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 RESPECT ET VERITE
Ch.23: Education

23 : éducation

Quidam :
Vous stigmatisez beaucoup la mentalité française. Mais n'est-ce pas là un élément culturel propre au peuple français ?

PG :
Allons, bien sûr que non. Du moins, pas dans le sens où ce serait inéluctable. Cette culture française, qui produit une certaine mentalité française, n'est que le fruit d'une éducation française. Changez l'éducation et la mentalité et la culture changeront. Ce n'est qu'une affaire de temps, le temps que les générations recevant la nouvelle éducation ne prennent le pas sur les anciennes.
L'éducation est la base fondamentale de toute société. Un mauvais système éducatif engendrera une société à problème. Et si on remet aussi régulièrement en cause le fonctionnement de l'Education Nationale, c'est bien parce qu'on voit tous les jours dans les dysfonctionnements de la société, qu'elle est incapable de préparer les jeunes à devenir des citoyens et à s'y intégrer. Pire, nous ne pouvons même pas nous consoler en nous disant que, à défaut de socialisation, elle est au moins efficace à propager les aptitudes de base puisque les enquêtes de l'OCDE au titre du PISA, le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves, démontrent au contraire que l'efficacité du système scolaire français est en perte de vitesse. En 2003, nos élèves de 15 ans se classaient au-dessus de la moyenne de la quarantaine de pays étudiés par l'OCDE. En 2009, ils n'étaient plus que dans la moyenne des 65 pays étudiés, alors même que les pays supplémentaires sont plutôt à considérer comme moins riches et moins développés que la France, donc avec moins de ressources à consacrer à l'éducation. De plus, au lieu d'une distribution relativement régulière entre les différents niveaux, la tendance à une segmentation entre bons et faibles, s'est nettement accentuée, preuve que notre système scolaire laisse de plus en plus d'élèves au bord de la route. Et nos jeunes se distinguent même en étant parmi les plus mauvais au niveau de la discipline.

Quidam :
Est-ce vraiment surprenant ? Nous constatons tous les jours la pauvreté du vocabulaire des adolescents et leur incapacité à écrire correctement notre langue. L'avènement de la méthode de lecture semi-globale fait reconnaître un mot, sans analyser les lettres, et donc sans porter attention ni à l'orthographe ni aux accords grammaticaux. Certes à terme, c'est naturellement ainsi que nous lisons, ce qui permet au cerveau de reconnaître un mot même quand les lettres sont dans le désordre. Mais apprendre de cette manière se révèle assez contreproductif quand vient le moment d'écrire.

PG :
Et je ne vous parle même pas de l'effet désastreux du langage SMS semi- phonétique semi-abrévié si répandu chez les jeunes. Cependant, au-delà de la forme linguistique, on constate aussi la trop grande limitation de la culture générale, quand ce n'est pas carrément de l'inculture caractérisée. Mais on ne pousse pas les élèves à apprendre pour autant. Dès que ça peut sembler un tantinet compliqué, c'est retiré des programmes. Quand ce n'est pas pour motifs politiques obscurs… Le niveau est en baisse, et le bac d'aujourd'hui n'est plus garant d'aucune capacité quelconque. L'incitation au raisonnement analytique pour résoudre des problèmes de mathématique ou de technologie est repoussée au second plan. Les profs disent même qu'ils ne font plus étudier Racine sous prétexte que son français est incompréhensible aux jeunes d'aujourd'hui qui ont déjà du mal à comprendre notre langue moderne. Mais ne sont-ils pas là précisément pour le leur apprendre ? D'autant que le « vieux françois » des visiteurs Reno et Clavier n'effraie nullement les jeunes. Et que devraient dire les anglais alors dont les vers de Shakespeare, toujours très à l'honneur outre-manche, sont encore plus en décalage avec l'anglais moderne ? Alors je ne dis pas que Racine soit un must. Je dis juste que le manque d'intérêt des élèves pour diverses raisons est une chose, mais que la démission des enseignants qui sombrent dans la facilité en est une toute autre. Réformer la société doit permettre aux jeunes de retrouver progressivement de la motivation à découvrir leur monde et à s'y intégrer, mais il faut aussi que l'institution enseignante y contribue en se remettant profondément en question. Car actuellement, comme le démontre les résultats du PISA, il n'y a vraiment pas de quoi faire cocorico. Notre coq s'est enlisé dans son tas de fumier.
Or, s'il est une constante de l'histoire, c'est bien que le niveau d'éducation global est capital pour la pérennité d'une démocratie. Simplement parce qu'il favorise l'ouverture de conscience des citoyens et les rend plus autonomes, plus mûrs, plus capables de penser par eux-mêmes et donc moins manipulables.

Quidam :
La question de la réforme de l'Education Nationale fait partie de ces serpents de mer sur lequel nombre de ministres se sont cassés les dents. Il est bien connu que si vous voulez faire boire le bouillon à un politicien, il faut le mettre soit à l'Agriculture soit à l'Education. Alors comment faut-il réformer cette institution ?

PG :
A l'évidence, pas par petites touches timides mais par une remise à plat complète. Et là, rien que d'avoir dit ça, déjà des boucliers se lèvent. Car si le statu quo fait l'unanimité contre lui, tout changement n'en reste pas moins suspect. Il y a donc un gros travail d'explication à faire.
Alors commençons par le rythme scolaire. D'abord, il faut que l'école, de la maternelle jusqu'au secondaire, cesse d'être un obstacle permanent à la vie professionnelle des parents. Tous ces gens bien-pensants qui nous rabattent les oreilles avec le rythme de l'enfant, rythme auquel d'ailleurs ils ne comprennent pas forcément grand chose tant les prétendus experts se contredisent les uns les autres, oublient qu'un enfant heureux c'est d'abord un enfant dont l'environnement familial est équilibré. Quand les parents doivent passer leur temps à jongler entre leurs horaires de travail et ceux fort restreints des écoles, les périodes de vacances à répétition pendant lesquelles ils ne savent pas quoi faire des enfants, les périodes de grève, de cantines fermées, de profs absents non remplacés, parfois parce que simplement en formation comme s'ils n'avaient pas assez de temps pour faire ça en dehors de leurs heures de cours, etc., comment voulez-vous qu'ils soient détendus et disponibles pour leur descendance une fois rentrés chez eux ? Et les enseignants leur reprochent ensuite de ne pas passer assez de temps avec leurs enfants ? De ne pas s'investir dans leurs devoirs ? Mais de qui se moquent-ils ? Si ces mêmes enseignants avaient commencé par travailler dans le privé avant de prétendre enseigner, ils auraient un point de vue un peu plus mesuré. Mais j'ai déjà parlé de ça et ne vais pas y revenir.
Alors il faut faire de l'école, et j'y englobe les collèges et lycées, une institution au rythme complémentaire de celui des entreprises où travaillent les parents. Evidemment, cela ne veut pas dire s'adapter aux spécificités de toutes les entreprises, ni au travail de nuit ou de fin de semaine, même si la question du samedi travaillé par tant de gens peut légitimement se poser. Par contre cela veut dire accueillir les enfants de 7h00 jusqu'à 19h00, couvrant ainsi l'amplitude horaire de travail de la majorité des gens, déplacements compris, du lundi au vendredi, voire le samedi également. Fini les adolescents qui traînent dans les rues à faire des bêtises ou s'attirer des ennuis, profitant de ce que les parents ne sont pas encore rentrés. Terminé les problèmes de garde d'enfants forçant les parents à dépenser une grosse partie de ce qu'ils gagnent pour payer une nounou. L'école ne doit plus être seulement un lieu de bourrage de crâne, mais une institution bien plus vaste résolvant aussi les problèmes basiques de nombre de parents.
Alors je précise, j'ai bien dit « accueil » de 7h00 à 19h00, et non « cours ». Et cela ne veut pas dire non plus présence obligatoire pendant toute cette tranche horaire. S'il est prévu par exemple que les cours et activités pédagogiques assimilées soient entre 9h00 et 17h00 par exemple pour le niveau primaire, les parents dont les horaires de travail le permettent peuvent amener leurs enfants quand ça les arrange entre 7h00 et 9h00 et les récupérer quand ça les arrange entre 17h00 et 19h00. Pour les collèges et lycées, la tranche horaire de cours et activités pédagogiques diverses sera plutôt de 8h00 à 18h00. Mais entre l'entrée et la sortie, les enfants, y compris les lycéens, demeurent au sein de l'établissement où les activités doivent être en continu sans heures mortes. Et tant pis pour ceux qui veulent sortir fumer une cigarette. L'institution scolaire contribuera au moins ainsi à leur apprendre à ne pas devenir dépendants.

