aussi les problèmes de conditionnements culturels vis-à-vis du ménage à trois, de la polygamie, voire de la polyandrie, hou la coquine ! Et terminé le problème du conjoint principal officiel qui a tous les droits et oualou pour les autres sous prétexte que notre système se refuse à regarder les réalités humaines en face. Ici, les autres conjoints peuvent être inclus dans le contrat de mariage qui est donc ouvert à plus de deux personnes. Seule interdiction absolue : chaque individu ne peut contracter qu’un seul engagement à la fois. Pas question d’avoir un contrat secret avec la personne de son cœur, et un autre officiel avec une autre personne dont on ne veut pas se séparer pour de mauvaises raisons telles que les enfants… ou sa fortune. Bref, chacun vit comme il l’entend, et c’est respectable aussi longtemps que ça se passe entre adultes consentants. Le procès moral fait à la polygamie en France est d’ailleurs assez cocasse. Et de mon point de vue, dans une société qui se veut laïque et donc a priori au-delà des conditionnements religieux, il ne se justifie absolument pas. Ce n’est pas la chasse à la polygamie qu’il faut faire, car cela ne regarde personne. C’est le système qu’il faut réformer pour que la polygamie ne donne plus lieu à une rente parasitaire. Encore une fois, ne jetez pas la pierre à ceux qui ont joué avec les règles que nous avons établies. Si nous les avons mal conçues, ne nous en prenons qu’à nous-mêmes. Quidam : Vous qui aimez bien vous projeter pour anticiper les dérives possibles, ne pensez-vous pas que votre système risque d’ouvrir la porte à des cas où une communauté entière de dizaines d’hommes et de femmes se déclarerait en contrat de mariage indépendamment de la réalité de leurs relations amoureuses, par exemple simplement pour bénéficier d’un statut légal plus favorable pour les successions ? PG : Oh, il y a certes quelques garde-fous à envisager. Toutefois, le cas que vous décrivez me semble peu probable parce qu’il est plus simple pour eux de mettre en place une association, ou structure juridique assimilée, qui détienne le patrimoine commun de ses membres, vu que l’avantage du mariage se borne aux questions de patrimoine et n’offre aucun autre avantage spécifique. Mais il y a matière effectivement à approfondir la réflexion pour ne pas être pris au dépourvu ensuite. Car en cas de décès, la question de la succession notamment reste un enjeu important dès lors que le mort laisse un peu de fortune derrière lui. Pour les non-successibles, le droit de succession applicable en cas de donation ne peut qu’être le même que le taux de contribution en vigueur, car il s’agit d’un revenu comme un autre. Donc, sur la base de nos hypothèses précédentes, ça veut dire 50%, au lieu des 60% applicables en l’état actuel de notre législation fiscale. Pour les successibles, il faut distinguer le ou les conjoints des enfants, et déterminer la part minimale de chacun. Car trop longtemps les droits du conjoint ont été négligés au profit de ceux des descendants. Cela a heureusement évolué récemment, mais en partie seulement. Si nous maintenons que le décédé dispose de la liberté d’attribuer à qui bon lui semble un quart de son patrimoine, il me semble logique ensuite de répartir les parts réservataires pour moitié à partager à parts égales entre le ou les conjoints, l’autre moitié allant, toujours à parts égales, aux enfants éventuels du mort. On peut ensuite discuter de la franchise applicable et du montant des droits de succession de chacun sur ce qu’il reçoit, peu importe. Ce qui me semble plus important est de prévoir que le ou les conjoints ne soient exonérés du droit de 50% applicable aux non-successibles qu’à raison d’un dixième par année de mariage. Donc moins d’un an de mariage, 50% de droit de succession. Entre un et deux ans, 45%. Entre deux et trois, 40%, et ainsi de suite. Voilà qui réduirait les cas d’amourachement subit d’une jeune et pulpeuse demoiselle pour un vieillard aussi moribond que fortuné. Ou d’un jeune homme pour une dame d’âge très mûr, et autres cas assimilés… L’exonération totale de droits ne résultera que d’une ancienneté de vie commune. Quidam : Et dans le cas d’un célibataire ? PG : Ah, je vous vois avide de précisions ! Pour un célibataire sans enfant, les règles actuelles de priorité de succession peuvent très bien continuer à s’appliquer. Et pour continuer dans le sens de la précision, il y a aussi le cas d’une personne n’ayant pas à la fois conjoint(s) et enfant(s), et où la part réservataire ne sera simplement pas divisée en deux catégories. Par contre, quel que soit le cas de figure, si cette liquidation successorale vient à répartir entre plusieurs personnes la propriété du logement principal où le décédé vivait avec un conjoint depuis au moins cinq ans, ce conjoint doit conserver un usufruit jusqu’à son décès ou sa décision de changer de domicile. Quidam : Oui, ça évitera les veufs ou veuves mis dehors par les enfants d’un premier lit, voire par leurs propres enfants. Bon, en tout cas, je vois plus clairement votre système maintenant. Mais vous avez laissé en suspens la question des conjoints au foyer tout à l’heure. PG : C’est juste. En fait, la question en suspens était celle du choix fait par une personne de rester au foyer plutôt que de travailler, laissant à son conjoint le soin de gagner de quoi faire vivre la famille. Et je vous ai répondu que c’était une personne activable comme une autre, donc astreinte à compensation horaire de l’allocation d’active qu’elle perçoit. La liberté de choix implique que si une personne ne veut pas participer à ce travail collectif, elle est tout à fait libre de renoncer à son allocation d’active. Et cela vaut pour tout le monde, avec ou sans conjoint, et pour quelque motif que ce soit, rester au foyer aussi bien que se mettre les orteils en éventail sur la plage. Mais un tel choix n’exonère évidemment pas de la cotisation unique sur les revenus… Toutefois, je prévois quelques petits aménagements concernant l’obligation de compensation. D’abord, il y a le cas de personnes démarrant une activité professionnelle en nom propre et dont les revenus, et donc la contribution, ne seront connus qu’au terme de leur premier exercice. Il faut nécessairement prévoir la possibilité pour eux, soit de renoncer à l’allocation d’active, qui sera alors considérée comme une avance à valoir sur le paiement de leur contribution le moment venu, soit de la percevoir en différant le travail compensatoire jusqu’à l’échéance de ce paiement, quitte, si il est insuffisant, à devoir ensuite soit effectuer ses heures compensatoires restantes, soit payer un complément de contribution, sorte de remboursement des allocations perçues mais non compensées. Ensuite, autre aménagement, je considère que le fait d’avoir à charge un enfant de moins de trois ans vaut compensation pour un parent, et un seul, demeurant au foyer pour s’en occuper. Au-delà de trois ans par contre, ça ne vaut plus et il faut le mettre en crèche, puisqu’il est en âge d’y aller, au moins le temps d’accomplir ses heures compensatoires. Et dans la mesure où le système social est organisé pour faire face à tous ces besoins de garde d’enfants en bas âge, y compris avant trois ans, pour dégager les parents de ces contraintes et leur permettre une vie professionnelle autant que personnelle et familiale plus sereine, ce ne sera pas un souci que d’en trouver une. Et puis, il y a un dernier cas d’aménagement qu’il faut envisager : la possibilité pour une personne d’être dispensée de compensation lorsqu’elle s’occupe d’un conjoint, ascendant ou descendant, ayant une incapacité supérieure à 50%, que ce soit par maladie, handicap ou vieillesse. Quidam : Voilà une bonne mesure pour accompagner le handicap. Car d’aucuns protesteront que la possibilité pour certains de rester s’occuper d’un enfant en bas âge introduit une discrimination sociale où les couches plus aisées pourront garder un conjoint au foyer pour s’occuper des jeunes enfants tandis que les autres non. Voire que certaines femmes pourront rester chez elle sans compenser parce que les revenus de leur mari leur permettent de renoncer à l’allocation d’active, alors que d’autres ne pourront se le permettre. PG : Eh oui. « Il y a aura des riches et il y aura des pauvres. Et des bien-portants et des malades. Et des blancs et des noirs. Et certains seront noirs, pauvres et malades, et pour eux ce sera très dur. » Quidam : N’est-ce pas de Coluche, ce que vous dites ? PG : Tout à fait. C’est bien, vous connaissez vos classiques. Alors d’aucuns risquent de protester de leur vertu outragée ? Eh bien qu’ils protestent. Je reste fidèle à mon principe selon lequel la société n’est pas là pour forcer une égalité mais seulement pour permettre à chacun de vivre sa propre vie. Pas celle des autres. Et s’il y a des jaloux, qu’ils méditent sur ce défaut et grandissent à l’intérieur. Ma préoccupation n’est pas de faire que les riches soient moins riches, ni d’ailleurs que tout le monde le soit, mais qu’il n’y ait pas de pauvre pour qui ce soit très dur. Pas forcément luxe, mais très dur, non ! Quidam : J’aurais du me douter que vous alliez me répondre ça. Mais ce serait de quel genre, ce travail pour la collectivité ? PG : Eh bien, c’est un peu tout ce qui a besoin d’être fait mais pour lequel la main d’œuvre manque, que ce soit par rareté de bras ou par manque de moyens pour en attirer. Ce peut être des chantiers d’entretien de notre cadre de vie tels que du nettoyage de décharges sauvages, du débroussaillage de terrains vagues, du ramassage de papiers dans les rues, etc. Ce peut être alimenter le besoin de main d’œuvre saisonnière pour des travaux agricoles. Ce peut être renforcer la présence adulte dans les écoles ou les garderies, en fonction des préférences et qualifications de chacun, domaine qui ne peut évidemment pas être ouvert à tous du fait des risques possibles pour les enfants. Ce peut aussi être simplement se mettre au service d’une association reconnue d’utilité publique dont l’activité motive la personne concernée. Il n’y a que l’embarras du choix, par exemple pour développer la présence humaine auprès des personnes âgées isolées ou des malades dans les hôpitaux, à l’instar des blouses jaunes. Mais je suis très loin d’être exhaustif, et les choses utiles à faire pour la collectivité ne manquent pas. D’ailleurs, les besoins évolueront avec la société. Et ça peut même aller jusqu’à assurer le ramassage des ordures ménagères si tout le monde trouve des emplois qui les intéressent davantage et qu’on a du mal à recruter pour cette fonction, même si une telle situation ne serait généralement que signe qu’il faut en améliorer un peu la rémunération. Il faut évidemment que toutes les tâches qui le nécessitent soient encadrées par des professionnels compétents et fiables. C’est donc toute une organisation à mettre en place, tant dans la gestion des heures dues que dans l’accomplissement des divers travaux dans de bonnes conditions de sécurité pour tous, ceux qui les accomplissent comme ceux qui éventuellement en bénéficient. Mais les mesures concernant la formation continue favorisera aussi la polyvalence de chacun. L’organisation de ce travail et le contingentement des heures accomplies peuvent être du ressort du Pôle Emploi, à structurer alors en conséquence, puisque nombre de ces travailleurs en compensation seront des chômeurs en recherche officielle de travail et dont les compétences seront déjà connues de cet organisme. En s’efforçant de respecter les souhaits et contraintes de chacun, et en prenant en compte les contraintes propres aux tâches à accomplir, les heures de travail sont à organiser soit à la semaine, soit au mois, voire à l’année pour permettre certains travaux de nature plus saisonnière. Evidemment, vu d’où nous en sommes pour le moment, avec la masse d’inactifs activables actuelle, cela ressemble à une organisation énorme touchant des millions de gens. Pourtant en se projetant dans un système réformé globalement et en profondeur, où le chômage aura été en grande partie absorbé par le partage du travail, ce ne sera pas du tout si gigantesque. Forcément, il y aura, ici ou là, de l’inefficacité et de la mauvaise volonté. Tout ne sera pas tout rose dans un monde parfait. Mais il faut aussi voir les atouts de cette mesure. D’abord le côté incitatif. Pour certains, le chômage, c’est confortable. Là, ils seront davantage motivés pour trouver un job, tout en étant moins difficiles dans ce qu’ils acceptent, parce que ce sera mieux que de se retrouver à devoir contribuer à du travail collectif parfois intéressant parfois non, et de toute façon toujours non rémunéré, puisque l’allocation d’active se perçoit même quand on a des revenus. Mais pour ceux que ça n’incitera pas malgré tout à se prendre en main, au moins contribueront-ils un minimum à la société qui les fait vivre. Et puis, il y a les vrais chômeurs, qui cherchent vraiment du travail, mais sans en trouver, et qui finissent par se décourager et perdre pied. Déprime, sentiment d’exclusion, tous ces maux seront, sinon supprimés, du moins repoussés par ce travail collectif les maintenant en activité et pérennisant le lien social. Et finalement, pour les personnes qui sont isolées chez elles, cette astreinte aux séances de travail collectif sera un vecteur d’intégration et d’ouverture. Dans les DOM par exemple, où environ une personne sur trois est officiellement au chômage, il y a forcément un peu de tous ces cas. Et la remise au travail de tous, alors que, sous les tropiques, l’allocation d’active est suffisante pour vivoter tranquillement, présente un gros enjeu pour la société locale autant que pour les finances publiques qui maintiennent ces terres sous perfusion de prestations sociales venant de métropole, situation qui va encore s’aggraver avec la départementalisation de Mayotte depuis début 2011. Je vois beaucoup plus d’avantages humains à se donner la peine d’organiser un tel système malgré ses inévitables limites que de s’abandonner à la facilité de laisser tous ces gens sur le bord de la route. Quidam : Au milieu du 19ème siècle, il y eut à Paris les Ateliers Nationaux pour occuper les ouvriers inactifs, et dont la suppression quelques mois à peine après leur mise en place a causé une insurrection débouchant sur la révolution de 1848. Alors on peut effectivement comprendre que les exclus du travail apprécient cette opportunité de rester actif, de contribuer à la société et donc conserver davantage de dignité. PG : Je n’aurais pas dit mieux. C’est effectivement de dignité qu’il s’agit, d’estime de soi. Mais en 1848, il s’agissait davantage d’argent. Et ce n’est pas tant contre la fin du travail que contre la fin de la rémunération qui y était associée que les ouvriers se sont soulevés. Il n’y avait pas d’allocation chômage à l’époque. Tandis qu’avec l’Etat providence actuel, il est tout à fait possible de vivre sans faire grand-chose. Alors il est surtout nécessaire de rééduquer au travail ceux qui se sont bien installés dans la peau d’un parasite indolent, mentalité qui avait peu cours à l’époque des Ateliers Nationaux, simplement parce que celui qui ne travaillait pas ne mangeait pas. Quidam : Si je mets maintenant votre système en perspective, on s’aperçoit à l’évidence qu’il y aura des gagnants et des perdants dans cette réforme. PG : Comme dans tout changement. Mais ce qu’il importe de prendre en compte c’est qu’aujourd’hui, tout le monde ou presque est en train de perdre du fait de l’effritement accéléré de notre société. Et que si rien n’est fait, nous perdrons tout. Avec ce nouveau système, cette nouvelle organisation sociale, effectivement, certains trouveront qu’ils y perdent, notamment tous ceux qui défendent des avantages à grands coups de pouvoir de nuisance. Mais il leur restera toujours de quoi vivre dignement, et la possibilité de se lancer dans autre chose pour se rebâtir une situation plus en rapport avec leurs souhaits. Nouvelle règles, nouveau jeu : il faut savoir, à un moment donné, regarder en face l’impasse où nous nous enlisons depuis pas mal de temps déjà et passer à autre chose. A trop vouloir différer la prise de conscience, le réveil sera simplement plus douloureux. Quidam : Parmi les gagnants, on peut citer bon nombre de riches, vu que vous instituez de facto un bouclier fiscal avec ce taux unique à 50%, alors qu’au contraire le gouvernement actuel parle de le supprimer. PG : Non, non, pas du tout. Un bouclier fiscal limite la taxation directe à un niveau donné des revenus. Ce n’est pas le cas ici. Si un multimillionnaire veut avoir de multiples demeures, il paiera de multiples taxes foncières, en plus de la contribution au taux unique sur ses revenus. Et s’il n’a aucun revenu parce qu’il ne place pas sa fortune, il devra néanmoins ses taxes sur le foncier. Le pendant du bouclier fiscal est l’ISF, l’impôt sur la fortune, qui n’existe pas dans mon système. Et puis, tous ces gens qui décrient le bouclier fiscal ne réalisent pas qu’il protège de l’ISF toutes les personnes à petits revenus qui se retrouvent propriétaires d’un patrimoine foncier de grande valeur par simple succession et par hasard. Imaginez une personne âgée qui a toujours vécu sur l’Ile de Ré, sur le terrain familial où la maison héritée de ses ancêtres commence à tomber en déconfiture parce que sa maigre pension de vieillesse ne lui permet même pas de l’entretenir. Eh bien elle est peut-être passible de l’ISF parce que la spéculation immobilière a donné beaucoup de valeur à son terrain. Peut-être bien plus encore que le seuil tout juste rehaussé de l’ISF. Supprimez le bouclier fiscal et cette personne n’aura plus d’autre recours que de vendre son terrain et partir. Grâce à ces bien-pensants qui réclame qu’on taxe les riches ! Il faudrait un peu réfléchir avant de faire et dire n’importe quoi. Alors ma position est : pas de bouclier fiscal, mais pas non plus d’ISF. Certains sont riches ? Tant mieux pour eux. Ainsi que je l’ai déjà dit, cessons d’être jaloux et occupons-nous plutôt d’organiser la société pour que tout un chacun puisse vivre correctement par lui-même, sans avoir besoin de voler les supposés plus riches qu’eux. Accessoirement, à force de vouloir légaliser le vol des riches, ils partent dans d’autres pays, comme en Suisse, et tous les emplois de service tournant autour de leur personne et de leurs biens partent aussi. Mais à côté de ça, on multiplie les subventions aux entreprises pour tenter de créer des emplois... Si ce n’est pas marcher sur la tête, je ne sais pas ce que c’est. Quidam : Mais supprimer l’ISF, c’est quand même en faveur des riches, non ? PG : Je suis effectivement certain qu’ils ne s’en plaindront pas, mais la question n’est pas tant de savoir à qui cela profite que de déterminer ce qui est équitable. Et un impôt spécifique à quelques uns seulement, ça ne l’est pas. Et puis, il ne faut pas voir que le petit bout de la lorgnette. Il y a aussi le reste. Le taux unique de contribution est de 50%, mais sur tous les revenus, à l’exception des dividendes. Y compris donc les revenus de placements financiers, qui sont à l’heure actuelle bien moins taxés que ça puisque le prélèvement libératoire actuellement en vigueur permet de s’en tirer avec 30% de contribution seulement. Ce système n’est donc pas en faveur des riches rentiers. Seuls les dividendes, parce qu’ils ont déjà été taxés à l’IS, ne font l’objet que d’un complément correspondant à la différence entre le taux de l’impôt sur le revenu, la contribution unique en fait, et celui de l’impôt sur les sociétés, afin d’éviter une double taxation. Concrètement, si la contribution est à 50% et l’IS à 33.33%, il faut percevoir un complément de 25% de contribution sur le montant des dividendes distribués au lieu des 50% applicables à tout autre revenu. Il n’y a donc plus matière à gérer un avoir fiscal puisque la simplification des taux permet un prélèvement à la source aussi pour les revenus d’actions. Quidam : Alors les prises de participation dans les sociétés vont devenir le placement de prédilection. PG : C’est possible. Pour l’épargnant, cette disposition favorisant les dividendes sur les plus-values aura au moins l’effet positif d’inciter à investir plutôt que de spéculer. Mais du point de vue de la société, la taxation globale est la même. Tant que l’argent reste dans l’entreprise, il n’est soumis qu’au taux de l’IS à 33.33%. Dès qu’il en sort, ce taux est complété pour rétablir le taux de contribution à 50%. Les dividendes contribuent donc selon le même taux de 50% que tout autre revenu. C’est juste qu’il est prélevé en deux fois, une partie d’abord dans l’entreprise, et un complément ensuite à la distribution. J’ajoute qu’avec cette harmonisation des taux de contribution, les chefs d’entreprise propriétaires de leur boite n’auront plus à se poser la question de savoir s’il vaut mieux se payer un salaire ou des dividendes. Car ce sera totalement neutre, contrairement à maintenant. Quidam : Et sans rentrer dans le détail de toute la fiscalité, y a-t-il d’autres mesures notables que vous envisagez ? PG : Vous faites bien de préciser sans rentrer dans le détail, par ce que le détail de toute la fiscalité, ça pourrait nous mener loin. Si vous regardez une bible fiscale de type Lefebvre ou Lamy, vous y trouverez plus d’une centaine de taxes diverses avec chacune leur modalité, exception, dégrèvement, plafond, etc. Il est clair qu’il y a matière à simplifier tout ça. Nous avons parlé de la nécessité de remettre la loi à la portée de tous, et ça inclut le droit fiscal. Alors pour en rester aux mesures dont la notoriété est suffisante pour rester facilement parlantes à n’importe qui, on peut commencer par la question des abattements applicables à la détermination des revenus imposables. Il ne vous aura pas échappé, dans les calculs que je vous ai présentés, que la contribution de 50% est directement applicable au revenu brut, sans aucun abattement forfaitaire de 10% ou autre. Et de même, fin des frais réels. Si vous décidez d’habiter loin de votre lieu de travail, ce n’est le problème de personne d’autre que vous. Je ne vois pas pourquoi vous auriez un avantage fiscal pour ce faire. D’autant que celui qui fait l’effort d’habiter près pour limiter ses frais de déplacements, voire ses émissions polluantes, doit peut-être payer plus cher pour son logement. Alors pourquoi, à ce moment-là, n’aurait-il pas droit à un avantage fiscal ? On ne s’en sort plus. Donc rien pour personne et à chacun de s’organiser au mieux de sa situation. Dans le même esprit, la question des barèmes kilométriques variant selon la fiscalité du véhicule utilisé me parait grotesque. Si vous avez envie de rouler en Ferrari alors qu’un autre décide de se déplacer en 2CV, je ne vois pas pourquoi vous devriez en retirer un avantage fiscal. A vous d’assumer vos choix. La question ne s’applique plus aux frais réels, puisque ceux-ci sont supprimés, du moins pour les salariés. Mais elle demeure pour les indépendants, profession libérale et autres agents commerciaux, qui peuvent être amenés à faire beaucoup de route pour leur travail et pour qui il est normal de déduire de tels frais avant l’application du taux unique de contribution. Alors définir un coût kilométrique sur la base d’une voiture moyenne, comme celles relevant de la catégorie six chevaux fiscaux, me semble amplement suffisant. Et ceux qui en tirent un profit parce qu’ils se contentent de petites voitures ou se déplacent à moto, tant mieux pour eux ! Evidemment, après ce que je vous ai dit de la réforme du fonctionnement des banques, il est clair que tous les livrets réglementés disparaissent aussi. Plus de Livrets A, ou assimilés, notamment celui de Développement Durable, vu ce que je pense de cette expression. Plus non plus d’ailleurs de défiscalisation pour l’assurance-vie. Plus rien de tout ça. Les placements sont à la libre imagination des banques et à la libre souscription des épargnants. Et tout gain contribue à 50% à la société. Alors évidemment, j’applique le même sort à tous ces investissements défiscalisant, genre immobilier de vacances dans les DOM. Investissez si c’est économiquement intéressant. Si ça ne l’est pas et que le gouvernement estime souhaitable de favoriser les investissements dans un endroit ou un secteur d’activité, à lui de créer un cadre économiquement attractif plutôt que fiscalement biaisé. Accessoirement, je vous ferais remarquer que c’est là une niche fiscale très prisée des riches pour ne pas, ou peu, payer d’impôts. Alors qu’on ne me dise pas que mon système favorise les riches. Il favorise l’équité. Pas une catégorie sociale plus qu’une autre. Quidam : Une petite baisse de TVA peut-être ? Histoire de vous rendre populaire ? PG : Eh bien non. Il fut un temps où la TVA était à 18,6%. Du moins pour son taux dit « normal ». Puis des politiciens ont fait campagne sur le thème d’une augmentation de deux points de la TVA pour cause « sociale ». Pourquoi 2 plutôt que 1,4 ? Clairement parce qu’ils étaient plus préoccupés de l’effet d’annonce que du résultat final. Vint ensuite un autre gouvernement avec d’autres politiciens qui voulurent plaire au peuple en diminuant de un point ce taux de TVA. Pourquoi 1 plutôt que 0,6 ? Clairement parce qu’eux aussi étaient plus préoccupés de l’effet d’annonce que du résultat final. Alors libérons les comptabilités, les ordinateurs et les calculatrices, de toutes ces décimales inutiles et fixons une bonne fois pour toute ce taux de TVA à 20% tout rond. Un cinquième du prix hors taxe ou un sixième du prix taxe comprise. Voilà qui est simple et clair, comme j’aime. Et même chose alors pour le taux réduit. Pourquoi 5,5% ? Arrondissons à 5%. Je n’ai pas connaissance que nos voisins européens s’embarrassent de taux aussi biscornus que les nôtres. Il faut des politiciens français pour pondre des choses pareilles. Peut-être pour montrer que l’ENA leur a appris à compter ? Quidam : Alors la TVA de 2,1% sur les médicaments, vous l’arrondiriez aussi à 2% ? PG : Si je suis élu Président un jour, je vous prendrai comme Ministre des Finances. A l’évidence, nous nous comprenons. D’ailleurs, à cette fin, il faudrait que je pense à cultiver un peu ma popularité que nombre de mes positions ont certainement bien mise à mal. Par exemple en supprimant diverses petites taxes d’intérêt très subalternes ou à l’équité douteuse, comme par exemple la taxe pour copie privée pesant sur divers appareils numériques. Je trouve cette taxe assez incroyable et je suis tout esbaudi que le Conseil Constitutionnel ne l’ait pas censurée tant elle établit une présomption de culpabilité totalement contraire aux fondamentaux de notre droit. Ce n’est pas parce qu’on achète un disque externe pour sauvegarder ses photos de vacances qu’on est nécessairement un pirate numérique. Mais dans le doute, on est taxé. Ce qui n’évite d’ailleurs pas la double peine de la chasse aux pirates du croisé Hadopi qui se fait fort de pourchasser les présumés coupables alors même qu’on sait fort bien que les vrais hackers maîtrisent à la perfection l’art d’usurper les adresses IP et donc de laisser des innocents se faire prendre à leur place. Au passage, petite parenthèse, piratage n’est certainement pas égal à manque-à-gagner pour les ayants droits. Parce que dans de très nombreux cas, l’œuvre piratée n’aurait simplement pas été consommée si elle avait été payante. Mais l’appât du gain trouble le bon sens. Or le bon sens nous dit que faire un film est un vaste projet, impliquant beaucoup de moyens matériels et humains, et donc financiers. Il est donc bien clair que si elle ne trouve pas sa rentabilité du fait d’un excès de piratage, la production cinématographique risque d’en pâtir. Par contre, composer une chanson ou un morceau de musique peut se faire dans son salon avec une guitare ou un piano, seul ou à quelques uns. Ce n’est nullement comparable. Alors compter sur la législation pour en vivre ensuite peut-être toute sa vie, comme on le constate pour certains artistes n’ayant sorti qu’un seul tube mais un bon, me semble un peu exagéré. Si l’ère numérique favorise la propagation facile de certaines compositions, il faut simplement s’adapter. A nous, consommateurs, d’être conscients que le piratage excessif peut tuer le cinéma, tandis que la musique vivra toujours quoiqu’il arrive. Simplement parce que sa rentabilisation peut se faire en direct par les spectacles et les concerts si les disques ne se vendent plus. Quidam : Votre logique se défend, mais pour autant, il faut bien aussi faire respecter la loi. Et donc les droits des auteurs, compositeurs, studios de cinéma et maisons de disques. PG : Et vous oubliez ceux des éditeurs et écrivains, bien que le livre numérique qui va ouvrir progressivement la porte au piratage n’en soit qu’à ses débuts. Bien sûr qu’il faut préserver ces droits si on veut encourager la création. Mais pas en taxant par défaut tout le monde. Quidam : En tout cas dans vos réformes, il y a effectivement beaucoup de changements par rapport à ce que l’on connaît à l’heure actuelle. Et les gains ou pertes pour chacun sont difficiles à évaluer. PG : Très franchement, savoir ce qui est avantageux ou pas pour chacun dans ces changements, qui gagne quoi et qui perd quoi, n’est vraiment pas mon souci. Chacun saura très bien faire ses petits calculs dans son coin, et s’apercevoir qu’ils gagnent dans un domaine, perdent dans un autre, mais généralement, pour la grande majorité, sont bien plus gagnants que perdants simplement parce que la société dans son ensemble y gagne beaucoup. Et que ça, c’est totalement à leur avantage. Pour ma part, je tourne la page du passé et de son système truffé de malversations et je m’applique à vous présenter un système juste. Ce que je vous propose, ce sont les plans pour bâtir une société équitable pour tous, où chacun puisse vivre dignement à la recherche de sa réalisation personnelle et de ses objectifs propres, en cessant de jalouser l’herbe du voisin, même si on sait, magie de l’illusion d’optique, qu’elle semble toujours plus verte dans le pré d’à côté. Mais se débarrasser de ce genre de faux semblant fait aussi partie du travail d’évolution de conscience que la société doit favoriser parmi ses membres. Quidam : Pourtant, la transition risque de ne pas être facile à mettre en œuvre. La marge de manœuvre, compte tenu de nos déficits chaque année plus abyssaux, est assez mince. PG : Je ne le crois pas. La simple amélioration de la gestion de l’Etat, des administrations publiques, des collectivités territoriales, afin de chasser le gaspillage dégagera des ressources très conséquentes. Chaque année, la Cour des Comptes remet son rapport faisant état de gaspillages peu ou prou équivalents au montant annuel de l’impôt sur le revenu. Alors c’est dire s’il y a matière à desserrer nos contraintes budgétaires simplement en écoutant davantage ce que nous disent ces auditeurs des dépenses publiques. Rajoutez à cela les ressources administratives dégagées par la simplification, prenez en compte la réduction drastique des possibilités de fraude, et je suis certain que notre marge manœuvre est encore très largement suffisante pour procéder à toutes ces réformes. Je ne suis donc pas du tout inquiet des moyens. C’est uniquement dans les mentalités que j’ignore si la marge de manœuvre est suffisamment grande. 30 : représentation nationale et territoriale Quidam : Par où faudrait-il commencer pour construire votre société ? PG : Le changement doit être appelé par la base mais ne peut être piloté que par la tête. Il faut donc à la fois que la volonté de la base puisse s’exprimer de façon claire, pour qu’ensuite la tête dispose d’un mandat tout aussi clair. Commençons donc par la base : l’expression de ce que veut la population du pays. Pour qu’elle s’exprime de façon plus claire, il faut simplifier le système de représentation des citoyens dans les diverses instances électives du pays. Il y a trop d’élections actuellement, si bien que les citoyens en perdent de vue l’enjeu de chacune. Sorti de l’élection municipale, le vote est un peu toujours comme si c’était une élection nationale. Alors que voter contre le gouvernement à une élection cantonale n’a aucun bon sens. Ce ne sont pas les mêmes enjeux. Il faut donc simplifier et clarifier. Et surtout aussi, il faut repersonnaliser les élections. Par repersonnaliser, j’entends remettre le candidat au devant de la scène au détriment des partis politiques et étiquettes politiciennes. Je veux que les électeurs aient une chance de connaître les candidats, leurs valeurs, leurs points de vue, leurs qualités humaines ou limitations éventuelles, etc. Actuellement, les élections se jouent essentiellement sur les étiquettes de parti. On vote droite ou gauche, mais sans savoir ce que pense vraiment le candidat, ni ce qu’il vaut humainement parlant. C’est très néfaste parce que ça implique qu’il n’y a plus de vrai débat par la suite : le parti dominant impose sa position. Je suis loin d’être le seul à penser que les partis politiques ont confisqué le débat public. J’entends moins dire par contre que ce débat n’est pas franchement organisé en leur sein pour autant, car la position d’un parti, et même s’ils veulent nous faire croire le contraire, est essentiellement le reflet du point de vue de ses leaders qui débattent entre eux en petit comité. Alors que ce sont les élus eux-mêmes qui devraient débattre au sein des instances de représentation des électeurs, l’esprit ouvert, sans a priori, et sans inféodation à un parti ou un autre. Prenons l’exemple d’une élection législative. Les machines électorales que sont les partis politiques se lancent dans la bataille pour obtenir un maximum de siège. Si une formation décroche une majorité absolue, les jeux sont faits pour cinq ans. Les députés, puisqu’ils ont été sponsorisés localement par leur formation et lui doivent l’essentiel de leur élection, sont alors astreints, sous peine d’exclusion, pour ne pas dire d’excommunication tellement ça s’y assimile, à soutenir les ténors du parti qui vont se faire nommer au gouvernement alors qu’ils ne sont pas forcément les plus qualifiés, même au sein de leur organisation. Et c’est parti. Sans jeu de mot. A chaque session parlementaire, le gouvernement pond des cortèges de lois, qui sont, à quelques exceptions près, peu ou pas discutées et votées sans réel débat entre les députés, puisque le pseudo-débat a déjà eu lieu au sein du seul parti majoritaire. Inutile dès lors que les députés fassent l’effort d’être présents à toutes les sessions de l’Assemblée, puisse que ce n’est, selon l’expression devenue consacrée, qu’une simple chambre d’enregistrement. D’où ces bancs vides, où devraient pourtant siéger ces gens en qui le peuple a placé sa confiance. Quidam : Prendre des mesures contre l’absentéisme ne changerait pas grand-chose à cette réalité. PG : Vous avez malheureusement raison. La politique aujourd’hui, n’est plus un service à la collectivité commandité par la collectivité, mais trop souvent un simple métier carriériste requérant de l’ambition personnelle. Il faut arriver à se faire élire à un maximum de mandats, qu’il n’est évidemment pas possible de tous assumer correctement, pour prendre du poids au sein du parti, espérer arriver un jour à peser sur le débat interne et peut-être aussi à siéger au gouvernement. Cela semble un but en soi, alors que ce devrait n’être qu’un moyen pour servir des valeurs altruistes. Le système a été vicié par la prédominance des partis, qui trahissent quotidiennement la confiance du peuple. Et le peuple l’a bien mérité : il a les gouvernants que lui mérite son manque d’implication et de conscience. Mais attention, qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Tous les hommes et femmes politiques ne sont pas à mettre dans le même sac et à vilipender en bloc. Il est des personnes de conviction qui essayent de faire avancer les choses. Que je partage ou pas leurs convictions importe peu. Ils sont respectables simplement de par la sincérité de leur démarche, et leurs idées, la contradiction qu’ils apportent, viendra enrichir le débat le jour où celui-ci sera rendu à la lumière publique. Il faut toujours se souvenir, même si je vous l’ai déjà dit, que « là où tout le monde pense pareil, personne ne pense beaucoup ». Or, en France, nous n’avons toujours pas de pétrole, alors il ne faudrait pas que nous n’ayons plus d’idées. Au pays des grands philosophes et des lumières, ça ferait désordre. Et je n’aime pas le désordre. Quidam : J’avais cru comprendre, oui. Que peut-on faire pour favoriser le retour d’un vrai débat ? PG : Commencer par boycotter les sondages en refusant d’y répondre peut être un élément important de ce processus. Le sondage, qui n’offre d’ailleurs aucune garantie d’impartialité faute de contrôle quelconque et ouvre donc la voie à toutes les manipulations imaginables, permet de publier des chiffres dans les média qui pèsent considérablement sur la sérénité d’un vote ou même la simple formation d’une opinion. Le problème de la pression morale du « vote utile » défavorise considérablement nombre de petits candidats qui peuvent pourtant avoir des choses intéressantes à dire. Alors que celui qui commandite le sondage bénéficie des résultats, c’est normal, mais qu’on cesse de biaiser la démocratie avec la publication et la diffusion de ceux-ci. La manipulation d’opinion est trop facile. Et la démagogie, incitant ensuite les politiciens professionnels à caresser le peuple dans le sens du poil indiqué par les sondages tout en pensant le contraire, aussi. Mais pour redonner aux candidats leur dimension individuelle, il faut avant tout que les électeurs se donnent la peine de s’intéresser à ce qu’ils disent et à qui ils sont. A ce qu’ils disent, pour avoir une opinion quant au fait que ce soit une bonne ou une mauvaise option pour résoudre les vrais enjeux ; et à qui ils sont, non pour faire de la people-itique et du culte de la personnalité, ce qui au contraire tend à détourner des véritables problèmes de la société, mais bien pour savoir s’ils sont personnes à faire ce qu’ils disent. Car il sert à bien peu de choses d’élire quelqu’un sur la base de bonnes propositions s’il fait l’inverse ensuite. Ce qui ne doit pas occulter pour autant le fait qu’en prenant ses fonctions, un élu a accès à davantage de données, y compris des données confidentielles ou peu diffusées, et peut découvrir une réalité qui était cachée ou dont la présentation publique était biaisée. Ces données nouvelles peuvent amener à devoir adapter certaines positions, rendant la qualité humaine du candidat d’autant plus fondamentale pour que les électeurs ne se trouvent pas bernés, s’adapter n’étant pas renier. Mais encore faut-il se donner la peine d’expliquer le pourquoi de l’adaptation, plutôt que d’essayer de faire passer ça en douce. Il faut donc des citoyens éduqués pour pouvoir être informés, et motivés pour pouvoir être impliqués. C’est à ce prix seulement que reculera la dictature des partis : quand un candidat sera élu pour lui-même et non pour le parti qu’il représente. Cela arrive, mais c’est loin d’être la norme. A l’inverse, plus le débat demeurera confisqué par les partis et moins les électeurs seront motivés par les élections. Alors il faut un sursaut de citoyenneté pour renverser ce cercle vicieux et le transformer en cercle vertueux afin que l’humain prime sur une éventuelle étiquette politique. Quidam : Le général de Gaulle était aussi un ardent opposant à ce système des partis. PG : Oui, nous n’avons donc pas que le retrait de l’OTAN comme point de vue en commun. Mais votre remarque est intéressante parce qu’elle n’est pas anodine. A peine ma réponse positive tombe-t-elle que mon image va commencer, dans l’esprit de certains, à se teinter de gaullisme. C’est un exemple typique du risque lié à cette tentation de coller des étiquettes sur les uns et les autres. Parce que le Général pensait de même, je serais donc gaulliste ? Pas du tout. C’est juste un point spécifique sur lequel nous sommes d’accord. Tout comme quantité de gens le sont aussi et qui ne sont pas forcément gaullistes pour autant. Nous pourrions certainement trouver bien d’autres points de concorde, tout comme nous pourrions en trouver où ce n’est pas le cas. Il ne faut pas s’arrêter à ça pour cataloguer quelqu’un. Je n’aime pas le système des partis, point. Mais revenons à l’organisation de la représentation populaire. Il me semble sain de conserver une double filière : le national et le territorial. Et les deux ne doivent pas se mélanger car ils procèdent d’une logique différente. Un élu doit se situer soit dans une branche, soit dans l’autre, même s’il n’est pas interdit de passer de l’une à l’autre au gré des envies, des élections... et des électeurs, puisque ce sont eux qui décident au final. Commençons par la représentation nationale. Elle se fait par le biais des députés de l’Assemblée Nationale. Election au suffrage universel direct, comme actuellement : simple, clair et net. Par contre, ce doit être le seul mandat de l’élu, parce que ce doit être un job à temps plein, et avec présence obligatoire aux séances de l’Assemblée. Ce principe doit d’ailleurs s’appliquer à tout mandat électif : pas de cumul des mandats pour ne pas se couper en deux entre des responsabilités différentes. Et évidemment, pas de poste à temps partiel en entreprise ou assimilé en plus du mandat électif pour ne pas avoir de conflit d’intérêt. Seule exception bien sûr : au niveau municipal, où on ne peut s’attendre à ce que les conseillers municipaux d’un village soit uniquement et à temps plein au service de leur mandat électoral ni qu’ils puissent en vivre. Par ailleurs, il me semble que réduire le nombre des députés ne nuirait pas. Ils sont 577 actuellement, et on constate au moment des votes, comme au moment des débats, qu’il y a beaucoup d’absents. C’est bien qu’ils ne sont pas tous utiles. Et d’autant moins dans un système de parti qui limite les débats à des joutes politiciennes. A contrario, dans un système avec de vrais débats et tous les députés présents, débattre à 577 serait ardu et il serait compliqué et fastidieux que tous s’expriment. Je pense donc qu’un redécoupage des circonscriptions électorales pour arriver à 330 députés à l’Assemblée Nationale serait plus efficace. Surtout si celle-ci sert principalement à superviser l’action du gouvernement plutôt qu’à se comporter en usine à produire des lois en quantités industrielles. Du moins, une fois le colossal travail de révision de l’ensemble des codes de lois du pays effectué ainsi que nous en avons déjà discuté. Quidam : Et au niveau territorial ? Car finalement, c’est là que les électeurs ont le moins de visibilité quant aux enjeux réels des diverses élections existantes. PG : C’est pourquoi il faut toutes les réduire à une seule, la seule qui ait réellement un caractère personnel grâce à la possibilité d’une proximité permettant de connaître un minimum les candidats : les élections municipales. Elles se font au suffrage universel direct également et servent à élire les conseillers municipaux. Ceux-ci embauchent un directeur général communal, à la suite de la logique que j’ai développée antérieurement sur ce point, et surtout élisent en leur sein ceux qui iront les représenter à l’échelon territorial au-dessus. Ceux-ci à leur tour éliront leurs représentants à l’échelon au-dessus, et ainsi de suite, en cascade, jusqu’au Sénat. Les sénateurs sont déjà élus au suffrage indirect, mais pour les étages territoriaux intermédiaires comme les régions, ce n’est pas le cas. Cela changera donc les choses. L’idée est que si les électeurs connaissent bien les enjeux locaux et peuvent connaître les candidats, ils sont rarement bien au fait des enjeux territoriaux intermédiaires et donc peu en mesure de déterminer quel est le meilleur candidat à y mettre. Et ce d’autant moins que la distance entre les électeurs et les candidats grandit et qu’il est donc plus difficile de les connaître pour eux-mêmes. D’où la tendance préjudiciable à voter en fonction des partis et des étiquettes comme si c’était un enjeu national. A contrario, les conseillers municipaux sont bien informés des problématiques de l’étage territorial au dessus de leur tête. Ils sont plus à même de se connaître les uns les autres, et sont donc en mesure de choisir plus judicieusement le ou les candidats adéquats à envoyer siéger au niveau du dessus. Nous avons déjà évoqué la question du bon nombre de strates territoriales et de mon souhait de développer et d’étendre l’intercommunalité, tout en faisant absorber les conseils généraux par les conseils régionaux. Mais à l’étage final, on arrive néanmoins au Sénat. Il compte actuellement 343 sénateurs. C’est un niveau acceptable en soi pour organiser des débats, mais qu’il serait bon de réduire d’une bonne centaine afin qu’il y ait moins de sénateurs que de députés. Lors de la réunion des deux chambres en assemblée plénière, les députés, dont la légitimité est supérieure du fait de leur élection au suffrage universel direct, doivent avoir un avantage sur les sénateurs. Instituer que le nombre des sénateurs doive être des deux tiers du nombre de députés, donc 220, me parait une bonne logique. Quidam : En fait, pour la plupart des français qui connaissent mal leur système de représentation, cela peut paraître des changements anecdotiques. Mais il est vrai que la logique en est plus claire dans la partie territoriale. Alors supposons que cela favorise une meilleure expression de l’opinion des français. Ensuite, que se passe-t-il ? PG : Il me faut tout de même rappeler ici ce que j’ai déjà dit auparavant : aucun système ne garantit quoi que ce soit si les électeurs s’en désintéressent. Il peut favoriser la clarté et la transparence, mais rien ne peut remplacer l’implication des citoyens. Les politiciens sont majoritairement dans le besoin de valorisation, qui est le plus pénible des cinq niveaux, parce qu’il est essentiellement conduit par l’ego. Cette quête nombriliste favorise la recherche d’effets immédiats, donc d’action à court terme, voire de brassage de vent. C’est ce même besoin de valorisation qui fait œuvrer certains syndicalistes à inciter à la grève générale en tant qu’objectif en soi, plutôt que comme moyen au service d’un projet social alternatif cohérent qui leur fait cruellement défaut. A l’inverse, la recherche d’accomplissement ne se laisse pas séduire par de telles illusions et se préoccupe bien davantage d’une vision à long terme et d’actions constructives pérennes. Mais il faut plus de recul pour en percevoir tout le bien-fondé. Et cela manque aux électeurs, tout en étant rarement favorisé par des média trop heureuses de vivre à bon compte de la people-itique facile. Cette réalité tend donc à éclipser ceux qui sont véritablement mus par le service de la société, au profit de ceux qui savent se faire mousser. Seule une mobilisation des consciences peut lutter contre cette tendance naturelle des citoyens à se laisser aller à leurs petites affaires. Imaginons toutefois que ce regain d’implication citoyenne prenne, ce qui ne peut être imposé mais seulement favorisé par un ensemble de réformes plutôt que par une en particulier, et qu’effectivement les élections deviennent plus déterminantes et plus claires. Alors déjà, cela engendrera une baisse des remous sociaux. Les mécontents auront tout loisir d’aller s’expliquer avec leurs représentants, députés ou sénateurs, plutôt que de faire des manifestations et des barrages en appelant à la grève générale et en espérant, jouissance ultime, bloquer le pays pour faire reculer le gouvernement. Car c’est dans les urnes que doivent se régler ce genre de désaccords. Pas dans la rue. Chaque fois que des manifestants veulent faire retirer un projet de loi par des démonstrations de force dans la rue, ils disent en fait qu’ils n’ont pas de respect pour leur système politique représentatif et insinuent que celui-ci ne représente pas la réelle volonté du peuple. Peut-être n’ont-ils pas entièrement tort, mais peut-être aussi n’ont-ils qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Et surtout, peut-être devraient-ils d’abord se demander si leur point de vue reflète réellement celui de la majorité des français qui ont élu ceux qui votent la loi polémique amenant à cette mobilisation. Il est bien connu que tout le monde voit midi à sa porte, et qu’il est facile de prétendre savoir ce que veut la majorité silencieuse dans la mesure où elle ne s’exprime pas pour vous contredire. J’en profite pour confirmer à nouveau ici que le statut de partenaires sociaux des syndicats, qu’ils soient de salariés ou patronaux, disparaît. Et d’autant plus que la nationalisation de la solidarité ne leur donne plus rien à gérer. Ils retournent donc dans les entreprises et les conseils prud’homaux s’occuper des problèmes liés au monde du travail. Ils n’ont pas de légitimité à contredire les lois votées par des députés élus chacun à la majorité du suffrage universel direct dans leur circonscription respective. D’ailleurs, il faut bien reconnaître que si nos gouvernements ont eu besoin de « partenaires sociaux » pour représenter le monde du travail, c’est bien parce qu’ils en sont tellement coupés qu’ils ne savent pas ce qui s’y passe ! Mais bref. Il va de soi que plus on vote de lois dans tous les sens, faute de savoir où on va, plus il y a de chance pour qu’il y en ait qui déplaisent à certaines parties de la société. C’est pourquoi il est important de nettoyer une bonne fois et pour longtemps tout ce qui est obsolète dans nos codes de lois et notre organisation sociale, afin de le remplacer par des principes plus sains et pérennes. Cet apaisement de la frénésie législative des dernières décennies permettra aussi à la société de trouver sa vitesse de croisière et de s’apaiser à son tour. Quand la tête est agitée, il ne faut pas s’étonner que le corps finisse par s’adonner à la danse de Saint Guy. Quidam : Cette réorganisation des élections territoriales et législatives que vous prônez ne bouleverse pas le principe essentiel de la séparation des pouvoirs mis en place dans notre Constitution. La représentation populaire à l’Assemblée Nationale et au Sénat recouvre le pouvoir législatif, nous avons déjà parlé du judiciaire, il reste à parler de l’exécutif au niveau étatique. Si toutefois vous avez quelque chose à en dire, ce qui n’est pas une obligation. Peut-être vous convient-il tel qu’il est organisé ? PG : Oh si, j’ai des choses à en dire, vous vous en doutez bien. Mais auparavant, votre remarque m’amène à commenter cette question de séparation des pouvoirs. Pour éviter les dérives autocratiques, la constitution de la 5ème République a prétendu maintenir le principe assez répandu, du moins dans les discours et les apparences, de séparation entre les trois pouvoirs de l’Etat que sont le législatif, le judiciaire et l’exécutif. Sur le papier, ça semble sympa. Les députés d’un côté pour faire les lois, les juges d’un autre pour les faire appliquer, et le gouvernement maniant le pouvoir exécutif, c'est-à-dire mettant en pratique les lois et exécutant, d’où sont nom de pouvoir « exécutif » qui ne dérive donc pas de pratiques de nettoyage social qui font les beaux jours des régimes totalitaires, les décisions de la justice. Mais si je regarde bien, l’application est, comme souvent, quelque peu différente de l’idée initiale. Le pouvoir législatif est détenu par le Parlement. Celui-ci provient des élections législatives, qui sont au suffrage universel, et des élections sénatoriales, qui sont au suffrage indirect donc non contrôlées par les citoyens. Mais le désengagement des français de la vie politique, fait, comme je l’ai déjà dit, que tout cela se résume à une bataille de partis. Et ce qui est vrai au niveau des députés l’est encore plus au niveau des sénateurs. Le parti majoritaire passera donc toutes les lois qu’il veut ou presque, dans la limite du raisonnable. Députés et sénateurs sont essentiellement inféodés à leurs partis, à l’exception des quelques trop rares députés indépendants. Le législatif est donc, à toute fin pratique, entre les mains des partis. Le pouvoir exécutif lui se répartit entre le Président et le Premier Ministre. Le Président est élu suite à sa campagne soutenue par un parti politique dont il est généralement le chef. Le Premier Ministre est ensuite nommé par le Président, mais il dépend en fait bien plus du soutien d’une majorité à l’Assemblée Nationale. Du coup, qui est Président ? Qui est Premier Ministre ? Et qui sont les membres de son gouvernement ? Les leaders de ces mêmes partis formant la majorité qui contrôlent les députés et donc le pouvoir législatif. Hors période de cohabitation, le Président est généralement le leader de la majorité, qui nomme son second comme Premier Ministre, celui-ci ne constituant qu’un super adjoint, voire un fusible parfois commode. Tandis qu’en période de cohabitation, le Président qui se retrouve généralement être le leader de la nouvelle minorité doit faire profil bas et céder le pas au Premier Ministre, leader de la nouvelle majorité, qui s’évertue alors à démontrer qu’il est digne d’être calife à la place du calife dès la prochaine échéance présidentielle. Bref, dans les deux cas, ça reste un jeu de chaise musicale entre les leaders et ténors des grands partis. Et en conclusion, le pouvoir exécutif est aussi aux mains des partis. Les juges, fer de lance du pouvoir judiciaire, sont certes jaloux de leur indépendance et bien leur en prend. Mais qui les nomme ? Qui nomme les procureurs généraux ? Qui nomme les membres du Conseil Constitutionnel ? Eh bien ce n’est pas le peuple. Ce sont des gens que l’ont retrouve soit du côté du pouvoir législatif, soit du côté du pouvoir exécutif. Donc des gens qui émanent des partis politiques. Alors même si les juges s’efforcent globalement de la maintenir une fois qu’ils sont nommés, l’indépendance de la justice reste indirectement tributaire du pouvoir des partis. Des trois pouvoirs, c’est certes le moins affecté par le régime des partis, mais il n’en est pas totalement affranchi pour autant. Et ce d’autant plus qu’il est toujours tributaire des seules lois votées par le pouvoir législatif et ne peut aller au-delà, même si celles-ci lui paraissent parfois iniques. Alors n’est-il pas très hypocrite de penser qu’il y a une réelle séparation des pouvoirs dans ce pays ? Ca me semble un leurre total. Tout au plus peut-on parler d’éclatement des responsabilités. Sur le papier, le principe semblait intéressant, mais la réalité du régime des partis en a fait un faux-semblant. Bref, une nouvelle et éclatante illustration de cette excellente citation dont l’auteur m’est inconnu stipulant que « si, en théorie, il n’y a pas de différence entre la théorie et la pratique, en pratique il y en a » ! Et c’est d’ailleurs pour ça, par recherche de légitimité de leurs actes, que les gouvernements successifs gouvernent non tant par des décrets et ordonnances pris dans le cadre des lois en place, lois qui auraient dû être débattues en profondeur et mûrement réfléchies pour être gages d’équilibre, d’équité et de pérennité, mais en en pondant sans cesse de nouvelles, toujours plus nombreuses et souvent à contresens les unes des autres. Faire et défaire, c’est parait-il toujours travailler. Sauf que c’est quand même avec l’existence des gens que ces messieurs font joujou. Et ce n’est pas du travail, c’est de l’agitation. Pour faire croire au bon peuple endormi qu’ils s’occupent activement de son avenir et de son bien-être. Mais à force de s’agiter, ces messieurs les politiciens, risquent de troubler le sommeil du bon peuple. Or ce réveil risque pourtant de lui faire reprendre conscience qu’il y a une différence fondamentale entre quantité et qualité, et que s’ils sont très forts pour le premier, ils manquent cruellement, en revanche, du second. Ils n’ont donc pas grand chose à gagner à provoquer un tel réveil, sinon la satisfaction de ceux qui, comme moi, attendent ce moment avec impatience. Quidam : Analysé sous cet angle, effectivement, ce principe d’indépendance des trois pouvoirs perd de sa superbe. PG : Aucun système ne garantit l’indépendance de quoi que ce soit, ni de qui que ce soit, dès lors que les citoyens s’en désintéressent. Et notre actuel régime des partis le démontre fort bien : les minorités agissantes imposent leur volonté à la majorité silencieuse. La seule indépendance possible en gouvernance ne peut donc provenir que de la dépendance envers une volonté populaire éclairée et mobilisée. 31 : Président vs Premier Ministre Quidam : Dont acte ! Mais en attendant ce réveil citoyen, dites-moi donc maintenant comment vous voyez la tête de l’exécutif d’Etat ? Que pensez-vous du système de la 5ème République, d’avoir à la fois un président et un premier ministre ? PG : Ce qu’il faut penser de cet exécutif à deux têtes, ce sont les périodes dites de cohabitation, où l’Assemblée Nationale et le Président sont de bords politiques opposés, qui nous le disent. Le Président est le chef de l’état, tandis que le Premier Ministre est le chef du gouvernement. Les anglais et les allemands ont également cette distinction, avec respectivement une reine et un président pour chefs d’état, et un premier ministre et un chancelier pour diriger le gouvernement. On voit bien dans leur fonctionnement, que leur chef d’état est une fonction honorifique avec très peu de pouvoir, voire pas du tout. Ils symbolisent l’unité de la nation, mais ne la dirigent pas. Au contraire, le Premier Ministre et le Chancelier, étant les chefs de gouvernement, dirigent effectivement leur pays. Les rôles sont clairement répartis, et il n’y a pas de confusion quant à qui est le patron de l’exécutif : ce n’est pas le chef de l’état mais bien le chef du gouvernement. On peut, du coup, épiloguer sur l’intérêt d’avoir un chef d’état symbolique, surtout lorsqu’il est aussi coûteux à entretenir que les fastes d’une royauté, mais c’est un débat qui appartient aux pays concernés. Celui qui doit nous concerner en France est de savoir si cette double tête se justifie. En théorie, le Président, en tant que chef de l’état, est garant de l’unité de la nation, président de tous les français comme aiment à le rappeler les différents tenants du poste, et censé se situer au-dessus des partis. Mais dans les faits, qui souvent diffèrent de la théorie, le Président est issu de ce système des partis et n’a donc pas de crédibilité à être au-dessus de celui-ci. Sans parler du fait que dans un pays très partagé comme le nôtre où la présidence se joue souvent à pas grand chose, il y a peu de légitimité à se prétendre président de tous les français alors qu’on a été élu avec 51% des voix. Et encore est-ce en pourcentage, même pas des suffrages exprimés, mais des suffrages non blancs, et en négligeant encore plus les abstentions. Toujours est-il que, dans les faits, lorsque le Président est en réalité le chef du parti majoritaire à l’Assemblée, il est le patron effectif du pays, puisqu’il nomme un lieutenant de son clan comme Premier Ministre et que celui-ci lui est donc inféodé. Mais les choses changent lorsque les élections législatives portent à l’Assemblée Nationale une majorité différente de la couleur politique dont est issu le Président. Ces périodes de cohabitation rappellent alors que la Constitution de la 5ème République prévoit que c’est le Premier Ministre, responsable devant l’Assemblée Nationale, qui est le vrai chef de l’exécutif. Sauf que le Président dispose de pouvoirs pas uniquement symboliques, comme celui de promulguer les lois et qui lui donne donc de facto un droit de veto susceptible de créer des blocages, sans parler du fait qu’il est aussi le chef de l’armée et qu’il est des cas où, comme l’a dit le Grand Timonier Mao, un connaisseur s’il en est : « le pouvoir est au bout du fusil ». Pour éviter ces situations, la Constitution a été modifiée pour aligner depuis 2002 la durée du mandat présidentiel sur celui des députés. A l’époque, ça a été déguisé comme un moyen d’éviter la fameuse usure du pouvoir en cas de réélection du tenant du poste, usure qui l’affecte bizarrement toujours plus lorsqu’il est du camp opposé à celui qui en parle. Alors puisque deux septennats, ça parait trop long, deux quinquennats, ça l’est moins. Imparable logique mathématique ! Il a été dit bien d’autres choses encore, notamment, argument qui tue, qu’un quinquennat, ce serait plus « moderne »… sans qu’il soit bien expliqué en quoi et pourquoi. C’est d’ailleurs ce qu’il y a de bien avec ce type d’argument : ils sont tellement normatifs et vaporeux qu’ils ne veulent rien dire et ne nécessitent du coup aucune explication. Bien au contraire, il faut surtout éviter de chercher à les expliquer de crainte d’en révéler toute la vacuité. Mais bref. En résulte en tout cas qu’il ne devrait plus y avoir de période de cohabitation, et que la Real Politik du système des partis a consacré le Président comme chef de l’exécutif, en contradiction avec la constitution du pays. Et voilà comment la réalité du terrain peut, là aussi, détourner les institutions. Quidam : Mais, en somme, est-ce un problème ? PG : Votre question est très pragmatique et vous avez raison : ça ne correspond pas à l’esprit initial de la Constitution, mais en quoi est-ce un problème ? Nicolas Sarkozy est beaucoup critiqué pour son hyper-présidence, qui tranche nettement avec le recul, pour ne pas dire l’immobilisme, qu’affichaient ses prédécesseurs, au point qu’on a parlé du Sphinx pour la présidence de François Mitterrand. Mais Nicolas Sarkozy fait simplement preuve de réalisme : c’est lui qui a été élu Président, et sur la base d’un programme politique qu’il a lui-même présenté et défendu devant les électeurs. C’est donc fort logiquement à lui de le mettre en œuvre et non d’en déléguer l’application à un premier ministre qui n’aurait d’autre fonction alors que de servir de fusible quand le peuple récrimine de trop. Ce faisant, il consacre la réalité selon laquelle il est le chef de la majorité au pouvoir et donc le chef effectif de l’exécutif, plutôt qu’une potiche censée prendre du recul pour prétendre être au-dessus des partis et qu’il faudrait alors élire sur la base d’une dissertation de philosophie plutôt que d’un programme politique. Bref, il assume son job et met fin à l’hypocrisie qui régnait jusqu’alors. Mais du coup, nous nous retrouvons avec un régime qui tient plus du régime présidentiel à l’américaine. Pourquoi pas ? C’est un système comme un autre. Il ne correspond pas à l’intention de la Constitution bien que le passage du septennat au quinquennat aligné sur l’Assemblée Nationale l’ait de facto consacré. En soi, ça ne me gêne pas plus que ça, puisque ce n’est qu’un prolongement logique du système des partis, qui lui, par contre, est très critiquable. Par contre, je regrette l’idée initiale du septennat : sept années pour offrir une vision à plus long terme que ne peut en offrir la durée d’une législature quinquennale. Quidam : Mais d’éliminer de facto le problème lié à une cohabitation n’est-il pas une avancée ? PG : Les périodes de cohabitation marquaient surtout le fait que les français ne savaient pas ce qu’ils voulaient et changeaient d’avis en peu de temps, mécontents qu’ils étaient des divers partis dont aucun ne semble pouvoir racheter l’autre. Difficile de les blâmer tant on a l’impression, à chaque élection depuis des décennies, de devoir choisir entre la peste et le choléra. D’où la montée régulière de l’abstention ou des extrémismes divers. Si nous voulons un exécutif aligné sur la législature, alors un président ne sert à rien. Un premier ministre à l’anglaise ou un chancelier à l’allemande ferait tout aussi bien l’affaire. Avons-nous besoin, nous français, du symbole inutile et coûteux d’un chef d’Etat symbolique ? Si oui, alors il n’était pas nécessaire de couper la tête à Louis XVI. Et si oui, alors un président issu du système des partis ne saurait faire un bon candidat à cette fonction à vocation fédératrice, relevant essentiellement du troisième niveau de besoin de la pyramide de Maslow. Si au contraire nous voulons un régime présidentiel à l’américaine, alors économisons le poste fusible de premier ministre. Quidam : Et vers quoi va votre préférence ? PG : Ni l’un ni l’autre... ou les deux. L’un et l’autre ont leurs avantages selon les périodes. En période calme, un régime parlementaire, donc avec premier ministre, est adéquat. En période troublée ou de mutation, un régime présidentiel, permettant un exécutif plus fort, est préférable. Mais uniquement s’il y a un candidat adéquat pour assumer la fonction. Alors je suis pour un système flexible, à géométrie variable, plus à même de s’adapter aux aléas de l’histoire en marche et qui, comme chacun sait, n’est pas un long fleuve tranquille. Si une personnalité exceptionnelle fait surface à un moment donné, pourquoi ne pas se donner les moyens de lui confier des moyens exceptionnels pour passer plus efficacement des périodes exceptionnelles ? Et lorsqu’il n’y en a pas qui se détache du lot, faute de candidat exceptionnel ou signe que les français n’en ressentent pas le besoin, alors restons-en à un régime parlementaire. Quidam : Je gage, après tout ce que vous avez dit sur les besoins de réformer en profondeur notre société dans un monde qui va à l’envers, que vous considérez cette période comme exceptionnelle. Mais concrètement, comment incorporer une telle flexibilité des institutions au sein de la Constitution ? Nécessairement, cela implique une modification de celle-ci, voire une nouvelle constitution et une 6ème République. PG : Qu’on le considère comme modification de la Constitution et gardions à la République son numéro, ou qu’on l’appelle Nouvelle Constitution et changions le numéro de notre régime, c’est de l’ordre du symbole. Mais ceux-ci ont leur importance pour certains. Il me semble que l’ampleur des modifications que j’ai suggérées depuis le début de notre conversation justifie plutôt une nouvelle constitution. Car ça incarnera mieux la rupture avec le passé pour instituer un nouveau présent préparant un avenir plus porteur. C’est le résultat qui compte, mais si le symbole peut y contribuer, ne le négligeons pas. Cette flexibilité de l’exécutif me semble assez simple à mettre en œuvre. Il faut définir dans la Constitution les pouvoirs d’un premier ministre et ceux d’un président. Ensuite, nous aurons l’un ou l’autre selon les résultats des élections. Il faut fixer le