Quidam :
Ce serait certes très pratique pour nombre de parents, mais cela veut dire aussi supprimer énormément d'emplois de gardiennes, ce qui est une source de travail pour de nombreuses mères de famille dont c'est la qualification essentielle.

PG :
Non, cela veut dire intégrer ces emplois au sein de l'institution scolaire. Ce n'est pas du tout les supprimer. Et comme nombre de grands-parents qui remplissent bénévolement cette fonction actuellement sont prévus d'être toujours au travail à terme, il faut bien aussi proposer une solution aux parents. Combien sont-ils actuellement à s'arracher les cheveux, ne sachant comment résoudre ce problème dans une société qui semble n'avoir pas encore dépassé le principe de la mère au foyer ? Et je ne vous parle même pas du cas des familles monoparentales...

Quidam :
Il resterait quand même le problème des vacances, notablement plus longues pour les scolaires que pour les travailleurs.

PG :
Et pourquoi donc ? En voilà une idée reçue ! Qu'est-ce qui empêche d'envisager que ces lieux d'accueil scolaire soient ouverts tous les jours de l'année, hors dimanches et jours fériés ? Dès lors, les parents n'ont plus le souci des enfants qui traînent pendant les vacances à faire des bêtises dans la rue au lieu de profiter d'activités encadrées et constructives. Car on entend peu les champions de la récrimination anti deux vitesses se préoccuper de ces parents qui n'ont pas les moyens d'occuper utilement leurs enfants pendant les vacances à répétition du rythme scolaire actuel et n'ont guère d'autres choix que de les laisser oisifs et sans surveillance pendant qu'ils travaillent. Et on s'étonne après que les jeunes des milieux dits défavorisés aient plus de mal à émerger socialement ! Avec une telle réforme, ce problème est réglé.

Quidam :
Alors là, vous allez me dire que vous prévoyez l'intégration des centres et colonies de vacances dans les écoles ?

PG :
Absolument. Avec les adaptations nécessaires, mais basiquement, c'est le principe. D'ailleurs de nombreux autres éducateurs ou animateurs proposant actuellement des activités extrascolaires diverses sont également à relier aux établissements. Non pour y internaliser tous les équipements spécifiques nécessaires à chaque activité mais pour les y intégrer en termes d'emploi du temps, de transports, etc. Car l'idée d'avoir une amplitude d'accueil beaucoup plus vaste est bien de proposer une diversité d'activités aux enfants.
Le problème du rythme scolaire est toujours débattu sur le seul paramètre de la capacité des enfants à absorber le bourrage de crâne que leur impose le système éducatif actuel. Comme si au pays de Descartes, seule comptait la matière grise. C'est nul comme débat ! Alors puisque les enfants scolarisés sont, à l'exception des maternelles, réveillés toute la journée, la question est simplement de varier les activités, tantôt cérébrales, tantôt manuelles, tantôt sportives, tantôt artistiques, tantôt ludiques. Et vous verrez qu'il n'y aura plus aucun problème de rythme scolaire. Vous verrez que les enfants n'auront plus aucun besoin d'être en vacances toutes les six semaines ou à peu près comme c'est le cas actuellement. Au lieu de les abrutir par excès d'intellectualisme, ils seront stimulés par la variété des domaines à découvrir.

Quidam :
Avant d'approfondir justement ces questions de contenus des activités scolaires, je note que vous ne semblez pas envisager que les enfants rentrent déjeuner chez eux. Demi-pension pour tous ?

PG :
Effectivement, c'est bien ce que je préconise. Et demi-pension gratuite qui plus est, puisque l'école doit rester gratuite. C'est aussi la garantie, dans la mesure où on se donne les moyens que ce soit bien fait, que tous les enfants aient au moins, une fois par jour, un repas équilibré. A noter qu'un repas équilibré ne veut pas nécessairement dire avec viande, et qu'il faudra systématiquement prévoir au minimum deux types de repas : l'un classique, l'autre sans viande ni poisson, afin que toutes les confessions et croyances soient respectées, juive, musulmane, hindou, voire simplement végétarienne, ainsi que nous en avons déjà discuté.
De plus, ce repas et sa préparation doivent être l'occasion d'une activité scolaire. La cuisine doit réintégrer l'école afin que les élèves apprennent à se nourrir, à connaître les aliments, à les préparer, etc. Oh, pas comme des pros. Il ne s'agit que de les initier à la cuisine. Pour ceux que cette voie tente, il restera toujours les branches spécialisées hôtellerie-restauration pour une formation plus pointue. Mais au moins tous les élèves auront-ils des bases. Vous me parliez de culture française ? La bonne cuisine en fait partie, au point d'avoir été remarquée par l'UNESCO. Il est grand temps que les enfants apprennent autre chose en la matière qu'à ouvrir des paquets de chips parce que trop de parents démissionnent du secteur nutritionnel et de l'éducation alimentaire. Et là encore, vous trouverez à terme un effet induit très positif sur la santé.
Mais préparer les aliments ne suffit pas, encore faut-il aussi savoir comment on les produit. Alors il faut aussi que les élèves apprennent à tenir un potager, à faire les vendanges, récolter les fruits, qu'ils se frottent à l'élevage aussi pour voir d'où viennent les steaks qu'ils mangent, bref découvrent l'agriculture. Et cela va de pair avec le développement d'un contact concret avec la nature. C'est bien beau de dispenser des cours de sciences naturelles, mais c'est mieux de les appuyer par du concret sur le terrain.
Et comme tous les établissements scolaires n'ont pas la possibilité d'avoir une exploitation agricole pour voisin, cela veut dire qu'il faut organiser des séjours de découverte agricole pour les établissements urbains, comme on peut organiser un séjour linguistique ou une sortie de ski. Si on s'en remet au salon de l'agriculture pour que les petits parisiens découvrent ce domaine, alors nous ne sommes pas au bout de nos ennuis.
J'imagine que vous commencez à percevoir mon point vue. Il faut évidemment réhabiliter les travaux manuels à l'école. Un peu de plomberie, d'électricité, de mécanique, d'ébénisterie, de maçonnerie, de poterie, de travail de la pierre, etc. Combien de jeunes arrivent dans leur premier appartement et ne savent même pas monter leur table achetée en kit faute d'avoir jamais tenu un tournevis ou appris à lire un plan ? J'ai parfois l'impression que l'Education Nationale ne sait produire que des cerveaux manchots.

Quidam :
Il me semble que vous avez la nostalgie de l'école des années cinquante.

PG :
Difficile de dire ça alors que c'était bien avant que je ne naisse. Mais pour ce que j'en sais, il y avait de bons principes. Apprendre la couture, par exemple, au lieu de considérer les vêtements comme du jetable. Mais à l'époque, seules les filles apprenaient la couture. Alors que je considère que tous, fille ou garçon, doivent tout voir. Pas de sexisme. Car fille comme garçon portent des vêtements et doivent savoir les réparer, voire s'en créer pour les plus hardis.
Ce n'est qu'en découvrant réellement des domaines d'activités divers que les jeunes, progressivement trouveront ce qui leur plait. Ca prend du temps de se découvrir. Et il n'est pas évident de savoir ce qu'on veut faire dans la vie à 18 ou 19 ans. Alors si en plus on n'a rien exploré de notre monde pendant ce temps, on ne risque pas d'arriver à faire un choix un tant soit peu éclairé. Et pourtant, vient un moment où il faut bien se lancer. Alors c'est aussi pour reconnaître ce droit à l'erreur qu'il faut promouvoir la mobilité interprofessionnelle à tous les âges.
Une autre chose positive de l'école d'antan, c'était l'uniforme. Non seulement il favorise l'intégration en gommant les différences, mais il évite aussi les dérives vestimentaires, que ce soient celles de la dictature des marques, celles des excès de certaines modes pousse-au-viol genre string qui dépasse du jean taille basse ou décolleté jusqu'au nombril, ou encore celles des intégrismes religieux genre burqa. Avec l'uniforme, le débat est clos. Et puis, il a un autre avantage : la préservation des vêtements personnels lors d'activités très diversifiées. Car à partir du moment où nous considérons que l'école doit proposer autre chose que d'user son pantalon sur une chaise, il est bon de prévoir que la tenue soit plus polyvalente que ne peuvent l'être les goûts vestimentaires des uns ou des autres. Mais le même objectif peut aussi être atteint en se contentant de définir par un règlement national la tenue à respecter dans les établissements scolaires, bien que ce soit ensuite plus délicat à faire respecter que le port d'un uniforme. Dans les deux cas, cela n'empêchera pas de rajouter une blouse spécifique pour s'initier à la peinture, poterie, ou autres activités salissantes, voire corrosives comme la chimie.

Quidam :
On a beaucoup parlé du fameux modèle allemand, avec des cours le matin et des après-midis libres pour que les jeunes fassent du sport. Certains établissements le testent d'ailleurs actuellement bien qu'avec des activités sportives au sein de l'établissement plutôt qu'à l'extérieur. Pourquoi ne pas s'inspirer plutôt de ce modèle ?

PG :
D'abord parce que ce modèle est bâti sur le principe de la femme au foyer disponible pour servir de taxi entre les différentes activités des différents enfants. Naguère, le programme hitlérien pour la femme était « Kinder, Kirche, Küche » : les enfants, l'église et la cuisine. Les femmes aspirent certainement à autre chose, ne croyez-vous pas ?

Quidam :
J'en conviens.

PG :
Et puis surtout, ce modèle a trouvé toute sa limite avec la jeunesse actuelle. Les jeunes allemands ne vont plus faire du sport : ils jouent aux jeux vidéo, ou traînent dans les rues en faisant diverses bêtises. Le mythe a vécu. La réalité l'a rattrapé, au point que les allemands réfléchissent au passage à un modèle à la française ! Alors merci aux allemands d'avoir testé ce modèle, et à nous d'avoir l'intelligence de profiter de leurs expériences plutôt que de vouloir toutes les essayer nous-mêmes.
Mais les limites de ce modèle viennent aussi du fait que le sport, même si en établissement pour libérer les parents de la fonction taxi et éviter que ceux qui n'en font pas ne traînent dans les rues, c'est bien, mais ce n'est pas tout non plus.
Par contre, s'il faut s'inspirer d'un modèle venu d'outre-Rhin, c'est plutôt vers le modèle des écoles Steiner qu'il faudrait se pencher. Dans le principe Steiner, les enfants sont beaucoup plus libres pendant les premières années, celles qui correspondent au primaire, durant lesquelles ils s'épanouissent sans pression, essentiellement entre jeux, découvertes et activités d'expression artistiques. Pendant cette période, les élèves de ces écoles semblent même prendre du retard par rapport à ceux du système classique. Et pourtant, on s'aperçoit que, aux environs des premières années de collège, l'enseignement dans l'école Steiner s'intensifie et les élèves rattrapent assez rapidement le retard apparent des premières années, pour finir par avoir de bien meilleurs taux de réussite à l'équivalent allemand du bac que les élèves du système public. Alors bien sûr, on peut dire que ces élèves d'écoles Steiner sont déjà au départ des élèves dont les parents s'occupent davantage, issus de familles plus aisées puisque ces écoles sont privées et coûteuses, etc. Il n'en reste pas moins que si on fait une analogie avec la formation continue, on constate que peut être dispensée en une année à des adultes une formation équivalente à presque trois ans de cours pour des étudiants. Certes parce qu'il y a un peu moins de cours de culture générale dont on suppose que les adultes ont moins besoin, mais aussi simplement parce que le cerveau de l'adulte a déjà mis en place des repères qui lui permettent de mettre en ordre et d'intégrer l'enseignement dispensé bien plus facilement que le cerveau d'un étudiant qui a besoin dans le même temps de se structurer, au fur et à mesure de son apprentissage. Il en va de même pour les jeunes enfants qui apprennent naturellement plus vite des choses abstraites comme les mathématiques une fois qu'ils ont davantage éveillé leur cerveau par d'autres biais.
Alors attention à la caricature : je dis s'inspirer de ce modèle, pas l'appliquer tel quel. Car certains élèves s'y ennuient aussi, frustrés de ne pouvoir y affûter leur intellect pendant que leurs petits copains jouent encore au barbouillage, et demandent à le quitter pour repasser vers le système classique. C'est de juste mesure dont il est encore et toujours question ici. Mais c'est bien tout le rythme d'apprentissage qui doit être repensé. Davantage d'activités d'éveil et d'épanouissement pendant le primaire, notamment les premières années, en parallèle à des matières plus intellectuelles mais dont les plus intensives sont laissées pour un peu plus tard, lorsqu'elles s'assimilent naturellement mieux. Et le tout panaché, à tout âge, d'activités de découverte de la vie réelle, des métiers manuels, de l'expression artistique, et bien sûr de sport.
Le sport est essentiel dans le bon développement d'un jeune. Tous n'aimeront pas, mais le peu de sport qu'ils feront dans leur jeunesse leur profitera toute leur vie même s'ils arrêtent d'en faire par la suite. C'est un must de santé publique que de faire du sport dans sa jeunesse. Quel sport, et avec quelle intensité ? Les supposés experts sont tout sauf d'accord entre eux. Entre ceux qui disent que trop de sport trop tôt nuit au bon développement de la croissance tandis que s'il arrive plus tard il consolide au contraire le corps, et ceux qui disent que nombre de champions précoces démontrent le contraire, ma seule conclusion est que nous ne sommes pas égaux devant le sport. C'est à chacun de trouver sa voie et son dosage. Même si, à cet âge-là, on sait bien qu'il faut savoir forcer un peu la paresse naturelle de certains. Mais un peu. Il n'est pas nécessaire de les forcer à devenir champions de quoi que ce soit si ça ne leur correspond pas.

Quidam :
Finalement, c'est un système très libre que vous prônez.

PG :
Oui par certains côtés, mais pas du tout par d'autres.
Par exemple, il faut développer un système qui permette aux élèves qui apprennent plus vite de continuer de progresser à leur rythme, tout comme ceux qui ont besoin de plus de temps doivent l'avoir. Au minimum, dans l'immédiat, il faut rétablir les classes par niveau pour en finir avec ce stupide principe d'égalité qui ne conduit qu'à un nivellement par le médiocre, laissant dériver les élèves moins rapides tout en écœurant les plus doués. Le cerveau n'est qu'un outil, plus ou moins affûté selon les gens. Il ne mesure nullement la qualité d'une personne. Apprendre lentement n'est pas une tare. Et ne l'est pas non plus le fait d'être plus doué pour le travail pratique que pour les matières intellectuelles. Changer l'attitude du corps enseignant à ce sujet améliorera grandement l'état d'esprit des élèves qui cesseront de se considérer comme des ratés dès lors qu'ils ont des difficultés en maths, avec toutes les conséquences sociales et personnelles que cela implique.
Des classes de niveau sont donc déjà une considérable amélioration. Mais idéalement, il faut aller plus loin encore : développer des cours modulables. Quand on en termine un, on passe à l'autre. Et si on rate un ou quelques modules, il faut pouvoir le ou les repasser sans avoir besoin de redoubler aussi tous les modules de l'année qui ont été bien réussis. Ce n'est pas parce qu'on peine dans un domaine qu'on doit être freiné dans les autres. Il faut parvenir à mettre au point un enseignement à la carte.
Et une telle modularité permettra aussi d'organiser différemment les congés, de façon plus libre pour chaque famille au sein de périodes ouvertes pour ce faire, ce qui contribuera aussi à réduire les traditionnels embouteillages des départs et retours de vacances. Si nous attribuons par exemple un droit à congé de dix semaines maximum par élève, dont six maximum entre la mi-juin et la mi-septembre au titre des congés d'été, un enfant d'une famille décomposée peut parfaitement passer trois semaines avec son père, et trois avec sa mère, tandis qu'un autre ne s'absentera de l'établissement que pendant trois, voire quatre, semaines de congés estivaux dont bénéficient ses parents. Fluidité, adaptabilité.

Quidam :
Grosse réforme en effet. Mais une telle modularité me semble bien difficile à mettre en œuvre.