seuil d’élection du président non pas à la simple majorité, mais au deux tiers des suffrages exprimés. Et alors là, oui, on pourra considérer qu’il est apte à être le président de tous les français, et qu’il jouit d’une confiance permettant de lui confier des pouvoirs supérieurs à ceux d’un simple premier ministre. L’élection est à organiser en un maximum de trois tours. Les deux candidats arrivant en tête au premier tour se présentent au deuxième. Et vient ensuite le troisième tour, en forme de plébiscite du seul candidat arrivé en tête. S’il dépasse la barre des deux tiers des suffrages exprimés, il est élu président. Quidam : Mais si un candidat franchit le seuil des deux tiers des suffrages lors d’un tour précédent, bien sûr, il est élu sans attendre le troisième tour. PG : Non. Car il ne s’agit pas d’élire à tout prix mais de voir si un candidat exceptionnel émerge et bénéficie d’un consensus populaire suffisant pour le soutenir. Et seul le troisième tour, où il n’y a plus qu’un seul candidat, permet de savoir si le peuple veut effectivement confier à cette personne la responsabilité exceptionnelle de guider sa destinée. En 2002, Jacques Chirac a bénéficié d’un concours de circonstances qui lui a donné un score à faire pâlir d’envie un président africain, donc largement plus des deux-tiers des suffrages exprimés. Mais c’était clairement plus une marque d’opposition à son challenger qu’un soutien massif à sa personne. Et ce n’est pas pour autant que le peuple aurait nécessairement souhaité lui confier des pouvoirs étendus. Cela, seul le troisième tour peut le déterminer. Tout au plus peut-on se dire que si un candidat obtient une majorité absolue dès le premier tour, on peut passer directement au troisième. Je précise d’ailleurs que par suffrages exprimés, j’entends bien que soient enfin pris en compte les votes blancs, comme s’ils correspondaient à un candidat à part entière présent par défaut à chaque tour. Au troisième tour notamment, les votes blancs pour plus d’un tiers des suffrages exprimés indiquent que les français ne sont pas suffisamment décidés à confier leur sort à ce dernier candidat en lisse, et que personne n’est donc élu président. Mais lorsqu’il est élu, ce président ainsi légitimé par un score sans ambiguïté peut alors l’être pour sept ans, au lieu de seulement cinq, afin d’apporter une vision de plus long terme. En fin de mandat : nouvelle élection. S’il est réélu, alors ce n’est que pour une rallonge de trois ans, tandis que si un autre candidat est élu, il part pour un septennat normal. En introduisant cette durée variable selon que c’est un premier mandat ou une reconduction, nous nous prémunissons contre le problème évoqué du temps du septennat : deux de suite, soit quatorze ans, ça peut faire long. Surtout pour ceux qui ne sont pas d’accord avec le président en exercice. Alors si le candidat est bon, ce qu’il aura démontré ou pas au cours de son septennat, et que nous évacuons cette crainte de la trop grande longueur d’un deuxième septennat, pourquoi ne pas profiter encore un peu de ses compétences et le reconduire dans sa fonction ? Peut-être même plusieurs triennats de suite. Il n’y a pas de raison de limiter le nombre de renouvellement. Quand les gens n’en veulent plus, même faute de candidat alternatif, il suffit de lui faire échec au troisième tour. Ce président sera-t-il réellement au-dessus des partis ? Il n’y aucun moyen de le garantir. Seuls les électeurs, par leur engagement, peuvent forcer la fin du régime des partis. Tout ce que nous pouvons garantir par ce système, c’est qu’avec de tels seuils d’élection, lorsqu’un président sera élu, il aura une vraie légitimité à représenter tous les français et à diriger le pays. Et lorsqu’aucun candidat ne recueille une approbation suffisante des électeurs pour occuper le poste, alors il n’y a qu’un premier ministre, élu par l’Assemblée Nationale et responsable devant elle de l’action de son gouvernement. Ce peut d’ailleurs être un candidat malheureux à l’élection présidentielle. Rien ne s’oppose à être plébiscité comme Président le temps d’un septennat, mais seulement sollicité comme Premier Ministre ensuite. Ou inversement. Tout est possible. Quidam : En l’absence de président, je suppose que ce serait alors un régime parlementaire classique, tel que nous le connaissons en Angleterre ou l’avons connu en période de cohabitation. PG : Effectivement, rien de très innovant concernant le fonctionnement du régime parlementaire lorsqu’il est en vigueur. Simplement, puisqu’il n’y a pas de chef d’état pour nommer le premier ministre, ce qui veut dire en fait en proposer un à l’agrément de l’Assemblée, il faut prévoir que celle-ci en élise un par elle-même. Ce sera vraisemblablement le chef du parti majoritaire, mais pas forcément. On peut imaginer que des partis minoritaires s’allient pour promouvoir un autre candidat, voire que l’Assemblée se mette d’accord sur un candidat qui lui soit externe. Là encore, souplesse et adaptabilité sont à prévoir dans la Constitution. Quidam : En fait, cela revient à appeler Président le chef de l’exécutif lorsqu’il est élu au suffrage universel direct par le peuple, mais Premier Ministre lorsque c’est au suffrage indirect par les seuls députés. PG : C’est à peu près ça bien que, compte tenu de la plus grande légitimité du suffrage universel direct, surtout lorsqu’il requiert les deux tiers des votants, les prérogatives d’un président puissent être plus étendues que celles d’un premier ministre. Et puis un régime présidentiel offre plus de stabilité, parce que l’Assemblée y réfléchira à deux fois avant de s’opposer à un président plébiscité par les deux tiers du peuple. Un régime parlementaire n’est jamais à l’abri de se retrouver dans une impasse qui le rende impropre à gouverner le pays, comme on l’a vu avec l’instabilité gouvernementale de la 4ème République, comme ce fut aussi longtemps le cas en Italie, et comme c’est actuellement le cas en Belgique. De ce fait, il est tout à fait légitime de prévoir dans la Constitution que l’incapacité d’une Assemblée à mettre en place un gouvernement stable, ce qu’on pourra définir par deux gouvernements successifs de moins d’un an chacun, entraîne automatiquement une nouvelle consultation populaire, d’abord pour peut-être élire cette fois un président, et à défaut pour renvoyer les députés devant leurs électeurs. A noter aussi que puisque ce régime marque l’absence de président, il faut prévoir qu’une nouvelle élection présidentielle ait lieu un peu avant la fin de la législature en place, afin qu’on sache pour le scrutin législatif qui suit, quels sont les enjeux réels. Ceux-ci peuvent effectivement varier selon qu’un président aura été élu ou pas. Bien entendu, vu que les rythmes des mandats présidentiel et législatif diffèrent, s’il y a déjà eu une élection présidentielle infructueuse l’année d’avant, inutile d’en refaire une juste avant l’élection législative. Mais si c’était au moins deux ans auparavant, on recommence. Ca fera un peu plus de scrutins de niveau national qu’actuellement, mais en compensation, il y en aura moins au niveau territorial. Quidam : Alors globalement, les gens ne passeront donc pas plus souvent par les isoloirs ? PG : Sauf instabilité durable du régime parlementaire reflétant surtout le fait que les électeurs ne parviennent pas se mettre d’accord sur ce qu’ils veulent et que le pays est donc en crise au niveau de son aspiration commune, non. Et au moins y passeront-ils à chaque fois pour des scrutins à enjeu clairement perceptibles par tout un chacun. Mais permettez-moi une parenthèse concernant ces hautes fonctions de l’exécutif d’Etat. Il est une hypocrisie que je ne peux passer sous silence, et qui a trait à la rémunération de ces responsabilités clés du pays. La rémunération du Premier Ministre est de l’ordre de 19’000 Euros mensuels. En 2007, la rémunération du Président de la République a été quasiment triplée par alignement sur ce niveau, car, sous prétexte d’être avant tout un gardien de l’unité de la nation et non le chef de l’exécutif, il était en fait bien plus mal payé que son pseudo adjoint, qui du coup faisait encore plus luxe. Et voilà qu’aussitôt ont commencé les traditionnelles critiques du genre « quand on pense que c’est plus de quinze fois le SMIC » etc., etc. Mais c’est à pleurer ! Nos chers concitoyens ont un sérieux problème avec l’argent. Par contre, 450 euros de frais de bouche quotidien, fusse pour le couple présidentiel, ça oui ça me choque. Tout comme acheminer sa progéniture à l’école en hélicoptère au frais de l’Etat… Quidam : Quand vous dites « concitoyens », dans ce contexte, c’est en un mot ou en deux ? PG : Que vous êtes taquin ! Laissons planer le doute et revenons à ces rémunérations. Si nous voulons des candidats de valeurs, il faut bien s’autoriser à les rémunérer en conséquence. Est-il acceptable que la rémunération de la personne la plus importante pour la bonne marche du pays soit misérable à côté de celle des grands patrons d’industrie que parfois même il nomme ? Ou bien inférieure à celle de hauts fonctionnaires de l’agriculture ou de la santé, ce qui invitera d’ailleurs à devoir se pencher un jour sur la cohérence des grilles de salaires de la fonction publique pour s’assurer que les diverses responsabilités bénéficient d’une juste rémunération ? Certains considèrent que ce peut être un test de vocation, pour valider le fait qu’on vient exercer le pouvoir afin de servir le pays et non par attrait du salaire. Pour ma part, je considère que ça incite certaines personnes de valeur à se tourner vers le privé, pour mieux gagner leur vie sans même se faire tirer dessus à boulets rouges à longueur de journée, et que ça résulte donc en une perte de compétences au détriment de tous. Et pour ceux qui acceptent de s’offrir à ce service, ça ouvre une plus forte tentation de profiter de leur fonction pour jouir d’un standing parfois un peu exagéré. Le même raisonnement s’applique d’ailleurs aussi bien au Président qu’au Premier Ministre, ou aux ministres et secrétaires d’Etat. Quel mal y a-t-il à rémunérer les compétences ? N’est-il pas plus judicieux de s’assurer qu’elles soient là et qu’elles gèrent bien le pays, plutôt que d’en rogner le salaire ? La rémunération doit être plus attractive et plus en rapport avec les responsabilités qui sont les leurs. Nous pourrons alors plus légitimement les fustiger lorsqu’ils abusent de leur fonction pour s’octroyer des avantages matériels divers, que ce soit des appartements de fonction trop luxueux, des festins aux frais de la République avec des bouteilles de vin hors de prix, emportant parfois même la cave du ministère lorsqu’ils perdent leur fauteuil, etc. Alors donnons-leur des salaires plus dignes de ce que nous attendons d’eux et nous pourrons réduire les dépenses somptuaires personnelles. Voilà d’ailleurs aussi un moyen primordial pour combattre l’usure du pouvoir : ne pas s’enfermer dans une tour d’ivoire tous frais payés, loin des réalités de la vie quotidienne de tout un chacun. Pour le Président par exemple, 100 fois le montant de l’allocation d’active me parait adéquat. Pour le Premier Ministre, donc lorsqu’il n’y a pas de Président, 90 fois. Pour les ministres 60 fois, et 50 fois pour les secrétaires d’Etat, même si la distinction entre les deux tient plus de la reconnaissance politique qu’à de réelles différences de responsabilités. L’intérêt d’indexer ces salaires sur l’allocation d’active est qu’ils évoluent en plus ou en moins en fonction de celle-ci. Si un dirigeant, Président ou Premier Ministre, décide d’en augmenter le montant, certes il en bénéficie, mais tout le monde aussi. Si au contraire il estime nécessaire de resserrer un peu la solidarité sociale, il participe aussi automatiquement à l’effort. Et même 90 ou 100 fois plus que les citoyens. Bien évidemment, je parle ici de salaires bruts, donc soumis comme tout le monde à la contribution unique, afin qu’ils ne soient pas hors du système s’appliquant à tous. Ce qui fait, par exemple, que le Président ne touche en fait en net que 50 fois le montant de l’allocation d’active, soit seulement 23’000€ nets sur la base de notre exemple, plus bien sûr son allocation d’active, comme tout un chacun. Et le même principe doit se prolonger pour les députés et les élus territoriaux, en prenant en compte pour ces derniers, la population qu’ils gèrent, ce qui implique un développement plus complexe que je nous épargnerai ici. Quidam : Par contre, ça, c’est pendant qu’ils sont en exercice. Quid de l’après ? On voit souvent circuler sur Internet des messages stigmatisant les votes des parlementaires concernant leurs régimes spéciaux, les accusant de se favoriser. Et les ministres ne sont pas épargnés par ce genre de polémique. PG : Oui, c’est un peu dans la même logique d’ailleurs que d’attendre d’eux qu’ils se contentent de salaires tellement en décalage avec la réalité du monde des entreprises. Pourquoi pas du bénévolat tant qu’on y est ! Il ne faudrait pas s’étonner alors si ne se présentaient que des gens fort riches, n’ayant pas besoin de ce salaire pour vivre, mais qui soient alors très en décalage avec les aspirations du commun des citoyens. Ou des magouilleurs prompts à user de leur pouvoir pour leur profit personnel… Alors en matière de retraite ou de chômage, peut-on les mettre au même régime que tout le monde ? Je répondrai, dans l’absolu, pourquoi pas ? Si nous avons envie de voir la moitié d’une assemblée corrompue par l’offre de pensions dorées de la part d’un lobby puissant désireux de voir passer une loi en sa faveur, c’est effectivement une option possible. Mais si on veut s’en prémunir, il faut accepter de déroger aux principes applicables aux citoyens, et reconnaître que manier le pouvoir de l’Etat est particulier. Et notamment, puisque leurs décisions nous engagent et nos impactent tous, qu’il est de l’intérêt collectif d’accepter de préserver nos élus et ministres de ce genre de tentations. Quidam : Enfin, quand même, quand on voit que les députés se sont votés en toute discrétion un régime spécial d’indemnité chômage qui leur maintient leurs près de 7’000€ bruts mensuels pendant 5 ans, c'est-à-dire le temps d’une législature, et qu’ils perçoivent ensuite encore 20% de ce montant jusqu’à leur retraite, et le tout sans aucune obligation ni de recherche d’emploi ni de rien du tout, contrairement à tout ce qui est imposé au citoyen normal, il y a de quoi trouver ça abusif ! Et leurs régimes retraite ne sont pas forcément moins critiquables. PG : Je vous l’accorde. Si le principe est défendable, et je le défends, son application est ici assez abusive et mérite d’être revue et corrigée. Quidam : Alors à quoi pensez-vous pour satisfaire au principe sans en abuser ? PG : De même que la garantie de l’emploi se justifie pour les fonctionnaires qui manient un pouvoir régalien de l’Etat, de même, pour éviter les conflits d’intérêts et la corruption, il faut appliquer cette même garantie de l’emploi à ceux qui sont la source de ce pouvoir régalien. Cela exclut les élus des premiers niveaux de territorialités comme les conseillers municipaux par exemple. Surtout si le pouvoir municipal est réduit, filtré par la responsabilité personnelle du directeur général communal, et supervisé par l’administration d’Etat sur les domaines les plus sensibles ainsi que nous en avons discuté. Seuls les élus nationaux et ceux des plus hauts niveaux de territorialités sont concernés ici. Concrètement, cela veut dire garantir aux ex-élus concernés, non pas une prestation chômage ou une pension de retraite anticipée, mais un reclassement au sein d’administrations nationales ou territoriales, d’organismes parapublics ou d’entreprises publiques, avec une garantie de rémunération d’au moins la moitié de leur précédent traitement, si la rémunération associée aux nouvelles fonctions assumées ne justifie pas mieux. Un ministre a forcément des compétences et une expérience utile pour le pays, par exemple au sein d’un corps de chargés de mission au service de l’Etat, voire des régions, pour les questions les plus diverses. Tout comme les anciens présidents de la République sont actuellement automatiquement membres du Conseil Constitutionnel. Quant à un député de l’Assemblée Nationale ou du Parlement Européen, ou encore un sénateur, ils ont forcément des compétences spécifiques et une expérience politique et des problématiques publiques qui sont également valorisables au service de la collectivité. De même pour un président de Conseil Régional. Mais bien évidemment, libre à eux de briguer le moment venu un autre mandat électif, en conservant alors ce demi-salaire comme minimum de leur nouveau traitement et non comme supplément cumulable, ou de choisir de valoriser leurs compétences dans le privé, perdant alors définitivement le bénéfice de cette situation, sauf à se faire réélire pour rerentrer dans ces dispositions par le bais d’un nouveau mandat. Je crois que ce qui choque beaucoup de gens dans ces histoires de régimes parlementaires de chômage et de retraite, c’est qu’ils en bénéficient sans contrepartie d’obligation quelconque et même les cumulent s’ils font autre chose. Ici, ce ne sera plus le cas. Quidam : En tout cas, c’est une solution élégante. Ils demeurent payés, mais pas à rien faire : ils continuent de servir la société. C’est un peu leurs travaux d’intérêt général à eux en somme. Par contre, si vous en avez terminé avec cette parenthèse, j’aimerais que vous me précisiez maintenant un point qui mérite d’être approfondi : qu’entendez-vous par pouvoirs exceptionnels de ce président ? Ou prérogatives plus étendues ? PG : Donc ce président. Pour moi, compte tenu des conditions d’élections, ne peut parvenir à ce poste que quelqu’un qui est nécessairement reconnu par la population comme étant une autorité morale et donc un guide de son pays. Et quand je dis guide, je ne parle pas d’un titre ronflant dont les Guide de la Révolution, Gran Conducador, Grand Timonier et autre Petit Père des Peuples ont trahi la sémantique en étant les bourreaux de leurs administrés plutôt que leur bienfaiteur. Je parle bien de sagesse appliquée et concrète. En fait, j’assimile volontiers ce cas à la monarchie éclairée prônée par Voltaire, et je lui accorde des pouvoirs, non pas quasi régaliens, mais certainement plus étendus qu’un simple premier ministre. Notamment, lorsqu’il l’estime nécessaire, il doit pouvoir légiférer de façon plus efficace que selon la procédure parlementaire habituelle. Le projet de loi est présenté au Parlement, députés et sénateurs font part de leurs remarques, critiques et propositions de modifications, puis le texte, éventuellement rectifié, est représenté pour un vote oui ou non sans amendements par chaque chambre du Parlement. Quidam : Une sorte de généralisation du 49-3 en fait. PG : En quelque sorte, à ceci près qu’ici un rejet par le Parlement ne fait tomber ni le Président ni les ministres de son gouvernement. C’est plus proche de la procédure d’urgence en fait, pour permettre de passer des lois en une semaine si besoin. Ce n’est donc rien de révolutionnaire, et relève davantage d’une simple normalisation de ce qui est actuellement considéré comme une procédure exceptionnelle. Avec cette possibilité de rejeter une loi par un vote négatif dans chacune des deux assemblées, le Parlement dispose dans les faits d’un droit de veto sur l’action du Président. Si une chambre vote oui et l’autre non, celui-ci est libre de retirer sa loi ou de les convoquer en assemblée plénière pour statuer à la majorité sur ce texte. De même, il doit avoir la possibilité de faire valider une loi par référendum s’il persévère dans son intention malgré un veto du Parlement. Il y a fort à parier que si le peuple donne raison au Président et désavoue son parlement, celui-ci sera dissout, mais ce n’est pas une obligation. Là encore, cette possibilité de référendum n’a rien de révolutionnaire par rapport à la Constitution existante, même si sa pratique n’a guère été édifiante au cours de la 5ème République comme en a attesté encore dernièrement le rejet de la Constitution Européenne que le Gouvernement a néanmoins fait adopter ensuite par la Parlement au mépris du verdict populaire. Il me semble que c’est là un cas d’infraction caractérisée, sinon à la lettre du moins à l’esprit de la Constitution de la 5ème République, et dont le Conseil Constitutionnel aurait du se saisir. Mais c’est surtout une énième démonstration du décalage entre les aspirations du peuple et les actions de ses gouvernements successifs… Par contre, ce qui tranche clairement avec la pratique actuelle mais est pleinement cohérent avec ce que je vous ai exprimé concernant l’illusion de séparation des pouvoirs en vigueur dans notre société, je lui accorde aussi le droit de rendre la justice lorsqu’il l’estime utile, que ce soit directement ou en opposition à la décision d’un tribunal. Ce dernier cas pourra être relativement fréquent au début, si un président est élu pour conduire la mutation de notre société, le temps que la jurisprudence basée sur les nouvelles lois et les nouvelles procédures s’ancre dans le fonctionnement de l’institution judiciaire. Bien entendu, une telle décision est soumise à validation par les chambres du Parlement selon les mêmes modalités qu’une loi, le Sénat et l’Assemblée Nationale servant alors de jury populaire pour valider ou pas ces décisions judiciaires. Il n’y a donc pas l’institutionnalisation d’un pouvoir autocratique et dictatorial. Juste d’une efficience supérieure permise par le consensus en la guidance d’une personne particulière, et la possibilité d’étendre cette guidance au domaine judiciaire qui est primordial dans la pédagogie sociale. Quidam : Le Président bénéficie déjà du droit de grâce. PG : Rendre la justice peut signifier gracier, mais aussi condamner ! C’est donc bien plus étendu qu’un simple droit de grâce. Bien évidemment, rien n’oblige le Président à user de ces pouvoirs. C’est à son appréciation, même si, hors circonstances exceptionnelles, on peut s’attendre à ce que ce soit relativement peu fréquent. Conduire l’évolution de la société demande plus de communication et d’explications que de décisions autoritaires. Comme je vous le disais, celles-ci peuvent être nécessaires, surtout au début, pour enclencher efficacement le mouvement de mutation sociétale dans le bon sens. Mais seul ce qui est compris, accepté et intégré par chacun sera durable. La pédagogie demeurera donc toujours l’arme essentielle d’un bon guide. Quidam : Et comment fonctionne le gouvernement sous ce régime présidentiel ? PG : Le Président, chef de l’Etat et du gouvernement, est pleinement responsable de ses ministres, de leur nomination, destitution, et des délégations qu’il leur accorde. Ceux-ci sont ses auxiliaires exécutifs. Bien évidemment, il doit pouvoir s’adresser directement en personne aux deux chambres du Parlement. Ca parait logique en l’absence de Premier Ministre. Mais c’est surtout rompre avec cette disposition assez incroyable de notre Constitution actuelle qui veut que le Président élu n’ait pas le droit de s’adresser en direct à l’Assemblée également élue. En gros, le peuple élit des représentants et un dirigeant, leur délègue un pouvoir, mais sans qu’ils aient le droit de se parler face à face pour accorder leurs violons. C’est assez hallucinant. Enfin, il faut également prévoir une possibilité de destitution du Président par le Parlement. Cela peut prendre la forme de la soumission à l’Assemblée Nationale d’une motion de censure, au plus une fois par an et sur la demande d’au moins un tiers des députés, avec un seuil d’adoption fixé au deux tiers des sièges. Si la motion est adoptée par les députés, elle doit ensuite être validée par les deux tiers du Sénat, avec convocation automatique d’une Assemblée Plénière, toujours soumise au seuil de deux tiers des sièges, en cas de désaccord entre les chambres. Donc pouvoirs exceptionnels, mais sous contrôle. Le but est de donner de l’efficacité d’action dans des situations qui en demandent, ce dont le système parlementaire classique manque cruellement. Quidam : Vous avez confirmé tout à l’heure que vous considériez qu’un tel programme de mutation profonde de la société constituerait une période exceptionnelle. J’en conclus que vous appelez de vos vœux une personnalité exceptionnelle apte à tenir ce rôle de super-président, ou de président-guide, pour guider et conduire la réforme globale. Il est des cas où la nation peut effectivement être tentée de se tourner vers une figure salvatrice, un peu comme elle s’est tournée vers de Gaulle en son temps. PG : Et nous avons pu constater que lorsqu’elle ne s’est plus trouvée en accord avec lui, elle a su le forcer à quitter le pouvoir. Encore une fois, quel que soit le système, même une dictature sanglante, le pouvoir appartient toujours aux citoyens. Gandhi a démontré la force de l’action non-violente et déterminée. Aucun despote ne peut passer outre une société qui, collectivement, se lève, arrête d’obéir, arrête de travailler, arrête de payer ses impôts. La clé de la démocratie demeure l’engagement des citoyens. Mais encore faut-il, comme nous le constatons dans divers pays du monde, que ceux-ci en aient conscience, et aient le courage d’affirmer leurs aspirations malgré la répression. Quidam : Vous êtes un peu pour l’action sociale quand même, alors. PG : Lorsqu’il n’y a pas d’autres moyens. Mais en France, il y a d’autres moyens. Le problème dans notre pays, ce n’est pas tant le risque de dictature, même s’il n’est jamais exclu et que le citoyen doit demeurer attentif. Le problème, c’est de porter au pouvoir des dirigeants en phase avec la population. On s’aperçoit que ce qui mine la société française, c’est surtout la rupture entre le peuple et sa classe politique. On parle d’usure du pouvoir. Mais cette usure, ce n’est que ça : perdre pied d’avec la vraie vie des vrais gens. Cela se constate surtout chez les politiciens professionnels, qui jonglent entre plusieurs mandats électifs et n’ont plus connu depuis longtemps ni la réalité du travail et de l’entreprise qui fait vivre l’économie, ni la réalité de la misère qui touche encore trop de gens dans notre pays pourtant considéré comme riche, ni simplement les soucis de la vie quotidienne des citoyens. En fait, ils sont déjà usés avant même d’accéder au pouvoir. Interdire le cumul des mandats pour qu’un élu, autre que municipal, se consacre entièrement à sa responsabilité, c’est bien pour qu’il ait le temps d’être aussi présent sur le terrain, à rencontrer les gens et recevoir leurs doléances. Au début, l’élu issu de la vraie vie est fortement imprégné de tout ça et peut savoir par lui-même quels sont les vrais problèmes et les aspirations profondes de ses concitoyens. Mais au fur et à mesure des années passées loin de ces réalités, il est courant qu’il finisse par en perdre la notion. Certains sauront l’entretenir par la présence sur le terrain, d’autres, par manque de capacité d’empathie, deviendront inapte à leur mandat, et il reviendra à leurs électeurs de les remplacer. Evidemment, l’idéal serait de pouvoir cumuler mandat électif et travail à temps partiel dans la société. Mais la réalité des faits rend cela délicat. Non seulement parce qu’une responsabilité d’élu peut être très prenante, laissant peu de place pour assumer en plus un travail même à temps partiel, ensuite parce que se poseraient inévitablement les problèmes de conflits d’intérêt, avec des postes plus honorifiques qu’opérationnels que proposeraient de grandes entreprises à des élus pour précisément mieux faire valoir leurs intérêts spécifiques qui ne vont pas forcément toujours dans le même sens que ceux de la collectivité. C’est donc inconciliable et il faudra s’en remettre à la qualité humaine des élus ainsi qu’au turnover de ceux-ci, donc au discernement des électeurs, pour s’assurer qu’ils gardent les pieds sur terre. Je ne suis pas favorable à imposer de limite de renouvellement de mandat, car l’expérience montre que certains subissent très rapidement l’usure du pouvoir, tandis que d’autres quasiment jamais. Pourquoi alors se priver de leurs compétences par dogmatisme ? Ce risque d’usure du pouvoir est d’autant plus présent que les responsabilités sont élevées. Pour le Président, un septennat lui permet d’avoir un horizon de vision, et donc une action à plus long terme que le simple quinquennat des députés dont dépend l’action d’un premier ministre. Mais inévitablement, ça a tendance à l’éloigner des réalités du terrain, de la vraie vie des vrais gens dans la vraie société, ainsi que j’aime à le formuler. Si au terme de ce premier mandat, les électeurs ont le sentiment que leur Président est toujours très en phase avec leurs aspirations, alors nous pouvons remettre le couvert sans crainte, car nous savons que ce n’est que pour trois ans, et non de nouveau pour sept. Il y a donc peu de risque que l’usure du pouvoir advienne d’un coup pendant ce triennat, au terme duquel les électeurs seront amenés à se prononcer à nouveau pour trois de plus ou pas. En matière d’exercice du pouvoir comme ailleurs, il faut permettre de la fluidité et éviter la rigidité. 