PG :
C'est vrai... avec les méthodes actuelles. Mais ne suffit-il pas de penser à changer de siècle aussi au niveau de l'enseignement ? Expliquez-moi à quoi sert d'avoir des dizaines de milliers de profs d'histoire réinventant le même cours chaque année dans tous les collèges et lycées de France ? Alors qu'une présentation audiovisuelle, peaufinée au niveau national pour chacun des sujets prévus au programme, qui plus est avec des animations nettement moins ternes que ne peut l'être un cours magistral d'un prof devant son tableau noir, sera beaucoup plus efficace. On voit de ce type de documents historiques à la télé tous les jours, souvent sous forme de docu-fictions qui captent bien mieux l'attention des élèves. C'est tellement facile avec les technologies d'aujourd'hui. Et ce sera en plus à la longue nettement moins coûteux en personnel. Du moins pour ce qui est de la partie cours magistral.
Car le lien humain entre enseignant et élève doit demeurer. Mais il me semble plus productif qu'il n'ait lieu qu'après la diffusion de la vidéo magistrale, sous forme d'une séance de discussion et de questions-réponses sur le sujet afin de rappeler les points importants et éclaircir ceux qui auront été mal compris. C'est là qu'intervient la valeur ajoutée du professeur. Pendant qu'il favorise l'échange, l'interaction et l'assimilation. Pas pendant qu'il lit un cours comme un dictaphone. Et bien évidemment, comme il n'y a pas besoin que le professeur attende à ne rien faire durant la leçon vidéo qui peut être supervisée par un simple surveillant, pendant ce temps-là, il est disponible pour faire autre chose.
Des méthodes d'enseignement de ce type sont déjà utilisées dans les laboratoires de langues vivantes. Mais de nombreuses matières peuvent utilement en bénéficier. Imaginez ce principe appliqué à un cours de mathématique. Au lieu d'avoir une disparité très préjudiciable entre les profs qui expliquent bien et ceux qui expliquent mal, il n'y a plus qu'une présentation très détaillée et travaillée, au top de la pédagogie, et que les élèves peuvent revoir plusieurs fois si nécessaire. D'ailleurs, le prof qui explique mal selon un élève, est peut-être très apprécié d'un autre au fonctionnement intellectuel un peu différent. Alors il est tout aussi facile de prévoir trois vidéos à chaque fois, selon des pédagogies différentes, afin que l'élève qui ne comprend pas avec le cours de référence puisse recourir aux deux autres, à la recherche d'une approche pédagogique qui lui corresponde mieux.
Pour les matières qui s'y prêtent, on peut aussi avoir des exercices par vidéos interactives. Et le professeur peut alors n'intervenir que comme appui pour les élèves les plus en difficultés, que ce soit en passant de l'un à l'autre au gré de leurs besoins et de leurs questions, ou que ce soit lors de cours de soutien plus classiques. Les élèves doués cesseront de s'ennuyer en classe et avanceront à leur rythme, les élèves intellectuellement moins doués seront efficacement accompagnés pour assimiler au moins les bases que tout un chacun doit connaître, quelle que soit l'orientation qu'ils souhaitent donner à leurs études ensuite. Et si des cours d'analyse de textes demandent davantage d'échanges en direct avec un professeur, la partie magistrale de culture générale concernant l'évolution des différents courants littéraires, elle, s'accommodera fort bien de telles techniques.

Quidam :
Vous avez dit « les bases que tout un chacun doit connaître ». Reprenez-vous donc le principe du tronc commun minimal déjà avancé lors de diverses réformes ?

PG :
Bien sûr. C'est un excellent principe. Il existe un ensemble de connaissances que l'on peut estimer nécessaires pour bien vivre dans le monde d'aujourd'hui, quelque soit le type de métier qui nous intéresse. Lire, écrire, compter, un minimum de culture générale et d'instruction civique, peut-être des bases informatiques, certainement des bases d'alimentation et de cuisine, de bricolage, voire des rudiments d'hygiène et sécurité, et de médecine, etc. Puis, au delà de ce tronc commun, les élèves, sous la supervision des conseillers d'éducation, choisiront les domaines qu'ils souhaitent approfondir. Les sciences exactes pour l'un, les lettres pour un autre, un métier manuel pour un troisième, etc.
Mais à la sortie, aucun n'élève ne sera plus en échec scolaire, car chacun aura eu la possibilité de trouver sa voie. Et en fonction de sa voie, l'élève pourra ensuite suivre une formation spécialisée dans une école technique ou dans l'enseignement supérieur selon les cas, pour développer ses capacités. Cette partie-là de l'enseignement sera à rapprocher de la formation continue, même s'il n'est pas forcément souhaitable de faire des groupes communs. Par exemple simplement pour éviter les problèmes liés à la différence de maturité, notamment entre des hommes d'âge mûr et de jeunes et sexys étudiantes, voire entre des ménagères insatisfaites et des jeunes en ébullition, et vice et versa et réciproquement... inutile, je pense, de vous faire un dessin ni de lister tous les cas de figure.

Quidam :
C'est donc effectivement une remise à plat très en profondeur non seulement du système éducatif mais de l'enseignement même. Jusqu'à quel point cela changerait-il les choses pour les professeurs ?

PG :
Oh, ça changera pas mal de chose. Déjà au niveau des horaires. Ils seront à la même durée légale de travail que les autres travailleurs. Ca ne veut pas dire que tout le temps soit passé en face à face pédagogique, car les enseignants ont aussi besoin de temps de préparation, que ce soit pour les séances de questions-réponses, d'exercices et de soutien, de travaux pratiques, ou encore que ce soit pour, sinon préparer des contrôles qui peuvent l'être de façon plus centrale au niveau régional ou national, du moins en faire la correction, tant pour évaluer les élèves que pour leur expliquer leurs erreurs. Mais ça veut certainement dire être présents sur leur lieu de travail. Alors à l'évidence, sera terminée la prime à l'ancienneté du prof bien établi qui arrive à avoir tous les ans les mêmes classes et ressort tous les ans le même cours, avec le minimum de travail et le maximum de temps libre chez lui. Tout comme le principe assez incompréhensible selon lequel un prof agrégé, donc supposément meilleur au moins en savoir pur même si pas forcément en pédagogie, travaille moins tout en gagnant plus.
Autre changement : à partir du moment où les enseignants ont la même durée de travail que les autres, ils auront aussi les mêmes durées de congés. On ne deviendra plus enseignant pour le plaisir de moins travailler, mais par réelle vocation. Par contre, forcément, le salaire suivra cette évolution.
Encore un autre changement : en termes de responsabilité hiérarchique. Actuellement les enseignants ont une très grande liberté pédagogique avec des contrôles quasi inexistants. Une inspection annoncée à l'avance pour permettre à l'enseignant de s'y préparer ne peut en aucun cas être considérée comme un contrôle de ses compétences pédagogiques. Et si un prof est mauvais, voire passe ses frustrations sur les élèves en les dégoûtant des études, il n'y a actuellement pas grand chose à y faire. Ce n'est pas un fonctionnement acceptable. Tout comme il y a un médecin-chef dans un hôpital, il doit y avoir un professeur-chef, qui soit responsable de tous les aspects pédagogiques de l'établissement. Il formera donc un duo dirigeant avec le chef d'établissement qui est, lui, responsable de l'organisation et des moyens. Donc terminé les enseignants qui font ce qu'ils veulent comme ils veulent quand ils veulent, au détriment des élèves.

Quidam :
Il est vrai que de nombreux parents se plaignent de cet état de fait qui est un vrai problème. Ca fait écho à ce que vous disiez sur le côté contre-productif du statut de fonctionnaire avec garantie de l'emploi pour ce genre de métier.

PG :
Absolument.
Mais il faut un autre changement aussi au niveau des manuels scolaires. Actuellement, chaque établissement choisit les manuels qu'il veut pour enseigner les différentes matières. Au collège, ils sont fournis aux élèves, mais au lycée, c'est à la bonne volonté des conseils régionaux qui tantôt les fournissent, tantôt fournissent simplement une aide financière, voire sont libres de ne rien faire du tout. Alors si l'école doit être gratuite, les livres doivent être fournis aux élèves des lycées de la même façon qu'ils sont fournis à ceux des collèges. Ne serait-ce que parce que c'est bien plus efficace économiquement parlant.
J'ai fait une étude du cas de la région Rhône-Alpes en 2007. Cette région ne fournit pas les livres aux lycéens, mais une aide financière qui représente peu ou prou chaque année un tiers du coût neuf de ces manuels scolaires. Donc, très logiquement, cela veut dire que tous les trois ans, la région a payé un set complet de manuels par élève. Alors que ces livres durent facilement 5 ou 6 ans, voire bien plus si on en prend soin. La conclusion est assez directe : la Région Rhône-Alpes dépense par ces subventions au moins le double de ce que lui coûterait de fournir directement elle-même les manuels aux élèves. J'ai remis les détails de cette étude à des fonctionnaires de la région en charge de cette question, mais, évidemment, rien n'a changé. A la plus grande joie des associations de parents d'élèves qui voient affluer vers eux des parents forcés de s'affilier pour bénéficier soit d'une bourse d'échange soit d'un service de location des livres. C'est une manne financière essentielle pour ces associations qui du coup ne souhaitent nullement que la région change son mode opératoire, même si l'une au moins de ces fédérations a le courage de reconnaître que ce système qui leur est favorable n'est pas le meilleur pour les parents qu'ils sont censés défendre, et en demande donc, mais mollement, la modification. C'est un exemple de ce qui se passe lorsque des associations de défense d'intérêts des particuliers deviennent des institutions qui vivent pour elles-mêmes au détriment de leur mission initiale.
Mais poussons encore un peu plus cette question des livres, tant pour les collèges que pour les lycées. Actuellement, les professeurs choisissent établissement par établissement, les manuels qu'ils veulent pour enseigner. Encore chance qu'il n'y ait qu'un manuel par matière par établissement et non pour chaque prof selon sa fantaisie... On constate que tel établissement va choisir comme manuel de français un livre à 15€, tandis qu'un autre va opter pour celui à 19€. Alors logiquement, la question se pose : quelle différence de qualité y a-t-il entre ces deux manuels ? L'un est-il un enseignement au rabais ? Si ce n'est pas le cas, alors pourquoi choisir l'autre qui est plus cher ? Comme ce ne sont pas les enseignants qui payent, ils ne se préoccupent guère de ces questions. Mais les parents, eux, sont en droit de s'interroger. Ces mêmes enseignants qui passent leur temps à manifester pour un oui ou pour un non au motif qu'il faut combattre l'enseignement à « deux vitesses », nous démontrent qu'ils ne sont même pas capables de s'accorder sur ce qui constitue, selon eux, la bonne vitesse, en choisissant un même manuel pour tous les établissements du pays.
D'ailleurs, j'ai constaté que ce libre choix laissé aux enseignants favorisait, dans certaines matières comme les langues notamment, le développement du recours à des manuels à usage unique parce que prévus pour que l'élève y complète des mots ou des données dans des pages d'exercice. Non seulement ces manuels sont alors impossibles à revendre et constituent donc une charge financière maximale pour les parents, mais en plus cette pédagogie, compréhensible au primaire, m'apparaît totalement infantilisante au lycée, voire aussi au collège. Qu'en penser sinon que certains profs en sont à ne même plus pousser leurs élèves à écrire sur leurs cahiers ? Ce type d'ouvrage est bien évidemment à proscrire.

Quidam :
Je vous suis, mais comment faire mieux ?

PG :
La logique est qu'un manuel soit élaboré de façon centrale par le ministère en fonction des programmes de chaque classe, que ces livres soient imprimés à l'imprimerie nationale pour un coût défiant toute concurrence, et que tous les élèves et professeurs utilisent pour une même classe le même ouvrage, partout dans le pays. Désolé pour les éditeurs qui trouvent là un juteux marché, désolé pour les profs qui trouvent dans l'écriture des manuels une manne lucrative au titre des droits d'auteurs, mais si l'école doit être gratuite, ce n'est pas pour que divers secteurs économiques se goinfrent à ses crochets. Les professeurs souhaitant contribuer à l'élaboration de bons manuels scolaires peuvent le faire aussi bien en participant aux groupes en charge de les préparer, qu'en proposant leur propre version de manuel aux instances décisionnaires. Et il est bien clair que ce n'est pas un bénévolat qui est attendu ici et qu'ils bénéficieront du retour financier qu'ils sont en droit d'en espérer.
Mais en regardant plus loin, cette question des manuels scolaires devra de toute façon être repensée car si elle est adaptée au fonctionnement par année actuellement en vigueur, elle s'adaptera mal à un fonctionnement beaucoup plus modulaire et souple. Il faudra plus de manuels, et plus petits, plus spécialisés, correspondant à chacun des modules. Et en plus d'en fournir un à chaque élève suivant le module correspondant, il faudra qu'ils soient disponibles en ligne sur Internet, au même titre que tous les cours magistraux par vidéos, ainsi que les exercices interactifs, etc. De la sorte, cet enseignement sera ouvert et utilisable par tous les francophones du monde, quel que soit leur âge ou leur pays.
Pour ceux qui se plaignent du déclin du rayonnement de la culture française, voilà qui sera un moyen de le raviver un peu et de ressouder les liens au sein de la francophonie. Si bien que cela pourrait s'envisager comme un projet francophone, les sciences étant les mêmes sur tout le globe, même si diverses matières telles la littérature, l'histoire, la géographie, mettront des accents différents en fonction des pays. D'ailleurs, rien n'empêche que tous ces cours soient à terme également disponibles dans toutes les langues du globe afin de bénéficier à l'enseignement de par le monde. La France n'est concernée que par ses besoins propres, qu'on peut étendre à la francophonie avec la participation des pays concernés, mais l'UNESCO pourrait se sentir concerné et se mobiliser pour mondialiser un tel programme. C'est déjà cette volonté de diffuser le savoir qui a présidé à l'élaboration par Diderot et ses comparses de la première encyclopédie. Diffusion qui a d'ailleurs été fermement combattue par le pouvoir royal et religieux de l'époque, tant ceux-ci avaient conscience que le savoir affranchit. Et donc que l'éducation est aussi fatale aux régimes totalitaires, que vitale pour la pérennité d'une démocratie, ainsi que je vous le disais.

Quidam :
Voilà un projet séduisant. Mais vous étiez mitigé tout à l'heure lorsque j'ai dit que ça semblait un système très libre. Etait-ce seulement par rapport au renforcement de la cohérence nationale de l'enseignement, tant par les cours et les manuels préparés nationalement, que vous laissiez entendre une moindre liberté ?

PG :
C'est un des aspects, mais il y en a un autre encore plus fondamental : la discipline. Si ce système a pour but de favoriser l'éveil des élèves, le développement de leurs capacités propres afin qu'ils trouvent le chemin qui leur correspond le mieux, cela devra nécessairement se faire dans l'apprentissage de la vie en commun. Et donc par l'apprentissage du respect mutuel, ce qui implique de la discipline. Respect de l'autre, qu'il soit un autre élève, un enseignant, ou un employé d'entretien, aussi bien que respect des moyens matériels mis à la disposition des jeunes. Cela veut dire que les établissements scolaires doivent être sécurisés, tant par une présence adulte suffisante que par de la vidéosurveillance, qui permettra d'ailleurs aussi d'inspecter incognito les enseignants en situation réelle normale sans qu'ils puissent être en représentation exceptionnelle ce jour-là.
Le respect passe aussi par l'apprentissage de l'obéissance. On ne peut envisager de faire des séjours agricoles, ou linguistiques, ni des sorties pédagogiques ou sportives, si les élèves n'ont pas intégré l'obéissance. Obéir, ce n'est jamais que respecter les consignes qui sont données, tant pour la sécurité de chacun que pour le fonctionnement harmonieux et efficace de l'ensemble.
Ces valeurs étaient très présentes dans les années d'après-guerre, pour reprendre votre évocation de l'école des années cinquante, mais je dirais trop présentes car trop basées sur le châtiment corporel. Or cette partie-là de l'éducation doit, autant que faire se peut, être dispensée à la maison, par les parents, plutôt que par les éducateurs au sein des établissements scolaires. Lorsque l'on constate la faillite des parents en matière d'éducation, alors il peut être nécessaire de rectifier les dérives par une claque ou un coup de pied au derrière sans que cela n'ouvre matière à un procès. Il faut en finir avec l'effronterie de ces petits qui savent très bien que quoiqu'ils disent, l'enseignant n'a pas le droit de les toucher. Le gamin qui insulte un enseignant ou lui crache dessus mérite une bonne paire de claques. C'est pédagogique et je ne vois pas de problème avec ça, surtout lorsque la présence de la vidéosurveillance permet de valider la justification de la claque ou du coup de pied au derrière et donc prévenir les dérives d'adultes à la main trop leste autant que les protestations de parents trop protecteurs. Lorsque le raisonnement ne fait plus effet, il peut être nécessaire de se rapprocher du dressage.
Au lieu de ça, certains militent pour essayer de faire passer des lois visant à interdire toute sanction, non seulement physique mais aussi psychologique ! Je vous laisse imaginer ce que ça pourrait donner… Quand la psychologie rate une marche, le bon sens est bafoué. Alors à ceux que mes raisonnements choquent, je réponds qu'il vaut mieux paraître dur en redonnant à un enfant le sens de la mesure et les repères qui lui manquent que de paraître gentil mais le laisser dériver. « Qui aime bien châtie bien » dit le proverbe que je vous ai déjà cité. Cela veut dire que l'amour vous fait un devoir de trouver la pédagogie adaptée à chaque enfant. Et pour certains, malheureusement, ça doit passer par la contrainte physique.