32 : devise et hymne national Quidam : En tout cas, cette façon de permettre ponctuellement l’émergence d’une personnalité remarquable pouvant servir de guide incontestable en période de crise des valeurs de notre société est intéressante. PG : Justement, ces valeurs que notre société affiche haut et fort et que l’on nous martèle depuis notre plus jeune âge : si elles sont à ce point en crise, n’est-ce pas simplement parce qu’il serait approprié de penser à les dépoussiérer ? Quidam : Vous posez la question, mais à l’évidence vous pensez que oui. PG : Zut, je suis démasqué ! J’avoue, effectivement, je pense qu’il faut les changer. Le « liberté, égalité, fraternité », qui conditionne notre conscience collective, est-elle une devise appropriée ? Examinons-là de plus près. Liberté. On l’entend mise en avant à tout bout de champ cette liberté, prétexte à faire tout et n’importe quoi. En confrontation frontale d’ailleurs avec cette notion de sécurité au nom de laquelle la liberté est de plus en plus mise à mal. Mais quelle liberté ? Liberté de penser ? Oui. Liberté d’expression ? Oui. Liberté d’insulter mon voisin ? Non. Liberté de lui nuire ? Non plus. De le tuer ? Encore moins. « Ma liberté s’arrête où commence celle des autres » nous rappelle la maxime. Alors si ma liberté a une limite, c’est qu’elle n’est pas absolue. Dès lors, c’est qu’elle n’est que relative. Donc, en fait, qu’elle n’est pas vraiment. Alors est-ce bien de liberté dont on parle ? Ou de respect ? Respect de ma liberté de penser. Respect de ma liberté de parole. Mais respect de mon voisin. Respect d’autrui. Respect de leur liberté de penser, de parler, sans m’insulter par respect pour moi. La liberté encourage l’esprit d’irréductible gaulois frondeur et rebelle, cherchant sa propre satisfaction sans faire d’effort sur lui-même. Le respect encourage la satisfaction des besoins de tous, y compris les siens, favorisant l’accomplissement de tous, y compris le sien. Alors cessons de nous abrutir avec ce mot inadéquat. Que la liberté fasse place au respect. Afin que nul ne soit plus « plus libre » qu’un autre. Egalité. Voilà un autre mot qui nous est servi à tout bout de champ. Mais égalité de quoi ? Des sprinters noirs et blancs au départ de la finale du 100 mètres ? Des intellectuels et des manuels face à un problème de maths ou au maniement d’une clé à molette ? De la dame élancée qui fait tourner les têtes sur son passage et celle à qui profite de trop la moindre bouchée ? De celui qui hérite de trois appartements plus un chalet au ski et celui qui n’a même pas de logement ? Quelle égalité ? C’est n’importe quoi ce concept. Même deux jumeaux monozygotes ne sont pas égaux entre eux. Si nous étions tous égaux, nous voudrions tous le même travail, au même endroit, avec le même conjoint, les mêmes vêtements. Le monde serait invivable et d’ailleurs n’existerait même pas. Alors cessons de nous mentir avec ce fumeux concept d’égalité. Equité serait infiniment plus juste. C’est l’égalité de traitement... de nos différences. Chacun avec ses spécificités propres qui en font un individu unique à la vie unique, soumis à une règle unique pour tous plutôt que trente-six dispositions différentes pour trente-six cas différents. Une règle, une loi, pour assembler toutes nos différences en une société harmonieuse. Voilà l’équité. Mais au fond, n’est-ce pas simplement encore qu’une question de respect ? Respect de nos différences, autant que de notre droit à nous accomplir chacun à notre façon et à notre rythme. Alors liquidons enfin l’héritage trompeur de ce mot égalité. Que l’égalité fasse place au respect. Afin que nul ne soit plus « plus égal » qu’un autre. Fraternité. C’est beau la fraternité. Cet amour que l’on porte à autrui et qui nous pousse à l’aider dans la difficulté mais sans s’imposer, lui laissant le choix des impasses qu’il souhaite explorer, des épreuves qu’il veut affronter, afin qu’il grandisse, s’accomplisse, en Humain. En Frère Humain. Mais au fond, n’est-ce pas là encore qu’une question de respect ? Respect de notre nature profonde la plus absolue en autorisant l’amour universel à conduire notre vie autant que nos rapports avec notre prochain. Respect du parcours de vie de celui-ci, en l’aidant lorsqu’il en a besoin, mais sans lui imposer nos propres conceptions, sans le dévier de sa route unique et personnelle. Respect de l’autre, tout simplement. Valeur si perfectible chez nous tous. Alors, bien que la fraternité soit une valeur louable, là aussi, dépassons-là et concentrons-nous sur le respect. Afin que nous soyons tous plus frère, et sœur, les uns pour les autres. La valeur supérieure de l’Etre est la Joie. Mais la valeur supérieure du rapport avec l’extérieur de son Etre, donc avec autrui et avec la société, est l’Amour. Toutefois, comme on ne peut forcer ni à être joyeux ni à aimer, seulement y inciter, il faut se contenter d’imposer le respect entre les membres de notre société. Dès lors, notre devise nationale « liberté, égalité, fraternité » n’est pas adaptée à notre société. Et nous pouvons la remplacer en bloc par la seule valeur fondamentale de « Respect ». Quidam : Vous faites du trois-en-un : la trinité mise à la sauce républicaine. PG : C’est que c’est une valeur très forte et profondément fédératrice. Elle est d’ailleurs revendiquée par tout un chacun, à commencer par ces jeunes de banlieues qui pourtant, à force de réclamer des droits en refusant tout devoir, ne font pas forcément ce qu’il faut pour être respectables. Il est à noter à ce sujet que, au moment de la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen voici plus de deux siècles, a été débattue la question de savoir s’il fallait aussi en mentionner les devoirs. Et a été décidé que non, sous prétexte que le fait de respecter les droits d’autrui imposait naturellement des devoirs sans qu’il soit nécessaire de l’écrire spécifiquement. Quel raccourci facile ! Quelle ânerie ! Et on voit bien aujourd’hui qu’un tel raisonnement conduit tout un chacun à être très prolixe concernant ses droits mais beaucoup moins disert concernant ses devoirs. Or il n’y a pas l’un sans l’autre dans une organisation collective, et il serait grand temps de réhabiliter cette notion de devoirs envers autrui et la société, sans quoi cette dernière ne peut simplement pas exister. Mais je ne veux pas inclure dans la devise nationale une notion imprécise en soi et qui nécessite d’être détaillée dans les Lois Fondamentales pour conserver toute sa valeur. Pour autant, bien que le respect se suffise à lui-même, je suis néanmoins tenté d’y rajouter une autre valeur fondamentale. L’évolution vers l’harmonie collective passe obligatoirement par l’évolution des consciences. Et celle-ci se nourrit d’une chose essentielle et trop peu mise en avant dans notre société actuelle : la vérité. Afin que nul ne soit plus manipulé par autrui, ni ne manipule autrui. Pourquoi ? Par respect d’autrui. Alors la vérité est certes simplement le respect de ce qui est ainsi que de celui à qui on s’adresse, mais en politique, pour bâtir une société, c’est un aspect spécifique du respect qu’il convient de remettre en avant. Surtout par les temps qui courent où elle est si ouvertement mise à mal. Il ne peut y avoir de réelle conscience sociale ou politique, dans un monde de manigances obscures, de magouilles discrètes, de désinformation et autres manipulations de masse. On parle de nécessité de transparence de la part du gouvernement, mais c’est un peu timide. Il faut oser parler de nécessité de vérité ! Il faut oser dire les choses aux citoyens et expliquer les enjeux réels. Comment sinon les amener à comprendre et penser, et donc grandir en conscience jusqu’à atteindre collectivement la maturité nécessaire pour une réelle et satisfaisante démocratie ? Alors j’aspire à voir muter notre devise nationale. Que passe le temps de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, dont seul le premier est véritablement revendiqué par les uns et les autres pour justement échapper aux deux suivants, et que vienne l’ère de « Respect et Vérité ». Afin que cette nouvelle devise serve ainsi davantage notre construction intérieure, autant qu’extérieure. Quidam : Voilà qui est une remise en cause assez profonde d’un symbole fort de notre République. PG : Notre devise nationale actuelle n’est pas un symbole si fort que ça parce qu’il s’appuie sur des notions vaporeuses, galvaudées, détournées, et au final perverties. Et puis, souvenez-vous de ce que je vous ai dit au tout début de notre conversation : liberté contre fraternité institutionnalise le clivage droite-gauche dans lequel le débat politique, et par répercussion la société, se sont enlisés. Il est furieusement urgent de s’en extraire. Respect et Vérité, ça c’est fort. Fort parce que clair et non négociable. Et parce que c’est non négociable, son application n’est pas sujette à compromis. Respect de la vie : préserver notre cadre de vie, cesser d’empoisonner notre air, notre eau et notre alimentation, c’est non négociable. Respect d’autrui et de ses biens : le maintien de l’ordre au service de la justice est également non négociable. Respect de la liberté d’opinion : la tolérance, l’ouverture et la laïcité ne sont pas davantage négociables. Quant à la Vérité : cesser de mentir et de désinformer la population est un impératif encore moins négociable que tout le reste. Quidam : Oui, j’avais bien compris que vous étiez ferme sur tous ces sujets. Mais si vous n’aimez pas la devise de notre République, notre drapeau tricolore vous convient au moins ? PG : Eh bien, pour répondre franchement à votre remarque provocatrice, je dois avouer que je suis relativement neutre à ce sujet. Il a le mérite d’être simple, mais il ne me fait guère vibrer. Il manque lui aussi de force à mon goût. La feuille d’érable canadienne fait plus facilement un pincement au cœur. Elle n’a pourtant été adoptée qu’en 1965, grande année s’il en est, presque un siècle après l’indépendance du Canada en 1867. Preuve qu’un changement de drapeau est non seulement toujours possible mais peut même être très porteur vu la notoriété acquise par celui-ci. Le drapeau japonais, est encore plus simple, mais également très fort. Dès qu’on voit un rond rouge sur fond blanc, on pense Japon. Ce sont clairement, l’un et l’autre, des symboles qui renforcent la cohésion de ces peuples. Ce ne sont pas nos couleurs bleu-blanc-rouge, qui me dérangent, mais le manque de singularité du tri-bande tricolore, puisque nous le partageons avec de nombreux autres pays, comme les Pays-Bas ou la Russie, pour ne citer que ceux qui ont un drapeau de mêmes couleurs, sans emblème additionnel, même si ni dans le même sens ni dans le même ordre. D’ailleurs, lors de la finale 2010 de la coupe Davis à Belgrade contre la Serbie, le maillot bleu-blanc-rouge n’était pas celui des français. Et ce n’est pas non plus les joueuses françaises qui portaient un logo tricolore dans le match de Fed Cup contre la Russie peu de temps après. Alors un emblème plus spécifique, plus distinctif, sans nécessairement changer de couleurs si celles-ci nous conviennent, me siérait mieux. A l’heure où notre société doit affronter de nombreux défis, renforcer la cohésion de notre groupe national, troisième niveau de la pyramide de Maslow, ce qui n’implique nullement de sombrer dans le nationalisme étroit, ne me semblerait pas inutile. L’origine de notre drapeau remonte à la Révolution et voulait dire en fait que le bleu et rouge de Paris surveillait le blanc du roi. Nous n’en sommes clairement plus là, alors que c’est le pays tout entier désormais qui doit s’impliquer pour participer, ne serait-ce que par un vote un tant soit peu réfléchi, à l’exercice du pouvoir et à la définition de la direction que doit suivre notre société. Il convient donc de voir autre chose désormais dans ce bleu, ce blanc et ce rouge, qui sont des couleurs avec des symboliques intéressantes en soi. Alors nous pouvons chercher une alternative plus forte et plus fédératrice pour notre société, tout comme nous pouvons garder l’existant. Quidam : Bref, y’a le pour et y’a le contre. PG : C’est ça. On peut changer, mais ce n’est pas un must. Toutefois, un autre symbole national, dérivant lui aussi de la Révolution, me dérange bien davantage : la Marseillaise. Notre hymne national guerrier et vindicatif, dont d’ailleurs nous ne chantons jamais que les deux premiers couplets et le refrain. D’abord il nous renvoie sans cesse à cette fameuse Révolution Française, détournée et idéalisée, mais dont on oublie trop volontiers qu’elle a avant tout assuré le transfert des privilèges à peine transformés de la noblesse à la haute bourgeoisie. Mais là encore, le peuple s’est laissé tromper, aussi enthousiaste qu’aveuglé par son sentiment de liberté nouvellement gagnée et qui les a amenés à l’Empire, puis au retour de la royauté, faute d’avoir eu un guide approprié pour bâtir pérenne à partir du chaos. Alors les valeurs de la Révolution… Certaines, peut-être, il y avait des idéaux nobles. Mais la Révolution elle-même... Il est temps, là aussi, d’en liquider l’héritage et de tourner la page. Quel espoir pouvons-nous entretenir d’arriver à une société harmonieuse et à un bien-être collectif, y compris avec les autres pays du globe, si à chaque événement sportif, chaque cérémonie, nous nous reconditionnons à la résistance envers le pouvoir royal, envers les forces contre-révolutionnaires, ce qui inclut l’étranger, bref si nous entretenons un sentiment à la fois rebelle et paranoïaque ? Je ne trouve pas que ce soit très positif, en plus d’être assez obsolète. Quand je vous parlais d’une certaine tendance passéiste de notre culture… ça en fait partie. Il n’est d’ailleurs peut-être pas si anodin que certains publics tendent à la siffler, cette Marseillaise. Certes pour manifester un irrespect de la France et des français, mais aussi parce que cet hymne, n’étant plus à sa place, a perdu sa respectabilité. Il est cocasse au demeurant de remarquer que les politiciens s’en offusquent davantage que du caillassage des policiers dans les banlieues… Le combat à mener de nos jours est un combat contre soi-même avant tout. Le combat de la conscience. Le combat de notre réalisation personnelle en harmonie avec une réalisation collective. Ce n’est pas un combat guerrier, mais le combat de l’Amour. L’Amour est une valeur fondamentale permettant de vivre ensemble et de construire ensemble. Mais pas l’amour mièvre et rêveur, genre amoureux de Penné. Non, je parle de l’Amour avec un grand A, cet Amour Universel bien concret qui rapproche tous les humains et toutes les créatures vivantes. Il se rapproche de la Fraternité mais en l’englobant, en étant plus vaste et universel encore. Alors, pour compléter cette nouvelle devise nationale et à défaut de l’y inclure, promouvoir cette valeur dans notre hymne national me semblerait bien plus constructif que de conserver la Marseillaise. D’ailleurs, ne connaissant pas de chanson forte et adéquate sur le respect et la vérité, et n’envisageant pas non plus d’en composer une, mettre en avant l’Amour avec l’une des plus belles chansons qui ait été écrite sur le sujet me semble s’imposer naturellement. Entendre résonner dans les stades « Quand on n’a que l’amour » de Jacques Brel, pour contrer les « swing low swing chariot » des supporters de la Rose pendant le Crunch du tournoi des Six nations, ça aurait de la gueule, non ? Rappelons-nous de cette chanson, et de ce qu’elle dit. D’ailleurs, s’il n’en faut chanter que quelques couplets, les premiers ne sont pas les plus adéquats. Les derniers ont plus de force. « Quand on a que l’amour », de Jacques Brel : Quand on a que l’amour A s’offrir en partage Au jour du grand voyage Qu’est notre grand amour Quand on a que l’amour Mon amour toi et moi Pour qu’éclatent de joie Chaque heure et chaque jour Quand on a que l’amour Pour vivre nos promesses Sans nulle autre richesse Que d’y croire toujours Quand on a que l’amour Pour meubler de merveilles Et couvrir de soleil La laideur des faubourgs Quand on a que l’amour Pour unique raison Pour unique chanson Et unique secours Quand on a que l’amour Pour habiller matin Pauvres et malandrins De manteaux de velours Quand on a que l’amour A offrir en prière Pour les maux de la terre En simple troubadour Quand on n’a que l’amour A offrir à ceux-là Dont l’unique combat Est de chercher le jour Quand on a que l’amour Pour tracer un chemin Et forcer le destin A chaque carrefour Quand on a que l’amour Pour parler aux canons Et rien qu’une chanson Pour convaincre un tambour Alors sans avoir rien Que la force d’aimer Nous aurons dans nos mains, Amis le monde entier Quidam : Effectivement, c’est une chanson aussi connue que puissante et profonde. Mais certains ne risquent-ils pas de trouver incongru d’adopter pour hymne national une chanson écrite par un Belge ? PG : Ah, nul doute que certains esprits étroits se feront ce genre de réflexion. Probablement souvent les mêmes d’ailleurs qui idolâtrent un célèbre rocker comme une gloire nationale alors que celui-ci vit en Suisse, tout en aspirant à la nationalité belge. Mais notez bien que je ne le fustige nullement. A sa place, je chercherais également à me prémunir contre l’iniquité régnant en France. Et il le fait selon les règles que nous avons établies. D’ailleurs, la Suisse est un beau pays, tout comme la Belgique. Alors ouvrons-nous au lieu de nous enfermer dans ce nationalisme étroit et obsolète à l’heure de la mondialisation. Et puis, qui sait si un jour la France et la Wallonie ne décideront pas de s’unir au sein d’un état francophone plus large et plus ouvert ? Ou au sein d’un vaste état paneuropéen ? Alors Jacques Brel deviendrait un compatriote à titre posthume. Mais mon souhait est plutôt que les Wallons et les Flamands trouvent l’amour d’autrui nécessaire pour pouvoir continuer à vivre ensemble, au besoin en constituant une confédération polyglotte comme l’ont fait les Suisses pour faire cohabiter leurs quatre langues. Parce que si même eux n’y parviennent pas, inutile d’espérer réconcilier le Proche Orient. La solution, encore et toujours, est dans l’ouverture de conscience. 33 : Conclusion : responsabilisation et mobilisation Quidam : C’est une remarque qui revient souvent dans votre discours que le besoin d’une évolution des consciences. PG : Effectivement, car c’est un point fondamental. Ca l’est du point de vue personnel, puisque la conscience est la base de la vie. Conscience de soi pour le rapport à soi et le respect de soi, mais aussi conscience d’autrui pour le rapport à autrui et le respect d’autrui. Sans conscience de soi ni conscience d’autrui, la vie en collectivité devient très vite très compliquée. Il n’est qu’à voir toutes les difficultés que nous constatons tous les jours dans notre société pour se convaincre que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour nous réaliser en tant qu’Etre Humain. La quasi totalité des problèmes auxquels nous faisons face peut se résumer à un simple manque de conscience individuelle dont découle un manque de conscience collective. La conscience est tout aussi fondamentale pour l’accomplissement collectif que pour la réalisation individuelle. Quand la conscience est suffisamment développée chez tous les membres de la société, il n’y a pas besoin d’administration, de gouvernement, de lois, de policiers, etc., car chacun sait naturellement ce qu’il est approprié de faire pour que le collectif fonctionne harmonieusement pour le plus grand bien de tous. L’anarchie est un terme péjoratif que nous assimilons couramment à désordre, alors qu’en fait, l’utopie anarchiste, même s’ils n’en ont pas forcément conscience, c’est simplement ça : un monde où les gens sont suffisamment conscients pour s’organiser par eux-mêmes dans un respect mutuel. A un degré de conscience moindre, se situera la société qui a encore besoin d’une autorité pour coordonner ses membres mais où le respect de tous est suffisamment développé pour que la propriété privée ne soit plus nécessaire et que tout puisse être mis en commun. Dans une telle société, chacun donne le meilleur de lui-même et reçoit selon ses besoins, indépendamment de la valeur de sa contribution par rapport à celle d’autrui. Là, c’est bien évidemment l’utopie communiste. Le terme nous renvoie davantage à toutes les dictatures qui s’en sont réclamées, mais elles en étaient de fait très éloignées. Le communisme n’a existé dans aucun état moderne. Il ne s’est constaté que dans de petites communautés, qu’elles soient agricoles comme les kibboutz, spirituelles comme certains ordres religieux, ou primitives comme certaines tribus de peuples premiers ou assimilés. Le niveau de conscience collective en dessous demande encore de la propriété privée pour se préserver des lacunes d’autrui en matière de respect, mais permet néanmoins de débattre de façon responsable des diverses problématiques de la société afin qu’une décision soit prise collectivement. Le peuple décide. Il a le pouvoir. C’est la démocratie, le gouvernement du peuple, démos en grec. Mais il faut tout de même une police qui impose les décisions collectives aux contestataires rebelles. Il n’existe pas non plus de démocraties parmi les états modernes actuels. La démocratie requiert la participation de tous aux décisions collectives. Ce n’est évidemment possible que dans des états de petite taille où chacun peut participer aux débats. On cite souvent les cités de la Grèce antique comme modèles de démocratie, mais ça n’en était qu’une version restrictive qui oubliait l’essentiel de la population : les serviteurs, les femmes, les esclaves... Pour paraphraser Orwell : certains étaient plus citoyens que d’autres. Les états modernes, pour la plupart, bien que se qualifiant de démocraties par abus de langage, en sont au stade de conscience encore en dessous : la république. Celle-ci se différencie de la démocratie par une nuance de taille : ce n’est pas le pouvoir « du » peuple, mais le pouvoir « au nom » du peuple. Le pouvoir n’est plus détenu « par » le peuple, mais « pour » le peuple. Par, pour, subtile nuance. Certes les dirigeants sont élus par le peuple, mais une fois élus, la différence entre ceux qui ne font pas ce qu’ils disent et ceux qui le font mais disent ce qu’ils veulent n’est pas flagrante. Et la répartition du peuple entre ceux qui s’intéressent, ceux qui s’opposent systématiquement, et ceux qui s’en footent, pave la voie pour que ces élus se caressent le nombril, plutôt que de s’employer à sortir la société de son état végétatif. Et quand le niveau de conscience collective est au ras des pâquerettes, alors se mettent en place des régimes autoritaires qui font paître le troupeau. Selon le niveau de conscience individuelle du dirigeant, ce sera pour le tondre à son profit ou pour le préserver de l’attaque des loups en s’efforçant de le faire croître vers un niveau de conscience collective plus élevé. C’est ce dernier cas qui correspond à la monarchie éclairée prônée en son temps par Voltaire pour guider un peuple manquant encore de la conscience nécessaire pour se guider par lui-même. Mais c’est malheureusement le premier cas qui est le plus répandu sur la planète. La démocratie, comprise ici au sens large et qui inclut donc la république, où le plus grand nombre sait faire respecter ses aspirations, est une tendance normale de l’évolution. C’est la loi du plus fort du fabuleux fabuliste mais à un niveau supérieur. Si l’on considère que la démocratie est l’aboutissement inévitable d’un processus de maturation et d’évolution des individus, il est clair que tant que les individus sont majoritairement trop peu éduqués et conscients pour comprendre tant eux-mêmes que les contraintes d’un fonctionnement en société, le bon guide, qu’il soit monarque couronné pour l’époque de Voltaire ou dirigeant élu de nos jours, est une meilleure solution qu’une démocratie foire d’empoigne. Mais s’en remettre à un guide doit relever d’un choix conscient des citoyens qui doivent reconnaître à ce leader une qualité de sagesse, de clairvoyance, qui lui fait collectivement encore défaut. Cette solution voltairienne ne peut être considérée que comme une phase transitoire vers la démocratie plus totale et plus adulte à laquelle elle doit préparer. Une ultime étape éducative en quelque sorte, avant que de considérer la société suffisamment mature et responsable pour se gouverner par elle-même. Alors la question est de savoir à quel niveau de conscience collective se situe la société française. En fonction de la réponse, nous saurons quel type de régime sera le plus adapté. Quidam : Eh bien il est coutume de considérer que nous sommes en démocratie, mais vous venez d’expliquer que c’est une illusion et que nous n’en sommes en fait qu’au niveau d’une république. Alors votre appréciation de notre niveau de conscience collective ne doit pas être aussi flatteuse que ce que la majorité d’entre nous imaginons. PG : En fait, je crois que c’est même pire que ça. La « politique », qui est étymologiquement le gouvernement de la cité, polis en grec, donc la simple organisation de notre vie en commun, et qui se devrait donc d’être une préoccupation importante, pour ne pas dire primordiale, pour chacun d’entre nous, en est arrivée à suffisamment écœurer le commun de nos concitoyens pour qu’ils s’en désintéressent. Après les années « ferme ta gueule » des royautés et dictatures, le bon peuple s’est finalement lassé de l’illusion des démocraties « cause toujours ». Alors les gens votent en fonction de l’aura glamour des politiciens dans les magasines people, voire du glamour de leur femme, ce qui est pour le moins anachronique dans un régime électoral où le simple statut de conjoint d’un élu ne devrait conférer aucun rôle particulier. On parle du remplacement de la politique par la people-itique. Cela revient à dire que ce sont les média qui font l’aura des politiciens, donc leur succès. Or les principaux média sont tout sauf indépendants. Cela revient à dire que nous sommes dans une médiacratie, où les propriétaires des grands réseaux médiatiques font la pluie et le beau temps et assurent la pérennité de la médiocratie, ce règne du médiocre dans lequel nous sommes collectivement envasés. Et comme ces grands réseaux de média sont aux mains de quelques magnats possédant des empires internationaux, le gouvernement des pays européens, France comprise, est en fait un paravent au service d’une ploutocratie occidentale en lutte contre la ploutocratie orientale pour déterminer qui seront les maîtres du monde de demain. L’histoire a retenu de la Rome antique le fameux slogan « panem et circenses » : du pain et des jeux. Il a été mis au goût du jour et se dit aujourd’hui « des allocs et du foot ». C’est un programme d’abêtissement des foules. En découle un effet de cercle vicieux qui fait que de plus en plus de gens, conscients au départ et intéressés à contribuer à bâtir une société meilleure, se dégoûtent de la politique et s’en détournent, laissant les mains encore plus libres aux dirigeants mis en place par les média, donc compromis, redevables, et tenus de servir les intérêts privés du petit groupe des ploutocrates dont ils dépendent, plutôt que ceux de la société et de ses membres. Mais les gens se rassurent en critiquant leurs politiciens, en les parodiant, se donnant ainsi l’impression qu’ils ne sont pas dupes. Alors qu’ils sont totalement manipulés. Ca va râler pour l’augmentation de la rémunération du président à même pas vingt mille Euros par mois, mais ça trouve normal qu’un gugusse courant après un ballon gagne près d’un million sur la même période. Qu’est-ce qui est plus essentiel pour nous ? Un bon président ou un bon footballeur ? De même, ça va réclamer de taxer les riches, mais ça va idolâtrer des stars diverses parties profiter du forfait fiscal Suisse et qui se permettent en plus de se mêler de courants divers de contestation dans ce pays où ils n’habitent plus mais qui les fait encore bien vivre. Notre société est en dissonance cognitive, parce que de plus en plus de gens développent assez de conscience pour réaliser que ça ne va pas, mais pas encore assez pour réagir et changer les choses. En fait, par analogie au développement d’un individu, notre société en est à l’adolescence. Elle aspire à se comporter en adulte, mais n’a ni les repères ni la maturité pour le faire. Elle aspire à être sécurisée par une guidance mais se rebelle contre elle en même temps. Elle sait qu’elle n’est pas encore à la hauteur de ses ambitions, mais est prête à lapider celui qui le lui dira trop clairement. Voilà où nous en sommes : à l’âge où il y a encore besoin d’une main ferme et éclairée pour nous lancer dans la bonne direction et nous permettre de devenir une société adulte, car le risque de partir dans la mauvaise et de s’autodétruire est encore très fort. De fait, je ne suis pas certain que le niveau de conscience collective des membres de la société française soit réellement suffisant pour maintenir une république. Nous n’avons d’ailleurs plus qu’une illusion de république déjà à l’heure actuelle, ainsi que je le disais. Mais ce n’est pas si grave. Car le système décisionnel d’une république risque de ne pas avoir l’efficacité suffisante pour redresser la barre aussi fermement qu’il le faudrait. « La démocratie est le plus mauvais des systèmes, mais c’est le seul » se complaisent à répéter nombre de politologues. Eh bien, non ! Ce n’est pas le seul. Toute la question est de savoir si le régime qui sera mis en place pour les années qui viennent sera de type éclairé, œuvrant pour le bien collectif, ou s’il demeurera de type exploiteur, travaillant à nous tondre très court, que ce soit ouvertement ou sournoisement comme actuellement. La différence dépendra entièrement de la capacité des membres de la société, donc de tous les citoyens français, à se réveiller, à prendre conscience, et à se mobiliser pour trouver et porter au pouvoir la bonne personne. Car si l’aspiration au changement doit venir de la base, sans un catalyseur approprié à sa tête pour le mettre en œuvre, nous n’obtiendrons pas grand-chose d’autre que le chaos. Mais quand je dis mobilisation des citoyens, j’espère que ce sera par leur vote, et non par des émeutes de groupes aux œillères étroites, ni par une révolution toujours entachée d’excès regrettables, et dont le risque n’est nullement écarté. Tant que les français ne s’intéresseront qu’à ce qui brille sous les feux des projecteurs des média, les petits candidats porteurs d’alternatives demeureront dans l’ombre, et rien ne changera. Nous sommes dans un système politique qui dérive uniquement parce que les citoyens ont abdiqué leur pouvoir. Il suffit qu’ils le reprennent pour que les choses puissent changer. Et il vaudrait mieux le reprendre tant que ce pouvoir est encore à portée de main... ou de vote. Quand le régime aura ouvertement basculé et que notre pouvoir d’électeur se sera évaporé, une mutation paisible deviendra très peu probable comme le démontrent les révoltes en cours dans le monde arabe. Quidam : Comment envisagez-vous la mise en pratique d’une telle mutation de la société ? PG : Tout dépend du contexte de cette mutation. Si on parle d’une démarche volontaire, il me faudra, pour vous répondre dans le détail, vous écrire une encyclopédie. Détailler maintenant, par exemple, le dispositif transitoire d’assurance chômage qui accompagnera la transition progressive vers le nouvel équilibre de plein emploi du système économique rénové n’est pas essentiel. Mais ce n’est pas si compliqué que ce que vous pouvez imaginer. Je sais d’où nous partons, je sais où nous devons arriver, ce n’est jamais que du management de transition comme on peut en voir en entreprise, même si c’est ici à plus grande échelle. Par contre, il y a deux étapes préalables indispensables à ne pas négliger. La première a trait à la nécessité d’une réelle adhésion des citoyens à ce projet commun afin qu’ils y collaborent ensuite réellement. Rien ne se fera correctement s’il faut ramer à contre-courant parce que les gens disent oui à l’élection mais manquent ensuite de bonne volonté pour se remettre en question le moment venu, voire font preuve de mauvaise volonté en essayant de passer entre les mailles de la réorganisation globale. Il faut donc commencer par une grosse dose de pédagogie pour que tout soit bien compris et que la vision de ce vers quoi nous allons soit clairement expliquée et acceptée par la majorité. Ensuite, une fois ce préalable accompli, il est nécessaire de permettre une remise à zéro du passé en organisant une période appelant à l’aveu spontanée de tout crime ou délit dont la justice ne se sera pas encore saisie. Je ne parle évidemment pas de séances de confessions publiques forcées à la sauce maoïste, même si ces aveux écrits devront être accessibles à tout un chacun au travers d’un site web dédié, mais bien d’une démarche spontanée et personnelle de tout individu ayant quelque chose d’autre à se reprocher qu’une simple infraction. Dans certains cas ce sera prescrit, dans d’autres non, et s’appliquera alors le principe de la « faute avouée à moitié pardonnée ». Pourquoi ? Simplement parce que, à partir du jour où les nouvelles règles seront mises en route, nous basculerons dans le nouveau système judiciaire et il n’y aura plus de différence entre les nouvelles fautes et les anciennes restées inavouées. Et comme les sanctions seront notablement plus sévères sur un certain nombre de fautes, il est équitable de permettre à chaque personne concernée de liquider son passé judiciaire selon les règles en vigueur au moment de ses exactions. Quidam : Une telle rétroactivité des lois est contraire à tout principe du droit. PG : Rétroactivité ? Mais nous la pratiquons déjà régulièrement. A chaque fois que le Parlement vote une loi de finance qui modifie en cours de route divers points de fiscalité, c’est déjà une rétroactivité de la loi sur les gains réalisés depuis le début de l’année. Et quand un particulier fait sa déclaration d’impôts sur le revenu en ligne et que son impôt ne peut être qu’estimé, un commentaire expliquant que les taux peuvent encore changer d’ici à l’établissement de son avis d’imposition, est-ce que ce n’est pas carrément de la rétroactivité sur l’année précédente ? Quidam : Difficile de vous contredire sur ce point… PG : Mais au-delà de ça, dans ce que je propose, y a-t-il réellement rétroactivité de la loi ? Le principe selon lequel est autorisé tout ce qui n’est pas explicitement interdit n’est-il pas en flagrante contradiction avec l’esprit de la loi ? Or la lettre de la loi n’est qu’une indication. Car c’est bien l’esprit de celle-ci qui doit prédominer en toute circonstance. Et cet esprit est celui découlant des valeurs de base exprimées dans la Constitution actuelle, ou dans les futures Lois Fondamentales puisque j’appelle à distinguer les deux. Dès lors, une faute commise en parfaite mauvaise foi au regard de ces principes est sanctionnable même en l’absence de loi spécifique, puisque cette règle, même non écrite, existe déjà dans l’esprit de la loi. Le fait de préciser cela par la suite par un texte législatif approprié afin d’éliminer toute ambiguïté n’enlève rien à la faute antérieure. Si bien qu’en fait, nous ne parlons que de rétroactivité du barème de sanctions. Mais dans la mesure où est offerte la possibilité de solder son passif avant le passage au nouveau régime judiciaire, même l’application de cette plus grande sévérité aux fautes antérieurement commises ne peut être reprochée. En conséquence, le dogmatique principe de non rétroactivité des lois ne peut constituer une échappatoire à cette mesure. Il reste limité aux seules dispositions techniques, normes, etc., ce qui d’ailleurs devrait inclure les règles fiscales, pour lesquels il est bien compréhensible qu’un nouveau décret ne puisse être rétroactif. Le but de cette phase essentielle est de clairement marquer la rupture entre les dérives actuelles et le nouvel élan social. Et en incitant l’aveu spontané à cette occasion, cela facilitera aussi grandement le travail de la police et de la justice à un moment où elles auront, l’une et l’autre, fort à faire aussi pour s’adapter en interne. Pour autant, avouée mais à moitié pardonnée seulement. Les peines seront donc réduites de moitié, même si ça n’empêche pas que l’identification d’un criminel sexuel ou d’un tueur compulsif ne donne lieu à son suivi ensuite pour limiter au minimum les risques de récidive, contre lesquels le 100% n’existe malheureusement pas. Par conséquent, certains criminels s’en tireront à meilleur compte qu’en temps normal, mais si c’est pour qu’ils rentrent dans le droit chemin ensuite, ça ne me dérange pas. Certaines victimes ou proches de victimes en garderont un sentiment d’injustice, mais ce sera une occasion que leur propose la vie de développer cette grande vertu qui nous libère avant tout nous-même : le pardon. Quidam : Et si le contexte en est un qui soit un peu plus, disons, mouvementé que celui d’une volonté spontanée de mutation ? PG : Le changement n’en sera que plus facile à mettre en route. Plus douloureux pour la société et ses citoyens parce que résultant d’un naufrage et d’un passage par le chaos, mais plus simple à organiser. Quand on redémarre de zéro ou presque, il n’y a qu’à édicter