Quidam :
C'est un peu délicat pour une maîtresse dont les élèves sont plus grands qu'elle !

PG :
Le problème ne se pose avec les grands que parce qu'ils n'ont pas été correctement élevés étant petits. Actuellement, vous avez raison, c'est un problème qui demandera une présence masculine renforcée au sein des établissements. Et il faudra le faire pour redresser la barre et éviter de laisser gâcher ainsi toute une génération. Mais à terme, les petits intègreront le respect et ne deviendront plus, en grandissant, une menace pour leurs enseignants.

Quidam :
Les enseignants se sont toujours refusés à devoir faire le travail éducatif des parents.

PG :
Et pour cause ! Ils sont, pour la plupart, comme les autres adultes : dépassés par ce job de parent qui est certainement le plus difficile au monde. Malheureusement, il est accessible à tout un chacun sur un simple coup de zigounette, comme pour n'importe quel chien de quartier. Alors il est nécessaire, pour la société, de s'assurer que les gens qui deviennent parents aient des bases éducatives suffisantes pour élever correctement leurs enfants. Car, et cela ne vous surprendra pas, nous constatons que nous sommes aussi inégaux face à la pédagogie et à l'éducation. Certains ont ça dans le sang, tandis que d'autres sont toujours à côté de la plaque. Certains savent imposer naturellement leur autorité, d'autres se font régulièrement déborder. Alors je suis désolé pour ceux qui n'en ont pas besoin, mais il y a urgence à rendre obligatoire des cours d'éducation parentale. Il faut organiser ça dans le cadre des circuits de formation continue. Et les gens qui sont des parents naturels pourront assister les éducateurs à transmettre aux adultes débordés par leur mission parentale, les bases nécessaires pour limiter les dégâts. Il n'est guère possible d'instituer un permis d'avoir un enfant, comme existe un permis de conduire qu'on obtient après avoir démontré sa capacité à conduire. Alors nous devons nous résigner à agir a posteriori, en palliatif, en apprenant aux gens qui en ont besoin à être parent.
Il n'y a pas de recette toute faite pour ça. C'est toujours spécifique à chaque paire parent/enfant. Mais il y a des principes de base faciles à transmettre, même si toujours plus compliqués à appliquer pour quelqu'un pour qui ça n'est pas naturel et spontané. Des principes de base tels que mettre l'enfant à sa place d'enfant et non pas en faire un centre du monde avec tous les adultes à ses pieds. Comment voulez-vous qu'un enfant se trouve s'il n'est pas traité en enfant ? Comment voulez-vous qu'il se construise petit à petit et naturellement s'il est de suite mis à des positions qui ne sont pas appropriées pour son âge ? Comment voulez-vous qu'il appréhende les réalités si on lui cède tous ses caprices ? L'enfant doit d'abord apprendre à être un enfant avant de devenir un adulte. Il doit apprendre à faire la différence entre ce qui est pour les enfants et ce qui est pour les adultes. Apprendre que les adultes ne sont pas ses serviteurs et qu'il leur doit respect et obéissance. Et alors seulement les adultes pourront jouer leur rôle : être des repères sur lesquels l'enfant se construit. Mais les adultes qui ne comprennent pas ça ont probablement simplement oublié de devenir vraiment adultes eux-mêmes. Cela relève de la psychothérapie, ce qui est une démarche éminemment personnelle. Du coup, la société devra se contenter d'espérer que ces cours d'éducation parentale profiteront quand même à la majorité et que globalement les enfants seront mieux élevés et mieux à même de devenir des citoyens éveillés et respectueux. Et que progressivement, au fil du temps, la conscience éducative et parentale s'ancrera davantage en chacun des citoyens.
Mais à chaque fois qu'un enfant démontrera un manque de savoir-être, il faudra que l'institution scolaire, donc la société, sache prendre le relais des carences éducatives des parents pour redresser le tir et harmoniser son comportement social.
Je précise que de tels cours d'éducation parentale seront également très profitables aux populations immigrées et contribueront à leur meilleure intégration. Lorsque les parents sont trop en marge de la société, les enfants savent en profiter pour abuser. L'exemple du gamin qui mérite une bonne fessée mais se l'évite en menaçant ses parents d'appeler SOS enfants battus et de porter plainte est assez symptomatique des aberrations que peut générer une mauvaise connaissance de la société due à une mauvaise intégration. Des parents perdus face à un système social dont ils ne se sentent pas partie prenante et qu'ils craignent faute de le connaître, c'est un mauvais contexte pour grandir dans l'équilibre.

Quidam :
Vous insistez nettement sur la séparation entre l'âge enfant et l'âge adulte. Cela renvoie à la question de ces rites de passage à l'âge adulte que vous évoquiez tout à l'heure et dont certains sociologues déplorent le manque dans notre société.

PG :
Effectivement. Il fut un temps où on était un homme quand on avait fait son service militaire. Mais celui-ci a été supprimé. Grossière erreur. Il n'aurait pas fallu le supprimer mais le faire évoluer. Selon les périodes, la durée de ce service a varié, mais d'une façon générale, on retenait du service militaire que les jeunes y apprenaient à fumer et à être plus grossiers. Il est vrai qu'il y avait un nivellement par le bas assez peu constructif. Mais il y avait aussi de bons aspects : sortir du giron familial, apprendre à vivre en collectivité, apprendre la discipline de groupe, à se prendre en charge au niveau blanchisserie, à faire son lit, prendre soin de son aspect, sans parler des manœuvres dans la nature, courses d'orientation, marches, etc. Tout cela était formateur, et le jeune avait effectivement le sentiment de passer à un autre statut après avoir vécu cela.
Alors très clairement, il faut rétablir un tel service. Mais sous forme de service civil plutôt que militaire. Il peut être amusant d'apprendre à marcher au pas, mais y passer des journées entières me semble de peu d'intérêt pour la vie civile. Apprendre à tirer ? Ca ne me parait pas indispensable pour vivre en société. Et certainement, ni distribution de cigarettes, ni encouragement à l'alcool. Cette année de service civil, obligatoire pour les garçons comme pour les filles, doit être orientée effectivement sur l'apprentissage de la vie en collectivité dans des similis casernes, avec discipline et rigueur de mise, mais en remplaçant les aspects typiquement militaires par des tâches orientées vers le bon fonctionnement et l'amélioration de la société dans laquelle le jeune se prépare à prendre sa place. Il y a donc lieu de conserver les aspects liés aux activités dans la nature, les marches, les courses d'orientation, apprendre à se repérer, etc., autant de choses qui peuvent être utiles pour la suite de la vie, en plus du côté sportif et ludique toujours profitable. Et selon les besoins, cela peut, par exemple, impliquer de participer à des chantiers de nettoyage de l'environnement.
Mais je ne suis nullement hostile à ce que certains choisissent de consacrer cette année de service à la défense nationale et aient des activités plus militaires. Pour les autres, une simple initiation à la défense sera suffisante, bien que néanmoins nécessaire puisque cela fait partie intégrante de la vie d'une société dans notre monde et ne doit donc pas non plus être complètement évacué.
Cette année de service civil doit être le prolongement de la scolarité, et donc se situer avant d'aller dans des écoles spécialisées où s'acquiert réellement le métier vers lequel on se dirige. Cela donnera, à ceux qui ne savent pas trop ce qui leur plait, une année de maturité supplémentaire avant de faire certains choix importants de leur vie. Bien entendu, pour les jeunes choisissant des voies plus appliquées et plus courtes, commençant dès le milieu de l'adolescence, cette année de service interviendra après leur formation, mais avant de se lancer réellement dans la vie active. Il est également facile d'envisager que durant cette année la plupart des jeunes apprennent à conduire, dans la mesure où le permis est également un élément important de l'intégration dans la vie active.
Par les temps qui courent, sortir les jeunes de leur nid familial, qu'il soit trop confortable ou au contraire insupportable, me semble une nécessité avant de se considérer adulte. C'est comme une année d'autonomisation autant que de socialisation avant de se lancer dans le grand bain de la vie. Eventuellement cela peut aussi servir de sevrage des jeux vidéo ou autres mauvaises habitudes addictives...
Je crois qu'il est important que le passage à l'âge adulte soit marqué par une période de ce type. Je gage qu'il en résultera des adultes plus adultes et une société moins infantile.