les nouvelles règles, ce que nous venons de faire dans les grandes lignes, redistribuer des cartes à tous les joueurs, et ça repart. Certes avec une bonne dose d’accompagnement pédagogique pour que tout soit bien compris, faute d’avoir pu s’en assurer au préalable, et évidemment aussi en maintenant la période d’aveux spontanés. Mais au coup de sifflet, ça repart. Et on s’économise les multiples petites tracasseries liées aux mesures transitoires, ainsi que les tergiversations des gens qui ne veulent pas lâcher ceci ou cela puisque là ils auront de toute façon déjà tout perdu ou presque. Quidam : Vous parlez de jeu, mais c’est quand même de nos vies dont vous parlez. PG : Certains disent que « la vie est trop courte pour se permettre d’être triste ». Pour ma part, je vous rappelle ce que j’ai dit un peu plus tôt : la Vie est Joie. Et ce n’est pas en dramatisant tout ce qui peut se présenter à nous, ce qui d’ailleurs n’améliore rien, que nous allons l’entretenir. Alors oui, il est nécessaire de garder du recul vis-à-vis de nos existences ici-bas et de savoir en apprécier l’espièglerie. Vous constaterez alors que tout devient beaucoup plus facile. C’est une question d’attitude intérieure, de regard que vous portez sur les événements. Ca ne les change pas nécessairement, mais modifie certainement considérablement l’impact qu’ils ont sur vous. Evidemment, désolé d’insister, une optique spirituelle, ce qui je vous le rappelle ne veut pas nécessairement dire déiste mais plutôt simplement non matérialiste, y aide grandement. C’est une autre illustration du précepte formulé par le Dalai Lama selon lequel, au-delà de tout dogmatisme, la croyance qui vous aide à mieux vivre est la bonne croyance pour vous. Quidam : Est-ce que vous pensez à vous en parlant de petits candidats qui restent dans l’ombre ? PG : Non parce qu’il aurait fallu pour cela que je fusse candidat à une élection politique, ce qui n’a encore jamais été le cas. A maintenant 45 ans, j’ai appris à bien me connaître. Et je sais avec certitude que je n’ai aucune des qualités qui font les bêtes de campagne électorale, ce qui est une condition actuellement nécessaire pour percer dans la people-itique : leur capacité à enchaîner les meetings pour faire acclamer leur nombril par des groupis se laissant aveugler à coup de paroles creuses et de mises en scène dignes de stars du showbiz, leur capacité à mentir haut et fort en proclamant des choses qu’ils savent pertinemment n’avoir aucune intention de faire ou savent totalement irréalisables, leur capacité à serrer la main à des foules entières comme si chacun était leur meilleur ami alors qu’ils se moquent éperdument de ces gens et ne le font que par hypocrisie électorale. Je n’ai pas ces traits de caractère, qui sont des qualités lorsqu’on les apprécie du point de vue de l’objectif d’être élu, mais que je considère comme de lamentables défauts du point de vue de la qualité humaine. Je suis tout l’inverse : parler moins pour approfondir plus, paraître moins pour être plus. Alors à quoi bon être un énième petit candidat demeurant dans l’ombre ? Pour être une nouvelle voix prêchant dans le désert ? Quel intérêt ? Les conditions n’ont pas été propices à une telle démarche jusqu’à présent, alors je me suis abstenu. Le discernement doit conduire à l’action juste, qui consiste parfois à ne pas agir… ou à patienter pour le faire. Le jour viendra peut-être. En attendant, ma responsabilité de citoyen engagé, je la prends déjà aujourd’hui en prenant le temps de vous présenter mes réflexions et mes perspectives de solution, avec l’espoir qu’elles permettent de faire mûrir les vôtres. Mais pour qu’elles contribuent à favoriser la construction d’une société meilleure, c’est à dire plus favorable à l’accomplissement personnel de chacun, il sera aussi nécessaire, puisque vous m’avez dit être éditeur, que vous preniez vos propres responsabilités en la matière en faisant écho à tout ça pour le porter à la connaissance du public. Quidam : Vous êtes gentil de me tendre aussi ostensiblement la perche… Mais on sent bien à vous entendre que ça vous démange de faire plus. Et puis, vous avez les initiales pour : PG, comme Président-Guide. PG : Ou comme une certaine zone érogène qui fait couler beaucoup d’encre et engendre de nombreux fantasmes. Mais trêve de plaisanteries. Que mes idées soient appréciées répondrait à mon besoin de valorisation. Les mettre en œuvre relèverait de ma recherche d’accomplissement. Mais sur un tel sujet : je propose, les citoyens disposent. Je ne nierai pas que je me verrai bien dans la peau d’un président-guide tel que je vous l’ai décrit. Et je l’apprécierais d’autant plus que je suis en colère. En colère quand je vois ce que pourraient être notre pays et ce monde dans lesquels nous vivons, mais que je constate ce que nous en faisons. Alors puisque je ne vois que des solutions, forcément, ça me démange comme vous dites. Et ce d’autant plus qu’à défaut de qualités pour faire campagne, je me sens bien les qualités pour assumer la fonction. Je ne prétends pas détenir la vérité absolue et ne suis que trop conscient qu’un président-guide doit avant tout savoir se garder de ses propres convictions et les conforter par le dialogue, pour les affiner et les préciser, avant que de les mettre ensuite en œuvre avec toute l’efficacité que permettent ses pouvoirs étendus. Car s’il faut une vision politique, je l’ai, et un sens aigu de l’organisation sociale, je l’ai aussi, il faut par dessus tout la sagesse humaine nécessaire pour redonner une direction à une société en pleine crise de valeurs, tant collectives qu’individuelles, c'est-à-dire en fait en recherche de son humanité. Et c’est là que je pense avoir le plus à apporter à cette fonction. Inévitablement, d’autres candidats mettront en avant qui une expérience d’élu, qui une expérience de l’administration publique, etc. Je n’ai rien de tout ça, et c’est précisément aussi la garantie de pouvoir porter un regard réellement neuf pour réformer en profondeur un système bien médiocre qui démontre chaque jour davantage toutes les limites de son fonctionnement. Je suis certes issu d’une famille d’intellectuels voyageurs qui m’a mis en chantier dans les Andes avant de livrer le produit fini au Québec, mais ça ne m’a pas empêché de grandir une partie de mon enfance entre Durance et Luberon dans une vieille ferme où la disponibilité d’eau courante dépendait directement de notre capacité à courir avec le seau tiré du puit, et avec plusieurs hectares de vigne autour en guise de toilettes. Je connais bien aussi pour l’avoir vécu les réalités de la précarité, des licenciements, du chômage longue durée et de la fin de droit, même si la vie m’a épargné de manquer de l’essentiel. Je n’ai pas d’expérience de la politique locale mais j’ai une grande expérience de la vraie vie des vrais gens. Celle-ci s’est forgée à l’aune de l’exigence d’efficacité des entreprises où j’ai pu confirmer mon sentiment qu’efficience et valeurs humaines ne sont nullement incompatibles. Et c’est bien de ce type d’efficience, guidée par l’humanisme et les réalités de l’existence, qu’il faut réintroduire au sein de l’administration française et de son gouvernement. La France n’est rien d’autre qu’une entreprise dont le produit est le bonheur des français. Mais évidemment, ce n’est que mon avis. Et si j’ai plus d’une fois pu constater que j’avais tendance à avoir raison trop tôt, je n’ai que trop conscience que nul n’est jamais à l’abri d’une erreur quant à l’appréciation de ses idées. Car, comme disait Coluche : « l’intelligence, on croit toujours en avoir assez, vu que c’est avec ça qu’on juge ». Nous ne pouvons être objectifs que dans la limite de notre subjectivité. D’où l’absolue nécessité d’une bonne dose d’humilité. Cette qualité est toujours perfectible, mais en avoir conscience, c’est déjà éviter de pêcher par excès d’assurance. Le doute pousse à approfondir avant d’agir, favorisant donc une action plus juste. D’où la sagesse légendaire de Salomon qui demanda à Dieu de bénéficier d’un cœur intelligent pour pouvoir être un bon roi. Tout l’inverse de l’aveuglement qu’entraîne l’excès de confiance en soi de l’ambition nombriliste. Et exactement ce dont nous avons besoin en ces temps troublés, qui appellent à un renouveau de notre société. Quidam : Mais quand même, avoir une expérience d’élu local n’est-il pas un plus avant de passer à une responsabilité nationale ? PG : Vous connaissez probablement le principe de Peter ? Quidam : Celui des seuils d’incompétence ? PG : Absolument. Ce n’est pas parce que vous êtes un bon comptable que vous serez nécessairement un bon chef comptable. Etre bon à un poste n’implique pas automatiquement d’avoir la capacité d’être également bon au niveau au-dessus. Le problème vient de ce que quelqu’un qui réussit à un niveau tend à être propulsé au niveau supérieur, jusqu’à ce qu’il dépasse son seuil d’incompétence et cesse d’être bon. Il stagne alors, mais à une position où il n’est plus adapté. C’est ce processus naturel tendant à propulser les gens vers un poste qui dépasse leurs capacités qu’on appelle principe de Peter. Alors que régresser d’un cran remettrait la personne en position de compétence et serait donc une amélioration pour tous, y compris pour elle-même. Mais qui veut régresser ? Dans notre culture du toujours plus, c’est un mot très péjoratif. Avoir l’humilité de reconnaître sa juste place est peu courant et la régression pour la retrouver est plutôt considérée comme un échec, une sanction, une brimade. Ce principe explique la tendance à une certaine incompétence de la hiérarchie en général et de l’administration en particulier où le syndicalisme bloque encore plus les choses. Mais il en est de même en politique : un bon maire ne fait pas forcément un bon président de région. Cependant, il m’est avis que ce principe de Peter fonctionne aussi en sens inverse. Quelqu’un peut demeurer médiocre tant qu’il est cantonné dans des niveaux de responsabilités limités, et devenir bon si le destin lui permet de franchir un certain cap. On peut être bon président de région, mais mauvais maire. Cette extension du principe de Peter veut simplement dire que chacun a un niveau d’action optimal, en application de la maxime selon laquelle « il faut de tout pour faire un monde ». Et un grand patron d’entreprise peut être bon à son poste de direction générale, mais sans pour autant être compétent comme chef de service. On ne peut s’en référer ici au principe selon lequel « qui peut le plus peut le moins », simplement parce qu’il est erroné de croire que c’est une question de plus ou de moins. Ce sont simplement deux fonctions très différentes, qui ont chacune leur utilité à leur niveau et dont aucune n’est supérieure à l’autre. Les enfants surdoués en échec scolaire, comme les génies méconnus faute d’avoir jamais pu atteindre un contexte propice à exprimer leurs capacités, démontrent également régulièrement la pertinence de cette extension du principe de Peter au sens descendant. Quidam : En clair, vous êtes en train de défendre le fait que n’avoir pas d’expérience des premiers échelons politiques n’est pas nécessairement un handicap pour faire face aux échelons supérieurs ? PG : Vous m’avez bien compris. Et ce ne sont pas Lech Walesa, Lula ou encore Nelson Mandela qui démontrent le contraire. C’est d’ailleurs bien dans cette logique que j’ai défendu la stricte séparation entre les filières territoriale et nationale des élus. Ce n’est pas blanc bonnet et bonnet blanc. Le territorial et le national sont deux domaines bien distincts. Il est évidemment nécessaire de comprendre la vie locale pour diriger un pays, mais il n’est pas nécessaire d’être un bon maire pour être un bon président. Organiser une société et gérer une ville sont deux choses très différentes. On peut avoir une vision de l’homme et de comment organiser son cadre de vie collective pour qu’il s’y réalise plus facilement sans pour autant être la bonne personne pour animer son existence, que ce soit, par exemple, en stimulant des manifestations culturelles ou en gérant l’urbanisme local. Chacun son job. Et mon niveau de compétence est le niveau national et international, pas le niveau territorial. Ce n’est pas mieux, c’est simplement différent. Et ce n’est pas avoir la grosse tête que de le dire, c’est simplement reconnaître une réalité. Et j’ajoute que c’est par carriérisme que les politiciens cherchent à faire croire que la progression d’un élu doit être linéaire depuis la base. Alors que c’est totalement faux. Et c’est même contre-productif parce que, quand ils parviennent aux échelons supérieurs, ils y arrivent tagués d’étiquettes politiques et de compromissions diverses qui les rendent nettement moins aptes à servir l’intérêt collectif, libres de toute main mise des partis. Quidam : N’y a-t-il pas déjà des personnalités politiques susceptibles d’incarner les valeurs que vous défendez et à qui vous pourriez apporter votre soutien ? PG : Si je trouvais quelqu’un qui me semble réunir les qualités personnelles, la vision humaine, et la compréhension sociale et politique nécessaires, je lui apporterais bien volontiers mon soutien. Et même s’il ne les a pas complètement en lui-même mais est capable de reconnaître les bons conseils allant dans ce sens, ça m’irait bien aussi. Selon le célèbre Machiavel : le bon prince est celui qui a de bonnes idées, tout autant que celui qui est capable de reconnaître les bonnes idées d’autrui ; seul le prince qui n’a ni bonnes idées ni ne sait reconnaître celles d’autrui est inapte à sa fonction. D’ailleurs, je ne revendique pas la paternité de tout ce que je vous ai présenté. Certaines idées ont été puisées ici ou là, d’autres me sont venues spontanément, infusées au fil d’une réflexion forcément nourrie de sa confrontation avec celle d’autrui. Mais de toute façon, revendiquer la paternité d’une idée est ridicule car on s’aperçoit qu’elles arrivent souvent par vagues, à plusieurs personnes en même temps. Et l’idée innovante qu’on a eue spontanément, on l’entend un jour dans la bouche de quelqu’un d’autre qui l’a aussi eue spontanément. C’est ainsi que se développent les idées et c’est pourquoi elles sont libres de droit et appartiennent à tous. L’histoire des brevets démontre d’ailleurs qu’une invention est souvent développée par plusieurs équipes en même temps, en divers endroits de la planète et sans nécessairement de liens entre elles, rendant de ce fait injuste de n’attribuer le droit d’exploitation qu’à la première qui aboutit. Mais c’est un autre sujet. C’est juste pour dire qu’il faut rester humble par rapport à nos propres bonnes idées, et se contenter d’être heureux de les avoir captées sans s’en enorgueillir. Toujours est-il qu’aucune des personnes actuellement engagées en politique ne me semble rassembler, à ma connaissance, les qualités nécessaires pour porter le flambeau du renouveau. Certains ont d’évidentes qualités humaines mais sans que ça n’en fasse des dirigeants pour autant, d’autres avancent certains aspects de ce que je préconise mais de façon parcellaire, sans la globalité indispensable pour que ça fonctionne. Alors non, à ce jour, je n’ai personne à vous recommander. Quidam : Alors il va bien falloir que vous passiez le cap et soyez candidat à une prochaine élection présidentielle. Vous n’allez tout de même pas laisser toutes vos idées demeurer lettres mortes. PG : Si les conditions adéquates se mettent en place, je ne l’exclus nullement. Quidam : Et ce serait quoi ces conditions favorables ? PG : Il n’est pas dans mon caractère de m’agiter inutilement. Si je constate une ouverture favorable, je la saisis. Si je vois un mur, inutile de m’y cogner la tête. Ainsi que je vous le disais, je propose, les citoyens disposent. Alors si tout ce que nous nous sommes dit reçoit un écho très favorable, je peux effectivement envisager d’être un catalyseur qui permettra à toutes ces aspirations de nos concitoyens de prendre corps pour faire avancer la société autant que leurs conditions d’existence individuelles. Que ce soit en me présentant à l’élection présidentielle, ou à défaut comme député. Qu’il y ait de réelles chances d’être élu ou simplement de réelles chances de faire constructivement avancer le débat en faisant campagne, même si ce serait forcément à ma manière plutôt que comme cela se fait d’ordinaire, ça vaudra le coup d’investir de l’énergie. Que cela me mène à des responsabilités exécutives diverses pour mettre en œuvre tout ou partie de mes idées, ou que ça n’aboutisse qu’à les propager pour que d’autres les appliquent au bénéfice de la société, voire d’un autre pays puisque nombre d’entre elles sont très directement transposables, cela est ensuite entre d’autres mains que les miennes. Notamment celles des électeurs. Mais un écho favorable, et dans des proportions significatives, impliquera déjà deux choses très positives. Tout d’abord que les électeurs acceptent de prendre conscience et de reconnaître que la raison majeure pour laquelle la solution est entièrement entre nos mains est que ce désastre annoncé est uniquement de notre fait à tous et que nous en sommes pleinement responsables, et non de pauvres victimes. Dans notre société aussi touchée par la consciençopathie, ce sera déjà un signe très fort qu’un vent de renouveau est enfin prêt à souffler. Quant à l’autre aspect très positif, il a trait au changement de la psychologie électorale que ça impliquera. Un groupe de l’Université Harvard a étudié le processus électoral de plusieurs campagnes. Et leur conclusion est sans appel : plus le programme est vague et plus il a de chance de recueillir une adhésion des masses ; plus il est précis, et plus il a de chance que les électeurs y trouvent au moins un point qui les rebute et emporte leur opposition même si tout le reste leur plait bien. Et il y a toujours un point ou un autre qui choquera quelqu’un dans un programme de réforme globale de la société. Surtout lorsqu’on se donne la peine d’en parler de façon aussi précise que je me suis efforcé de le faire. Tout n’est pas immuable dans tout ce que je propose. Certains points ne sont pas négociables, mais d’autres peuvent l’être. Ce sont les électeurs qui doivent dessiner au final la société à laquelle ils aspirent. C’est comme ça que nous nous rapprocherons d’une démocratie, et donc d’un fonctionnement social adulte. Alors si suffisamment de citoyens sont capables de ne pas s’arrêter aux éventuels quelques points qui les chagrinent pour soutenir un programme qui leur parait globalement très positif pour eux, ce sera effectivement signe qu’un seuil de maturité aura été franchi. Donc voilà qui répond à votre question. Si je constate un appel fort pour ce que j’ai à proposer, un engouement, une mobilisation, oui, bien sûr, je saurai alors aussi me mobiliser. Que ce soit en fer de lance du mouvement ou en soutien d’un autre, si j’en identifie un qui me paraisse mieux placé que moi pour porter le flambeau. Quidam : Sous quelle forme pourrait se manifester un tel appel spontané de la population ? PG : Par courrier, par e-mail via le site web www.respectetverite.org, par message sur le blog respectetverite.worpress.com, par les réseaux sociaux si je trouve le temps d’y être présent, que sais-je encore. Ce ne sont pas les moyens qui manquent. Dans le cas d’un scrutin présidentiel, il faudra aussi qu’au moins cinq cent des élus habilités à valider une candidature manifestent spontanément leur intention de soutenir une telle démarche. Alors là, ça vaudra la peine de créer un parti politique dédié à ce projet, mal nécessaire dans le système actuel pour recueillir les adhésions, les soutiens, et donc les moyens financiers indispensables à diffuser le message plus largement. Mais clairement, pour envisager de se lancer en campagne, il faudra que de très nombreux électeurs manifestent leur soutien. Pas juste quelques dizaines de milliers. Quidam : Et vous croyez que c’est un espoir raisonnable ? PG : S’il s’avère infondé, nous assisterons bientôt à l’effondrement du système plutôt qu’à un vent de réforme volontariste qui le fasse muter. Si advient cet effondrement, avec l’Etat et les organismes sociaux en faillite, et que les gens aient faim, alors ils réaliseront, même si à retardement, qu’un sursaut de conscience leur aurait évité d’en arriver là mais que, pour autant, il n’est pas encore trop tard pour se mettre en marche. Car, encore une fois, le changement est inévitable. Si ce n’est pas par une démarche consciente et en douceur, ce sera à marche forcée et dans la douleur. Je pense que nous en sommes collectivement vers la fin de l’adolescence, tout prêt de passer à l’âge adulte. Je m’attends à ce que la transition se fasse dans la douleur, mais il est encore possible qu’elle se fasse plus en douceur. C’est une question de masse critique. Mais bien malin qui peut dire si la masse critique nécessaire pour basculer en conscience vers le renouveau souhaité est en passe d’être atteinte ou pas. Si cela s’avère être le cas, tout deviendra possible. Tout est toujours possible dès lors qu’une force se met en mouvement. Mais se mettra-t-elle en mouvement ? L’avenir nous le dira. Je ne suis pas noir, je ne suis pas américain, je ne suis pas pasteur, mais moi aussi j’ai un REVE. Il s’appelle REspect et VErité. Programme de refondation sociétale : ORDONNANCE POUR UNE SOCIETE MALADE Abréviations utilisées : cf R&V ch.xx : renvoie au chapitre xx du livre « Respect et Vérité ». p = principe ? m = mesure (expliquée dans le livre) ? mc = mesure complémentaire (non développée dans le livre) ? renvoie aux autres sujets impactés (qu’ils en découlent, les préparent ou en soient indissociables) RENOVATION DES VALEURS : (V) Rénover le Contrat Social : (cf R&V ch.01) p-V01 La société a vocation à servir l’être humain, non à l’asservir. => les oppositions dogmatiques, typiques du clivage droite-gauche, ont oublié que la société n’a qu’une seule raison d’être : répondre aux besoins des individus qui la composent afin de favoriser leur quête du bonheur. ? Intégration de la pyramide de Maslow à la Constitution=> pour rendre inconstitutionnelle toute loi ou mesure allant à l’encontre de la satisfaction des besoins fondamentaux de l’être humain, et s’en servir de boussole anti-dogmatisme. Rénover la laïcité : (cf R&V ch.02) p-V02 La laïcité est la neutralité religieuse de la vie publique, non une négation de la vie spirituelle. => la spiritualité participe aux besoins supérieurs de l’être humain et ne peut donc être niée par une conception étroite du principe de laïcité, qui équivaut à instaurer la suprématie d’une autre croyance : le matérialisme. ? m-v02a Enseigner les principales religions au secondaire dans une perspective comparative. => pour favoriser l’ouverture d’esprit, la compréhension d’autrui et le respect mutuel. ? m-v02b Affirmer le droit à la différence aussi dans le domaine spirituel. => tolérance vis-à-vis des groupes religieux ou spirituels non reconnus aussi longtemps qu’eux-mêmes respectent l’intégrité physique de leurs adeptes. ? m-v02c Reconnaître à chacun la liberté de refuser certains soins. => la croyance dominante ne peut s’imposer sur les croyances minoritaires. ? m-v02d Faire obligation à la restauration collective de prévoir au minimum un menu végétarien dans les options qu’elle propose. => parce que c’est demandé par les végétariens et permet de répondre aux principales restrictions alimentaires religieuses. p-V03 La laïcité doit protéger la société des revendications religieuses spécifiques. => parce le croyant doit s’adapter à son contexte social et non l’inverse, même si la société doit respecter sa liberté personnelle, aussi longtemps qu’il n’y a pas nuisance pour autrui. ? m-v03a Refuser d’adapter l’organisation sociale à quelque revendication religieuse que ce soit. => rythmes de travail, modalités de consultations médicales, créneaux non mixte des piscines, etc. ? m-v03b Repenser les jours fériés pour les répartir entre les fêtes républicaines et celles des différentes grandes religions. => afin d’assurer une équité entre les principales religions et de favoriser la connaissance d’autrui. ? m-v03c Régler le problème du hijab islamique par le règlement intérieur des entreprises, administrations et établissement scolaires, définissant la tenue acceptable, voire imposant un uniforme. => afin de résoudre toutes les dérives vestimentaires et non discriminer uniquement la prescription d’une religion spécifique. ? m-v03d Maintenir l’interdiction, hors période de carnaval, de masquer son visage dans le domaine public ou pour s’y déplacer, sauf nécessité médicale dûment justifiée ou port d’un casque intégral pour conduire les véhicules le justifiant. => parce qu’il n’est pas acceptable, non pas par considération religieuse mais compte tenu des enjeux de sécurité publique actuels, de camoufler ainsi son visage en public. p-V04 La laïcité en version commerciale ne doit pas conduire à nier les bienfaits humains de certaines traditions établies à l’origine pour motif religieux. ? m-v04a Refuser le travail du dimanche, hors nécessité de service à la société, astreinte de sécurité en entreprise, métiers de l’hôtellerie-restauration, du tourisme et du loisir. => afin de préserver autant que possible un jour non travaillé commun pour favoriser les relations et activités amicales et familiales. Rénover l’a priori démographique : (cf R&V ch.04) p-V05 Mettre fin à l’illusion selon laquelle la course à la croissance serait une solution aux problèmes de la société. => une éternelle course au développement matériel et démographique dans un monde limité est une impasse. Ce n’est pas une solution mais la cause de nombreux problèmes. ? Inflation => contribue à réduire la pression inflationniste en limitant la demande, notamment dans l’immobilier. ? Environnement => indispensable pour commencer à réduire notre empreinte écologique destructrice. ? m-v05a Mesurer l’évolution du bien-être individuel et collectif, plutôt que du PIB. => favoriser la croissance du bonheur plutôt que l’agitation économique. p-V06 Organiser la décroissance de la population. => fin de l’hypocrite « croissance durable » pour faire place à la « décroissance soutenable » indispensable à la survie de notre espèce dans un environnement riche de vie et de diversité mais non extensible. ? Allocation d’enfance => la limitation des allocations familiales au premier enfant de chaque adulte est le principal outil incitatif à la réduction naturelle de la natalité. ? Immigration => inutile d’œuvrer à limiter sa natalité nationale dans une politique de décroissance démographique si les frontières restent ouvertes à l’entrée de tous ceux préférant venir mettre les pieds sous la table d’autrui plutôt que de bâtir une société du bonheur chez eux. ? Environnement => indispensable pour commencer à rendre de l’espace à la nature. Rénover l’approche de l’immigration : (cf R&V ch.03) p-V07 Cesser d’importer la misère pour au contraire exporter le bien-être. => parce que laisser envahir une société prospère sous prétexte de solidarité avec les miséreux ne sert qu’à la couler, sans pour autant résorber la misère du monde. ? Démographie => contribue à la politique démographique de réduction progressive de la population. ? m-v07a Renvoyer tous les immigrants illégaux et sans papiers divers dans leur pays d’origine. => s’ils veulent immigrer, ce doit être dans le respect de la loi et non par le fait accompli. Les légaliser ne ferait qu’en encourager d’autres à venir tenter leur chance. ? m-v07b Sanctionner les employeurs de travailleurs illégaux. => s’ils n’ont pas de travail sans statut légal, les immigrés seront moins tentés de venir illégalement. ? m-v07c Sanctionner les personnes logeant à titre onéreux des immigrés illégaux. => offrir gratuitement l’hospitalité à un immigré illégal n’est pas plus pénalisable que d’accueillir un ami chez soi, mais l’exploitation financière de sa précarité comme le font les marchands de sommeil doit être supprimée. ? m-v07d Expulser les immigrés vivant en parasites de la société sans s’y intégrer ni y contribuer. => un immigré peut être au chômage, mais s’il se contente de vivre de la solidarité sociale sans chercher à s’intégrer, il n’a plus sa place dans le pays et doit partir. ? mc-v07e Rétablir le contrôle des frontières. => afin qu’une entrée illégale à l’autre bout de l’espace Schengen ne permette pas pour autant à des immigrés clandestins de venir s’installer en France ; mais aussi simplement pour déterminer avec certitude qui est résident du pays et sur quelle durée chaque année, ce qui conditionne diverses questions comme la fiscalité. ? m-v07f Expulser tout immigré participant à une émeute politique ou sociale. => l’immigration vise à s’intégrer, pas à revendiquer par la violence. ? m-v07g Prévoir la déchéance de la nationalité française et l’expulsion des multinationaux dont les activités visent à miner les fondements de la société où ils vivent. ? m-v07h Réformer le code de la nationalité pour abroger le droit du sol. p-V08 Instaurer une politique d’immigration ni subie ni choisie, mais intégrable. ? m-v08a Soumettre l’immigration à des critères d’intégrabilité. => situation de l’emploi dans notre pays, utilité des compétences, maîtrise de la langue française (à vérifier aussi rétroactivement pour tous les immigrés antérieurs), motivation à s’adapter, tout ceci devant s’appliquer aussi aux citoyens provenant de la Communauté Européenne. ? m-v08b Stopper l’immigration au moins jusqu’à ce que le taux de chômage redescende en dessous de 5% de la population active et que la population soit en décroissance progressive. => afin de favoriser le plein emploi et l’indispensable décroissance démographique. ? m-v08c Organiser des cours obligatoires d’éducation civique et sociale à destination des immigrés. => pour favoriser l’intégration par une meilleure connaissance de la société qui les accueille. Rénover la place de l’environnement : (cf R&V ch.04) p-V09 La question n’est pas « quelle est la juste place de l’environnement », mais « quelle est notre juste place dans l’environnement ! ». => gardons-nous de la tendance anthropocentrique à inverser le problème. ? m-v09a Intégrer le respect de l’environnement comme composante clé incontournable dans tous les domaines de la société. => l’environnement ne doit pas être un sujet à part, mais une partie prenante de toute la vie de notre société. ? m-v09b Classer le vivant patrimoine non brevetable de l’humanité. ? m-v09c Promouvoir le développement de technologies propres, respectueuses de la vie et de la nature. ? Démographie => la décroissance démographique est indispensable pour rétablir un équilibre naturel permettant à l’environnement de retrouver sa « durabilité » naturelle. ? Energie => la résolution des problèmes de pollution de l’énergie est déterminante pour le respect de l’environnement. ? Consommation => des standards de qualité faisant durer les biens pour réduire le grand gaspillage de la production de biens de consommation est aussi indispensable que le développement de processus de production moins polluants. ? Agriculture => migrer aujourd’hui à des méthodes respectueuses de la nature est indispensable pour espérer préserver l’environnement et continuer à se nourrir sainement demain. ? Monde animal => rendre sa place à la vie sauvage en cessant de nous attribuer tout l’espace disponible est indispensable à préserver la beauté de la nature qui fait de ce monde un endroit merveilleux pour vivre. Rénover notre rapport à la mort : (cf R&V ch.09) p-V10 Promouvoir l’idée de vivre plutôt que de ne pas mourir. => favoriser l’apprivoisement de l’idée de la mort pour ne plus la craindre et qu’elle ne nous empêche plus de vivre pleinement. ? Spiritualité => la laïcité étriquée qui favorise le règne du matérialisme contribue à ériger la mort en épouvantail absolu là où les religions et écoles spirituelles proposent une perspective moins négative. ? Education => le savoir favorise la réflexion propice à prendre du recul par rapport à la mort pour la dédramatiser. ? m-v10a Mettre fin à l’acharnement thérapeutique. ? m-v10b Instaurer un seuil maximal de prise en charge de la grande dépendance. => parce que la société n’a pas à prendre en charge l’accrochement déraisonnable à une survie devenue indigne. ? m-v10c Légaliser l’euthanasie. => inciter les personnes âgées en grande dépendance à se mettre en paix avec la mort et à envisager leur départ volontaire dans la dignité. ? m-v10d Supprimer l’obligation financière de prise en charge des personnes âgées par leur(s) descendant(s). => parce qu’il appartient à la société d’assurer la solidarité, et non de l’imposer à des personnes privées, ce qui est de surcroît très inéquitable selon qu’il y a un descendant, plusieurs ou pas du tout. ? mc-v10e Supprimer l’obligation parentale d’entretien des enfants majeurs. => en réciproque de la fin de leur obligation vis-à-vis de leurs parents âgés, et parce que l’organisation de la solidarité nationale ne le rend plus nécessaire. ? Solidarité. p-V11 Limiter les dégâts collatéraux lors de suicides. => qu’ils soient physiques ou psychologiques. ? m-v11a Mettre en place des structures d’assistance à la fin de vie volontaire. => pour