Quidam :
Sacré programme que tout ça. Vous disiez que l'Education Nationale ne doit pas se réformer par petite touche mais par une remise à plat complète, c'est effectivement le cas. Mais pour autant, la mise en application d'une telle réforme serait bien difficile à mettre en œuvre d'un bloc.

PG :
Vous avez raison. Ca ne peut se faire que progressivement. Lorsque je parlais de remise à plat, c'était pour redéfinir l'institution. Mais atteindre l'objectif ne pourra ensuite résulter que d'une démarche sur le long terme. Il faut aménager les établissements, les équiper en matériels adéquats, développer les supports pédagogiques, la modularité, et surtout aussi faire évoluer les enseignants et les former à ce nouveau fonctionnement. Toutefois, lorsque la destination est connue, l'accompagnement de toutes les phases de mutation est plus facile. Déjà par le simple fait qu'elles sont mieux comprises et donc plus facilement acceptées.

Quidam :
Ne croyez-vous pas qu'une telle mutation, même si nous nous accordons sur sa désirabilité, risque de déstabiliser toute une génération de jeunes dont la formation risque d'être très chaotique. N'y a-t-il pas le risque de produire une génération perdue ?

PG :
C'est amusant comme formulation. Car on entend précisément parler de « génération perdue » au sujet de tous ces jeunes qui arrivent si mal préparés dans la vie sociale et ont tant de mal à s'y intégrer. Alors pourquoi faudrait-il avoir peur d'un résultat qui existe déjà et que nous subissons tous ? Ce vaste projet d'évolution a pour but de nous sortir de cette situation. Oui ce sera complexe à mettre en œuvre, oui cela demandera des efforts de la part de tous, oui la montée en puissance sera inégale entre les établissements et les régions, mais la bonne nouvelle est que nos universités produisent chaque année d'excellents ingénieurs spécialisés en gestion de projets et qui trouveront à organiser ça au mieux. Avec une démarche volontaire, j'estime que c'est un chantier sur au moins dix ans, même s'il faudra une bonne génération pour qu'il trouve son rythme de croisière et sa pleine efficacité.
Par contre, au-delà des déséquilibres et inégalités temporaires de cette période de restructuration, il y a surtout la question des déséquilibres structurels qui perdureront par la suite. Il est relativement facile d'envisager l'intégration de plein d'activités au sein d'un grand complexe scolaire. Mais il en sera tout autrement pour une petite école de village. Qui d'ailleurs aura des avantages en terme de contact avec la nature et activités diverses qu'une école du centre de Paris ou de Toulouse n'aura pas. Alors la société, dans ce projet de réforme, aura un choix à faire : soit accepter que certaines écoles ne bénéficient pas de tout, soit décider de développer les transports scolaires pour que tout élève ait accès à un complexe scolaire complet. Je tends à penser que cette seconde solution n'est pas très réaliste dans le primaire, et qu'il vaudra mieux accepter que les différentes écoles aient des avantages spécifiques propres à la situation de chacune. Pour les lycées, clairement, il vaudra mieux favoriser les transports pour que chaque élève ait accès à un établissement aussi complet que possible. Et pour le niveau intermédiaire que sont les collèges, il faudra faire preuve de compromis et être pragmatique. Dans les trois cas, ça implique d'assouplir considérablement le principe de la carte scolaire et de l'affectation automatique sauf dérogation d'un élève à l'établissement de son secteur de résidence.

Quidam :
Dans un pays qui, ainsi que vous le disiez, a tôt fait de fustiger tout ce qui peut être qualifié d'enseignement à deux vitesses, vous aller pouvoir ressortir votre slogan de faire évoluer les mentalités.

PG :
Surtout qu'il est toujours très cocasse de voir récriminer contre une proposition qui serait à deux vitesses alors qu'à l'heure actuelle il y en a plutôt trente-six. Il serait plus constructif de constater que n'importe laquelle de ces deux vitesses du système proposé demeure plus performante que les trente six actuelles. Mais il est tellement plus confortable de s'opposer. Car reconnaître que cette réforme globale sera une sacrée amélioration force ensuite à se bousculer pour la mettre en œuvre.

Quidam :
Mais, et pour les études supérieures ? Le système vous semble-t-il aussi critiquable et autant à réformer ou bien y trouvez-vous davantage de motifs de contentement ?

PG :
Vaste programme encore que celui de la réforme de nos universités qui sont en train de sombrer progressivement. Il y a certainement une grosse marge d'amélioration du système aussi à ce niveau, mais je me bornerai, faute d'expertise suffisante pour en parler en pleine connaissance de cause, à souligner certains points relatifs aux conditions d'études.
Par exemple, l'inscription à l'université est libre, sous réserve de justifier du niveau de formation prérequis bien sûr. N'importe quel bachelier peut s'inscrire en première année de droit ou de médecine. Alors les promotions sont très chargées. Et en fin d'année, c'est là que se fait l'écrémage et que quantité d'étudiants constatent qu'ils ont fait une année pour rien. Et ce n'est qu'en deuxième année que les conditions d'études s'améliorent pour ceux qui ont vraiment la vocation pour cette filière. Si nous décrétons au contraire que les inscriptions ne sont ni libres ni gratuites, il y aura moyen de mettre en place un fonctionnement très différent. Pour les étudiants acceptés sur la base de leur dossier, donc au mérite, et dans la limite d'un numerus clausus, donc de places limitées, les études seront gratuites. Mais alors totalement gratuites : nourris au resto U et logés en cité U, sauf à ce qu'ils n'en décident autrement. Et cela veut dire aussi sans même ces petites facturations agaçantes, voire mesquines, pour des frais d'enveloppes ou des accès informatiques que pratiquent certaines facultés. Cela impliquera que les cités U gèrent leurs places en fonction du numerus clausus des facs et non plus en fonction de critères sociaux. L'étudiant en rupture de banc avec une famille aisée ne sera plus défavorisé comme actuellement en se voyant refuser un certain nombre d'avantages réservés à d'autres, peut-être moins méritants du point de vue des études, mais prioritaires de par une situation sociale familiale moins favorable. Il n'y aura donc plus de discrimination sur critère social, seul comptera le mérite aux études.
En contrepartie de cette gratuité, les étudiants sont à soumettre à une clause de dédit-formation. Pour une année gratuite en université, ils seront redevables de trois années de travail au sein de la société française, ou d'administrations ou d'entreprises françaises à l'étranger. Et je ne parle nullement d'un travail gratuit compensatoire. Non. Il s'agit juste de contribuer à la société par un travail normal, rémunéré normalement. Seule dérogation possible : un accord de l'Etat pour un projet spécifique dans une destination précise, par exemple un pays en développement auquel la France souhaite apporter son soutien par la mise à disposition de compétences spécifiques. Ou encore une autorisation d'expatriation temporaire, laissant la compensation de sa formation pour plus tard, parce que les années passées à l'étranger amènent aussi un enrichissement humain de la personne et donc de la société.

Quidam :
C'est une façon de faire payer sans faire payer, en fait.

PG :
C'est une façon d'assurer un retour sur investissement. L'objectif de cette mesure est d'arrêter de former gratuitement d'excellents médecins ou ingénieurs pour qu'ils aillent ensuite s'enrichir dans d'autres contrées qui profitent de leurs talents sans avoir eu à y investir.
De nombreux pays évitent ce problème en ayant un système d'universités payantes qui mettent un barrage financier à l'accès aux études. Je ne pense pas que ce soit ce qu'il y a de plus favorable pour une société qui œuvre à permettre à chacun de satisfaire son besoin de réalisation, et se doit, dans les limites du possible et du raisonnable, de donner sa chance à chacun et donc de permettre à chacun d'accéder aux moyens nécessaires pour ce faire, quelle que soit sa situation sociale de départ. En Amérique du Nord, par exemple, ça peut être très cher des études universitaires. Surtout dans les établissements de renom. Les anglais ont aussi des universités payantes mais contournent le problème autrement : l'université fait crédit aux étudiants ayant des moyens limités. Ca leur permet de n'avoir que leurs frais de vie à assumer le temps des études, et peut éventuellement suffire à leur éviter de recourir à des prêts étudiants auprès de banques. Mais ça les laisse quand même démarrer dans la vie avec des dettes. On y survit, mais je préfère mon système de dédit-formation. C'est un peu comme un crédit avec sursis.
Car bien entendu, qui dit clause de dédit-formation, dit possibilité de s'en libérer moyennant indemnisation de l'Etat. Si un médecin veut aller rentabiliser sa formation à l'étranger avant d'avoir compensé le coût de sa formation par suffisamment d'activité au bénéfice de la société française, alors il indemnise l'Etat pour le nombre d'années restant à compenser et sur la base de ce que coûte en moyenne une année en fac de médecine. En guise d'exemple concret, s'il a étudié 7 ans en université et exercé 6 ans en France avant de quitter le pays, il n'a compensé que 2 années, et en doit donc encore 5. Si le coût de revient d'une année d'étude en médecine, nourri et logé, est par exemple de 10'000 Euros, il doit alors 50'000 Euros pour se libérer de sa clause de dédit-formation. Voilà qui contribuera aussi à faire prendre conscience de la valeur de ce qui a été dispensé gratuitement.