accompagner le passage à l’acte des personnes désespérées en limitant les conséquences pour autrui, tout en favorisant un contact préalable qui souvent les en dissuadera. p-V12 Le décès ne doit pas être l’occasion d’un racket. ? m-v12a Instaurer la gratuité de la crémation basique. => libre à chacun de s’offrir du faste mortuaire ou simplement un emplacement dans un cimetière, mais la prestation minimale de crémation doit être disponible gratuitement pour tous. p-V13 La vie ne doit être accueillie que si des conditions favorables peuvent lui être offerte pour s’épanouir. ? m-v13a Etendre les limites imposées à l’interruption volontaire de grossesse. => afin que nulle ne soit plus obligée de s’exiler pour y recourir, ni de la pratiquer en secret dans des conditions psychologiquement ou médicalement défavorables, voire dangereuses. Rénover notre rapport au monde animal : (cf R&V ch.08) p-V14 Honorer la vie animale et la respecter. => parce qu’elle embellit la nature où nous vivons, contribue à sa pérennité, contribue à nous nourrir, et permet certaines activités économiques et de loisirs. ? m-v14a Combattre la maltraitance animale. => dans son exploitation économique comme dans les spectacles ou les loisirs. ? m-v14b Interdire l’élevage ou la capture d’animaux dont n’est pas faite une exploitation suffisamment complète de l’animal. => comme par exemple pour leur seule fourrure, leurs seuls ailerons, etc. ? m-v14c Interdire l’importation et le commerce de vêtements issus d’un tel gaspillage de la vie. => manteau de lapin d’accord, parce que leur viande est mangée, mais de vison ou de renard non, parce que les carcasses sont essentiellement perdues ou recyclés dans des utilisations artificielles. p-V15 Sécuriser l’espace public vis-à-vis de la chasse. ? m-v15a Réserver la chasse à des domaines privés dédiés à cette activité. => Interdire la chasse sur le domaine public et promouvoir à la place la création de domaines réservés à cette activité. ? m-v15b Mettre fin à la libre détention d’armes à feu, y compris de chasse. => accréditer les sociétés de chasse pour qu’y soient laissés les fusils en dépôt afin que ces armes ne soient plus en libre circulation. ? m-v15c Accréditer des chasseurs professionnels missionnés pour réguler les populations de gibiers sur l’espace public. => notamment les sangliers et les chevreuils qui manquent de prédateurs naturels. Rénover notre regard sur le sexe et la prostitution : (cf R&V ch.12) p-V16 Lever le tabou sur la sexualité. => c’est naturel et moins nocif que la violence pourtant bien moins censurée. ? m-v16a Renforcer l’éducation sexuelle à l’école. => pour favoriser une approche constructive du sujet et éviter les dérives liées à sa découverte via la pornographie. p-V17 Cesser de confondre amour et sexe. => l’un est une activité physique, l’autre une force puissante. ? m-v17a Migrer du droit du sperme au droit du cœur. => c’est l’amour d’autrui qui doit conduire les décisions de la société, notamment en matière de placement d’enfants maltraités, et non les considérations de filiation biologique. p-V18 Réhabiliter la prostitution. ? m-v18a Rouvrir les maisons closes et légaliser la prostitution. => c’est un métier comme un autre, avec une utilité sociale avérée. ? m-v18b Traquer le proxénétisme. => et toute forme d’exploitation forcée d’autrui, qu’elle soit sexuelle ou autre. Rénover les valeurs du sport : (cf R&V ch.24) p-V19 Encourager les sportifs à l’exemplarité. => afin que leur médiatisation tire la société dans le bon sens plutôt que de propager des contre-exemples. ? m-v19a Inviter les responsables des sports médiatiques à s’assurer que leurs athlètes affichent un savoir-être et un respect de leur environnement qui servent d’exemple pour les spectateurs. ? m-v19b Encourager à une évolution des règles et pratiques du football. => pour qu’elles aillent dans un sens constructif pour la société au lieu d’en être l’anti-école. ? m-v19c Militer pour que les grands événements sportifs mondiaux contribuent à aider les pays défavorisés à se doter d’infrastructures sportives. => plutôt que de chercher le dossier qui rapportera le plus d’argent aux fédérations mondiales ou au CIO. * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * RENOVATION DE LA VIE COURANTE : (Q) Rénover l’approche de la santé et de la sécurité sociale : (cf R&V ch.10) p-Q01 Migrer d’une politique palliative de maladie à une politique proactive de santé. => parce que plus la science progresse, et plus nous sommes malades ! ? m-q01a Ouvrir la santé aux apports des thérapies alternatives. => et mettre fin au règne sans partage de l’allopathie qui n’a pas démontré sa capacité à nous assurer une bonne santé. ? m-q01b Cesser les poursuites au motif d’exercice illégal de la médecine. => il faut tourner la page des pratiques inquisitoriales. ? m-q01c Améliorer l’obligation d’information des différentes voies thérapeutiques, pour en améliorer la transparence. => et responsabiliser les patients vis-à-vis de leur propre santé et de leurs choix personnels. ? m-q01d Cesser la course à l’aseptisation à outrance de la vie quotidienne. => qui développe une immunodéficience généralisée de la population, notamment au niveau alimentaire dont la surenchère de normes de sécurité devient contreproductive. p-Q02 Responsabiliser médecins et patients. => pour mettre fin à la pratique du chèque en blanc aux frais de la collectivité. ? m-q02a Etablir le ticket modérateur à 50% du tarif de convention des soins, examens et médicaments. => pour que les patients soient responsabilisés vis-à-vis des honoraires pratiqués par leur médecin et en négocient le juste montant, ainsi que par la justification des médicaments et examens prescrits, au lieu de s’en désintéresser sous prétexte qu’ils sont remboursés. ? m-q02b Instaurer un plafond annuel de non-remboursement de frais de santé d’une fois l’allocation d’active mensuelle pour un adulte, et d’une fois l’allocation d’enfance mensuelle pour un mineur. => afin de plafonner le risque financier de chacun vis-à-vis de la maladie et rendre inutile les mutuelles. ? m-q02c Exclure du plafond annuel de non-remboursement les personnes souscrivant une mutuelle. => puisque la mutuelle complémentaire annihile la responsabilisation encouragée par ce système. ? m-q02d Abroger le principe du médecin traitant. => les patients doivent être responsables de leur décision de consultation, et notamment ne pas être remboursés s’ils consultent des spécialistes à mauvais escient. ? m-q02e Généraliser pour tous le dossier médical centralisé par la Sécurité Sociale. => afin que tout médecin consulté n’importe où dans le pays, puisse accéder au passé médical du patient (antécédents, diagnostics et prescriptions passées, examens, allergies connues, autorisation de don d’organes ou refus d’en recevoir, opposition éventuelle à certains soins, etc.). ? m-q02f Exclure de la prise en charge publique les patients ou médecins refusant de participer au dossier médical centralisé. ? m-q02g Renforcer les organes de contrôle de diagnostic de la Sécurité Sociale => faire contrôler la pertinence de toute consultation et prescription par la Sécurité Sociale à qui le médecin devra fournir son diagnostic. Et pénaliser le nomadisme médical et les consultations à répétition des hypocondriaques par le refus de prise en charge. p-Q03 Redéfinir la juste prise en charge des maladies par la collectivité. ? m-q03a Instaurer une prise en charge correcte des lunettes et des prothèses auditives, dentaires ou autres. ? m-q03b Exclure de la prise en charge par la Sécurité Sociale toutes les maladies sciemment cultivées. => telles que cancer du fumeur ou cirrhose de l’alcoolique, l’autodestruction consciente relevant de la responsabilité individuelle, non de la solidarité sociale. ? Alcool et tabac ? m-q03c Renforcer la lutte contre les abus et la fraude à la Sécurité Sociale. => ce que la visibilité améliorée offerte par le dossier médical centralisé facilitera. ? m-q03d Réserver la prise en charge des prestations médicales aux seuls résidents légaux. => les personnes résidant à l’étranger et y payant leurs impôts, même si de nationalité française, n’ont pas à bénéficier de la solidarité instituée au sein de notre société. ? Immigration => cesser la prise en charge gratuite des illégaux, car ils n’ont pas à être là et que ça ne fait que les encourager à venir. p-Q04 Réajuster la rémunération des professions médicales. => pour corriger les dérives de tarifs trop administrés. ? m-q04a Développer un tarif conventionné des médecins incitant à la qualité plutôt qu’à la quantité, en prenant notamment en partie en compte le temps de la consultation. => et intégrer le fait qu’un bon médecin mérite d’être bien rémunéré, plutôt que de subir le plafonnement par le bas des tarifs administrés. ? m-q04b Développer un tarif conventionné des médecins incitant à s’implanter là où il en manque. ? m-q04c Revaloriser la rémunération des personnels hospitaliers en fonction des exigences de qualification et de leurs responsabilités effectives. => internes, infirmières, sages-femmes, etc. ? m-q04d Imposer une clause de dédit-formation aux étudiants. => pour que ces compétences formées gratuitement par la société ne s’expatrient pas ensuite vers des pays où elles sont mieux rémunérées. ? Education => afin de maintenir la gratuité de l’université mais au bénéfice de la société qui la finance. Rénover la lutte contre l’alcool, tabac, drogues et assimilés : (cf R&V ch.11) p-Q05 Préserver les mineurs de l’exposition aux substances autodestructrices. => les adultes ont la liberté de s’autodétruire, mais il faut épargner cette tentation aux mineurs le temps qu’ils deviennent légalement responsables d’eux-mêmes. ? m-q05a Confier les ventes d’alcool, tabac et assimilé, à un réseau spécialisé à accès sécurisé interdit aux mineurs. => retirer donc la vente d’alcool des rayons libre service. ? m-q05b Sanctionner le fait de fumer en présence d’un mineur ou d’une femme enceinte. => y compris dans les lieux privés, domicile ou véhicule. ? m-q05c Sanctionner les femmes enceintes qui fument ou boivent de l’alcool. => c’est de l’empoisonnement de fœtus, et ne rien dire est de la complicité. ? m-q05d Envisager le retrait temporaire ou définitif de sa famille d’un mineur accro à la drogue ou cyberdépendant. => si les parents abdiquent leur responsabilité, la société doit à ce jeune à la dérive de les suppléer. p-Q06 Renforcer la taxe de dissuasion appliquée aux substances nocives. ? m-q06a Etendre la taxation dissuasive aux sodas et autres produits à nocivité avérée. ? m-q06b Appliquer le complément de taxe adéquat aux importations personnelles de substances nocives. ? Contrôle des frontières. p-Q07 Etre cohérent en matière de liberté de s’autodétruire. => tant que cela ne nuit pas à autrui. ? m-q07a Légaliser le cannabis. => parce qu’il n’est ni pire ni meilleur que le tabac ou l’alcool. ? Ordre public => contribuera à réduire le trafic de drogues douces. Implique de renforcer les dépistages au volant au même titre que les contrôles d’alcoolémie. Rénover l’approche de la sécurité routière : (cf R&V ch.16) p-Q08 Communiquer loyalement sur la réalité de la sécurité routière et responsabiliser les conducteurs. ? m-q08a Différencier les gens qui se tuent eux-mêmes sur la route de ceux qui y sont tués. => les premiers sont responsables et coupables de leur décès et ne relèvent donc pas d’un problème de sécurité routière dont seuls les seconds sont réellement victimes. ? m-q08b Intégrer à la communication sur le bilan routier les statistiques des survivants d’accidents demeurant handicapés. => parce que c’est un problème presque plus grave que les décès et qui est masqué par la focalisation sur la seule mortalité. ? m-q08c Interpréter les statistiques en pourcentage de la population du pays plutôt qu’en valeur absolue. => parce qu’une population en augmentation rend logique une augmentation proportionnelle des victimes de la route, voire y contribue en accentuant les risques par la densification de la circulation. ? m-q08d Exclure de la prise en charge par la Sécurité Sociale les soins des conducteurs accidentés suite à une faute inexcusable. => telle qu’un très grand excès de vitesse, le non-port de la ceinture de sécurité, etc. p-Q09 Améliorer le permis de conduire. ? m-q09a Différencier les questions de code éliminatoires de celles qui ne le sont pas. => les questions ne relevant pas du bon usage de la route ne devant pas figurer à l’examen mais seulement dans la formation. ? m-q09b Développer des simulateurs de conduite en 3D. => pour permettre aux apprentis conducteurs d’accumuler des heures d’expérience bien moins coûteuses qu’une leçon en voiture avec moniteur. ? mc-q09c Réduire à dix le nombre minimal d’heures de conduite avec moniteur pour se présenter à l’examen du permis. => pour ne pas pénaliser financièrement ceux qui savent conduire, surtout compte tenu du développement de bons simulateurs. Mieux vaut des examens réalistes que de chercher à compenser en imposant des minima élevés et aveugles. ? m-q09d Instaurer des visites médicales de contrôle de la capacité à conduire pour confirmer le permis à 60 ans, 65, 70, puis tous les deux ans ensuite. => l’aptitude partielle permet de conduire une voiturette, l’inaptitude ne le permet pas. p-Q10 Réformer les dispositions relatives aux infractions et au permis à points. ? m-q10a Supprimer la perte de point pour les infractions actuellement passible seulement d’un point de retrait. => parce qu’elles ne sont pas particulièrement dangereuses pour autrui. ? m-q10b Modifier le délai de récupération des points de permis perdus : 2 points perdus se récupèrent au bout de 2 ans, 3 au bout de 3 ans, etc., indépendamment des pertes subséquentes de points. ? m-q10c Favoriser les flashs par l’avant et les interceptions sur le vif pour permettre l’identification certaine du conducteur, son passage devant un tribunal de police et l’application d’une sanction pédagogique sur mesure, en plus du retrait de points. => en cas de flash par l’arrière ou de photo de face ne permettant pas de distinguer le conducteur, simple application d’une amende forfaitaire sans retrait de points. ? Justice => meilleure pédagogie d’une sanction adaptée au contrevenant. ? m-q10d Rendre les photos de sanctions automatisées directement disponibles pour consultation par Internet ou depuis un commissariat ou gendarmerie. => sans avoir besoin de la réclamer. ? m-q10e Désigner un responsable dans chaque entreprise qui perde les points sur son propre permis s’il ne fournit pas l’identité du conducteur d’un véhicule professionnel flashé en infraction. => par défaut, le dirigeant ; afin de mettre fin à la relative impunité des conducteurs de véhicules d’entreprise vis-à-vis des pertes de points. ? m-q10f Doubler le montant des amendes forfaitaires applicables aux conducteurs étrangers non soumis à retrait de points de permis dans notre pays. => non applicable s’ils ont pu être déférés devant un tribunal de police pour sanction adaptée. ? mc-q10g Prévoir l’interception à la frontière des conducteurs étrangers ayant des infractions en suspens. => que ce soit à la sortie du territoire si les délais de traitement le permettent ou lorsqu’ils y reviennent. ? Contrôle des frontières. p-Q11 Intégrer au droit les réalités de notre société de loisirs. => et notamment le fait que s’absenter de chez soi plus de trois semaines n’est pas anormal. ? m-q11a Etendre à un mois le bénéfice du tarif minoré pour le paiement spontané d’une amende, ainsi que pour aller chercher un envoi recommandé. => afin de ne pas pénaliser les personnes parties plus de deux semaines en vacances. p-Q12 Améliorer la route pour les usagers. ? m-q12a Supprimer la priorité à droite. => la remplacer par des signalisations adaptées à la logique de chaque carrefour. ? m-q12b Améliorer la visibilité des bordures de trottoirs. => peu perceptibles la nuit par temps de pluie dans les zones pas ou mal éclairées. ? m-q12c Matérialiser par un rappel au sol les zones à limitation de vitesse spécifique. => afin d’effacer tout doute quant à la limitation applicable à un endroit donné, ce qui rend ensuite la sévérité sur les excès de vitesse plus acceptable. ? m-q12d Rendre aux ex-routes nationales leur continuité d’identification pour clarifier les itinéraires. => et ne pas dépendre de limites départementales appelées à disparaître. p-Q13 Favoriser le trafic autoroutier. => parce que ce sont les voies de circulation les plus sûres. ? m-q13a Renationaliser le réseau autoroutier. => parce la privatisation n’a pas démontré la capacité d’intérêts privés à mieux gérer ces équipements que les pouvoirs publics. ? m-q13b Instaurer la gratuité de l’abonnement au télépéage. => pour fluidifier le passage aux péages et réduire les bouchons qu’ils engendrent en période d’affluence. p-Q14 Accepter que les deux-roues puissent profiter des avantages de leur faible gabarit. ? m-q14a Dispenser les deux-roues du péage autoroutier. => puisqu’ils n’usent la chaussée que de façon insignifiante. ? m-q14b Légaliser le stationnement des deux-roues sur les trottoirs suffisamment larges pour le permettre sans gêne aux piétons. ? m-q14c Légaliser, pour les deux-roues, le fait de remonter les bouchons entre les files à vitesse modérée. Rénover la politique des transports : (cf R&V ch.17) p-Q15 Rendre les alternatives à la route plus attractives. ? m-q15a Développer le ferroutage et le transport fluvial. => comme alternatives au fret routier national et international, afin de réduire le nombre de poids-lourds sur les routes et les nuisances qui en découlent : davantage d’encombrement, dégradation accélérée des chaussées, dépendance pétrolière et pollution accrue. ? Environnement ? m-q15b Rendre de la compétitivité au rail en favorisant la baisse des tarifs voyageurs et marchandises. => en subventionnant le réseau ferré pour compenser la gratuité de la route. ? m-q15c Développer le réseau ferré là où il est saturé. => notamment les grands axes saturés qui doivent être dédoublés. ? mc-q15d Développer les ferry-trains. => permettant d’emmener sa voiture en train à l’autre bout du pays sans passer par la route, comme avec l’Eurostar. ? m-q15e Mettre fin aux privilèges contre-productifs des salariés des services publics monopolistiques. => afin de normaliser leurs conditions de travail par rapport à celles du reste de la population (RFF, SNCF, RATP, EDF, mais aussi GDF, ERDF, etc.). Rénover les solutions énergétiques : (cf R&V ch.05) p-Q16 Sortir du nucléaire. => parce que les alternatives existent. ? m-q16a Geler toute nouvelle construction de centrale nucléaire. => ne maintenir celles existantes en fonctionnement que le temps de mettre en place les alternatives indispensables, et sortir du nucléaire dès que possible. ? m-q16b Préserver l’accessibilité des déchets nucléaires pour en surveiller les containers de stockage. => donc stockage en profondeur, mais pas d’enfouissement, d’immersion abyssale, ni de délestage en direction de l’espace. ? m-q16c Abroger l’autorisation d’utiliser des matériaux faiblement radioactifs comme remblais, matériaux de construction, matières premières ou assimilées. => ce n’est pas une solution acceptable de recyclage. ? Santé => et ça prépare à des catastrophes sanitaires à terme. ? m-q16d Renforcer la recherche sur la neutralisation de la radioactivité. => parce que même en sortant du nucléaire, restera toujours les anciens déchets à traiter, voire des sites à décontaminer. p-Q17 Développer les sources d’énergie alternatives. ? m-q17a Industrialiser les principes du moteur à eau, pour l’automobile comme pour la production électrogène. => investir dans le perfectionnement et la diffusion du moteur Pantone fonctionnant partiellement à l’eau, ou du moteur Moreau 100% eau. ? m-q17b Favoriser le solaire et l’éolien vertical individuel. => au besoin en réquisitionnant tous les toits de France au sein d’une démarche volontariste conduite par l’Etat. ? m-q17c Développer le stockage mécanique de l’énergie électrique irrégulière du vent et du soleil. => grâce à des groupes électrogènes à air comprimé (selon le principe du moteur à air comprimé) et autres moyens mécaniques à développer. ? m-q17d Développer les centrales de production d’électricité solaire ou marémotrice. ? m-q17e Valider puis diffuser les technologies basées sur les générateurs magnétiques ou l’énergie du vide. => et en pousser le développement à l’aide de la puissance de la recherche publique, car ce sont les technologies de l’avenir qui rendent toutes les autres obsolètes. ? mc-q17f Prévoir que tout brevet non exploité dans les deux ans de son dépôt tombe dans le domaine public. => afin qu’aucune invention ne puisse être confisquée ni enterrée. Doit aussi s’appliquer à une exploitation manifestement dilatoire, cherchant à échapper à cette mesure sans pour autant diffuser la technologie. ? mc-q17g Permettre à l’Etat de classer « bien public » un brevet d’intérêt manifeste pour la collectivité. => défrayer alors l’inventeur de ses frais de développement et y rajouter une récompense fonction de l’intérêt du brevet. p-Q18 Chasser le gaspillage et l’inefficacité énergétique pour diminuer le besoin en énergie sans en réduire l’usage. ? m-q18a Repenser la distribution électrique du pays pour réduire les pertes par effet Joule. => favoriser la déconcentration de la production vers les habitations et autres consommateurs, afin de réduire le gaspillage par dissipation thermique lié au transport sur de longues distances de puissances importantes. Implique de développer l’électrogène de proximité (solaire, éolien, groupes électrogènes à eau, magnétiques, etc.). ? m-q18b Instaurer le STEE (service de taxation de l’eau et de l’énergie), responsable d’appliquer un barème fiscal progressif au coût de l’énergie et de l’eau pour les particuliers, bureaux et magasins. => afin que le coût marginal de la dernière unité consommée soit bien plus important que celui de la première, motivant ainsi financièrement à cesser de gaspiller ces ressources sans pénaliser l’usage de base. ? m-q18c Instaurer une taxation du gaspillage par dissipation thermique des entreprises. => sur la base de contrôle par caméra thermique, et parce que taxer selon une courbe progressive comme pour les particuliers, bureaux et magasins, pénaliserait leur développement éventuel. ? m-q18d Verbaliser les magasins maintenant leurs portes ouvertes alors qu’ils chauffent ou climatisent leur intérieur. => jusqu’à quel point la volonté d’attirer le client peut-elle justifier un tel gaspillage énergétique qui favorise les dérèglements climatiques ? Rénover l’approche de l’immobilier et du logement : (cf R&V ch.25) p-Q19 Œuvrer à déconcentrer l’emploi pour déconcentrer la demande de logement. ? m-q19a Délocaliser certaines administrations nationales et institutions hors de la région parisienne. ? Défense nationale => ça rendra également le pays stratégiquement moins vulnérable. ? m-q19b Rendre au ministère de l’aménagement du territoire le contrôle des PLU du pays. => afin de pouvoir bloquer l’extension de zones d’entreprises ou de bureaux dans les zones à forte densité de population. ? Environnement => et coordonner aussi la préservation des espaces naturels. ? m-q19c Lier la fiscalité locale des entreprises à la densité de population de leur zone d’implantation. => les taux étant à définir par l’Etat, pour en assurer la cohérence globale, et non par les collectivités territoriales. p-Q20 Pénaliser l’immobilier laissé vacant. => pour inciter à la mise en location et réduire la rareté qui conditionne la cherté du logement. ? m-q20a Donner aux collectivités locales un meilleur contrôle de la Taxe sur les Logements Vacants (TLV). => pour mieux agir là où se loger est problématique. ? m-q20b Inclure les locations saisonnières dans la TLV. => pour rétablir l’équilibre de rentabilité entre location à l’année et location uniquement saisonnière qui retirent des logements du marché. ? m-q20c Supprimer la taxe d’habitation en l’intégrant à la taxe foncière. => pour pénaliser davantage les logements laissés vacants plutôt que mis en location. ? m-q20d Soumettre la plus-value immobilière à l’imposition normale applicable à tout revenu. => pour pénaliser la spéculation, et simplifier la fiscalité. ? Contribution. p-Q21 Dissuader l’immobilier superflu. ? m-q21a Renforcer le dispositif de taxation spécifique des résidences secondaires. => sous la responsabilité des communes, pour les zones connaissant une rareté ou une cherté des logements. ? m-q21b Assujettir les propriétaires non-résidents à une taxe foncière double de celle applicable aux résidents. => pour limiter la demande en provenance de l’étranger, et en compensation des services collectifs dont ils bénéficient sans y contribuer (routes, pompiers, police, etc…). ? m-q21c Permettre aux collectivités territoriales d’interdire le droit à la propriété immobilière des non-résidents. => dans les zones où elles l’estiment nécessaires, comme Paris intra-muros et autres zones à trop forte densité. p-Q22 Exercer la solidarité de la société non en cherchant à fournir à tous un logement tout confort, mais en assurant que personne ne soit laissé à la rue. => le confort relève de la quête individuelle des niveaux supérieurs de besoin, tandis que ne pas laisser des gens à la rue relève du besoin de sécurité auquel la société doit apporter une réponse solidaire. ? m-q22a Supprimer toutes les incitations fiscales à l’investissement immobilier, locatif ou pas. => ces mesures ont démontré leur incapacité à répondre au problème, tout en créant des iniquités fiscales. ? m-q22b Se désengager des logements HLM. => parce ce que depuis tout le temps que ce système existe, il n’a pas résolu le problème, en plus de créer une iniquité entre ceux bénéficiant de ce loyer avantageux et ceux qui n’en bénéficient pas. ? m-q22c Concentrer l’action publique en faveur du logement sur le développement de « résidences de transition », de type cité universitaire. => où tout un chacun pourra accéder à un logement basique plutôt que d’être laissé à la rue, en attendant qu’il se relance et puisse se trouver mieux par lui-même dans le locatif privé. ? Solidarité => voir le dispositif de solidarité de la société permettant à tous d’avoir les moyens de vivre dans de tels logements. p-Q23 Supprimer les freins à la mise en location, ainsi que ce qui rend réticent à accepter des locataires en situation précaire ou aux ressources limitées. => afin d’encourager la mise en location de nombreux logements que la législation trop protectrice du locataire écarte du marché, ainsi que pour faciliter l’acceptation de locataires représentant un risque financier plus élevé. ? m-q23a Permettre les expulsions en toute saison dès le deuxième loyer impayé. => c’est à l’Etat d’assurer la solidarité permettant de répondre aux besoins de bases, et non de s’en décharger en l’imposant aux bailleurs privés. ? Résidence de transition. ? m-q23b Rendre nul de plein droit tout acte de caution de location immobilière. => parce que la possibilité d’expulser dès le deuxième mois impayé rend le cautionnement d’un tiers inutile, et que l’interdire met à égalité ceux ayant une famille ou des amis aisés, et ceux n’en n’ayant pas. p-Q24 Redéfinir la vie du contrat de location. ? m-q24a Réduire à un mois pour tous le préavis minimal de départ d’un logement loué vide. => pour réduire les phases de double loyer lors des déménagements. ? m-q24b Fixer le loyer à l’entrée dans un logement locatif pour dix ans, sans clause de révision ni d’indexation. => sur le principe de la garantie décennale, le logement loué doit être en bon état et donc rien ne justifie une augmentation régulière du loyer durant cette période alors que les données financières du propriétaire ne peuvent changer que s’il a négligé précédemment l’entretien. ? m-q24c Prévoir une renégociation libre du loyer au terme des 10 ans et pour une nouvelle décennie. A défaut d’accord, le propriétaire peut expulser avec préavis de 6 mois et en payant les frais de déménagement local. ? m-q24d Autoriser les augmentations négociées de loyer en cours de contrat, dans le cas de travaux d’amélioration du logement faits par le propriétaire. ? m-q24e Instituer une augmentation automatique de loyer en cours de contrat, dans le cas de travaux relevant de l’obligation d’entretien mais qui améliore en même temps le logement. => comme pour le remplacement de vieilles fenêtres simple vitrage par du double vitrage ; augmenter alors le loyer de la moitié du coût des travaux divisé par le nombre de mois de durée de vie estimative de l’équipement. p-Q25 Favoriser l’accession à la propriété. ? m-q25a Réserver le classement au patrimoine historique aux bâtiments anciens réellement remarquables. => et non y inclure tout ce qui est moindrement stylé et ancien, car ça fige l’immobilier en mettant sur les propriétaires privés des contraintes que l’Etat n’assume pas, favorisant la ruine de vieilles bâtisses qui mériteraient meilleur sort. ? m-q25b Supprimer les droits d’enregistrements proportionnels des transactions immobilières, et les remplacer par un droit fixe forfaire. => égal au montant de l’allocation d’active mensuelle multiplié par le nombre de parcelles concernées plus un. * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * RENOVATION ECONOMIQUE ET SOCIALE : (E) Rénover notre modèle agricole : (cf R&V ch.07) p-E01 S’engager dans une agriculture porteuse de vie et respectueuse de l’environnement. ? m-e01a Former le réseau de formation continue du monde agricole aux nouvelles méthodes du bio et de l’élevage extensif. => afin d’en propager les bonnes pratiques et d’accompagner la mutation des techniques agricoles. (DAF, INRA, Chambres d’Agricultures, Coopératives, etc.). ? m-e01b Passer à court terme la France entière à l’agriculture raisonnée, comme étape transitoire vers le 100% bio à moyen-long terme. => objectif à terme : bannir tout pesticide ou engrais chimique pour les remplacer par des alternatives naturelles, et diversifier les variétés à cultiver pour privilégier la qualité sur le rendement, ainsi que la résistance naturelle aux nuisibles et aux maladies. ? m-e01c Interdire l’importation de produits non 100% bio. => et contrôler la conformité des produits importés. ? Contrôle des frontières. ? m-e01d Suppression de l’élevage intensif au profit de l’élevage extensif. => avec nourriture bio et accès au plein air, dans des conditions de vie animale dignes. ? m-e01e Interdire les OGM, au titre du principe de précaution. => donc interdiction de l’importation d’OGM, tant en graine qu’en aliment (pour humains comme pour animaux), ainsi que de la culture en plein air. La recherche sur les OGM doit se faire exclusivement sous serre garantissant la non-dissémination des pollens et graines. p-E02 Décréter « l’exception alimentaire ». => tout comme la culture, l’alimentation n’est pas une marchandise comme une autre et ne peut être laissée à la merci du libre échange mondial. ? Protectionnisme et contrôle des frontières. ? m-e02a Instaurer un marché agricole national protégé. => afin que les agriculteurs puissent vivre décemment de leur production en respectant les contraintes de qualité qui leurs sont imposées. ? m-e02b Limiter les importations alimentaires aux produits accessoires ou exotiques. => afin de préserver l’autosuffisance alimentaire du pays en denrées de base. ? m-e02c Rejeter le Codex Alimentarius mondial. => afin de préserver la diversité alimentaire en refusant la standardisation mondiale. ? Santé. p-E03 Migrer d’une agriculture administrée à un marché agricole de libre entreprise. ? Protectionnisme et contrôle des frontières => pour permettre un marché national protégé. ? m-e03a Rendre aux agriculteurs leur responsabilité de chefs d’entreprise autonome. => les responsabiliser vis-à-vis de leur production, de sa qualité et de sa commercialisation comme de véritables entrepreneurs indépendants, plutôt que comme simples exécutants d’instructions administratives sous perfusion de subventions de la PAC. ? m-e03b Inviter la profession à mettre en place une caisse d’assurance agricole spéciale aléas climatiques. => afin que les agriculteurs puissent assurer leurs risques spécifiques d’entrepreneur, sans intervention systématique de l’Etat. ? m-e03c Accompagner cette mutation par la possibilité pour un agriculteur de choisir de devenir salarié contractuel public en donnant ses terres à l’Etat. => mesure d’accompagnement à titre de filet de rattrapage pour ceux ratant la transition ; ils deviennent alors des employés publics agricoles appliquant les instructions de l’administration sur le domaine agricole public, par exemple pour des productions stratégiques de réserve. Et revendre progressivement l’essentiel de ces terres au secteur agricole privé ou les restituer à la nature, l’Etat n’en conservant qu’une part minime pour ses productions de réserve. ? m-e03d Modifier le droit des baux ruraux. => notamment le régime du fermage trop confiscatoire de la propriété privé. Rénover les pratiques commerciales : (cf R&V ch.06) p-E04 Réduire le gaspillage engendré par la non-qualité. => meilleure qualité = moins de renouvellement = moins de production = moins de consommation de ressources et de déchets divers. ? m-e04a Imposer des durées de garantie légale longue sur les biens de consommation. => afin de favoriser la qualité et la durée de vie. Mieux vaut des biens neufs plus chers et un marché de l’occasion plus actif, que de la non-qualité pas chère forçant à surproduire. ? m-e04b Instaurer un organisme public en charge d’autoriser la mise sur le marché des biens de consommation. => sur le principe de l’AMM des médicaments, et afin de s’assurer de leur bonne conception, de leur réparabilité, de leur qualité au moins apparente, bref, de leurs caractéristiques SLM, ce qui permettra d’écarter du marché les produits participant au grand gaspillage mondial. ? m-e04c Instaurer un observatoire de la qualité. => pour collecter les données de tous les services SAV afin que chacun connaisse avant l’achat le niveau de qualité d’un produit ou d’une marque. p-E05 Lutter contre les pratiques commerciales abusives. => l’Etat a vocation à être le premier défenseur des consommateurs, plutôt que de déléguer ce rôle à des associations privées. ? m-e05a Interdire la commercialisation de biens intégrant une obsolescence programmée. => parce que ce n’est pas loyal, donc non conforme à l’exigence de qualité SLM applicable à tout bien commercialisé. ? m-e05b Etendre l’interdiction de la vente liée aux téléphones portables à prix préférentiel moyennant souscription d’un abonnement avec engagement de durée. => afin que le consommateur paye le vrai prix des appareils, y fasse alors plus d’attention et exige de la qualité, bref réduise le gaspillage ; et aussi pour que la surfacturation de l’abonnement compensant ce subventionnement des appareils disparaisse. Cette mesure implique d’interdire aussi le verrouillage des appareils vendus sur un réseau spécifique. ? m-e05c Unifier le prix d’un appel téléphonique national quelconque sur la base des seuls tarifs de l’opérateur de l’appelant. => si l’appelé est sur un portable, le surcoût lié à cette mobilité doit être à sa charge, non à celle de l’appelant. Afin d’encourager à ce que l’usage du portable retrouve sa juste utilité. ? m-e05d Soumettre l’attribution d’un numéro à tarification spéciale à autorisation de l’ART. => afin de contrôler que les numéros surtaxés correspondent à un service autonome réel, et non à une pratique abusive comme l’ont trop longtemps pratiqué certains SAV de distributeurs. Ne concerne pas les numéros gratuits. ? m-e05e Renforcer la mission du BVP pour vérifier la loyauté de la communication publicitaire. => notamment pour chasser des publicités les artifices présentant les produits sous un jour faussement avantageux et donc trompeur. Rénover l’approche de l’économie et de l’entreprise : (cf R&V ch.20) p-E06 Cesser l’interventionnisme stérile et les mesures perturbant le commerce. ? m-e06a Arrêter les mesurettes de stimulation économique inefficaces, voire néfastes, à moyen terme. => telles les primes à la casse automobile, qui ne sont que des feux de paille avant des lendemains qui déchantent. ? m-e06b Supprimer les soldes. => parce qu’elles biaisent le commerce et favorisent la fraude. Les commerçants pour qui les remises libres ne suffisent pas et qui ont besoin de vendre à perte pour écouler du stock doivent le faire auprès d’un réseau de déstockeurs agréés. p-E07 Stimuler les forces entrepreneuriales créatrices d’emploi et de richesses. ? m-e07a Décomplexifier les obligations administratives des entreprises pour les libérer du poids qui les bride. ? Contribution => pour alléger la gestion de la paye et des cotisations sociales. p-E08 Respecter la libre concurrence uniquement entre acteurs ayant les mêmes contraintes. => donc respectant le même cahier des charges, notamment en matière fiscale et sociale. ? m-e08a Rétablir des barrières douanières pour les importations. => afin de rétablir l’équilibre et préserver la production française destinée au marché national de la concurrence faussée des pays à bas coûts de main d’œuvre, y compris au sein même de l’Union Européenne. ? mc-e08b Etablir une douane sociale pour les services proposés en France depuis l’étranger. => à moduler en fonction du pays d’origine du service pour rétablir l’équilibre des conditions sociales. A appliquer, entre autres, aux transporteurs étrangers venant charger en France, aux services de proximité ou professions libérales déclarés à l’étranger pour y payer moins de cotisations, ou encore aux services à distance via Internet. p-E09 Réduire les freins au recrutement et faciliter le marché du travail. ? m-e09a Libérer les motifs de licenciements afin de faciliter les embauches. => parce qu’on n’hésite pas à embaucher quand on sait qu’on peut plus facilement licencier si les choses changent. ? Plein emploi => le licenciement facile n’est acceptable qu’en liaison avec une véritable politique du plein emploi garantissant une facilité à retrouver du travail. ? m-e09b Donner aux salariés un droit de rachat à la valeur nette comptable de leur outil de travail en cas de fermeture de l’entreprise ou d’une unité de production, et à l’Etat un droit de préemption de second rang à titre stratégique si les salariés ne l’exercent pas. => ce qui permettra aux salariés de lutter contre les délocalisations qu’ils estiment injustifiées en reprenant eux-mêmes leur entreprise. ? m-e09c Reconnaître le droit à démissionner sans privation des bénéfices de la solidarité sociale. ? Solidarité. ? m-e09d Développer une fonction emploi performante au sein du fichier central. => afin de simplifier le marché du travail pour les demandeurs comme pour les recruteurs. ? m-e09e Rendre obligatoire la prise en charge par le recruteur de la moitié des coûts de déplacements du premier rendez-vous de recrutement et de la totalité des éventuels suivants. => dès lors que le déplacement est conséquent, c'est-à-dire supérieur à 50 kms. ? m-e09f Refuser la discrimination positive. => car elle dévalorise les personnes qui en bénéficient. p-E10 Améliorer l’équité du droit du travail. ? m-e10a Intégrer les dispositions justifiées des conventions collectives au code du travail, puis supprimer les conventions collectives. => afin de lutter contre les castes corporatistes et favoriser l’équité entre les travailleurs en éliminant les privilèges sectoriels. Les entreprises demeurent libres de conclure des accords internes avec leurs salariés, mais qui n’engagent qu’elles, sans s’étendre à toute la branche. Rénover les relations sociales au travail : (cf R&V ch.19) p-E11 Renforcer l’implication des salariés dans leur entreprise. ? m-e11a Améliorer la participation aux bénéfices des salariés du privé. => en fusionnant et renforçant les dispositions existantes (participation et intéressement), non en créant de nouvelles mesures. ? m-e11b Attribuer un tiers des sièges du conseil d’administration des entreprises aux représentants des salariés. => afin de favoriser le dialogue social en responsabilisant les salariés quant à la bonne marche de l’entreprise. ? m-e11c Réformer les modalités d’élection des représentants du personnel pour ouvrir le premier tour à tous les candidats. => suppression donc du monopole syndical sur les candidatures du premier tour, et suppression de la présomption de représentativité. ? m-e11d Abolir la fonction de délégué syndical. => qui fait doublon avec les délégués du personnel, ceux-ci ne devant résulter que de l’élection démocratique par les employés, et non se voir désignés d’office par un syndicat pas forcément représentatif au sein de l’entreprise. p-E12 Faire évoluer la pratique de l’action sociale. ? m-e12a Inciter les syndicats à agir au niveau national en lobbys. => donc en défendant leurs positions auprès des élus, mais sans légitimité à s’opposer à des mesures votées par l’assemblée législative démocratiquement élue par les citoyens. A défaut de porter un programme social devant les électeurs, les syndicats doivent en revenir à leur rôle de modérateurs et conciliateurs des problèmes relatifs au monde du travail. ? m-e12b Limiter le droit de grève des services publics monopolistiques, indépendamment du statut public ou privé de l’entité concernée. => parce que prendre en otage des usagers n’ayant pas d’alternative relève de l’abus de pouvoir de nuisance, donc pas de grève légale avant médiation et autorisation par le Gouvernement, ou, si celui-ci est partie prenante au conflit, par un conseil de sages de type Conseil Constitutionnel. p-E13 Redéfinir le fonctionnariat. ? m-e13a Réserver le statut de fonctionnaire aux seules personnes engagées dans l’exercice du pouvoir régalien de l’Etat et des collectivités territoriales. => parce que la nécessité de sécuriser le futur pour préserver de la tentation de corruption est la seule justification à la garantie de l’emploi. ? m-e13b Abolir le droit de grève des fonctionnaires. => la responsabilité d’exercer le pouvoir régalien de l’Etat, et la garantie de l’emploi qui en découle, sont incompatibles avec le droit de grève. ? m-e13c Transférer au statut de contractuel les personnels ne relevant pas de l’exercice du pouvoir régalien de l’Etat. => donc toutes les fonctions supports, les enseignants, etc. Même conditions d’emploi alors que les salariés du privé, sans garantie de l’emploi mais avec droit de grève selon les modalités applicables aux services publics monopolistiques. Rénover notre conception de la retraite : (cf R&V ch.21) p-E14 Assujettir la retraite à la capacité de travailler plutôt qu’à un hypothétique droit à devenir rentier. => en rectification de la dérive qui s’est installée quant au concept de retraite. ? m-e14a Supprimer l’âge légal de mise à la retraite qui doit n’être qu’une incapacité permanente de travailler découlant de l’âge. => donc à constater médicalement et correspondant à un âge variable selon les individus et leur parcours. ? Solidarité. p-E15 Travailler moins pour vivre plus ! => Organiser la vie professionnelle pour profiter de la vie tout au long de son existence plutôt que d’attendre la retraite pour espérer le faire. ? Plein emploi et Retraite => travailler moins pour avoir plus de temps libre et repousser l’usure physique et nerveuse, mais aussi favoriser le changement de métier ou de poste au cours de la vie professionnelle pour repousser la lassitude découlant de décennies à faire la même chose et qui fait aspirer à la retraite. Rénover l’approche du plein emploi et de la carrière : (cf R&V ch.22) p-E16 Partager le travail entre tout ceux qui en demandent afin d’atteindre le plein emploi. => comme on doit le faire d’une ressource rare et vitale. ? m-e16a Réduire la durée hebdomadaire légale de façon marquante soit une journée complète pour un passage à 28 heures par semaine. => afin de dégager des emplois pour tous, tout en permettant à ceux qui travaillent de mieux profiter de la vie tout au long de l’existence. ? Retraite => réduit l’usure physique et nerveuse qui rapproche le besoin de partir en retraite. ? m-e16b Réduire la charge salariale des entreprises proportionnellement à la réduction horaire, tout en maintenant le salaire net. => afin que les embauches compensatoire de cette réduction horaire ne soient pas une surcharge pour les employeurs et que les employés conservent leur pouvoir d’achat, l’ajustement se faisant sur les charges salariales et patronales, grâce aux moindres besoins de cotisations découlant du plein emploi et de la réforme des retraites. ? Contribution et solidarité, Retraite. ? m-e16c Fixer les majorations pour heures supplémentaires hebdomadaires à 10% la 1ère heure, 20% la 2ème, 30% la 3ème, etc. => avec maintien des limites hebdomadaires et annuelles actuelles. ? m-e16d Ne réajuster la durée légale du travail que s’il y a une variation conséquente et durable du taux de chômage. => et non un peu tous les ans, afin d’éviter une instabilité difficile à gérer pour les entreprises. ? m-e16e Supprimer le statut cadre. => celui-ci est un salarié comme un autre soumis aux mêmes horaires et contributions, indépendamment des responsabilités qu’il assume. ? mc-e16f Réserver le principe du forfait annuel en jours au seul personnel itinérant. => parce que leurs horaires sont incontrôlables. p-E17 Favoriser la mobilité interprofessionnelle. ? Retraite. => pour ne pas faire la même chose tout au long de son existence et repousser la lassitude qui fait aspirer à la retraite. ? m-e17a Développer la formation continue et les possibilités de reprise d’études supérieures à tout âge. => pour faciliter les reconversions professionnelles. ? Solidarité, Eucation. ? m-e17b Contrôler l’efficacité des organismes de formation. => afin d’éliminer la fraude et les pratiques assimilées gaspillant l’argent public. ? m-e17c Exiger des candidats à un emploi public un minimum de 10 ans d’expérience dans le privé. => tant pour assurer une maturité humaine, notamment pour les enseignants et les gardiens de la paix, qu’une expérience pratique de la société qu’ils vont ensuite servir. Non applicable à certaines professions comme la santé. Rénover l’organisation de la contribution et de la solidarité : (cf R&V ch.29) p-E18 Simplifier la paye et les cotisations sociales. => dans le cadre de la simplification administrative destinée à libérer les forces productives du pays. ? Economie et entreprise. ? m-e18a Fusionner au sein des services d’Etat toutes les caisses sociales. => (cf R&V ch.19 et 22) maladie, retraite, familiale, chômage, 1% logement, etc, parce que c’est l’Etat qui est responsable d’assurer la solidarité au sein de la société. Y intégrer également tous les régimes spéciaux, afin de gommer les castes corporatistes et parce que l’iniquité de ceux-ci n’incite pas les privilégiés à la mobilité interprofessionnelle. ? m-e18b Réévaluer le montant de tous les salaires bruts par intégration de toutes les cotisations sociales patronales et avantages assimilés correspondant à la solidarité et à la prévoyance. => cotisations maladie, familiale, retraite, chômage, mutuelle, transport en commun, ticket restaurant, 1% logement, etc., afin qu’un salaire brut retrouve une signification et qu’il soit bien clair que la solidarité est l’affaire de chacun, et non celle des employeurs, en rupture avec l’approche paternaliste déresponsabilisante qui a prévalu jusqu’à présent. ? m-e18c Limiter les charges patronales à ce qui relève de l’activité et des besoins de l’entreprise. => accident du travail et maladie professionnelle, formation professionnelle, et taxe d’apprentissage. ? m-e18d Appliquer un taux unique de contribution de 50% au salaire brut. => couvrant à la fois l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales tous régimes et caisses confondus. 50% est le taux maximum acceptable, et qui sert de point de départ mais qui pourra baisser au fur et à mesure de l’amélioration de la situation financière de la société. ? m-e18e Développer le prélèvement à la source de cette contribution fiscale et sociale. => à verser chaque mois au guichet unique de l’Etat et intégrant de facto le prélèvement à la source de l’impôt. p-E19 Simplifier la solidarité en assurant l’équité. => en allouant à tout résident légal du pays, quelles que soient sa situation ou ses ressources, une allocation unique au titre de la solidarité de la société avec tous ses membres. ? m-e19a Allouer mensuellement l’allocation d’active à tout adulte apte au travail. => son montant correspondant au minimum nécessaire pour vivre au moins en résidence de transition. Assimilable à un revenu d’existence. ? m-e19b Allouer mensuellement l’allocation d’invalidité à tout adulte inapte au travail. => montant triple de celui de l’allocation d’active, au prorata de son inaptitude (50, 75 ou 100%). ? m-e19c Allouer mensuellement l’allocation d’enfance pour le premier enfant attaché à chaque adulte. => égale à la moitié de l’allocation d’active ; rien n’étant versé pour les éventuels enfants suivants afin d’encourager à une réduction progressive de la démographie. ? m-e19d Instituer un devoir de compensation de l’allocation d’active par du travail au service de la collectivité pour tout bénéficiaire recevant plus qu’il ne contribue. => sur la base d’un mi-temps et au prorata de la part d’allocation à compenser, afin d’éviter le parasitisme autant que pour lutter contre le désœuvrement du chômeur longue durée pris dans une spirale d’exclusion. ? m-e19e Accorder la compensation automatique à un parent s’occupant d’un enfant de moins de trois ans, ainsi qu’à une personne s’occupant d’un proche présentant un taux d’incapacité d’au moins 50%. ? m-e19f Fixer l’indemnité maladie à 75% des salaires nets moyens des 12 derniers mois avec le montant de l’allocation d’invalidité pour plafond. => parce que la solidarité ne doit pas inciter à l’imprévoyance ni chercher à préserver le confort, mais simplement garantir le minimum pour ne pas se retrouver à la rue avec la faim au ventre. A chacun de prévoir sa poire pour la soif ou de prendre une assurance privée complémentaire. p-E20 Maintenir l’autonomie du régime d’assurance accident du travail et maladie professionnelle. => parce qu’il doit être équilibré par les cotisations des employeurs et non couvert au titre de la solidarité sociale. ? m-e20a Maintenir la gestion de la maladie professionnelle et accident de travail au sein d’une caisse autonome, gérée également par l’Etat. ? m-e20b Garantir 100% des revenus bruts pendant un an en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, puis 75% au-delà avec plafonnement à vingt fois le montant de l’allocation d’active. => ces revenus étant bruts, ils sont normalement soumis à contribution au taux en vigueur. p-E21 Assurer la neutralité de la société vis-à-vis du mariage, qui doit n’être, socialement parlant, qu’un contrat de vie commune entre des individus, dont les seules conséquences légales sont en matière de succession. => le mariage social se borne alors à instituer l’officialisation d’une communauté de vie pour les questions juridiques liées à un décès (succession, transfert de bail, etc.), le reste étant du ressort personnel et ne concernant pas la société. ? m-e21a Considérer comme « mariage » tout contrat d’union entre deux (ou plus) personnes majeures, sans spécification de sexe, d’une durée minimale initiale de trois ans, dénonciable ensuite à tout moment par l’une quelconque des parties sans besoin de motif spécifique. => suppression de tout autre statut, le PACS devenant un mariage comme un autre, le concubinage une situation sans aucune implication légale, et le ménage à trois ou plus gagnant la possibilité d’une reconnaissance juridique. ? m-e21b Conserver au décédé le droit de disposer d’une quotité disponible égale à un quart de son patrimoine. => au profit de qui bon lui semble. ? m-e21c Répartir la moitié de la part réservataire ) parts égales entre le (ou les) conjoint(s) éventuel(s), et l’autre moitié à parts égales entre le (ou les) enfant(s) éventuel(s). => en l’absence de conjoint ou d’enfant, cette part réservataire n’est pas divisée en deux, et en l’absence de conjoint et d’enfant, le patrimoine du décédé est intégralement en quotité disponible. ? m-e21d Aligner le droit de succession applicable aux non-successibles sur le taux en vigueur pour la contribution sur les revenus. => c’est un revenu comme un autre, qui n’a pas à être surtaxé. ? m-e21e Appliquer au(x) conjoint(s) les droits de succession applicables aux non-successibles avec un abattement d’un dixième par année d’ancienneté du mariage. => afin que l’exonération de droits ne résulte que d’une ancienneté de vie commune et non d’un amour aussi soudain que possiblement intéressé. p-E22 Simplifier la fiscalité. => afin que se réduise la fraude favorisée par la complexité, et pour que le droit fiscal soit plus facilement accessible à chacun, professionnels et particuliers, sans nécessité de recourir à un expert. ? m-e22a Appliquer à tout revenu (hormis les dividendes) le même taux unique de contribution de 50% que pour les salaires. => afin que tout revenu contribue dans la même proportion au fonctionnement global de la société et de la solidarité qu’elle assure. ? m-e22b Instituer le prélèvement à la source pour tout revenu ne nécessitant pas l’établissement d’un bilan annuel. ? m-e22c Fixer l’impôt sur les sociétés à 33,33% pour toute entreprise. ? m-e22d Prélever à la source la contribution sur les dividendes au taux de 25%. => pour compléter l’IS et arriver à la contribution unique de 50% sans double imposition. La neutralité entre salaire et dividendes est ainsi assurée, supprimant les calculs d’optimisation entre les deux. ? m-e22e Supprimer l’abattement pour frais réels des salariés. => parce qu’il appartient à chacun de s’organiser selon ses préférences, et qu’il n’y a donc pas à avantager fiscalement ceux qui trouvent un avantage à habiter loin, ni ceux qui préfèrent aller au restaurant le midi plutôt que de se prévoir un casse-croûte. ? m-e22f Uniformiser le barème des frais kilométriques pour les indépendants sur la seule base des véhicules de 6 CV. => parce que le type et la puissance du véhicule utilisé ne regardent que la personne concernée, et qu’il n’y a pas à favoriser ceux qui choisissent de grosses voitures plutôt que des petites. ? m-e22g Supprimer tous les livrets d’épargne règlementée. => que les banques et assimilés proposent librement leurs placements soumis à la fiscalité normale. ? m-e22h Bannir l’ISF et le bouclier fiscal. => l’équité interdit une telle taxation discriminatoire sur la base du patrimoine (et tant pis pour les envieux). Le bouclier fiscal devient alors inutile, puisqu’il n’a de raison d’être que pour protéger les petits revenus de l’ISF sur une propriété familiale survalorisée par la spéculation immobilière. ? m-e22i Supprimer tous les investissements défiscalisants. => intéressant pour se payer un bateau aux Antilles, mais dont la contribution au développement des DOM reste à démontrer. ? m-e22j Arrondir la TVA à 20% pour le taux normal, 5% pour le taux réduit, et 2% pour les médicaments. => pour en finir avec toutes les décimales inutiles. ? m-e22k Réviser le reste du droit fiscal pour réduire le nombre de petites taxes spécifiques, abattements divers, niches de défiscalisation, etc. => toujours dans le souci de simplifier ce qui peut l’être, sans pour autant supprimer ce qui est utile et justifié. ? m-e22l Supprimer la taxe pour copie privée des appareils numériques. => parce qu’elle institue une présomption de culpabilité de piratage contraire à la présomption d’innocence. Rénover notre système monétaire : (cf R&V ch.26) p-E23 Définir un système monétaire vertueux en remplacement de notre système vicié. => sujet fondamental à l’impact aussi insidieux que majeur sur notre économie. ? m-e23a Remplacer le principe de création monétaire par réserve fractionnaire par une masse monétaire fixe appartenant à la société. => qui devient alors auto-stabilisante pour l’économie et le pouvoir d’achat, au lieu d’agir en amplificateur d’instabilité. ? Politique européenne. => impact sur la monnaie commune actuelle. ? m-e23b Attribuer à l’Etat la propriété de la masse monétaire orpheline résultant du gel de celle-ci. => ce qui permet d’en compenser voire d’en supprimer progressivement tout ou partie de l’endettement. p-E24 Faciliter les placements d’épargne dans le financement d’investissement. ? m-e24a Etendre le statut de société d’investissement à capital variable aux sociétés de financement. => afin qu’elles puissent bénéficier des capitaux d’épargne pour assurer la continuité des services de crédit et de financement nécessaires à l’économie. p-E25 Lutter contre l’économie souterraine et la criminalité. => afin que tous contribuent loyalement au fonctionnement collectif. ? Justice et ordre public. ? m-e24a Supprimer la monnaie fiduciaire. => en l’absence de cash, tout paiement doit transiter par des comptes bancaires : le travail au noir et l’argent sale deviennent plus facilement contrôlables. ? m-e24b Développer les paiements démonétisés à la place. => cartes de paiement et de crédit, paiement mobile… Rénover les marchés financiers : (cf R&V ch.27) p-E26 Comprendre que les dérives des marchés financiers n’ont été possibles que de par les règles que nous avons établies ou laissées établir. A nous de les changer puisque nous nous apercevons qu’elles nous déplaisent. => pas de déresponsabilisation face aux errements des marchés financiers. ? m-e26a Supprimer la cotation en continu des marchés financiers français pour restreindre l’établissement d’un cours à une fois par mois pour les actions, matières premières et contrats financiers assimilés, et une fois par semaine pour les devises tant qu’il y en a. => la spéculation est ainsi considérablement réduite, et les algorithmes automatiques basés sur le très court terme et qui passent actuellement l’essentiel des ordres sur les marchés mis hors course. ? m-e26b Inviter les autres pays d’Europe et du monde à faire de même. ? m-e26c Promouvoir au niveau international la création d’une monnaie mondiale unique à masse fixe : le Globex. p-E27 Dissocier les activités opérationnelles normales des banques et entreprises, des activités spéculatives. ? m-e27a Interdire l’investissement spéculatif des banques et établissements de dépôt autrement que par le biais d’une filiale dédiée à cette activité dont les actions doivent être provisionnées à 100%. => la faillite éventuelle de la filiale est alors sans conséquence sur les dépôts des clients. ? m-e27b Rendre obligatoire le provisionnement à 100% dès l’origine de tout investissement spéculatif réalisé par les entreprises et personnes morales assimilées dont la spéculation n’est pas l’objet social. => afin de ne pas risquer d’impacter l’activité normale en cas de revers. * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * RENOVATION INSTITUTIONNELLE : (I) Rénover la justice et ses procédures : (cf R&V ch.13) p-I01 Assurer la cohérence et l’accessibilité de la Loi. ? m-i01a Séparer la Constitution, qui régit l’organisation fonctionnelle de la société, des Lois Fondamentales, qui posent les principes fondateurs du droit. => et alors pourra-t-on valablement dire « nul n’est censé ignorer les Lois Fondamentales ». ? m-i01b Réécrire toutes les lois qui le nécessitent pour clarifier la lettre de la loi. => avant de dire que nul n’est censé ignorer la loi, celle-ci doit commencer par s’exprimer de façon claire pour tous. ? m-i01c Réviser toutes les lois qui le nécessitent pour en assurer la cohérence entre elles. => comment opposer la loi à un citoyen fautif si elle se contredit elle-même ? ? m-i01d Améliorer les sites Internet de type legifrance, voués à mettre les textes de loi à la portée de tous. => afin que chacun puisse trouver facilement et sans ambiguïté les dispositions s’appliquant à chaque cas. ? Clarification de la lettre de la loi. ? m-i01e Renvoyer toute loi ou assimilée, identifiée au cours d’un jugement comme contraire aux Lois Fondamentales ou simplement en contradiction avec une autre, à l’autorité qui l’a promulguée pour mise en conformité ou abrogation. => contribuera à la mise à jour progressive de tous les textes de lois obsolètes et contradictoires de notre droit. ? Réécriture des lois. ? m-i01f Automatiser l’entrée en vigueur d’une loi le 1er du mois suivant lorsqu’elle a été votée pendant la 1ère quinzaine, et le 16 si c’était la 2ème quinzaine, sauf stipulation contraire d’une date de mise en application. => (cf R&V ch.11) afin d’en finir avec des délais de publication des décrets d’application parfois très indignes d’une démocratie et confinant au délit d’entrave. p-I02 Favoriser la bonne foi dans les procédures de justice. ? m-i02a Rétablir la primauté du fond sur la forme à tous les niveaux d’instance. => afin de ne plus attendre d’arriver en cassation pour que l’esprit de la loi triomphe sur sa lettre imparfaite. ? m-i02b Sanctionner les procédures manifestement abusives. => afin de responsabiliser les individus quant à leurs propres errances, et sans chercher à substituer un bouc-émissaire à la fatalité. ? m-i02c Intégrer à un jugement déboutant un plaignant un avis du juge sur le degré de bonne ou mauvaise foi de l’affaire, et sanctionner la mauvaise foi. => afin de contrer les menteurs et les procéduriers cherchant uniquement à nuire à autrui et encombrant les tribunaux de cas abusifs. ? m-i02d Sanctionner les manœuvres et recours manifestement dilatoires. => puisque ça ne vise qu’à faire traîner les procédures et relève donc de la mauvaise foi. ? m-i02e Ne plus communiquer le dossier d’accusation à la partie défendante qu’après avoir recueilli sa version spontanée des faits. => mentir au tribunal sera ainsi bien moins facile, le risque d’être pris en flagrant délit de mensonge étant alors bien supérieur, tout comme la sanction en découlant. ? m-i02f Répartir les dépens selon les torts de chacune des parties. => et que ceux-ci couvrent les frais réels de toute la procédure de justice. ? m-i02g Instaurer le plaider-coupable. => pour favoriser l’efficacité de traitement des dossiers en favorisant la bonne foi et la repentance, ce dont découlera des dépens réduits. ? m-i02h Sanctionner dans la foulée, sans attendre une procédure séparée, les faux témoignages ou les accusations mensongères révélés au cours d’un procès. => afin d’éviter la perte de temps d’un nouvel examen du dossier sous cet angle spécifique. ? m-i02i Instituer l’abus de confiance public et le mensonge sous serment ou dans l’exercice de fonctions publiques en crimes avec circonstances aggravantes. => à l’exception des besoins d’un enquêteur prêchant le faux pour savoir le vrai. ? m-i02j Favoriser le paiement au résultat des avocats. => afin qu’ils soient financièrement intéressés à ne plaider qu’à bon escient et en défense motivée des intérêts qu’ils représentent. p-I03 Améliorer l’efficacité des procédures de justice. ? Favoriser la bonne foi. ? m-i03a Renforcer les moyens humains et matériels de l’institution judiciaire. => afin que la justice ne soit plus discréditée par des délais indignes. ? m-i03b Recourir aux médiateurs et conciliateurs pour pré-étudier les dossiers relevant du civil et ne faisant pas l’objet d’un plaider-coupable. => afin de permettre ensuite une plus grande efficacité du juge lorsqu’il se saisit du dossier. ? m-i03c Instaurer l’action de groupe. => pour éviter de juger de multiple fois un même cas. ? m-i03d Maintenir des juges d’instruction indépendants. => pour toutes les affaires impliquant des élus ou le pouvoir exécutif de l’Etat et des collectivités territoriales. ? m-i03e Instaurer une autorité professionnelle indépendante supervisant a posteriori les décisions de tous les juges. => afin de s’assurer qu’aucun juge ne soit sujet à des dérives systématiques nuisibles à l’équité et à la justice. p-I04 Rendre la justice facilement accessible à tous. ? m-i04a Fonctionnariser les avoués, garants du respect de la procédure, et en commettre un d’office à chacune des parties de chaque affaire. => afin que le bon accès à la justice ne soit plus une affaire de moyens financiers. ? m-i04b Rendre les avocats optionnels en toute circonstance. => chacun devant pouvoir se défendre seul, à l’aide d’un bénévole de son choix, ou encore d’un avocat professionnel s’il le souhaite. p-I05 Renforcer le rôle pédagogique de la justice. ? m-i05a Adapter les sanctions à chaque fautif pour en maximiser l’effet pédagogique. => parce que l’impact d’une amende ou d’un emprisonnement varie considérablement en fonction des gains, du patrimoine, et du statut de la personne à qui elle s’applique ; mettre donc fin à la sanction uniformisée parce qu’il n’est pas juste question de payer un prix donné pour une faute donnée. ? m-i05b Mettre fin aux condamnations avec sursis. => une faute avérée appelle une sanction claire, pas un sursis trop laxiste par les temps présents qui demandent au contraire un surcroît de fermeté afin de rectifier les dérives installées. ? m-i05c Juger les mineurs en fonction de leurs actes. => mettre fin à la prétendue irresponsabilité de leur âge et l’impunité de fait qu’elle instaure. ? m-i05d Instaurer une notion de « crime impardonnable » passible automatiquement de la sanction maximale. => donc la perpétuité réelle et irrémissible (pas de peine de mort), applicables aux serial killers, violeurs pédophiles, violeurs meurtriers, meurtriers déments, etc., et avec castration chimique pour les psychopathes sexuels. ? m-i05e Instituer l’irresponsabilité psychiatrique en circonstance aggravante d’un crime justifiant la perpétuité. => pour préserver définitivement les citoyens des maladies mentales s’étant avérées dangereuses pour autrui, et dont nous ne savons malheureusement pas évaluer la réalité d’une éventuelle guérison. p-I06 Préparer à la mutation de la Justice avant sa mise en œuvre. (cf R&V ch.33) ? m-i06a Organiser une période d’aveux spontanés des crimes et délits. => pour permettre une remise à zéro sur le principe « faute avouée à moitié pardonnée », avant de passer au nouveau régime juridique à la sévérité accrue et rétroactive. Rénover l’approche de l’emprisonnement : (cf R&V ch.14) p-I07 Rendre aux prisons leur rôle dissuasif. ? m-i07a Cesser de proposer aux prisonniers des prisons luxueuses. => les conditions doivent être spartiates et