Quidam :
L'idée n'est pas mauvaise, tant ce problème fait débat dans divers autres pays, comme par exemple en Belgique où les autorités s'inquiètent de voir leurs facultés remplies d'étudiants français qui en saturent les capacités.

PG :
Oui, c'est encore un point où l'Europe a mis la charrue avant les bœufs. Les belges doivent accepter les étudiants français, mais n'ont pas de financement en contrepartie. C'est totalement illogique. L'adoption d'un tel principe de dédit-formation leur permettrait de résoudre le problème.
Mais il faut une mesure complémentaire à ce système. Le numerus clausus et l'acceptation au mérite, ça a aussi ses limites et peut conduire à écarter des étudiants ayant un mauvais dossier initial mais une vraie vocation. Alors, il faut aussi un deuxième statut étudiant en parallèle : le surnuméraire, où l'étudiant se débrouille de son logement, de sa nourriture, et paye le coût de son année universitaire. Peut-être y aura-t-il quand même des chambres de libres en cité U lorsque nous aurons fait l'effort d'en avoir suffisamment pour pouvoir satisfaire plus que les 15% de la demande actuelle, mais pour l'étudiant surnuméraire, elles seront payantes. Ce statut permettra aux étudiants refusés mais qui croient en eux de s'inscrire néanmoins. Ils disposeront alors d'une chance de faire leurs preuves, et si leurs résultats sont bons, en passant en deuxième année, ils basculeront dans le statut de la gratuité. Leur dossier trop médiocre pour l'admission en première année leur aura coûté une année à leurs frais, mais puisqu'ils auront prouvé leurs aptitudes, il n'y a pas de raison de les laisser durablement dans ce statut payant.
A l'inverse, un étudiant accepté dans le numerus clausus qui échoue au cours d'une année de son cursus, peut bénéficier d'une seconde chance, même si cela implique le rallongement de trois ans de son obligation de compensation au titre du dédit-formation. Mais s'il échoue une deuxième année au cours de son parcours, là, il bascule sur le statut des étudiants payants. Un bon dossier au départ doit s'accompagner d'aptitudes confirmées par les résultats. A défaut, la société cesse son investissement sur la personne.

Quidam :
Je crois que les premières années de droit et de médecine, typiquement très encombrées, le seraient beaucoup moins.

PG :
Surtout qu'à l'heure actuelle, les facultés sont encombrées de faux étudiants, inscrits en fac faute de trouver mieux à faire, et qui sont en fait plutôt de vrais chômeurs bien que non inscrits au Pôle Emploi. Avec l'organisation du plein emploi, ce phénomène disparaîtra aussi naturellement pour ne laisser dans les universités que ceux cherchant vraiment à acquérir un niveau d'études plus élevé.

Quidam :
D'un autre côté, les quotas imposés par ce principe de numerus clausus posent le problème de la bonne anticipation des besoins futurs. Il y a un risque d'inadéquation.

PG :
C'est vrai si on considère ce numerus clausus comme servant à répondre à nos besoins futurs en évitant un investissement excessif en formation dans des domaines où il manque déjà de débouchés, ça l'est beaucoup moins si on le considère avant tout comme une façon de préserver la qualité de l'enseignement. Ce n'est pas du tout le même problème d'avoir un amphithéâtre plein d'étudiants en sciences humaines ou sociales que d'avoir la même chose en chimie ou en physique. Dans le second cas, il faut prévoir suffisamment de laboratoires pour permettre à tous ces étudiants en sciences de faire les travaux pratiques indispensables à leur formation. Dans le premier, c'est plus une question de simplement avoir une grande bibliothèque universitaire. Les moyens en jeu ne sont pas du tout les mêmes. Et la dégradation de la qualité de l'enseignement du fait de la surcharge en étudiants non plus. Du coup, le numerus clausus sera forcément plus draconien en sciences exactes qu'en littérature ou en histoire par exemple.
Ceci dit, préserver la qualité de l'enseignement ne doit pas conduire à former trop peu d'étudiant. Il s'agit d'adapter le nombre d'étudiants aux moyens disponibles, pas de réduire la capacité de formation de l'enseignement supérieur. Et la question d'avoir suffisamment de moyens pour assurer une légère surproduction de compétences par rapport aux besoins prévisionnels de la société est effectivement importante.

Quidam :
Et pour les étudiants étrangers, je veux dire ceux ne venant pas de l'Union Européenne, puisqu'ils n'auraient pas de possibilité de travailler ensuite en France pour compenser le dédit-formation, ils seraient nécessairement considérés surnuméraires ?

PG :
Ca dépend. L'étudiant lambda oui. Mais celui qui viendra au titre d'accords d'aide à des pays ne bénéficiant pas d'un système universitaire suffisant pour former ses élites, pourra, si son dossier fait état d'un mérite académique suffisant, rentrer dans le cadre d'un numerus clausus étranger, peut-être gratuit, peut-être partiellement payés par son pays ou par lui-même. Tous les cas sont envisageables selon les accords qui seront passés avec les pays concernés. Par contre, ceux qui seront en inscription surnuméraire devront obligatoirement, préalablement à leur entrée sur le territoire, justifier qu'ils disposent des ressources nécessaires pour faire face à leurs besoins financiers durant leur cursus d'étude. Les voir prendre d'assaut les bureaux des assistantes sociales des CROUS parce qu'ils arrivent sans rien en s'imaginant que la France va les prendre en charge, avant de s'apercevoir que ce n'est pas forcément le cas et de contribuer à créer davantage de situations misérables dans notre pays, n'est simplement plus acceptable.

Quidam :
Ces étudiants ne sont jamais que victimes des mêmes illusions que celles qui poussent toujours plus d'immigrés à venir en France et en Europe. Mais ne peut-il aussi être prévu, au titre de la lutte contre la misère, que les étudiants pauvres de pays pauvres, non soutenus par leurs gouvernements, peut-être pour des problèmes de discrimination ethnique fréquents en Afrique, ou pour des motifs d'opposition politique, ou de corruption, puissent aussi bénéficier d'une chance de s'en sortir par les études grâce à un peu de générosité de la France ?

PG :
On ne va pas relancer le débat sur le fait que la France ne peut prendre en charge toute la misère du monde, mais effectivement, cet aspect de l'aide que nous pouvons apporter à des pays moins développés ne doit pas être négligé, et ce d'autant plus que l'éducation est la seule qui soit durablement constructive pour eux, aussi bien au niveau national qu'au niveau du pays dans son ensemble. C'est pourquoi j'ai en tête une disposition qui peut, en partie au moins, répondre à votre attente.
Même si l'année d'étude est gratuite pour les étudiants du numerus clausus, favoriser la possibilité de gagner un peu leur vie par divers jobs me paraîtrait une bonne chose. Et sans vouloir jouer les maoïstes, je crois que pour des intellectuels, le travail de la terre serait équilibrant. C'est pourquoi il ne me paraîtrait pas incongru de calquer le rythme universitaire sur les pics de besoins de main d'œuvre du monde agricole. Ramassage des fruits, des légumes, vendanges… Voilà des petits jobs utiles pour la société puisque notre nourriture en dépend, pas toujours faciles à pourvoir parce que représentant des pics ponctuels, et qui seraient aptes à fournir des revenus aux étudiants. Dès lors, des étudiants étrangers pauvres pourraient eux aussi, sous réserve d'être légalement admis au titre d'un visa étudiant, trouver là de quoi assurer le nécessaire vital pour poursuivre leurs études.


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