hautement sécurisées, et non rivalisant avec des lycées ou des maisons de retraite. ? m-i07b Instaurer le travail carcéral obligatoire pour tous au profit du seul fond d’indemnisation des victimes et de la compensation du coût de leur emprisonnement. => et non en partie à leur profit. ? m-i07c Assurer la stricte égalité du régime carcéral pour chaque catégorie de détenus. => une prison n’est pas un établissement à option ; l’argent ne doit y conférer aucun droit. ? m-i07d Assurer une alimentation frugale mais saine, au régime végétarien pour tous. => afin de respecter toutes les religions, que le repas coûte moins cher, et que l’absence de viande favorise la non-violence. ? m-i07e Renforcer les contrôles pour réellement interdire quoi que ce soit qui vienne de l’extérieur. => y compris nourriture quelconque, alcool ou même tabac. Seule exception : les messages familiaux ou de proches, sous plis ouverts contrôlables. ? m-i07f Préserver les surveillants de prison du chantage. => en mettant leurs familles à l’abri des pressions et en garantissant leur anonymat. p-I08 Favoriser l’évolution intérieure et la préparation à la réinsertion. ? m-i08a Limiter les animations et activités à ce qui contribue à l’évolution de conscience et à la préparation à la réinsertion. => ce qui inclut un accès à la formation professionnelle et aux études en général. ? m-i08b Renforcer l’accompagnement humain des détenus. => pour le social comme pour le psychologique, voire le spirituel s’ils le souhaitent, afin de favoriser leur reconstruction personnelle. ? m-i08c Reconnaître aux détenus le droit d’opter pour la participation à des expériences scientifiques, tests cliniques et assimilés. => éventuellement en remplacement de leur obligation de travail carcéral. ? m-i08d Reconnaître aux détenus le même droit à une fin de vie volontaire qu’à tout autre citoyen. Rénover le maintien de l’ordre public : (cf R&V ch. 15) p-I09 Maintenir fermement l’ordre public au profit de tous les citoyens en tout lieu du pays. => car sans respect des lois, il ne peut y avoir de société vouée à la satisfaction des besoins individuels de ses citoyens. ? m-i09a Inciter la population à se réconcilier avec sa police et à collaborer avec elle pour le bénéfice de tous. => au lieu de la conspuer et de lui compliquer la tâche. ? m-i09b Rendre à la police le droit d’user de ses armes pour s’imposer lorsque nécessaire. => notamment face à des voyous ou des casseurs en supériorité numérique, ainsi que pour stopper des délits de fuite. ? m-i09c Equiper les forces de l’ordre de mini-caméras pour coaching et coordination en temps réel par leur hiérarchie. => et permettant de filmer leurs interventions pour enquête a posteriori sur des bavures éventuelles, car plus de pouvoir va avec plus de responsabilité et de contrôle. ? m-i09d Purger définitivement les banlieues difficiles de leurs éléments antisociaux. => pour répondre au besoin de sécurité des citoyens de ces quartiers, et le faire au besoin à l’aide de l’armée. ? m-i09e Réprimer fermement tout débordement violent de manifestation quelconque. => même à caractère de revendication sociale. S’exprimer oui, barrer, bloquer, dégrader, détruire, prendre en otage, faire chanter, non ! ? m-i09f Réaffecter les compétences de la police aux tâches de terrain pour lesquelles elle a été formée en déléguant le travail de bureau à du personnel administratif embauché à cette fin. p-I10 Connaître la population à servir. ? m-i10a Créer un fichier central de toute la population du pays. => en recensement permanent, avec toutes les informations nécessaires à une bonne gestion des intérêts de chacun autant que de tous, facilitant le travail du gouvernement, de la justice, de la police, et de biens d’autres administrations et organismes publics. ? m-i10b Inclure dans ce fichier central une fonction de certification des profils créés sur les sites Internet. => pour mieux lutter contre les abus divers comme l’usurpation d’identité, ou les profils falsifiés utilisés par les pédo-criminels chassant sur les réseaux sociaux des jeunes, etc. Ceci n’exclut pas la préservation de l’anonymat en ligne lorsque souhaité. p-I11 Renforcer la lutte contre l’incivilité. (cf R&V ch.16) ? m-i11a Refuser le « tout sécuritaire » liberticide. => Augmenter les moyens physiques et informatifs de la police ne veut pas dire brider l’existence de chacun. ? m-i11b Créer des brigades civiles, en civil, chargées de sanctionner les incivilités. => parce qu’elles dégradent notre cadre de vie commun, et que c’est un moyen pour stimuler le développement du respect chez les réfractaires. ? m-i11c Déléguer les questions de stationnement à ces brigades civiles. => laissant donc les policiers municipaux et nationaux, mieux formés, davantage disponibles pour les questions plus sensibles. Rénover l’approche de l’éducation : (cf R&V ch.23) p-I12 Organiser les rythmes scolaires de façon complémentaire au rythme professionnel de la majorité des parents. => afin que l’école soit une solution plutôt qu’un problème : la société doit intégrer le fait que les parents vivent aussi une vie active de citoyens et qu’il n’y en a pas nécessairement un au foyer uniquement consacré à son (ou ses) enfant(s). ? m-i12a Prévoir l’accueil scolaire tout au long de l’année, de 7h00 à 19h00, bien au-delà de l’amplitude des cours, et à l’exception des dimanches et jours fériés. => afin que nul enfant ne soit laissé oisif dans la rue à faire des bêtises ou subir la loi de voyous pendant que les parents travaillent. ? m-i12b Organiser l’activité scolaire par journée entière incluant la demi-pension gratuite et obligatoire pour tous. ? m-i12c Remplacer les vacances systématiques à dates imposées par un droit à congés annuels non obligatoires d’un maximum de dix semaines, à prendre librement dans des créneaux déterminés au cours de l’année. => soit un droit double de celui des salariés afin que les enfants des familles éclatées puissent profiter de vacances avec chacun de leurs parents, sans pour autant imposer le problème de congés scolaires très supérieurs aux disponibilités laissées par le travail, et tout en limitant les problèmes d’embouteillages engendrés par des vacances fixées pour tous en même temps. ? m-i12d Aligner les horaires de travail des enseignants sur la durée légale du travail, y compris en matière de congés annuels. => une partie en cours, l’autre en travaux de préparation et correction, afin de choisir ce métier par amour de l’enseignement plutôt que par goût du temps libre. p-I13 Ouvrir la conception de l’éducation qui ne doit nullement se limiter à du bourrage de crâne. => permettant une approche très différente et bien moins limitante du rythme scolaire. ? m-i13a Faire des établissements scolaires des lieux d’apprentissage autant que de découverte du monde et de l’existence, où se panachent activités intellectuelles, manuelles, ludiques, sportives, artistiques, musicales, etc. => pour favoriser un développement plus complet et plus harmonieux de chaque jeune, en plus de favoriser leur ouverture d’esprit. ? m-i13b Intégrer aux matières scolaires des activités de préparation à la vie courante comme l’initiation à la cuisine, l’alimentation, l’agriculture, le bricolage, la couture, etc. => afin que les élèves deviennent des adultes plus autonomes et débrouillards, tout en découvrant de nombreux domaines d’activités pour mieux choisir la voie professionnelle qui les motive. ? m-i13c Intégrer les activités de loisir, camps pédagogiques et voyages culturels et linguistiques dans l’organisation des activités scolaires. => pas nécessairement en les internalisant mais certainement en les coordonnant au sein du programme éducatif scolaire. ? m-i13d S’inspirer avec discernement de l’enseignement Steiner pour favoriser l’éveil des enfants durant le primaire. => ce qui permettra d’intégrer ensuite bien plus naturellement le savoir dispensé au secondaire qui pourra alors être plus poussé. ? m-i13e Œuvrer à valoriser les travaux manuels et techniques. => afin qu’ils cessent d’être déconsidérés par rapport aux matières intellectuelles, chacun ayant sa place et son utilité. p-I14 Développer un enseignement modulaire adapté au rythme spécifique de chacun. ? m-i14a Rétablir les classes de niveau. => afin que chacun bénéficie d’un rythme d’enseignement qui lui soit mieux adapté, sans freiner les élèves doués ni condamner les élèves plus lents. ? Mesure transitoire le temps d’évoluer vers la modularité. ? m-i14b Centraliser la conception et le choix des manuels scolaires pour tout le primaire et le secondaire. => afin que tous les élèves bénéficient des mêmes ouvrages, mis à disposition gratuitement, et imprimés au meilleur coût. ? m-i14c Mobiliser les technologies multimédia pour développer des cours magistraux audio-visuels plus vivants et riches qu’un cours magistral. => au lieu de demander à chaque professeur de réinventer individuellement chaque jour avec plus ou moins de bonheur et de motivation la pédagogie de sa matière. Ces séances vidéos pourront alors être supervisées par des surveillants. ? m-i14d Libérer le temps des enseignants pour les phases d’échanges, d’exercices et d’interaction. => plutôt que de l’utiliser à préparer et débiter des cours magistraux plus efficacement conçus en audio-visuel centralisé. ? m-i14e Développer la modularité des cours. => afin qu’un échec dans une ou plusieurs matières ne pénalisent pas la progression dans d’autres en faisant perdre toute une année. ? m-i14f Développer la disponibilité en ligne de tous les supports pédagogiques, cours, manuels, exercices, etc. => afin d’accompagner le développement de la modularité de l’enseignement qui rendra progressivement le principe des manuels par année obsolète. ? m-i14g Favoriser l’extension de ce projet au sein de la francophonie. => notamment au bénéfice des pays ne disposant pas d’autant de moyens que la France pour ce faire. p-I15 Restaurer l’autorité des adultes dans le processus éducatif. ? m-i15a Sécuriser les établissements scolaires par l’accroissement de la présence d’adultes autant que par la vidéosurveillance. ? m-i15b Renforcer la discipline au sein des établissements scolaires. => en reconnaissant les vertus pédagogiques d’une claque ou d’un coup de pied au derrière, là où l’intouchabilité actuelle encourage bien des dérives préjudiciables ; c’est d’autant plus légitime que la vidéosurveillance au sein des établissement permettra d’éviter les excès. ? m-i15c Rétablir l’uniforme, ou à défaut définir par un règlement la tenue acceptable dans les établissements scolaires. => afin de clore les dérives de la mode ou de la religion en matière d’habillement, tant pour les élèves que pour le personnel des établissements. ? m-i15d Instaurer des cours d’éducation parentale obligatoires pour toute personne ayant un enfant. => afin de s’assurer que tout parent disposera d’un minimum de bases éducatives pour faire face à la responsabilité d’élever un enfant et de le préparer à la vie en société. Ceux qui sont des éducateurs naturels n’en tireront pas grand-chose mais contribueront beaucoup à aider ceux qui ne le sont pas (ainsi peut aussi s’exprimer la solidarité). p-I16 Restaurer l’autorité hiérarchique parmi les enseignants. ? m-i16a Instaurer un professeur-chef qui soit responsable de la qualité de l’enseignement au sein d’un établissement et ait autorité pour ce faire sur ses collègues. => à l’instar d’un médecin-chef à l’hôpital. ? m-i16b Inspecter les enseignants par vidéosurveillance impromptue. => plutôt qu’après préavis, lors d’un cours artificiel qui ne permet aucunement d’évaluer la qualité de leur travail au quotidien. p-I17 Instaurer un rite de passage à l’âge adulte au sein de notre société. => afin de bien séparer la période de l’enfance et de l’adolescence de l’entrée comme citoyen à part entière de la société. ? m-i17a Rétablir une année de service national civil pour filles et garçons. => à effectuer avant d’entrer dans la vie active ou avant d’accéder aux études supérieures. ? m-i17b Permettre à ceux qui le souhaitent d’opter pour un service militaire. => ceux préférant le service civil recevant néanmoins une initiation à la défense civile du territoire. p-I18 Permettre à chacun d’accéder aux études tout en assurant de meilleures conditions et en limitant le gâchis de ressources collectives. ? m-i18a Soumettre l’admission en université à un numerus clausus au mérite donnant droit à la gratuité totale des études, nourri et logé, moyennant clause de dédit-formation de 3 ans de travail par année d’étude effectuée au sein de la société française ou dans le cadre de programme de coopération à l’étranger. => afin, sans mettre de frein financier à l’accès aux études supérieures, de cesser de former gratuitement des compétences qui peuvent ensuite librement partir se rentabiliser à l’étranger. ? m-i18b Instaurer un statut d’étudiant surnuméraire payant pour ceux n’ayant pas été acceptés au mérite. => ils payent alors leur logement, leur nourriture et le coût réel de leurs frais universitaires, et donc ne s’inscriront que s’ils ont vraiment la motivation, évitant d’encombrer les amphithéâtres juste par manque d’opportunité d’emploi. ? Plein emploi. ? m-i18c Prévoir qu’un étudiant surnuméraire qui réussit son année bascule en statut gratuit au mérite. => l’année surnuméraire n’étant pas à compenser au titre du dédit-formation. ? m-i18d Prévoir qu’un étudiant du numerus clausus au mérite qui manque deux années dans son parcours bascule en surnuméraire s’il veut continuer. => avec néanmoins ses années gratuites à compenser au titre du dédit-formation. ? m-i18e Adapter le rythme universitaire aux besoins saisonniers de main d’œuvre de l’agriculture. => afin de favoriser les emplois étudiants dans ce secteur, notamment pour les surnuméraires devant assumer leurs frais, ainsi que pour les étudiants étrangers légalement acceptés et manquant de moyens pour subvenir à leurs besoins. p-I19 Encourager la sensibilisation aux langues étrangères afin de favoriser l’ouverture vers l’étranger. ? m-i19a Favoriser la diffusion à la télévision des films et séries en version originale sous-titrée. => pour favoriser la formation de l’oreille et l’assimilation naturelle des langues étrangères. Rénover la relation à l’Europe et au monde : (cf R&V ch.28) p-I20 Redéfinir l’engagement au sein de l’Union Européenne et les bases de son fonctionnement. ? m-i20a Expliquer à nos partenaires européens notre projet de rénovation sociétale et les inviter à y adhérer. ? m-i20b Etre prêts à prendre une distance temporaire vis-à-vis de l’Union Européenne si les autres membres ne nous laissent pas d’autre choix. => l’intégration européenne semble naturelle à terme, mais doit se faire sur des bases plus saines qu’actuellement. ? m-i20c Envisager de sortir de l’Euro si nos partenaires européens se refusent à remettre en question le système bancaire actuel de création monétaire par réserve fractionnaire et l’actionnariat privé indirect au sein de la BCE. => l’impact du fonctionnement du système monétaire sur l’économie, et donc nos vies quotidiennes, est trop important pour négliger cette question. ? Monnaie. ? m-i20d Promouvoir l’instauration d’une langue européenne commune. => enseignée obligatoirement dans toutes les écoles de l’Union à tous les élèves, et utilisable dans tous les pays membres pour toute démarche administrative ou de la vie courante. ? m-i20e Refuser toute nouvelle extension de l’Union Européenne à des pays dont le décalage législatif, social et de niveau de vie n’est pas compensé préalablement à l’intégration. => il y a déjà suffisamment de problèmes liés au grand décalage entre nombre de pays d’une Union qui s’est étendue trop vite, pour ne pas en intégrer d’autres, surtout d’aussi grand que la Turquie. ? mc-i20f Pousser à une harmonisation sociale et fiscale des différents membres de l’Union Européenne. p-I21 Améliorer l’attractivité de la francophonie. ? m-i21a Simplifier l’orthographe et la grammaire française de ses multiples exceptions. => afin d’en favoriser l’utilisation et le rayonnement international. p-I22 Redéfinir nos engagements internationaux. ? m-i22a Se retirer de l’OTAN et promouvoir la mise en place d’une défense européenne indépendante. ? m-i22b Se retirer de l’OMC et s’opposer au libre-échange mondial. => le protectionnisme est un devoir envers notre société aussi bien qu’envers les autres, car le modèle économique d’exportation ne nécessite pas de marché intérieur et favorise donc le maintien dans la misère et l’exploitation de ces populations. ? m-i22c Appeler à une évolution des institutions de l’ONU. => notamment au niveau du fonctionnement du conseil de sécurité, et inciter au déménagement de son siège vers un pays plus neutre pour favoriser son indépendance. ? m-i22d Redéfinir nos alliances en fonction de la communauté de valeurs humaines, plutôt que selon l’histoire et la puissance économique ou militaire. => et cesser de brader nos valeurs humaines et notre dignité sous prétexte de contrats internationaux, surtout lorsqu’ils sont de surcroît déséquilibrés. p-I23 Maintenir nos capacités défensives. => car le monde est instable et le risque de guerre encore très présent. ? m-i23a S’assurer de la solidité défensive de notre armée. => et de la qualité des moyens humains et matériels. ? m-i23b Intégrer l’apport du service national lorsqu’il est choisi d’être militaire. ? m-i23c Favoriser le désarmement nucléaire au profit de boucliers anti-missiles. Rénover la gestion des collectivités territoriales : (cf R&V ch.18) p-I24 Mettre un terme à la gabegie des excès de décentralisation. ? m-i24a Rendre à l’Etat la responsabilité de l’implantation d’équipements régionaux majeurs. => tels que les aéroports, afin de rétablir un aménagement concerté du territoire pour arrêter la concurrence entre régions ou départements et le gaspillage qui en découle. ? m-i24b Supprimer les départements et réfléchir à la nécessité de redélimiter ou pas les régions en fonction de bassins géographiques ou de population réels. ? m-i24c Développer la strate territoriale de l’intercommunalité en fonction des bassins de population. => plutôt qu’au choix des élus. p-I25 Réorganiser le pouvoir exécutif communal. ? m-i25a Transférer la responsabilité des modifications du PLU aux préfectures et sous-préfectures, ainsi que l’instruction et l’octroi des permis de construire. => afin de garantir plus d’impartialité dans les décisions qu’en laissant cette responsabilité au maire. ? m-i25b Recentrer le rôle de maire sur la fonction de président du conseil municipal. => conseil qui définit la politique de la commune. ? m-i25c Transférer le pouvoir exécutif de mise en œuvre de la politique communale et de gestion de la commune à un Directeur Général Communal. => qui doit être un professionnel de la gestion publique communale recruté par le conseil municipal dont il dépend, formé techniquement et juridiquement à une telle responsabilité (ce qui n’est pas le cas de nombre de maires actuels). Les petites communes sont à regrouper par voisinage et intercommunalité pour se partager un DGC commun. ? m-i25d Engager la responsabilité personnelle du Directeur Général Communal quant à la bonne gestion de la commune dont il a la charge. => responsable donc sur ses propres deniers, comme l’est un Trésorier Payeur Général de sa trésorerie. p-I26 Assainir la gestion financière des collectivités publiques. ? m-i26a Interdire l’adoption d’un budget déficitaire par les collectivités territoriales et l’Etat. => tout budget doit être présenté au moins en équilibre. ? m-i26b Interdire l’accumulation des déficits budgétaires des collectivités territoriales et de l’Etat. => le déficit imprévu d’une année doit être compensé dès l’année suivante. ? m-i26c Soumettre tout endettement moyen ou long terme à l’autorisation de la strate territoriale au-dessus. => et le réserver au financement d’infrastructures lourdes, jamais au financement de déficits fonctionnels continus. ? m-i26d Interdire l’endettement de l’Etat. => puisqu’il est le dernier niveau et ne peut s’autoriser lui-même. Rénover la représentation des citoyens : (cf R&V ch.30) p-I27 Réaffirmer la démocratie, donc le pouvoir des électeurs. => au détriment de celui des médias ou des partis. ? m-i27a Interdire la publication des résultats de sondages. => parce qu’ils biaisent la démocratie en influençant la formation des opinions et donc les scrutins, sans offrir aucune garantie ni de la représentativité des sondés, ni de la loyauté des questions posées, ni même des choix de réponses aux questions fermées ou du traitement des réponses aux questions ouvertes. ? m-i27b Inciter les citoyens à dépasser les étiquettes des partis pour s’intéresser à la valeur réelle des candidats pour qui ils votent. => de façon à combattre la dictature des partis qui a confisqué le débat politique et rendu caduque la séparation des pouvoirs. p-I28 Réorganiser la représentation nationale pour permettre qu’elle soit efficace et réelle. ? m-i28a Supprimer le cumul des mandats. => à l’exception du niveau communal. ? m-i28b Interdire le cumul d’un emploi privé et d’un mandat électif. => à l’exception du niveau communal. ? m-i28c Sanctionner l’absentéisme des élus. => ils sont élus pour être présents aux débats et aux votes, non pour percevoir une rémunération en étant ailleurs. ? m-i28d Redécouper les circonscriptions électorales pour arriver à 330 députés à l’Assemblée Nationale. => afin qu’ils puissent mieux débattre en étant tous présents. ? m-i28e Réduire le nombre de sénateurs à deux tiers du nombre de députés. => soit 220, afin que les députés, plus légitimes du fait du suffrage universel, conservent l’avantage sur les sénateurs lors des votes en Assemblée Plénière. ? m-i28f Limiter le suffrage universel direct des élections territoriales aux seuls scrutins municipaux, les autres niveaux de territorialités étant pourvu au suffrage indirect par les élus du niveau inférieur. => parce que les électeurs peuvent encore percevoir clairement les enjeux municipaux et connaître les candidats pour eux-mêmes plutôt que pour leurs étiquettes éventuelles, alors qu’aux autres niveaux de territorialité ils tendent à voter comme si c’était une élection nationale bien que les enjeux soient très différents. Rénover la direction de l’Etat : (cf R&V ch.31) p-I29 Passer à la 6ème République. ? m-i29a Réécrire une Constitution et des Lois Fondamentales. => pour incorporer le renouveau de notre Contrat Social dans une nouvelle République. ? m-i29b Intégrer à la nouvelle Constitution la référence à la pyramide des besoins fondamentaux de l’être humain de Maslow comme boussole pour définir la juste orientation des lois et mesures diverses selon les besoins des citoyens auxquelles elles répondent. => pour constitutionnaliser la vocation de la société à servir la quête du bonheur des êtres humains au-delà de tout dogmatisme gauche-droite, et rendre inconstitutionnelle toute mesure allant à l’encontre de ce principe. p-I30 Instituer une tête de l’exécutif d’Etat à géométrie variable. => pour permettre une meilleure adaptation de la gouvernance du pays à l’évolution du contexte historique. ? m-i30a Instaurer la nécessité, pour être élu président, de recueillir au moins deux tiers des suffrages au troisième tour de l’élection présidentielle où le candidat en tête se présente seul. => alors là oui, il pourra se considérer président de tous les français, et, espérons-le, au-delà des partis. ? m-i30b Supprimer le Premier Ministre lorsqu’il y a un Président, l’instituer Chef de l’Etat lorsqu’il n’y en a pas. => selon le résultat de l’élection présidentielle, le régime est donc soit présidentiel, avec un gouvernement dépendant directement du Président, soit parlementaire, en se dispensant de la fonction honorifique de Chef d’Etat au profit du seul Premier Ministre, Chef du Gouvernement et de l’Etat. ? m-i30c Rétablir le septennat pour le premier mandat d’un président, mais instituer le triennat en cas de renouvellement. => afin de bénéficier de la vision à plus long terme que permet le septennat, sans craindre l’usure du pouvoir en cas de réélection. ? m-i30d Normaliser, pour le Président, le fait de légiférer selon la procédure d’urgence. => une présentation au Parlement d’un projet de loi pour en recueillir les avis, puis représentation du texte définitif pour approbation ou veto, sans amendements. Cette procédure est justifiée par la grande légitimité établie par les conditions de son élection. ? m-i30e Donner au Président la possibilité de rendre la justice par décret sous contrôle du Parlement, selon la même procédure. => c’est justifié parce que tous les pouvoirs résident dans le peuple dont il tire sa légitimité par un seuil d’élection indiscutable, et parce que le régime des partis a rendu de facto factice la séparation des pouvoirs. ? m-i30f Prévoir la possibilité pour l’Assemblée Nationale de voter une motion de destitution du Président aux deux tiers des sièges, à confirmer ensuite par le Sénat ou l’Assemblée Plénière selon le même seuil. ? m-i30g Prévoir dans la Constitution qu’un régime parlementaire instable (soit deux Chefs de Gouvernement successifs durant moins d’un an chacun) déclenchent la dissolution de l’Assemblée Nationale. => et une nouvelle élection présidentielle si la précédente date d’au moins deux ans, avant le retour des députés devant leurs électeurs. p-I31 Revaloriser les plus hautes fonctions de l’Etat. => afin de motiver les candidats de valeur tout en évitant la dérive compensatrice des dépenses somptuaires. ? m-i31a Porter la rémunération brute du Président à 100 fois l’allocation d’active, 90 fois pour le Premier Ministre, 60 fois pour un ministre et 50 fois pour un secrétaire d’Etat. ? m-i31b Réviser la cohérence de toutes les rémunérations de la fonction publique, ainsi que des avantages qui y sont attachés. p-I32 Affirmer la prédominance du référendum populaire sur toute décision du Gouvernement ou de l’Assemblée. => car si le pouvoir est au peuple, faire ensuite l’inverse de ce qu’il exprime au cours d’un référendum relève de la trahison. ? m-i32a Déclarer inconstitutionnelle toute loi adoptée par le Parlement en contradiction avec l’esprit d’une décision populaire exprimée par référendum. => exemple pratique : qu’on soit pour ou contre le traité de Lisbonne, le faire adopter par l’Assemblée contrôlée par le parti du Gouvernement alors que le peuple l’avait rejeté par référendum est un déni de démocratie. Seul un nouveau référendum a légitimité à faire adopter ce traité. p-I33 Préserver les dirigeants et les élus clés de la République de la tentation de corruption en les prémunissant contre la précarité de leur mandat. ? m-i33a Proposer une garantie de reclassement au service du pays aux dirigeants de l’Etat (membres du gouvernement, députés, sénateurs et présidents de conseils régionaux) non reconduits dans leur fonction. => avec un traitement d’au moins la moitié du salaire de la fonction leur ayant octroyé ce droit, non cumulable avec une quelconque autre rémunération s’ils décident volontairement de retourner travailler dans le privé. Rénover nos symboles nationaux : (cf R&V ch.32) p-I34 Se doter de symboles nationaux porteurs du renouveau sociétal auquel nous aspirons. => parce que nos symboles nationaux actuels n’ont pas démontré leur efficacité à nous unir dans la poursuite d’un projet commun. ? m-i34a Remplacer la devise nationale « Liberté, Egalité, Fraternité » par « Respect et Vérité ». => parce que ces anciennes valeurs se sont révélées contreproductives pour la société et que la nouvelle devise porte mieux celles du nouvel élan sociétal. ? m-i34b Désigner la chanson « Quand on n’a que l’Amour » de Jacques Brel hymne national français en remplacement de la Marseillaise anachronique. => parce que l’Amour est la valeur universelle vouée à unir tous les peuples et tous les humains, et se présente donc en complément idéal de la nouvelle devise Rénover, rénover, mais d’abord s’engager : (cf R&V ch.33) p-I35 Mobiliser les citoyens autour d’un catalyseur capable de conduire le changement nécessaire pour redonner une direction à notre société, la rénover et la réhumaniser. ? m-i35a Diffuser ce programme de refondation sociétale et en expliquer en profondeur la destination, pour recueillir une adhésion consciente et motivée. => afin qu’une fois le changement décidé, nul ne se mette à ramer à contre-courant en s’accrochant à des avantages dépassés. * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * CONSIDERATIONS CALENDAIRES ET BUDGETAIRES : Approche du calendrier de rénovation : L’essentiel des mesures présentées ci-dessus relèvent de chantiers court terme, soit de moins de 2 ans de mise en place. Cela n’implique évidemment pas que tout doive être fait en même temps, mais progressivement, par bloc cohérent. Certains chantiers s’inscriront plutôt dans le moyen terme, tout en restant compatible avec l’horizon d’action d’un quinquennat. On peut citer l’évolution de la politique de santé, l’aménagement routier, le passage à l’agriculture raisonnée comme étape vers le 100% bio, l’amélioration de l’institution judiciaire, etc. Il est bien clair que la capacité de la société à enclencher en un seul quinquennat l’essentiel de sa rénovation profonde dépend considérablement du degré de motivation des citoyens à se remettre individuellement en question pour permettre la démarche collective volontariste qui le rende possible. Quelques chantiers nécessiteront dans tous les cas une action de long terme requérant une persévérance sur plusieurs législatures. Ce sera notamment le cas du redéploiement du transport, de la mutation de l’énergie, de l’évolution de l’immobilier, du passage à l’agriculture 100% bio, de la réécriture des lois, etc. La refondation du système éducatif sera clairement le plus long de tous ces chantiers, tout en étant l’un des plus fondamentaux aussi du fait de son impact profond sur l’humain et ses valeurs. Il faudra bien 20 ans d’une démarche active, soit une génération, pour qu’il porte pleinement ses fruits, même si des mutations très marquantes pourront déjà avoir lieu à plus court terme. Quant aux mesures concernant les relations européennes et internationales, elles ne sont pas programmables dans le temps. Notre repositionnement peut se faire constructivement en l’espace d’un mandat, mais l’impact de cette nouvelle politique extérieure dépendra considérablement de l’ouverture dont feront ou pas preuve nos partenaires vis-à-vis de notre démarche de rénovation globale de notre société. Et il est clair que notre succès dans cette entreprise de refondation, malgré la très vraisemblable méfiance qu’elle engendrera au départ, sera déterminant pour stimuler cette ouverture… et faire des émules. Les moyens financiers de la rénovation : Certains chantiers comme les moyens de la police, de la justice, du contrôle des frontières, ou encore l’immobilier, les transports, l’énergie et l’éducation, vont requérir des investissements massifs que le budget asthmatique actuel du pays aurait du mal à soutenir. C’est pourquoi il est essentiel de commencer par les chantiers qui dégageront des ressources, et ils sont nombreux, afin de se doter de la marge de manœuvre nécessaire pour mener à bien sur la durée cette refondation sociétale globale. Le bloc de mesures en faveur de la rénovation économique et sociale est donc de mise en œuvre prioritaire. Elles dégageront de nombreux moyens humains de l’administration qui pourront utilement être réaffectés à des tâches plus constructives que de gérer une inutile complexité, et elles stimuleront l’économie créatrice de richesse, ce qui donnera aussi plus de latitude budgétaire. Cependant, il faut demeurer conscient que les améliorations qui en découleront risquent aussi d’inciter à croire que le navire est redressé alors qu’il n’a fait que commencer à virer. La tentation de se reposer sur ses lauriers et de s’arrêter en chemin sera alors forte. Ce serait une grave erreur dont il faudra savoir se prémunir afin de garder le cap et de poursuivre la rénovation en profondeur de notre société sans laquelle l’objectif de la quête individuelle et collective du bonheur, qui ne se limite nullement à de simples considérations économiques, ne pourra être satisfaite. Et plus toutes les mesures entreront en synergie au fur et à mesure de leur mise en oeuvre, plus il y aura de moyens humains et financiers disponibles pour assumer les investissements requis par les chantiers de long terme. Message de l’auteur Sans nécessairement être d’accord sur tout, si certaines idées au moins développées dans ce livre vous ont intéressé, propagez-les ! Faites circuler la version électronique de ce livre. Ou, le cas échant, prêtez-en la version imprimée à vos proches et amis. Cela amortira mieux, sujet à la mode, l’empreinte écologique de sa matérialisation. Et puis, à rester dans une bibliothèque, les idées s’endormiront. Il ne tient qu’à vous qu’elles prennent vie ! Vous pouvez aussi vous connecter sur le site Internet dédié www.respectetverite.org. Vous y trouverez notamment la possibilité de m’adresser directement des messages e-mails (je répondrai selon mes possibilités et s’il m’apparaît constructif de le faire). Philippe Granger